Résiliation de bail commercial : enjeux de la clause résolutoire et contestations des obligations locatives.

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Résiliation de bail commercial : enjeux de la clause résolutoire et contestations des obligations locatives.

L’Essentiel : La société MOURINOUX IMMOBILIER a engagé une procédure judiciaire contre la société INTERGLACE pour loyers impayés, s’élevant à 36.184,79 euros. Malgré un commandement de payer délivré le 5 janvier 2023, le bailleur a demandé la résiliation du bail et l’expulsion du preneur. Lors des audiences, le juge a examiné la validité des contestations du preneur concernant la jouissance des locaux, mais a jugé ces arguments insuffisants pour justifier le non-paiement. Finalement, le tribunal a rejeté les demandes du bailleur et déclaré irrecevables celles du preneur, laissant chaque partie responsable de ses propres dépens.

Contexte du litige

La société MOURINOUX IMMOBILIER a conclu un bail commercial avec la société INTERGLACE le 25 mars 2013 pour des locaux situés dans un ensemble immobilier. Ce bail a été tacitement prorogé depuis le 31 décembre 2021. Cependant, des loyers dus, en raison d’une clause d’indexation, sont restés impayés.

Commandement de payer

Le 5 janvier 2023, le bailleur a délivré un commandement de payer à la société locataire, réclamant la somme de 36.184,79 euros pour loyers impayés. Suite à cela, le 17 octobre 2023, le bailleur a assigné le preneur en justice, demandant la résiliation du bail et l’expulsion de la société INTERGLACE.

Audiences et demandes des parties

L’affaire a été renvoyée à plusieurs audiences, notamment le 24 janvier 2024 et le 19 juin 2024. Lors de cette dernière, le bailleur a soutenu que la clause résolutoire était acquise depuis le 6 février 2023, tandis que le preneur a demandé une médiation judiciaire et a contesté les demandes du bailleur.

Compétence du juge des référés

Le juge des référés a examiné la compétence à statuer sur la demande de résiliation du bail. Bien qu’il ne puisse pas prononcer la résiliation, il peut constater la résolution du contrat si les conditions de la clause résolutoire sont remplies. Le bailleur a demandé la constatation de cette résolution au 6 février 2023.

Contestation des obligations

Le preneur a contesté le caractère non sérieusement contestable de l’obligation de paiement, évoquant des manquements du bailleur concernant la jouissance paisible des locaux. Le juge a noté que ces contestations ne constituaient pas des arguments valables pour justifier le non-paiement des loyers.

Demande de provision

Le bailleur a également demandé une provision pour les loyers impayés, mais le juge a estimé que l’existence de la créance n’était pas non sérieusement contestable, en raison des contestations soulevées par le preneur concernant les charges et les justificatifs.

Conservation du dépôt de garantie

La demande du bailleur de conserver le dépôt de garantie a été rejetée, car elle n’était pas fondée sur une clause du bail mais sur un préjudice hypothétique non prouvé.

Demandes reconventionnelles

Les demandes reconventionnelles de la société INTERGLACE, visant à désigner un expert judiciaire et à ordonner la consignation des loyers, ont été déclarées irrecevables, car elles ne se rattachaient pas aux prétentions originaires du bailleur.

Décision finale

Le tribunal a rejeté les demandes du bailleur, déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles du preneur, et a laissé chaque partie responsable de ses propres dépens, sans indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge des référés dans le cadre d’une demande de constatation de la clause résolutoire ?

Le juge des référés est compétent pour constater la résolution d’un contrat, y compris dans le cadre d’un bail commercial, lorsque la clause résolutoire est clairement stipulée dans le contrat et que les conditions de son application sont remplies.

Conformément à l’article 834 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans tous les cas d’urgence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

De plus, l’article L. 145-41 du code de commerce précise que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Dans cette affaire, le bailleur a demandé la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, un mois après la délivrance du commandement de payer, ce qui est conforme aux dispositions du bail.

Ainsi, le juge des référés a la compétence pour constater la résolution du contrat, à condition que le défaut de paiement soit manifestement fautif et que la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté.

Quelles sont les conditions d’application de la clause résolutoire dans un bail commercial ?

Les conditions d’application de la clause résolutoire dans un bail commercial sont clairement définies par le code de commerce et le code de procédure civile.

L’article L. 145-41 du code de commerce stipule que la clause résolutoire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Ce commandement doit mentionner ce délai, ce qui est le cas dans cette affaire.

De plus, pour que le juge des référés puisse constater la résiliation de plein droit du bail, il doit s’assurer que :

– Le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer soit manifestement fautif.

– Le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause.

– La clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas d’interprétation.

Dans le cas présent, le bailleur a démontré que le preneur n’avait pas contesté le montant des loyers impayés, ce qui a permis de conclure à l’acquisition de la clause résolutoire.

Quelles sont les implications de l’exception de compensation dans le cadre d’une demande de référé ?

L’exception de compensation peut avoir des implications significatives dans le cadre d’une demande de référé, car elle peut constituer une contestation sérieuse de l’obligation de paiement.

Selon les articles 1348 et suivants du code civil, la compensation judiciaire peut être invoquée même si elle n’est pas connexe à la demande principale. Cela signifie que le preneur peut faire valoir qu’il a des créances contre le bailleur qui pourraient réduire ou annuler sa dette.

Dans cette affaire, le preneur a soutenu qu’il avait régulièrement payé des provisions sur charges qui n’avaient pas été justifiées par le bailleur.

Cette contestation a été jugée sérieuse, car le bailleur n’a pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer l’existence non contestable de sa créance.

Ainsi, l’exception de compensation a conduit à un rejet des demandes de constatation de la clause résolutoire et des demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation.

Quelles sont les conséquences de l’absence de justification des charges locatives par le bailleur ?

L’absence de justification des charges locatives par le bailleur peut avoir des conséquences importantes sur la validité de ses demandes en justice.

L’article R145-35 du code de commerce stipule que tout locataire a le droit de se voir communiquer tout document justifiant du montant des charges, impôts, taxes et redevances qui lui sont imputées.

De plus, la loi impose au bailleur de fournir chaque année un état récapitulatif des charges, ce qui n’a pas été respecté dans cette affaire.

En conséquence, le bailleur n’a pas pu prouver l’existence non sérieusement contestable d’une créance à l’égard du preneur, ce qui a conduit à un rejet de sa demande de provision pour les arriérés de loyers.

Ainsi, l’absence de régularisation des charges peut également conduire à un remboursement des provisions versées par le preneur, renforçant sa position dans le litige.

Comment le juge des référés évalue-t-il les demandes de provision ?

Le juge des référés évalue les demandes de provision en se basant sur l’existence non sérieusement contestable de l’obligation alléguée.

Conformément à l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge peut accorder une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision allouée n’a d’autre limite que le montant non contestable de la dette alléguée.

Dans cette affaire, le juge a constaté que les sommes réclamées par le bailleur, notamment au titre des arriérés de loyers, étaient contestées par le preneur, qui a soulevé des exceptions de compensation et des manquements du bailleur.

Par conséquent, le juge a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur la demande de provision, car la créance du bailleur n’était pas établie de manière incontestable.

Quelles sont les conséquences des demandes reconventionnelles dans le cadre d’une instance en référé ?

Les demandes reconventionnelles dans le cadre d’une instance en référé doivent être étroitement liées aux prétentions originaires pour être recevables.

L’article 64 du code de procédure civile définit la demande reconventionnelle comme celle par laquelle le défendeur prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

Dans cette affaire, la demande reconventionnelle du preneur, qui visait à désigner un expert judiciaire pour examiner des désordres dans les locaux, a été jugée irrecevable.

Cela s’explique par le fait que cette demande était totalement décorrélée de la prétention originelle du bailleur, qui portait sur la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire.

Ainsi, le juge a rejeté la demande reconventionnelle, soulignant l’importance de la connexion entre les demandes pour leur recevabilité dans le cadre d’une instance en référé.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

REFERES

ORDONNANCE DE REFERE RENDUE LE 09 Janvier 2025

N°R.G. : 23/02484
N° Portalis DB3R-W-B7H-Y24G

N° Minute :

S.A.R.L. MOURINOUX IMMOBILIER

c/

S.A.S. INTERGLACE [Localité 6]

DEMANDERESSE

S.A.R.L. MOURINOUX IMMOBILIER
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Adeline TISON de l’AARPI ROOM AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : J152

DEFENDERESSE

S.A.S. INTERGLACE [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Sandra BARBOSA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0705

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : David MAYEL, Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffiers : Esrah FERNANDO, lors des débats et Flavie GROSJEAN, lors de la mise à disposition

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 19 juin 2024, avons mis l’affaire en délibéré au 23 août 2024, délibéré prorogé à ce jour :

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 25 mars 2013, la société MOURINOUX IMMOBILIER, in fine, a donné à bail commercial à la société INTERGLACE [Localité 6] (INTERGLACE), des locaux sis dans un ensemble immobilier intitulé « La résidence [Adresse 5] » au [Adresse 2] à [Localité 4]. Le bail se poursuit par tacite prorogation depuis le 31 décembre 2021.

Des parties d’échéances de loyers, correspondant à la clause d’indexation présente au bail, sont restés impayées.

Par acte d’huissier de justice du 5 janvier 2023, le bailleur a fait délivrer à la société locataire un commandement de payer, visant la clause résolutoire stipulée dans le bail, pour une somme de 36.184,79 euros, au titre des loyers impayés au 1er janvier 2023.

C’est dans ces conditions, que par acte du 17 octobre 2023, le bailleur a assigné le preneur. Il sollicite de voir, dans le dernier état de ses conclusions :
« juger que le bail commercial du 25 mars 2013 est résilié, par application de la clause résolutoire, du fait de l’absence total de paiement des arriérés de loyers dus, et non contestés dans le cadre de l’opposition faite devant le Juge du Fond, depuis la délivrance du commandement d’huissier du 5 janvier 2023 »,ordonner l’expulsion des lieux du preneur et celle de tout occupant de son chef,condamner le preneur à lui payer :par provision, la somme de 221.729,88 euros au titre d’indemnité d’occupation provisionnelle annuelle, ou à défaut, d’un montant de 73.909,96 € HCHT automatiquement indexé selon les termes du bail, jusqu’à la complète libération des lieux,par provision, la somme de 60.800,51 euros, au titre des arriérés de loyers, arrêtés au mois de juin 2024,une indemnité de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,juger qu’il est autorisé à conserver le dépôt de garantie, « pour compenser le préjudice subi du fait de l’état des locaux et des pertes de loyer durant la remise en état »,condamner le preneur aux entiers dépens.
L’affaire, appelée à l’audience du 24 janvier 2024, a été renvoyée à l’audience du 19 juin 2024.

A l’audience du 19 juin 2024, le conseil du bailleur a soutenu les termes de ses conclusions en réponse. Il a ajouté demander de voir « juger que la clause résolutoire est acquise depuis le 6 février 2023 ». Il s’est oralement opposé aux prétentions adverses.

Le conseil du preneur a soutenu ses conclusions n°2 par lesquelles il demande :
avant-dire droit, prendre acte que le preneur est d’accord pour qu’une mesure de médiation judiciaire soit ordonnée,à titre liminaire, se déclarer incompétent pour statuer sur tout ou partie des demandes de la société bailleresseà titre provisionnel, désigner un expert judiciaire, condamner le bailleur à faire l’avance des frais d’expertise par provision et ordonner que les loyers et charges soient consignés par la société INTERGLACE auprès de la CARPA du barreau de Thonon-Les-Bains,en tout état de cause, débouter la société bailleresse de toutes ses demandes, la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers de l’instance, avec distraction.

MOTIFS

Il convient à titre liminaire de rappeler que la demande de voir le juge des référés « prendre acte » de l’accord du preneur pour une médiation ne constitue pas une prétention au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, dès lors que ce point n’est développé en droit et en fait ni dans les conclusions ni dans la plaidoirie du conseil du défendeur et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer sur ce point, le juge n’en étant pas saisi, s’agissant d’un simple moyen de défense visant à protester de la bonne foi du preneur dans le conflit l’opposant au bailleur.

Sur la compétence de la juridiction des référés

Le preneur expose que d’abord dès lors que le bailleur sollicite de voir juger que le bail commercial doit être résilié, une telle demande relève du juge du fond.

Le bailleur soutient que dès lors qu’il sollicite de voir acquise la clause résolutoire visée au bail, le juge des référés est compétent pour connaître de sa demande.

Sur ce, il faut observer que s’il ne rentre en effet pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la résiliation d’un bail, notamment au vu de manquements commis par le preneur, il peut en revanche constater la résolution du contrat, à la date fixée par les parties, par le jeu d’une clause y figurant.

En l’espèce, le bailleur sollicite de voir constater la résolution du contrat au 6 février 2023, correspondant à l’acquisition de la clause résolutoire, un mois après la délivrance du commandement de payer, conformément aux dispositions du bail.

Il en résulte donc que le juge des référés est compétent pour connaître d’un tel litige.

Le preneur soutient ensuite que dès lors que cette demande est fondée sur une obligation qui apparaît sérieusement contestable, la partie bailleresse « devra être invitée à mieux se pourvoir au fond ».

Ce moyen, qui vise en réalité à dire que les conditions d’application de l’article 835 alinéa 2 ne sont pas réunies en l’espèce, ne saurait s’analyser en une exception d’incompétence mais comme une défense visant à voir dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la partie adverse.

Le moyen tiré de l’incompétence de la juridiction des référés sera donc rejeté.

Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes qui en découlent

Conformément à l’article 834 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans tous les cas d’urgence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai, ce qui est le cas en l’espèce.

Le bailleur, au titre d’un bail commercial, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire comprise dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.

Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :
– le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
– le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation ;

En l’espèce, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.

L’arriéré visé au commandement de payer signifié le 5 janvier 2023 se décompose comme suit :
– 36.184,79 euros, au titre des loyers impayés au 1er janvier 2023,
– 3.618,47 euros, au titre de la clause pénale,
– 274,40 euros au titre de coût de l’acte.

S’agissant d’une somme d’argent, pour recevoir son effet avec l’évidence requise en référé, l’existence de l’obligation ne doit pas être sérieusement contestable, conformément aux dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.

En l’espèce, il est constant qu’il convient à titre liminaire d’écarter les sommes au titre de la clause pénale et du coût de l’acte, insusceptible de permettre l’acquisition de la clause résolutoire.

S’agissant de la somme de 36.184,79 euros, le bailleur expose qu’il s’agit d’un manquement partiel de paiement du loyer, dont le montant correspond à l’absence de prise en compte de l’indexation du prix du loyer, en application de la clause d’échelle mobile comprise dans le bail. Le preneur n’en disconvient pas.

Pour dire néanmoins que l’obligation est sérieusement contestable, il évoque tout à la fois et notamment :
des manquements du bailleur, relatifs tant à son obligation de délivrance et de garantie d’une jouissance paisible des locaux donnés à bail, qu’aux stipulations mêmes des clauses du bail commercial,le caractère contestable des sommes sollicités,la mise en œuvre déloyale et de mauvaise foi de la clause résolutoire.
S’agissant des premières, elles ne peuvent constituer des contestations sérieuses dès lors que, comme le relève le bailleur, il ne lui appartenait pas de procéder aux travaux de rénovation. Le fait que le bail contienne une clause de substitution, permettant au bailleur de faire l’avance des frais en cas d’inaction du bailleur, ne saurait à l’évidence permettre de caractériser une faute de ce dernier, de nature à justifier le non-paiement de la somme visée au commandement de payer.

Pour les mêmes raisons, ces motifs ne peuvent caractériser « la mise en œuvre déloyale et de mauvaise foi de la clause résolutoire » qu’allègue le preneur. Par ailleurs, le fait que des pourparlers aient été engagés, sans aboutir, entre les parties ne constituent pas davantage, à l’évidence, une mauvaise foi du bailleur, dont il n’est justifié ni d’une volonté de fraude ni d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer à se prévaloir de l’acquisition de la clause résolutoire, au sens des articles 1103 du code civil et L. 145-41 du code de commerce.

S’agissant du caractère contestable des sommes sollicitées, le preneur avance s’être régulièrement acquitté des provisions sur charges, qui n’ont jamais fait l’objet de justificatifs et dont il apparaît au contraire, qu’elles sont, au moins en parties, payées par un tiers.

Il produit à cette fin :
le bail signé entre les parties qui mentionnent que « le BAILLEUR effectuera un arrêté annuel des comptes. En conséquence, il s’engage à fournir au PRENEUR un décompte exact des charges locatives pour l’année écoulée »,une correspondance adressée au mandataire de la bailleresse rappelant payer depuis septembre 2013, 558 euros mensuels de charges qui n’ont jamais fait l’objet de justificatifs, pourtant déjà réclamés en vain,une correspondance du 12 février 2021 du gérant de la société défenderesse indiquant « que les charges ne seront plus payées jusqu’à ce qu’on ai le service minimum requis par l’exorbitant montant des charges »,une correspondance du 29 mars 2022 du conseil de la société INTERGLACE à son confrère représentant les intérêts du bailleur, rappelant « la problématique du chauffage et des charges » et indiquant que faute d’action, le preneur « n’aura d’autres solutions que de consigner les loyers »,d’autres correspondances mentionnant que le chauffage serait en réalité pris en charge par la copropriété voisine.
Contrairement à ce qu’indique le bailleur, le simple fait que le montant retenu correspondance à l’absence d’indexation du loyer et non pas aux charges est sans incidence, le loyer constituant un tout qui ne peut être artificiellement partitionné.

Sur ce point, le moyen opposé par le preneur s’analyse en une exception de compensation judiciaire, prévues par les articles 1348 et suivants du code civil, et dont il est jugé qu’elle peut s’opérer au moyen d’une demande reconventionnelle toujours recevable, même si elle n’est pas connexe à la demande principale, ou ne procède pas de la même cause que celle-ci (Civ. 1re, 17 déc. 1991, no 90-12.191, Bull. civ. I, no 355, JCP 1992. IV. 620). La preuve de l’existence d’une possibilité de compensation judiciaire constitue, au stade du référé, une contestation sérieuse, au sens de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.

Force est de constater que la société demanderesse, qui a fait le choix d’assigner en référé en dépit d’une situation à l’évidence complexe, n’a jamais répondu à cette question des charges non justifiées et ne produit aucun document à ce titre.

Au contraire, le bailleur confirme l’existence d’une « servitude de chauffage légale », le chauffage au sol du commerce exploité par le preneur étant branché sur la copropriété voisine, qui en règle les factures.

Les avances sur charge payées par le preneur excèdent largement la somme réclamée au titre du commandement de payer ou même de la provision réclamée lors de l’audience.

L’exception de compensation invoquée, in fine, en défense, constituant donc une contestation sérieuse il n’y a pas lieu à référé sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire, ni sur les demandes qui en découlent d’expulsion et d’indemnité d’occupation.
Sur les demandes de provision

Conformément à l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant, la provision n’ayant pas pour objet de liquider le préjudice de façon définitive mais d’indemniser ce qui dans ce préjudice est absolument incontestable.

Sur la provision au titre des loyers, charges et accessoires impayés
Pour les mêmes raisons que supra, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du bailleur de voir condamner le preneur par provision, à lui payer la somme de 60.800,51 euros, au titre des arriérés de loyers, arrêtés au mois de juin 2024.

Il y a en effet lieu de rappeler qu’il se déduit de l’article R145-35 du code de commerce que tout locataire a le droit de se voir communiquer tout document justifiant du montant des charges, impôts, taxes et redevances qui lui sont imputées ; que la loi impose au bailleur de communiquer au locataire, chaque année, un état récapitulatif de l’inventaire des catégories de charges, mentionné ou intégré au bail ; que l’absence de régularisation peut également conduire le bailleur à rembourser les provisions versées faute pour ces paiements d’être justifiés.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le bailleur ne démontre pas avec l’évidence requise en référé, l’existence non sérieusement contestable d’une créance de la part du preneur.

Il sera par conséquent dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision.

Sur la conservation du dépôt de garantie
En l’espèce, la demande du bailleur visant à conserver le dépôt de garantie n’est pas motivée par l’application d’une clause du bail mais « pour compenser le préjudice subi du fait de l’état des locaux et des pertes de loyer durant la remise en état ».

Ce préjudice hypothétique et par conséquent non démontré est à l’évidence insusceptible de caractériser l’existence non sérieusement contestable d’une créance de la part du preneur, qui justifierait ladite compensation, de sorte qu’il sera dit n’y avoir lieu à référé sur cette demande.

Sur les demandes reconventionnelles de la société INTERGLACE

Le preneur sollicite de voir désigner un expert judiciaire, condamner le bailleur à faire l’avance des frais d’expertise par provision et ordonner que les loyers et charges soient consignés par la société INTERGLACE auprès de la CARPA du barreau de Thonon-Les-Bains.

L’article 63 du code de procédure civile énonce que les demandes incidentes sont : la demande reconventionnelle, la demande additionnelle et l’intervention. L’article 64 dudit code définit la demande reconventionnelle comme la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Selon l’article 70 dudit code les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l’espèce la prétention originaire consiste en la constatation de l’acquisition d’une clause du contrat signé entre les parties, les loyers étant payés partiellement, et des demandes subséquentes, tant en expulsion sur le fondement de l’article 834 du code de procédure civile, que provisionnelles, sur le fondement de l’article 835 dudit code.

La demande reconventionnelle est totalement décorrélée de cette prétention originaire puisqu’elle vise, au principal, à la désignation d’un expert judiciaire dans le cadre d’une mesure d’instruction fondée sur l’article 145 du code de procédure civile pour « examiner les désordres, malfaçons et non-conformités mentionnés » dans un acte vieux de quatre ans.

Elle sera donc déclarée irrecevable.
Sur les demandes accessoires
L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est en principe condamnée aux dépens. Aucune partie ne pouvant être regardée comme perdante au sein de la présente instance, dès lors que tant le preneur que le bailleur ont vu l’ensemble de leurs moyens rejetés, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation.
Pour les motifs exposés supra et par équité, il sera dit n’y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejetons le moyen tiré de l’incompétence de la juridiction des référés soulevé par la société INTERGLACE [Localité 6],

Disons n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes de la société MOURINOUX IMMOBILIER,

Déclarons irrecevables les demandes reconventionnelles de la société INTERGLACE [Localité 6],

Laissons à chacune des parties la charge des dépens qu’elle a exposés,

Disons n’y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejetons les demandes plus amples ou contraires des parties.

FAIT À NANTERRE, le 09 Janvier 2025.

LE GREFFIER,

Flavie GROSJEAN, Greffier

LE PRESIDENT.

David MAYEL, Vice-président


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