L’Essentiel : Monsieur [E] [M] a signé un bail commercial avec la S.A.R.L. [7] RESTAURANT pour neuf ans, à compter du 1er août 2007, avec un loyer annuel de 29 652 € HT. Suite à la liquidation de NOCOTI, le fonds de commerce a été cédé à la S.A.S. LA FONDA 2. Des plaintes pour nuisances olfactives ont conduit à des inspections sanitaires, révélant des infractions. Malgré l’installation d’un système DSO, des problèmes de conformité ont persisté. Le tribunal a reconnu les manquements du bailleur, ordonnant une réduction de loyer et condamnant la locataire à régler des arriérés.
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Constitution du bail commercialMonsieur [E] [M] a signé un bail commercial avec la S.A.R.L. [7] RESTAURANT pour une durée de neuf ans à partir du 1er août 2007, concernant des locaux à [Localité 4]. Le loyer annuel était fixé à 29 652 € HT, destiné à des activités de restauration et de traiteur. Liquidation judiciaire et cession du fonds de commerceSuite à la liquidation judiciaire de la société NOCOTI, le mandataire liquidateur a cédé le fonds de commerce à la S.A.S. LA FONDA 2, avec l’accord du bailleur, le 17 mars 2017. Problèmes de nuisances olfactivesDes plaintes ont été déposées par le voisinage concernant des odeurs de cuisine. Monsieur [M] a demandé à la locataire de remédier à ce problème en installant un système destructeur d’odeurs (DSO). Constatations d’infractions sanitairesUn inspecteur de salubrité a constaté, lors d’une visite en septembre 2019, des infractions aux règlements sanitaires, notamment l’absence d’une hotte conforme et d’un système d’évacuation d’air adéquat. La mairie a demandé à la locataire de régulariser la situation dans un délai de deux mois. Procès-verbal d’infractionUn nouveau contrôle en septembre 2020 a révélé la persistance des nuisances et l’absence de travaux de mise en conformité, entraînant l’établissement d’un procès-verbal d’infraction notifié à la locataire en novembre 2020. Assignation en justiceLe 24 décembre 2020, la S.A.S. [8] a assigné Monsieur [E] [M] devant le tribunal, demandant des indemnités pour le prix d’acquisition de son fonds de commerce, des travaux effectués et une réduction de loyer. Installation d’un système DSOLa S.A.S. [8] a installé un système DSO en octobre 2021, mais a continué à faire face à des problèmes de conformité avec les règlements sanitaires. Conclusions des partiesDans ses conclusions, la S.A.S. [8] a demandé des compensations financières et une expertise pour évaluer les dommages. Monsieur [M] a contesté les demandes de la locataire et a réclamé le paiement d’arriérés de loyer. Décision du tribunalLe tribunal a statué sur les manquements du bailleur à son obligation de délivrance, reconnaissant que les locaux n’étaient pas conformes à leur destination. Il a ordonné une réduction de 10% du loyer à partir de septembre 2020 et a condamné le bailleur à restituer une partie des loyers perçus. Indemnités et frais de procédureLe tribunal a rejeté la plupart des demandes d’indemnisation de la locataire, tout en condamnant celle-ci à payer un arriéré de loyers à Monsieur [M]. Les frais de procédure ont été laissés à la charge de chaque partie. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le manquement à l’obligation de délivrance du bailleur ?Le manquement à l’obligation de délivrance du bailleur est caractérisé par l’absence d’un système d’extraction des fumées conforme aux normes, ce qui empêche la locataire d’exercer son activité de restauration. L’article 1719 du Code civil stipule que : « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. » Dans cette affaire, le bail prévoit que les locaux sont destinés à la « restauration », et l’absence d’un système d’extraction conforme constitue un manquement à cette obligation. Il est également précisé que le bailleur ne peut s’exonérer de cette obligation en arguant que le locataire a pris les lieux en l’état, car cela ne dispense pas de fournir un bien conforme à sa destination. Quelles sont les conséquences de ce manquement sur le loyer ?Le manquement à l’obligation de délivrance a conduit à une réduction du loyer, car la locataire a subi une privation partielle de la jouissance des lieux. L’article 1231-7 du Code civil, qui remplace l’ancien article 1153-1, stipule que : « Le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution. » Dans ce cas, le tribunal a décidé d’appliquer une réduction de 10% du loyer contractuel, en raison de l’impossibilité d’exercer l’activité de restauration dans les locaux loués. Cette réduction s’applique à partir de septembre 2020, date à laquelle la locataire a commencé à signaler les problèmes au bailleur. Le tribunal a également ordonné la restitution d’une somme équivalente à 10% des loyers payés depuis cette date, qui produira des intérêts au taux légal à compter du jugement. Quelles sont les obligations de la locataire en matière de travaux ?La locataire a l’obligation de réaliser les travaux nécessaires à l’exercice de son activité, conformément aux clauses du bail. L’article 6 du bail stipule que : « Le preneur s’engage à respecter toutes les normes applicables à son activité. » Cela inclut la prise en charge des travaux de mise aux normes. Cependant, le tribunal a noté que ces travaux doivent être réalisables. La locataire a justifié qu’elle ne pouvait pas installer un système d’extraction conforme en raison de l’opposition de la copropriété, ce qui a été pris en compte par le tribunal pour établir le manquement du bailleur à son obligation de délivrance. Quelles sont les implications de la procédure abusive ?La demande d’indemnisation pour procédure abusive a été rejetée, car le tribunal a reconnu que la locataire avait partiellement gain de cause. L’article 1240 du Code civil précise que : « Quiconque par sa faute cause un dommage à autrui lui en doit réparation. » Cependant, il est établi que celui qui obtient gain de cause, même partiellement, ne peut être condamné pour procédure abusive. Dans ce cas, le tribunal a jugé que la locataire n’avait pas agi de manière abusive, car elle avait des raisons légitimes de contester le manquement du bailleur à ses obligations. Comment le tribunal a-t-il statué sur les demandes de remboursement des travaux ?Le tribunal a rejeté la demande de remboursement des travaux effectués par la locataire, car ces travaux étaient à sa charge selon les termes du bail. L’article 1719 du Code civil, qui impose au bailleur de délivrer un bien conforme, ne s’applique pas ici, car les travaux de mise aux normes étaient explicitement à la charge de la locataire. La locataire n’a pas prouvé que ces travaux étaient nécessaires pour éviter un préjudice, car elle a continué à exercer son activité de restauration malgré les problèmes d’extraction. Ainsi, le tribunal a considéré que la locataire ne pouvait pas demander de remboursement pour des travaux qu’elle était contractuellement obligée de réaliser. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrées le :
à Me MAUDRET (R0267)
Me PILLON (A0683)
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18° chambre
2ème section
N° RG 20/13232
N° Portalis 352J-W-B7E-CTPQ4
N° MINUTE : 1
Assignation du :
24 Décembre 2020
JUGEMENT
rendu le 09 Janvier 2025
DEMANDERESSE
S.A.S. [8] (RCS de PARIS n°[Numéro identifiant 6])
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Olivier MAUDRET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0267
DÉFENDEUR
Monsieur [E] [M]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Nicolas PILLON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0683
Décision du 09 Janvier 2025
18° chambre 2ème section
N° RG 20/13232 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTPQ4
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lucie FONTANELLA, Vice-présidente, Sabine FORESTIER, Vice-présidente, Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, assistée de Diane FARIN, Greffière, lors des débats et de Paulin MAGIS, Greffier, lors de la mise à disposition au greffe.
DÉBATS
Lors de l’audience du 03 Octobre 2024 tenue en audience publique devant Lucie FONTANELLA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2024, délibéré prorogé au 09 Janvier 2025.
JUGEMENT
Rendu publiquement
Contradictoire
en premier ressort
Par acte sous seing privé non daté, monsieur [E] [M] a consenti à la S.A.R.L. [7] RESTAURANT un bail commercial portant sur des locaux sis [Adresse 2] à [Localité 4] pour une durée de neuf années à compter du 1er août 2007, moyennant un loyer de 29 652 € HT et HC par an, outre une provision sur charges et à destination de « restauration, petite restauration, viennoiserie, traiteur et animations artistiques, salon de thé ».
Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société NOCOTI, venue aux droits de la locataire, et sur autorisation donnée par ordonnance du juge commissaire du 24 janvier 2017, le mandataire liquidateur a, par acte du 17 mars 2017, auquel le bailleur est intervenu, cédé son fonds de commerce de « restauration, petite restauration, viennoiserie, traiteur et salon de thé » à la S.A.S. LA FONDA 2, maintenant dénommée la S.A.S. [8].
Le voisinage s’est plaint des odeurs de cuisine émanant du restaurant.
Monsieur [M] a demandé à la locataire de remédier rapidement au problème, lui conseillant l’installation d’un système « DSO » (destructeur d’odeurs de cuisson rejetées à l’extérieur).
Saisi de signalements relatifs à des nuisances olfactives, un inspecteur de salubrité a visité les lieux le 18 septembre 2019 et établi un rapport d’enquête du 30 décembre 2019, constatant des infractions aux prescriptions des articles 31, 63-1 et 130-3 du règlement sanitaire départemental de Paris du 23 novembre 1979 :
« -Les appareils et plans de cuisson doivent être surmontés d’une hotte débordante assurant un captage total. »
« -La hotte doit être desservie par un conduit de ventilation de section et de hauteur suffisantes, débouchant à plus de huit mètres de tout ouvrant ou prise d’air neuf. »
« -L’évacuation de l’air vicié doit être assurée naturellement ou mécaniquement par un conduit débouchant à plus de huit mètres de tout ouvrant ou prise d’air neuf. »
« -Le ramonage des conduits doit être correctement assuré pour que l’évacuation de l’air vicié ne soit pas une source de gêne pour le voisinage. Détenir un certificat de moins d’un mois établi par un homme de l’art en attestant. »
Par lettre du 09 janvier 2020, la mairie de [Localité 9] a notifié ce rapport et a demandé à la locataire de prendre les mesures nécessaires pour régulariser la situation dans un délai de deux mois.
Dans un échange de courriers de leurs conseils respectifs, la locataire a demandé au bailleur de prendre les mesures nécessaires pour lui permettre d’exploiter les lieux conformément à leur destination ; celui-ci a répondu que le bail mettait toutes les dépenses de transformations et réparations nécessaires à l’exercice de son activité à sa charge et qu’elle avait la possibilité d’installer un système DSO dans son établissement.
Un procès-verbal d’infraction aux articles 31, 63-1, 64-2 et 130-3 du règlement sanitaire départemental de Paris a été établi par l’inspecteur de salubrité à la suite d’un contrôle dans les lieux loués le 22 septembre 2020, au cours duquel il a constaté la persistance des nuisances, le défaut de réalisation des travaux dans le délai accordé, ainsi que l’absence de certificat de ramonage et de conformité de l’installation.
Le procès-verbal a été notifié à la locataire par lettre de la mairie de [Localité 9] du 02 novembre 2020.
Par acte du 24 décembre 2020, la S.A.S. [8] a assigné monsieur [E] [M] devant le tribunal judiciaire de PARIS, aux fins notamment de versement d’indemnités correspondant au prix d’acquisition de son fonds de commerce, des travaux « vainement conduits » dans les lieux loués et aux deux tiers du loyer payé depuis son entrée dans les lieux et, subsidiairement, de réalisation d’une expertise pour évaluer les dommages liés à l’absence de système d’extraction conforme et les travaux nécessaires pour la mise en conformité.
Monsieur [U], ès qualités de représentant de la société [8], a reçu une citation à comparaître, le 11 juin 2021, devant le tribunal de police de Paris pour non-respect du règlement sanitaire (contravention de troisième classe).
La société [8] a fait installer un système DSO2002 le 13 octobre 2021.
Dans ses dernières conclusions du 22 octobre 2022, la S.A.S. [8] sollicite du tribunal de :
« Dire et juger que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance ;
Dire et juger que le bailleur sera condamné à indemniser le preneur en raison de l’impossibilité où il se trouve d’avoir l’activité « restauration » ;
Condamner le bailleur à verser à la demanderesse la somme de 21 333 € représentant les deux tiers du prix de la cession de son fonds de commerce ;
Le condamner encore à rembourser à la demanderesse le montant des travaux vainement conduits dans les locaux loués pour l’activité « restauration », soit la somme de 15 800 € HT ;
Le condamner à rembourser au preneur le coût d’acquisition du système DSO, soit 6 684 € ;
Le condamner encore à payer au preneur le coût de remplacement des cartouches de gaz dudit système et dire que ce montant sera déduit de celui du loyer infra sur présentation des factures correspondantes ;
Fixer le loyer annuel en considération du défaut d’extraction conforme et de l’impossibilité d’exercer légalement l’activité restauration prévue au bail à un montant diminué des deux tiers par rapport au loyer contractuel de 32 511,96 €, soit à la somme de 10 837,32 € à compter du 24 janvier 2017 ;
Condamner le bailleur à verser à la demanderesse la somme de 107 945,21 € représentant le trop perçu depuis l’entrée dans les lieux du preneur ;
Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 juillet 2020;
Débouter le bailleur de toutes ses demandes ;
Subsidiairement, enjoindre au bailleur d’avoir à verser au débat le devis établi par l’entreprise spécialisée qu’il a missionné en mars 2017 ;
Désigner tel expert qu’il plaira au tribunal avec mission, notamment, de :
Se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à sa mission et, notamment, les courriers et procès-verbaux de constat de la mairie, le devis établi par l’entreprise spécialisée missionné par le bailleur en mars 2017 ;
Se rendre sur place et visiter les lieux loués et les parties communes ;
Au vu des manquements reprochés par la mairie, dresser un état descriptif et donner son avis sur l’insuffisance du système et son défaut de conformité à la réglementation ;
Dire en quoi le défaut d’extraction empêche l’activité « restauration » de la locataire ;
Dire quels travaux seraient nécessaires pour permettre une extraction conforme à l’activité et en chiffrer le coût à la charge du bailleur au vu, notamment, de l’injonction de la mairie de poser des hottes débordantes assurant un captage total des émanations et buées desservies par un conduit de ventilation, de section et de hauteur suffisantes, débouchant à plus de 8 mètres de tout ouvrant ou prise d’air ;
Au vu du certificat demandé par la mairie, indiquer quel professionnel qualifié devra à l’issue des travaux qui seront prescrits fournir un certificat de conformité de l’installation attestant de la vacuité, l’étanchéité, la continuité et le débouché à plus de huit mètres de tout ouvrant ainsi que d’un débit d’extraction suffisant ;
Donner son avis sur les préjudices allégués par le preneur ;
Donner son avis sur toutes difficulté ou encore sur les troubles de voisinage, actuels et prévisibles, causés par le défaut d’extraction ;
Condamner le bailleur à verser à la demanderesse la somme de 10 000 € à titre de provision ad litem à la demanderesse ;
Le condamner encore à payer à la demanderesse la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC. »
Dans ses dernières conclusions du 25 octobre 2022, monsieur [E] [M] sollicite du tribunal de :
« – Ecarter des débats es conclusions et pièces 21 à 25 signifiées le 22 octobre 2022 par société [8]
1)Constater que, par les présentes conclusions, Monsieur [M] notifie à la société [8] une sommation de communiquer une copie de la jurisprudence dénommée « Amiens, 5 oct. 2017, n°15/05505 », qui a été mentionnée dans ses Conclusions sans référence de publication, ni communication de copie à Monsieur [M]
– Constater que Monsieur [M] notifie à la société [8] un commandement de payer une somme de 12.138,59 € due au titre des loyers échus au 1er avril 2022 et de l’indexation des loyers et du dépôt de garantie,
2) Sur la demande de « provision ad litem » formée par la société [8] :
– Se déclarer incompétent pour statuer sur cette demande (qui relève de la compétence du Juge de la mise en état,
– Subsidiairement, rejeter cette demande,
3) Sur les autres demandes formées par la société [8] :
– Rejeter les demandes formées par la société [8],
4) A titre reconventionnel,
– Condamner la société [8] à justifier que les travaux de mise en conformité des locaux loués visés par le « procès-verbal de contravention » notifié le 2 novembre 2020 pour des infractions constatées le 22 septembre 2020 par les Services techniques de la Mairie de [Localité 9] (pièce adverse 12) ont été exécutés, et ce, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 € par jours de retard,
– Condamner la société [8] à exécuter le ramonage périodique règlementaire des conduits visés par le « procès-verbal de contravention » notifié le 2 novembre 2020 pour des infractions constatées le 22 septembre 2020 par les Services techniques de la Mairie de [Localité 9] (pièce adverse 12) dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 € par jours de retard,
– Condamner la société [8] à payer à Monsieur [M] une somme de 12.138,59 € due au titre des loyers indexés échus au 1er avril 2022 et de l’indexation du dépôt de garantie, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– Condamner la société [8] à payer à Monsieur [M] une somme de 10.000 € en réparation des préjudices causés par une procédure abusive,
– Condamner la société [8] à payer à Monsieur [M] une somme de 5.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Condamner la société [8] aux dépens.
Le 17 novembre 2022, monsieur [U], ès qualités de représentant de la société [8], a reçu une nouvelle citation à comparaître, le 31 mars 2023, devant le tribunal de police de Paris pour non-respect du règlement sanitaire constaté par procès-verbal du 17 décembre 2021.
Les parties ont saisi le juge de la mise en état d’un incident, d’abord en concluant réciproquement à l’irrecevabilité des conclusions adverses, adressées tardivement car hors des délais impartis pour ce faire par le calendrier de procédure, puis en se réclamant mutuellement le paiement d’une somme au titre des frais de procédure exposés dans le cadre dudit incident.
Par ordonnance du 17 mai 2023, le juge de la mise en état a rejeté leurs demandes et renvoyé l’affaire à l’audience du 14 juin 2023 pour clôture de l’instruction.
Les parties n’ont pas reconclu et la clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 14 juin 2023 renvoyant l’affaire à l’audience de plaidoiries du 03 octobre 2024, à laquelle elle a été mise en délibéré au 05 décembre 2024, prorogé au 09 janvier 2025.
Pour un exposé exhaustif des prétentions des parties, le tribunal se réfère expressément à leurs écritures par application de l’article 455 du code de procédure civile.
Le conseil de la société [8] a adressé une lettre au tribunal en cours de délibéré, reçue le 11 décembre 2024.
Le conseil de monsieur [M] a répondu par lettre du 18 décembre 2024.
Sur la note en délibéré
Selon l’article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
Le tribunal statuera sans tenir compte des lettres adressées en cours de délibéré, qui sont irrecevables dès lors, non seulement, qu’elles n’ont pas été autorisées par le tribunal à l’audience, mais, qu’en outre, en vertu des articles 766, 768 et 802 dudit code de procédure civile, les parties ne peuvent présenter leurs prétentions et moyens que par voie de conclusions écrites régulièrement notifiées avant la clôture de la mise en état.
Sur la demande tendant à écarter des débats les pièces n°21 à 25 de la demanderesse
Il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande, dès lors que ces pièces ont été régulièrement produites aux débats plusieurs mois avant la clôture de la mise en état, et n’ont donc rien de tardif au sens de l’article 15 du code de procédure civile, étant d’ailleurs observé que ladite demande a été présentée dans des conclusions antérieures à la saisine du juge de la mise en état par voie de conclusions d’incident, dans le cadre de laquelle elle n’a pas été reprise.
Sur les demandes d’indemnisation de la locataire
Au soutien de ses prétentions, la demanderesse reproche à son bailleur un manquement à son obligation de délivrer des locaux conformes à leur destination contractuelle, laquelle inclut la « restauration », alors que lesdits locaux ne sont pas équipés d’un système d’extraction des fumées conforme à la réglementation lui permettant d’exercer une telle activité.
Elle fait également grief à son bailleur, intervenant à l’acte d’acquisition de son fonds de commerce, de ne pas l’avoir avertie de l’absence d’extraction conforme aux normes.
Elle précise que sa cuisine, en sous-sol, est équipée d’un système de VMC avec deux bouches de ventilation en façade sur la rue, la taille des gaines de ventilation sur le toit de l’immeuble étant insuffisante.
Elle relate que le voisinage s’étant plaint de nuisances, son bailleur s’est abstenu de remédier à la situation, qu’il n’a pas donné suite à l’établissement d’un devis de 35 000 € de pose d’une extraction conforme aux normes, établi en avril 2017, la copropriété lui ayant opposé un refus en raison du bruit des moteurs installés sur le toit, puis qu’il a tenté de la persuader d’acquérir un système palliatif de type DSO sans accepter d’en régler le montant ni de garantir son efficacité, qu’elle s’est résolue à installer à ses frais, mais qui n’est pas conforme à la réglementation de la ville de [Localité 9].
Elle considère que les clauses du bail ne peuvent lui transférer la charge de l’installation du système de traitement des fumées au locataire alors qu’il s’agit de travaux nécessaires à la conformité des lieux à leur destination.
Monsieur [M] conteste avoir manqué à son obligation de délivrance, répliquant que le bail autorise diverses autres activités, que les deux locataires précédents ont exercé une activité de petite restauration, que la cession du fonds (et du droit au bail) du second lui a été imposée dans le cadre de sa liquidation, que le liquidateur a informé le repreneur qu’il ne bénéficierait pas des garanties de droit commun de la vente, qu’il devait donc s’informer sur le fonds, les locaux et leurs équipements, et que son attention a été attirée sur l’absence de système d’extraction ainsi que sur la nécessité de l’installer pour permettre l’activité de restauration, cette information et les clauses du bail étant reproduites dans l’acte de cession de fonds.
Il rappelle que la locataire a déclaré en avoir connaissance dans ledit acte et a pu parfaitement constater l’absence d’extraction lors de la visite des lieux, relevant encore qu’elle a payé un prix de cession inférieur à la valeur d’un tel fonds.
Il fait valoir que selon les articles 6 et 7 du bail :
-le preneur s’est engagé à respecter toutes les normes applicables à son activité,
-il prend à sa charge exclusive les travaux nécessaires à l’exercice de son activité et aux mises aux normes,
-il prend les lieux loués dans leur état actuel sans pouvoir exiger du bailleur de travaux de réparation ou de remise en état,
-le bailleur ne garantit pas qu’il obtiendra toutes les autorisations nécessaires.
Il conteste avoir fait établir un devis de pose d’une installation conforme aux normes en 2017, prétend que la locataire a réalisé en 2018 des travaux d’extraction d’air non conformes, sans l’en informer et rappelle que dans les échanges de courriers avec l’avocat de la locataire, son conseil a indiqué qu’il était à sa disposition pour faire le point sur les démarches nécessaires mais que les travaux étaient à la charge de la locataire.
*Sur le manquement à l’obligation de délivrance reproché au bailleur
Il convient, pour statuer sur les diverses demandes présentées par la locataire, de déterminer au préalable si le manquement à l’obligation de délivrance reproché au bailleur est justifié.
L’article 1719 du même code dispose que :
« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière:
1°De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. (…)
2°D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée;
3°D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail; (…) »
Il est constant que l’obligation de délivrance inclut la fourniture d’un bien conforme à l’usage auquel il est destiné, notamment d’un système d’extraction des fumées de cuisson nécessaire à l’activité de restauration convenue dans le bail.
En l’espèce, le bail prévoit que les locaux loués sont à destination de « restauration, petite restauration, viennoiserie, traiteur et animations artistiques, salon de thé ».
Il importe peu que d’autres activités que la « restauration » puissent être exercées dans les lieux loués ; dès lors que cette activité ne peut y être exercée, il est justifié d’un défaut de délivrance d’un bien conforme à sa destination.
S’il est admis que les parties peuvent, par des clauses du bail, déroger aux dispositions non impératives du code civil, lesdites clauses ne peuvent dispenser le bailleur de l’exécution de son obligation de délivrance, de sorte qu’il ne peut s’en exonérer en opposant au locataire, qui lui reproche un manquement à ce titre, qu’il a « pris les lieux en l’état » sans pouvoir exiger de travaux ou qu’il ne devait aucune garantie pour l’obtention des travaux nécessaires.
Si le bail prévoit que les travaux nécessaires à l’exercice de l’activité du locataire sont à la charge de celui-ci, il convient encore que leur réalisation soit possible.
La locataire explique à ce titre que l’installation d’un système DSO n’est pas suffisante et en justifie, puisqu’elle a produit une facture de pose de ce système en date du 13 octobre 2021 et qu’il ressort de la dernière pièce qu’elle a communiquée, une citation à prévenu devant le tribunal de police du 17 novembre 2022, qu’elle a de nouveau été poursuivie pour un défaut de mise en conformité de ses installations aux normes du règlement sanitaire de PARIS, à la suite du constat, lors d’un contrôle du 17 décembre 2021, donc postérieur à l’installation dudit système DSO, d’une infraction aux articles 31, 63-1, 64-2 et 130-3 dudit règlement (soit le défaut notamment d’une extraction avec une hotte aspirant les fumées vers des sorties à plus de huit mètres de tout ouvrant).
Le bailleur lui oppose qu’il n’est justifié ni du refus de la copropriété pour la réalisation des travaux de mise en conformité, ni que ces travaux affecteraient nécessairement les parties communes de l’immeuble et donc exigeraient une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.
Le tribunal rappelle que cette autorisation du syndicat des copropriétaires doit être sollicitée en assemblée générale par l’un des copropriétaires, soit nécessairement par le bailleur, qui doit donc intervenir activement pour obtenir une telle autorisation.
Il précise également que la pose d’une extraction conforme aux normes, qui suppose la création ou l’adaptation de sorties d’air passant par les parties communes de l’immeuble, exige de toute évidence une autorisation donnée par l’assemblée générale de ses copropriétaires.
En outre, s’il n’est effectivement produit aucun élément démontrant que les copropriétaires de l’immeuble se sont formellement opposés à de tels travaux, il convient d’observer que dans un courriel du 15 octobre 2020 (daté par erreur du 15 septembre), en réponse à une lettre du conseil de la locataire du 29 septembre 2020, dans lequel celui-ci écrivait que sa cliente ne pouvait exercer l’activité de restaurant « faute d’extracteur et même, semble-t-il, de possibilité de pose d’un extracteur compte tenu du refus de la copropriété » et lui reprochait d’avoir loué les locaux sans s’être assuré « qu’il obtiendrait l’accord de la copropriété pour qu’ils puissent en être équipés », l’avocat du bailleur a expliqué que son client avait lui-même fait les démarches pour que la société DSO intervienne et que celle-ci pouvait installer un système d’extraction « sans affecter les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble », donc « sans accord de l’assemblée générale de la copropriété ».
S’il y a rappelé que monsieur [M] se tenait à sa disposition pour l’assister dans les démarches de mise en conformité des lieux, sans autre précision, il n’a ni contesté l’opposition de la copropriété, ni proposé de l’obtenir, insistant au contraire sur l’unique solution permettant de mettre les lieux en conformité aux normes sans avoir à recueillir l’accord du syndicat des copropriétaires.
Il est également noté que, déjà, dans une lettre du 07 juin 2018 dans laquelle il conseillait notamment au gérant de la locataire de se présenter avec lui à l’assemblée générale du 28 juin suivant, il n’évoquait aucunement la question d’une autorisation de faire les travaux nécessaires en parties communes mais lui demandait de présenter un dossier qu’il lui avait remis, relatif à un système utilisé « dans des immeubles dans lesquels on ne peut techniquement poser une extraction en toiture ».
Il apparaît ainsi que le bailleur n’a jamais proposé, comme il lui appartenait, de recueillir l’autorisation de la copropriété, ni, avant ses conclusions en défense devant le tribunal, contesté le refus de la copropriété et la nécessité d’obtenir son accord pour effectuer les travaux de mise aux normes des locaux loués.
Il est dès lors justifié, d’une part, que la pose d’une extraction conforme aux normes et impliquant des travaux dans les parties communes était nécessaire à l’exercice de l’activité de restauration de la locataire, et, d’autre part, que celle-ci s’est heurtée à l’impossibilité d’effectuer de tels travaux à défaut d’obtention d’une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.
Par conséquent, faute de pouvoir y réaliser les travaux nécessaires à l’exercice de l’activité de restauration, les locaux ne sont pas susceptibles d’être pleinement utilisés conformément à leur destination et le manquement du bailleur à son obligation de délivrance est caractérisé.
Il y a lieu de préciser, pour répondre complètement aux moyens du bailleur, que le fait que la locataire ait été informée du défaut d’extraction dans les locaux lors de l’acquisition du fonds est sans influence pour déterminer s’il a manqué à son obligation de délivrance, dès lors que ce manquement n’est pas caractérisé par l’absence du système d’extraction lors de l’acquisition du fonds, mais par l’impossibilité dans laquelle la locataire s’est trouvée d’en installer un pour mettre les locaux loués en conformité avec la destination du bail, étant encore relevé qu’il n’est pas établi qu’elle avait alors connaissance de cet obstacle.
*Sur la demande de paiement d’une somme correspondant aux deux tiers du prix d’acquisition du fonds de commerce et au coût des travaux effectués dans les lieux pour y exercer l’activité de restauration
Il est rappelé qu’il appartient à celui qui sollicite l’indemnisation d’un préjudice de prouver tant celui-ci que la faute qui en est à l’origine et le lieu de causalité entre eux.
En l’espèce, outre que le fait que le préjudice consistant à avoir payé un prix d’acquisition du fonds de commerce trop élevé ne résulte pas tant d’un défaut de délivrance conforme du bailleur que du vendeur, contre lequel la demanderesse ne peut se retourner s’agissant d’une acquisition dans le cadre d’une liquidation, exclusive de tout recours contre celui-ci, force est de constater qu’elle ne produit pas d’élément permettant au tribunal de comparer le prix versé avec celui qu’elle aurait payé pour un fonds de commerce n’incluant que les autres activités (soit « petite restauration, viennoiserie, traiteur et animations artistiques, salon de thé »).
Ainsi, n’étant pas justifié du bien-fondé de la demande de paiement d’une somme égale aux deux tiers du prix payé pour l’acquisition du fonds de commerce, celle-ci sera rejetée.
Concernant le paiement de travaux réalisés dans les lieux pour y exercer l’activité de restauration, justifié par des factures de plomberie et d’électricité MYKE CONCEPT des 15 et 20 mars 2017, il est relevé que la locataire, qui y exerce effectivement son activité, n’a pas exposé ces dépenses à perte mais profite de leur réalisation, et donc ne prouve pas avoir subi un préjudice à ce titre.
Dès lors, la demande d’indemnité correspondante sera également rejetée.
*Sur la demande de réduction du loyer et de restitution d’un trop perçu à ce titre.
La locataire demande au tribunal de fixer le loyer dû en considération de l’impossibilité d’exercer l’activité de restauration prévue au bail, ce depuis son entrée en jouissance contractuellement fixée au 24 janvier 2017, en le réduisant à 10 837,32 € par an, et de condamner le bailleur à lui restituer ce qu’il a trop-perçu à ce titre.
Le défendeur lui oppose qu’elle ne justifie pas d’un dommage réel, actuel et certain, puisqu’elle ne produit aucun élément démontrant le préjudice financier évoqué, qui ne peut consister qu’en des pertes d’exploitation et ne saurait être réparé par le remboursement de dépenses faites, ajoutant que la locataire a poursuivi son activité de restauration en 2020, 2021 et 2022.
Il convient effectivement de constater que la locataire ne produit aucun élément permettant de constater et de chiffrer des pertes d’exploitation liées à l’arrêt de l’activité de restauration, tandis que le bailleur, pour établir qu’elle n’a pas cessé d’exercer cette activité, fournit notamment un constat de commissaire de justice du 24 juin 2022 observant des clients consommant des plats sur place, ainsi que des impressions d’écran du site du restaurant « [8] » du 06 octobre 2022 permettant de voir des plats présentés composés de viandes grillées et de mets dont la préparation exige nécessairement une cuisson (empenadas, bananes flambées, etc…).
La demanderesse n’émet d’ailleurs pas de protestation au sujet de ces éléments de preuve.
Elle échoue donc à prouver qu’elle n’a pu exercer l’activité de restauration dans les lieux loués.
En revanche, elle a forcément subi un dommage lié au défaut de régularité de l’exercice de cette activité, impliquant un risque de fermeture de son établissement et des poursuites pénales, dont le bailleur est responsable, du fait de son manquement à son obligation de délivrance ci-avant caractérisé par le tribunal.
Ce dommage, constitutif d’une privation partielle de la jouissance des lieux loués, sera justement indemnisé par l’octroi d’une réduction de loyer.
Cette réduction, dès lors que la locataire exerce effectivement son activité de restauration et n’a pas précisé quelles sanctions avaient effectivement été prononcées, permettant au tribunal de mesurer l’ampleur du dommage résultant des poursuites pénales et de la menace de fermeture, sera limitée à 10% du loyer contractuel.
Cette réduction ne sera pas appliquée dès la prise d’effet du bail, puisque la locataire ne justifie pas de réclamation envers le bailleur pour s’assurer de la mise aux normes de son restaurant avant les courriers échangés avec celui-ci en août et septembre 2020, mais seulement à compter de ceux-ci.
Elle sera appliquée aussi longtemps que la locataire ne sera pas en mesure d’installer dans les lieux loués un système d’extraction des fumées de cuisine conforme aux normes sanitaires réglementaires.
Il convient de condamner le bailleur à restituer à la locataire une somme égale à 10% des loyers contractuels payés depuis le mois de septembre 2020 (inclus), laquelle, ayant la nature d’une indemnité au sens de l’ancien article 1153-1, devenu l’article 1231-7 du code civil, ne produira des intérêts au taux légal qu’à compter du présent jugement.
*Sur la demande de remboursement de l’installation du système DSO et de ses recharges
La demande d’indemnité à ce titre sera rejetée, dès lors que les installations et travaux nécessaires à l’exercice de l’activité de la locataire doivent, aux termes du bail, être supportés par celle-ci et qu’elle ne démontre pas qu’elle n’a pas l’utilité d’un tel système, étant constaté que l’activité de restauration, qu’elle n’a pas cessé d’exercer dans les lieux, exige des cuissons.
Sur les demandes subsidiaires de la locataire
Il n’y a pas lieu de statuer sur ces demandes, qui ne sont présentées qu’à titre subsidiaire, et alors que le tribunal a pu statuer sur ses demandes principales.
Par suite, la demande du bailleur tendant à ce que le tribunal se déclare incompétent pour allouer la provision ad litem sollicitée dans ce cadre est sans objet.
Sur les demandes reconventionnelles du bailleur
*Sur la demande tendant à ce que la locataire se conforme aux prescriptions visées par le procès-verbal notifié le 02 novembre 2020 et exécute un ramonage périodique des conduits
Les prescriptions en question tendent à l’installation d’un système d’extraction conforme au règlement sanitaire de la ville de [Localité 9], ainsi qu’à la justification de cette installation et du ramonage périodique de ses conduits.
Cette installation exige, notamment, le passage de conduits d’aération dans les parties communes de l’immeuble, dont la pose doit être autorisée par le syndicat des copropriétaires, qu’il appartient au bailleur d’obtenir et que celui-ci ne propose pas de requérir ni ne prétend pouvoir le faire.
Dès lors, la locataire ne pouvant procéder à cette installation et produire les justificatifs afférents, les demandes du bailleur à ce titre ne peuvent qu’être rejetées.
*Sur la demande de paiement d’un arriéré de loyer et du réajustement du dépôt de garantie
Le bailleur sollicite la condamnation de sa locataire à lui payer une somme de 12 138,59 € au titre d’un arriéré de loyers indexés échus au 1er avril 2022 et d’un réajustement correspondant du dépôt de garantie.
La locataire lui oppose qu’elle est fondée, en application de l’article 1219 du code civil, à ne pas régler le loyer augmenté de l’indexation, dans la mesure où le bailleur manque à son obligation de délivrance.
Selon l’article 1728 du code civil, le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue une obligation essentielle du locataire.
En l’espèce, l’article 11 du bail prévoit un loyer annuel hors charges et hors taxes de 29 652 €, payable mensuellement et d’avance, dont le montant est révisé chaque année selon l’évolution de l’indice du coût de la construction.
Son article 12 prévoit un dépôt de garantie égal à trois mois de loyer hors charges réajusté lors de chaque révision proportionnellement au nouveau loyer.
Selon l’article 1219 du même code, « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. »
Ce texte, issu de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, n’est pas applicable aux contrats conclus avant cette date ; toutefois, l’exception d’inexécution pouvait être invoquée, sous l’empire du droit antérieur, sur le fondement de l’article 1184 du code civil.
La locataire, qui ne conteste pas l’exactitude du montant de l’arriéré réclamé, et au bénéfice de laquelle le tribunal a admis une réduction de loyer à hauteur de 10% au titre d’une impossibilité de jouir pleinement du bien loué conformément à sa destination, sera condamnée au paiement, au titre d’un arriéré de loyers indexés échus au 1eravril 2022 et d’un réajustement correspondant du dépôt de garantie, de la somme de :
12 138,59 € – 10% = 10 924,73 €.
Conformément à l’ancien article 1153 du code civil, devenu l’article 1231-6, cette somme produira des intérêts au taux légal à compter des conclusions contenant mise en demeure de la payer, soit à compter du 25 octobre 2022, étant relevé que l’assignation évoquée par le bailleur a été émise par la locataire.
*Sur la demande d’indemnité pour procédure abusive
Selon l’article 1240 du code civil, quiconque par sa faute cause un dommage à autrui lui en doit réparation.
L’action ou la défense en justice constituent un droit et ne dégénèrent en abus justifiant, si elles causent un préjudice, une condamnation à des dommages et intérêts, qu’en cas de malice, mauvaise foi, erreur équipollente au dol ou légèreté blâmable.
Il est constant que celui qui obtient, même partiellement, gain de cause, ne peut être condamné pour procédure abusive.
En l’espèce, le tribunal ayant fait droit, pour partie, aux demandes de la locataire, reconnaissant ainsi le bien-fondé de son action, il ne peut être jugé que la procédure qu’elle a engagée est abusive.
La demande d’indemnisation à ce titre ne peut donc qu’être rejetée.
Sur les demandes accessoires
Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, il convient de laisser à chacune la charge définitive des dépens qu’elle a exposés dans la procédure et de rejeter leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles.
Il est rappelé que la présente décision est, de droit, exécutoire par provision.
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
DÉCLARE irrecevables les notes en délibéré adressées par les parties, reçues le 11 et 18 décembre 2024 ;
ORDONNE une réduction de dix pour cent (10%) du loyer contractuel dû par la S.A.S. [8] à monsieur [E] [M] au titre du bail commercial portant sur les locaux sis [Adresse 2] à [Localité 4] à titre de réparation de la privation partielle de la jouissance des lieux loués causée par le manquement du bailleur à son obligation de délivrance, cette réduction s’appliquant sur les loyers dus à compter du mois de septembre 2020 (inclus) et ce, tant que la locataire ne sera pas en mesure d’installer dans les lieux loués un système d’extraction des fumées de cuisine conforme aux normes sanitaires réglementaires ;
CONDAMNE en conséquence monsieur [E] [M] à restituer à la S.A.S. [8] une somme égale à dix pour cent (10%) des loyers contractuels payés depuis le mois de septembre 2020 (inclus), laquelle produira des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
REJETTE les autres demandes de la S.A.S. [8] ;
CONDAMNE la S.A.S. [8] à payer à monsieur [E] [M] une somme de dix-mille-neuf-cent-vingt-quatre euros et soixante-treize centimes (10 924,73 €) au titre d’un arriéré de loyers indexés échus au 1er avril 2022 et d’un réajustement correspondant du dépôt de garantie, déduction déjà faite de la réduction de 10% ci-dessus ordonnée ;
DIT que cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2022 ;
REJETTE les autres demandes de monsieur [E] [M] ;
DIT que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens exposés dans la présente instance ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Fait et jugé à Paris le 09 Janvier 2025
Le Greffier Le Président
Paulin MAGIS Lucie FONTANELLA
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