L’Essentiel : Le 23 février 1999, M. [W] a vendu un fonds de commerce de station-service à M. et Mme [L], tout en leur concédant un bail commercial. Les locataires ont donné leur congé, effectif au 31 mars 2011, entraînant une assignation en justice de M. [W] pour le paiement de frais de remise en état. En mai 2017, un nouvel arrêté préfectoral a ordonné à M. [W] des mesures de remise en état, qu’il a contestées. La cour a jugé que les locataires devaient indemniser M. [W], mais a violé le code de procédure civile en ne subordonnant pas cette indemnisation à l’issue des recours.
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Vente et bail commercialLe 23 février 1999, M. [W] a vendu un fonds de commerce de station-service à M. et Mme [L] et leur a consenti un bail commercial pour les locaux d’exploitation. M. [W] était l’exploitant déclaré auprès de l’autorité préfectorale, tandis que M. et Mme [L] n’ont pas informé cette autorité du changement d’exploitant. Congé et assignationLes locataires ont donné leur congé, effectif au 31 mars 2011. En réponse, M. [W] les a assignés en justice pour obtenir le paiement des frais de remise en état, de mise en sécurité des cuves, ainsi que pour garantir tous les frais de dépollution des lieux loués, en cas de déclaration de responsabilité par l’administration. Arrêté préfectoral et contestationLe 24 mai 2017, le préfet des Landes a annulé l’arrêté initial contre les locataires et a notifié à M. [W] un nouvel arrêté lui ordonnant des mesures de remise en état, en tant que dernier exploitant déclaré. M. [W] a contesté cet arrêté devant la juridiction administrative. Indemnisation et contestation des locatairesLes locataires ont contesté l’arrêt qui les tenait responsables d’indemniser M. [W] pour le coût de l’étude de sol et des mesures de remise en état. Ils ont fait valoir que M. [W] ne demandait cette indemnisation qu’en cas de rejet de ses recours administratifs, ce qui n’a pas été pris en compte par la cour d’appel. Réponse de la CourLa cour a statué que l’issue de l’instance administrative n’affectait pas l’obligation des locataires d’indemniser M. [W]. Cependant, en ne subordonnant pas cette indemnisation au rejet des recours de M. [W], la cour d’appel a modifié l’objet du litige, violant ainsi l’article 4 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 4 du code de procédure civile dans le cadre de la détermination de l’objet du litige ?L’article 4 du code de procédure civile stipule que : « L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. » Cet article est fondamental car il établit que le cadre du litige est défini par les demandes et les arguments présentés par les parties en présence. Dans le cas présent, M. [W] avait clairement indiqué dans ses conclusions qu’il ne demandait l’indemnisation des locataires qu’en cas de rejet de son recours devant les juridictions administratives. Ainsi, la cour d’appel, en condamnant les locataires à indemniser M. [W] sans tenir compte de l’issue de l’instance administrative, a modifié l’objet du litige, ce qui constitue une violation de l’article 4 du code de procédure civile. Cette situation soulève des questions sur la nécessité de respecter les prétentions des parties pour garantir un procès équitable et éviter des décisions qui pourraient aller au-delà des demandes initiales. Quelles sont les implications de l’article L. 511-1 du code de l’environnement dans ce litige ?L’article L. 511-1 du code de l’environnement dispose que : « Les installations classées pour la protection de l’environnement doivent être exploitées de manière à ne pas porter atteinte à la santé, à la sécurité des personnes et à l’environnement. » Dans le contexte de ce litige, cet article est déterminant car il impose des obligations aux exploitants d’installations classées, comme la station-service en question. M. [W], en tant que dernier exploitant déclaré, est tenu de respecter ces obligations, ce qui inclut la remise en état des lieux loués pour éviter toute atteinte à l’environnement. Les locataires, M. et Mme [L], n’ayant pas déclaré le changement d’exploitant, se retrouvent dans une situation où ils peuvent être tenus responsables des conséquences de leur inaction. Cela soulève des questions sur la responsabilité des locataires en matière de dépollution et de remise en état, ainsi que sur la manière dont les obligations environnementales peuvent influencer les relations contractuelles entre bailleur et locataires. Comment la décision de la cour d’appel a-t-elle affecté les droits des parties en présence ?La décision de la cour d’appel a eu un impact significatif sur les droits des parties, notamment en ce qui concerne la responsabilité financière des locataires. En condamnant M. et Mme [L] à indemniser M. [W] pour les frais liés à l’étude de sol et aux mesures de remise en état, la cour a statué sans tenir compte de l’issue de l’instance administrative en cours. Cela signifie que les locataires se voient imposer une obligation d’indemnisation, même si M. [W] n’avait pas encore épuisé ses recours administratifs. Cette situation pourrait être perçue comme une atteinte à leurs droits, car ils sont tenus de répondre à des obligations qui pourraient être annulées par la suite si les recours de M. [W] étaient acceptés. Ainsi, la décision de la cour d’appel soulève des questions sur l’équité et la protection des droits des parties dans le cadre d’un litige où les obligations peuvent évoluer en fonction des décisions administratives. |
CL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 12 F-D
Pourvoi n° Y 21-16.987
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
1°/ M. [D] [L],
2°/ Mme [U] [L],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° Y 21-16.987 contre l’arrêt rendu le 29 septembre 2020 par la cour d’appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige les opposant à M. [Z] [W], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. et Mme [L], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [W], après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 29 septembre 2020), le 23 février 1999, M. [W] a vendu à M. et Mme [L] un fonds de commerce de station-service, relevant des installations classées pour la protection de l’environnement, et leur a consenti un bail commercial sur les locaux d’exploitation.
2. M. [W] (le bailleur) était l’exploitant déclaré auprès de l’autorité préfectorale et M. et Mme [L] (les locataires) n’ont pas déclaré à cette autorité préfectorale le changement d’exploitant.
3. Les locataires ont donné congé à effet au 31 mars 2011.
4. M. [W] les a assignés aux fins d’obtenir leur condamnation à lui payer les frais de remise en état, les frais de mise en sécurité des cuves et à le garantir de tous les frais de dépollution des lieux loués s’il était déclaré tenu au paiement de tels frais par l’administration.
5. Le 24 mai 2017, le préfet des Landes, annulant l’arrêté pris initialement contre les locataires, a notifié au bailleur un arrêté lui ordonnant des mesures de remise en état, en sa qualité de dernier exploitant déclaré à la préfecture des locaux loués, que M. [W] a contesté devant la juridiction administrative.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Les locataires font grief à l’arrêt de les dire tenus à indemniser M. [W] du coût de l’étude de sol et des mesures de remise des lieux loués dans un état tel qu’ils ne puissent porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, et de les condamner à lui payer une certaine somme au titre de l’étude de sol, alors « que l’objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; que M. [W], au dispositif de ses dernières conclusions d’appel, ne sollicitait la condamnation des époux [L] au titre du coût de l’étude de sol et des travaux de dépollution que pour le cas où la juridiction administrative rejetterait définitivement ses recours contre les arrêtés préfectoraux pris le 24 mai 2017 à son encontre en tant que dernier exploitant déclaré à la préfecture ; qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que M. [W] avait frappé d’appel le jugement du 25 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau avait rejeté ses recours contre les arrêtés du 24 mai 2017, et qu’à la date de l’arrêt attaqué, cet appel était pendant devant la cour administrative d’appel de Bordeaux ; qu’en énonçant cependant que l’issue de l’« instance administrative » et une « éventuelle annulation de l’arrêté préfectoral » étaient sans incidence quant à l’obligation des époux [L] d’indemniser M. [W] du coût des études et des travaux de dépollution nécessaires pour remettre le site en conformité à la réglementation, et en condamnant purement et simplement les époux [L] à procéder à une telle indemnisation, sans subordonner cette condamnation au rejet définitif des recours de M. [W] devant la juridiction administrative, la cour d’appel a modifié l’objet du litige, en violation de l’article 4 du code de procédure civile. »
Vu l’article 4 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
8. Pour dire les locataires tenus à indemniser M. [W] des mesures de remise des lieux loués dans un état tel qu’ils ne puissent porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement et les condamner à lui payer une certaine somme en indemnisation du coût de l’étude des sols, l’arrêt énonce que l’issue de l’instance administrative sera sans incidence sur l’obligation des locataires d’indemniser M. [W].
9. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, M. [W] ne sollicitait la condamnation des locataires qu’en cas de rejet de son recours devant les juridictions administratives, la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte susvisé.
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