L’Essentiel : L’affaire concerne l’Association foncière urbaine d'[Localité 12] (AFU) et la Compagnie financière et immobilière Caraïbes (COFIC). Après la construction d’une route sur des parcelles, la COFIC a demandé une indemnisation, arguant d’une voie de fait. La cour d’appel a rejeté ses demandes contre l’AFU, mais la COFIC a ensuite déposé une requête pour omission de statuer, affirmant que la cour n’avait pas tranché sa demande contre la commune. La Cour de cassation a constaté cette omission, mais a finalement rejeté les demandes de la COFIC, déclarant celles-ci irrecevables.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne l’Association foncière urbaine d'[Localité 12] (AFU) qui a construit une route sur des parcelles de terrain, avant de les rétrocéder à la commune du [Localité 17]. Ces parcelles étaient auparavant la propriété de la Compagnie financière et immobilière Caraïbes (COFIC), suite à une fusion-absorption de la Société d’études et de gérance (SAEG) qui les avait acquises par adjudication en 1995. Demande d’indemnisationLa COFIC a assigné l’AFU et la commune en indemnisation, arguant que la construction de la route constituait une voie de fait. La cour d’appel de Fort-de-France a rejeté les demandes de la COFIC contre l’AFU dans un arrêt du 26 avril 2022. Requête en omission de statuerSuite à cet arrêt, la COFIC a déposé une requête le 13 juin 2022, demandant la réparation d’une omission de statuer, affirmant que la cour n’avait pas tranché sa demande principale contre la commune pour obtenir des réparations liées à l’emprise sur les parcelles. Arguments de la COFICLa COFIC a soutenu que l’arrêt de la cour d’appel avait omis de répondre à ses prétentions, bien que des explications aient été fournies dans les motifs. Elle a fait valoir que le jugement précédent avait rejeté ses demandes contre l’AFU, mais n’avait pas statué sur celles dirigées contre la commune. Réponse de la Cour d’appelLa cour d’appel a rejeté la requête de la COFIC, affirmant que les motifs de l’arrêt du 26 avril 2022 indiquaient que la COFIC n’avait pas de droit à indemnisation pour l’emprise sur les parcelles, et que ses demandes étaient irrecevables. Décision de la Cour de cassationLa Cour de cassation a constaté que l’arrêt du 26 avril 2022 n’avait pas statué sur les demandes de la COFIC contre la commune, ce qui constituait une omission de statuer. Elle a donc décidé de statuer au fond sur les demandes de la COFIC. Conséquences de la décisionLa Cour a rejeté les demandes de la COFIC contre la commune, en raison de l’acceptation préalable d’une indemnisation par son auteur, et a déclaré irrecevable la demande indemnitaire dirigée contre les anciens membres de l’AFU, faute de mise en cause. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la définition de l’omission de statuer selon le Code de procédure civile ?L’omission de statuer est définie par l’article 463 du Code de procédure civile, qui stipule que « l’omission par le juge, dans le dispositif de sa décision, de la réponse à une prétention sur laquelle il s’est expliqué dans les motifs, constitue une omission de statuer. » Cette disposition souligne que si un juge a abordé une question dans les motifs de sa décision mais n’a pas inclus de réponse dans le dispositif, cela constitue une omission. Il est donc essentiel que le juge réponde explicitement à toutes les prétentions soulevées par les parties dans le cadre de son jugement, afin d’éviter toute ambiguïté ou contestation ultérieure. Quelles sont les conséquences de l’autorité de la chose jugée selon le Code civil ?L’article 1355 du Code civil précise que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif. » Cela signifie que seules les décisions clairement énoncées dans le dispositif d’un jugement ont force obligatoire. Les motifs, bien qu’importants pour la compréhension de la décision, ne suffisent pas à établir l’autorité de la chose jugée. Ainsi, si une prétention n’est pas explicitement tranchée dans le dispositif, elle ne peut pas être considérée comme ayant été jugée, ce qui peut entraîner des conséquences pour les parties concernées. Comment la cour d’appel a-t-elle justifié le rejet de la requête en omission de statuer ?La cour d’appel a justifié le rejet de la requête en indiquant que, dans les motifs de son arrêt du 26 avril 2022, elle avait considéré que la COFIC n’avait pas de droit à indemnisation au titre de l’emprise sur les parcelles cadastrées section AX. Elle a également noté que les demandes de la COFIC concernant l’emprise correspondant à l'[Adresse 15] étaient irrecevables comme nouvelles. Ainsi, la cour a conclu que la demande d’indemnisation, présentée à titre subsidiaire, avait été implicitement rejetée, car la COFIC n’avait pas prouvé son droit à indemnisation. Quelles sont les implications de la décision de la Cour de cassation sur les demandes de la COFIC ?La Cour de cassation a décidé que l’intérêt d’une bonne administration de la justice justifiait qu’elle statue au fond sur les demandes de la COFIC. Elle a constaté que l’arrêt du 26 avril 2022 avait déjà établi que M. [R], membre de l’AFU, avait accepté une indemnisation pour l’emprise avant l’adjudication. Par conséquent, les demandes de la COFIC, tant à titre principal qu’à titre subsidiaire, devaient être rejetées, car elle ne pouvait revendiquer plus de droits que ceux de son auteur. Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité des demandes dirigées contre les anciens membres de l’AFU ?La demande indemnitaire dirigée contre les anciens membres de l’AFU a été déclarée irrecevable en vertu de l’article 14 du Code de procédure civile. Cet article stipule que « toute personne qui n’a pas été mise en cause dans une instance ne peut être condamnée. » Ainsi, si les anciens membres de l’AFU n’ont pas été formellement impliqués dans la procédure, la COFIC ne peut pas les poursuivre pour indemnisation, ce qui limite ses recours. |
CL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 14 F-D
Pourvoi n° E 23-10.860
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
La Compagnie financière et immobilière Caraïbes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 13], a formé le pourvoi n° E 23-10.860 contre l’arrêt rendu le 22 novembre 2022 par la cour d’appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l’opposant :
1°/ à la commune du [Localité 17], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 16],
2°/ à l’Association foncière urbaine d'[Localité 12], dont le siège est [Adresse 16],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la Compagnie financière et immobilière Caraïbes, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la commune du [Localité 17], après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France, 22 novembre 2022), statuant sur requête en omission de statuer d’un arrêt (Fort-de-France, 26 avril 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 21 janvier 2021, pourvoi n° 19-21.209), l’Association foncière urbaine d'[Localité 12] (l’AFU) a réalisé, avant de la rétrocéder à la commune du [Localité 17] (la commune), une route sur les parcelles AX [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] dont la société Compagnie financière et immobilière Caraïbes (la COFIC) est devenue propriétaire à la suite de la fusion-absorption de la Société d’études et de gérance (la SAEG) qui les avait acquises par adjudication en 1995.
2. Soutenant que la construction de la route constituait une voie de fait, la COFIC a assigné en indemnisation l’AFU et la commune.
3. Par arrêt du 26 avril 2022, la cour d’appel de Fort-de-France a rejeté les demandes de la COFIC dirigées contre l’AFU.
4. Par requête du 13 juin 2022, la COFIC a demandé la réparation de l’omission de statuer affectant cet arrêt, soutenant qu’il n’avait pas été statué sur sa demande principale en condamnation de la commune à lui payer diverses sommes en réparation de ses préjudices du fait de l’emprise des [Adresse 14] et de [Adresse 15] et sur sa demande subsidiaire en condamnation in solidum de la commune et des autres propriétaires intéressés, en leur qualité de membres de l’AFU dissoute, au paiement des mêmes sommes.
Enoncé du moyen
5. La COFIC fait grief à l’arrêt de rejeter sa requête en omission de statuer, alors « que l’omission par le juge, dans le dispositif de sa décision, de la réponse à une prétention sur laquelle il s’est expliqué dans les motifs, constitue une omission de statuer ; que le jugement du 11 janvier 2011 avait rejeté les demandes dirigées contre l’AFU ainsi que celles, reconventionnelles, formées par celle-ci et, avant dire droit, ordonner un complément d’expertise, les autres demandes étant réservées ; que la société COFIC avait notamment demandé, à titre principal, d’une part, de dire que la commune du [Localité 17] a porté atteinte au droit de propriété en occupant, de manière irrégulière et définitive, des terrains appartenant à cette dernière correspondant aux actuelles parcelles AX [Cadastre 1], AX [Cadastre 6], AX [Cadastre 10] et AX [Cadastre 11] (issues de AX [Cadastre 7]), AX [Cadastre 8] et AX [Cadastre 9], d’autre part, au titre de l’évocation de condamner la commune du [Localité 17] à verser à la société COFIC la somme 2 169 531 euros en réparation des préjudices causés par l’atteinte à son droit de propriété ; que l’arrêt retient, d’une part, que le dispositif de l’arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 26 avril 2022 est ainsi rédigé : – infirme le jugement du tribunal de grande instance de Fort-de-France en date du 11 janvier 2011 en ce qu’il a constaté que le jugement du 30 mars 2004 a définitivement jugé que la COFIC était propriétaire des parcelles [Cadastre 2] à [Cadastre 5] et [Cadastre 9] et qu’une route avait été réalisée sur les parcelles [Cadastre 2] à [Cadastre 5], en conséquence une voie de fait de l’administration ; – le confirme en ce qu’il a : rejeté les demandes principales lorsqu’elles sont dirigées contre l’AFU d'[Localité 12] ; rejeté la demande reconventionnelle de cette dernière, d’autre part, que la cour tenue par l’effet dévolutif de l’appel n’a fait que reprendre, pour le confirmer, le dispositif du jugement dont il avait été fait appel, ayant considéré que certaines demandes de la COFIC étaient irrecevables comme étant nouvelles, que la cour dans son paragraphe intitulé « sur le droit à indemnisation » a constaté que la COFIC ne rapportait pas « la preuve d’un droit à indemnisation pour l’emprise de l’AFU d'[Localité 12] sur les parcelles cadastrées AX, que considérant comme nouvelles les demandes d’indemnisation au titre de l’emprise pour la réalisation du chemin dit de [Adresse 15], la cour a conclu qu’elle ne pouvait que » rejeter les demandes d’indemnisation formées par la COFIC et qu’ayant considéré que la COFIC n’avait pas de droit à indemnisation, elle a implicitement mais nécessairement rejeté la demande d’indemnisation formée à titre subsidiaire ; qu’en statuant ainsi, quand l’absence dans son dispositif de tout chef relatif aux demandes de COFIC dirigées contre la commune du [Localité 17] nonobstant la motivation relatives à celles-ci, l’arrêt du 26 avril 2022 était entaché d’une omission de statuer que la cour d’appel, saisie d’une requête en ce sens, devait réparer, la cour d’appel a violé l’article 463 du code de procédure civile, ensemble les articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil. »
Vu l’article 1355 du code civil et les articles 463 et 480 du code de procédure civile :
6. Selon le deuxième de ces textes, l’omission par le juge, dans le dispositif de sa décision, de la réponse à une prétention sur laquelle il s’est expliqué dans les motifs, constitue une omission de statuer.
7. Il résulte du premier et du dernier de ces textes que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif.
8. Pour rejeter la requête en omission de statuer, l’arrêt retient que la cour d’appel ayant, dans les motifs de son arrêt du 26 avril 2022, considéré, d’une part, que la COFIC n’avait pas de droit à indemnisation au titre de l’emprise sur les parcelles cadastrées section AX, son auteur ayant accepté une indemnisation pour une emprise de 3 212 m² supérieure à la surface d’emprise telle qu’évaluée par l’expert judiciaire, d’autre part, que ses demandes présentées au titre de l’emprise correspondant au [Adresse 15] étaient irrecevables comme nouvelles, elle a implicitement mais nécessairement rejeté la demande d’indemnisation qui lui était soumise à titre subsidiaire.
9. En statuant ainsi, alors que l’arrêt du 26 avril 2022 s’était borné, dans son dispositif, à rejeter les demandes de la COFIC en tant qu’elles étaient dirigées contre l’AFU, sans statuer sur les autres demandes indemnitaires présentées par celle-ci, à titre principal, et subsidiaire, contre la commune et les membres de l’AFU désormais dissoute, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur les demandes de la COFIC en condamnation de la commune à lui payer diverses sommes en réparation de ses préjudices du fait de l’emprise du [Adresse 14] et sur sa demande subsidiaire en condamnation des autres propriétaires intéressés, en leur qualité de membres de l’AFU dissoute, in solidum avec la commune en paiement diverses sommes en réparation de ses préjudices du fait de l’emprise des [Adresse 14] et de [Adresse 15].
12. En premier lieu, l’arrêt du 26 avril 2022, devenu irrévocable par l’effet du rejet du pourvoi formé à son encontre par décision de la Cour de cassation du 12 septembre 2024, ayant constaté que M. [R], auteur de la COFIC, membre d’une association foncière urbaine dans le périmètre de laquelle les terrains litigieux se trouvaient, avait accepté, avant l’adjudication, l’offre d’indemnisation de l’emprise émanant de l’AFU aux fins de construction d’une route dénommée [Adresse 14], les demandes en paiement de la COFIC dirigées à titre principal comme à titre subsidiaire contre la commune doivent être rejetées, cette société ne pouvant avoir plus de droit que son auteur, lequel ne lui avait cédé qu’un droit de propriété grevé des emprises en cause.
13. En second lieu, dès lors qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni des productions que les propriétaires intéressés auraient été mis en cause en leur qualité d’anciens membres de l’AFU, la demande indemnitaire dirigée à leur encontre doit être déclarée irrecevable en application de l’article 14 du code de procédure civile et la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile rejetée.
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