Cour de cassation, 9 janvier 2025, Pourvoi n° 23-10.860
Cour de cassation, 9 janvier 2025, Pourvoi n° 23-10.860

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Omission de statuer et ses implications sur les droits de propriété

Résumé

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne l’Association foncière urbaine d'[Localité 12] (AFU) qui a construit une route sur des parcelles de terrain, avant de les rétrocéder à la commune du [Localité 17]. Ces parcelles étaient auparavant la propriété de la Compagnie financière et immobilière Caraïbes (COFIC), suite à une fusion-absorption de la Société d’études et de gérance (SAEG), qui les avait acquises par adjudication en 1995.

Demande d’indemnisation

La COFIC a assigné l’AFU et la commune en indemnisation, arguant que la construction de la route constituait une voie de fait. La cour d’appel de Fort-de-France a rejeté les demandes de la COFIC contre l’AFU dans un arrêt du 26 avril 2022.

Requête en omission de statuer

Suite à cet arrêt, la COFIC a déposé une requête le 13 juin 2022, demandant la réparation d’une omission de statuer, affirmant que la cour n’avait pas tranché sa demande principale contre la commune pour obtenir des réparations liées à l’emprise sur les parcelles.

Arguments de la COFIC

La COFIC a soutenu que l’arrêt du 26 avril 2022 avait omis de statuer sur ses demandes, bien que la cour ait abordé ces questions dans ses motifs. Elle a fait valoir que le jugement précédent avait rejeté ses demandes contre l’AFU, mais n’avait pas statué sur celles dirigées contre la commune.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a rejeté la requête de la COFIC, affirmant que les motifs de l’arrêt du 26 avril 2022 indiquaient que la COFIC n’avait pas de droit à indemnisation pour l’emprise sur les parcelles, et que ses demandes étaient irrecevables.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a constaté que l’arrêt du 26 avril 2022 n’avait pas statué sur les demandes de la COFIC contre la commune, ce qui constituait une omission de statuer. Elle a donc décidé de statuer au fond sur les demandes de la COFIC.

Portée de la décision

La Cour a rejeté les demandes de la COFIC contre la commune, en raison de l’acceptation préalable d’une indemnisation par son auteur, et a déclaré irrecevable la demande indemnitaire dirigée contre les anciens membres de l’AFU, faute de mise en cause.

CIV. 3

CL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 janvier 2025

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 14 F-D

Pourvoi n° E 23-10.860

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025

La Compagnie financière et immobilière Caraïbes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 13], a formé le pourvoi n° E 23-10.860 contre l’arrêt rendu le 22 novembre 2022 par la cour d’appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à la commune du [Localité 17], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 16],

2°/ à l’Association foncière urbaine d'[Localité 12], dont le siège est [Adresse 16],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la Compagnie financière et immobilière Caraïbes, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la commune du [Localité 17], après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France, 22 novembre 2022), statuant sur requête en omission de statuer d’un arrêt (Fort-de-France, 26 avril 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 21 janvier 2021, pourvoi n° 19-21.209), l’Association foncière urbaine d'[Localité 12] (l’AFU) a réalisé, avant de la rétrocéder à la commune du [Localité 17] (la commune), une route sur les parcelles AX [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] dont la société Compagnie financière et immobilière Caraïbes (la COFIC) est devenue propriétaire à la suite de la fusion-absorption de la Société d’études et de gérance (la SAEG) qui les avait acquises par adjudication en 1995.

2. Soutenant que la construction de la route constituait une voie de fait, la COFIC a assigné en indemnisation l’AFU et la commune.

3. Par arrêt du 26 avril 2022, la cour d’appel de Fort-de-France a rejeté les demandes de la COFIC dirigées contre l’AFU.

4. Par requête du 13 juin 2022, la COFIC a demandé la réparation de l’omission de statuer affectant cet arrêt, soutenant qu’il n’avait pas été statué sur sa demande principale en condamnation de la commune à lui payer diverses sommes en réparation de ses préjudices du fait de l’emprise des [Adresse 14] et de [Adresse 15] et sur sa demande subsidiaire en condamnation in solidum de la commune et des autres propriétaires intéressés, en leur qualité de membres de l’AFU dissoute, au paiement des mêmes sommes.

Réponse de la Cour

Vu l’article 1355 du code civil et les articles 463 et 480 du code de procédure civile :

6. Selon le deuxième de ces textes, l’omission par le juge, dans le dispositif de sa décision, de la réponse à une prétention sur laquelle il s’est expliqué dans les motifs, constitue une omission de statuer.

7. Il résulte du premier et du dernier de ces textes que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif.

8. Pour rejeter la requête en omission de statuer, l’arrêt retient que la cour d’appel ayant, dans les motifs de son arrêt du 26 avril 2022, considéré, d’une part, que la COFIC n’avait pas de droit à indemnisation au titre de l’emprise sur les parcelles cadastrées section AX, son auteur ayant accepté une indemnisation pour une emprise de 3 212 m² supérieure à la surface d’emprise telle qu’évaluée par l’expert judiciaire, d’autre part, que ses demandes présentées au titre de l’emprise correspondant au [Adresse 15] étaient irrecevables comme nouvelles, elle a implicitement mais nécessairement rejeté la demande d’indemnisation qui lui était soumise à titre subsidiaire.

9. En statuant ainsi, alors que l’arrêt du 26 avril 2022 s’était borné, dans son dispositif, à rejeter les demandes de la COFIC en tant qu’elles étaient dirigées contre l’AFU, sans statuer sur les autres demandes indemnitaires présentées par celle-ci, à titre principal, et subsidiaire, contre la commune et les membres de l’AFU désormais dissoute, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur les demandes de la COFIC en condamnation de la commune à lui payer diverses sommes en réparation de ses préjudices du fait de l’emprise du [Adresse 14] et sur sa demande subsidiaire en condamnation des autres propriétaires intéressés, en leur qualité de membres de l’AFU dissoute, in solidum avec la commune en paiement diverses sommes en réparation de ses préjudices du fait de l’emprise des [Adresse 14] et de [Adresse 15].

12. En premier lieu, l’arrêt du 26 avril 2022, devenu irrévocable par l’effet du rejet du pourvoi formé à son encontre par décision de la Cour de cassation du 12 septembre 2024, ayant constaté que M. [R], auteur de la COFIC, membre d’une association foncière urbaine dans le périmètre de laquelle les terrains litigieux se trouvaient, avait accepté, avant l’adjudication, l’offre d’indemnisation de l’emprise émanant de l’AFU aux fins de construction d’une route dénommée [Adresse 14], les demandes en paiement de la COFIC dirigées à titre principal comme à titre subsidiaire contre la commune doivent être rejetées, cette société ne pouvant avoir plus de droit que son auteur, lequel ne lui avait cédé qu’un droit de propriété grevé des emprises en cause.

13. En second lieu, dès lors qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni des productions que les propriétaires intéressés auraient été mis en cause en leur qualité d’anciens membres de l’AFU, la demande indemnitaire dirigée à leur encontre doit être déclarée irrecevable en application de l’article 14 du code de procédure civile et la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile rejetée.

 


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