Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Résiliation de bail et transfert de droits : enjeux d’occupation et de résidence.
→ RésuméContexte du litigeL’établissement [Localité 6] Habitat OPH a signé un bail avec Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N] le 9 février 2005 pour un appartement à [Adresse 1]. En août 2017, Monsieur [R] [N] a notifié un congé pour résilier le bail à son nom, tout en souhaitant que celui-ci se poursuive pour son épouse, Madame [G] [N]. Commandements et sommationsEn octobre 2022, l’établissement a délivré un commandement de payer à Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N] pour un montant de 4262,92 euros, ainsi qu’une sommation pour justifier de l’occupation des lieux. Madame [G] [N] a ensuite confirmé résider à l’adresse du bail. Constatations et actions judiciairesUn constat réalisé en février 2023 a révélé que Madame [G] [N] vivait à l’adresse [Adresse 4] avec son mari, tandis que sa mère, Madame [U] [J], occupait le logement à [Adresse 1]. L’établissement a alors assigné les époux [N] et Madame [U] [J] devant le tribunal pour constater l’absence d’occupation personnelle des lieux et demander la résiliation du bail. Arguments des partiesL’établissement a soutenu que les époux [N] n’occupaient pas le logement comme requis par la loi, ayant menti pour permettre à un membre de leur famille d’en bénéficier. En réponse, les époux [N] ont demandé le transfert du bail à Madame [U] [J], arguant d’un abandon de domicile et de la nécessité de protéger une personne âgée et handicapée. Décisions du tribunalLe tribunal a rejeté la demande de transfert du bail, considérant que les conditions d’abandon de domicile n’étaient pas remplies. Il a prononcé la résiliation du bail pour défaut d’occupation personnelle, constatant que les époux [N] avaient cessé d’occuper les lieux pendant plus de huit mois par an. Ordonnance d’expulsion et indemnitésSuite à la résiliation, le tribunal a ordonné l’expulsion des époux [N] et de Madame [U] [J], les déclarant occupants sans droit ni titre. Ils ont également été condamnés à verser une indemnité d’occupation correspondant au loyer jusqu’à la restitution des lieux. Demande de paiement d’arriérésLa demande de l’établissement pour le paiement d’arriérés locatifs a été rejetée pour les époux [N], qui avaient justifié des paiements, mais a été maintenue pour Madame [U] [J], qui n’était pas partie au bail. Condamnation aux dépensLes époux [N] et Madame [U] [J] ont été condamnés aux dépens, tandis que le tribunal a également accordé une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais engagés par l’établissement. La décision a été déclarée exécutoire de plein droit. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Maître Patrick HAGEGE
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me SCP MENARD ET WEILLER
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 24/01088 – N° Portalis 352J-W-B7I-C33K2
N° MINUTE :
6 JCP
JUGEMENT
rendu le mercredi 08 janvier 2025
DEMANDERESSE
Société [Localité 6] HABITAT OPH, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me SCP MENARD ET WEILLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P.128
DÉFENDEURS
Madame [G] [N], demeurant [Adresse 4]
Madame [U] [J], demeurant [Adresse 1]
Monsieur [R] [N], demeurant [Adresse 4]
représentés par Maître Patrick HAGEGE de la SELEURL SELARLU HAGEGE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #A0097
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Deborah FORST, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 30 octobre 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 janvier 2025 par Deborah FORST, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier
Décision du 08 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/01088 – N° Portalis 352J-W-B7I-C33K2
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 9 février 2005, l’établissement [Localité 6] Habitat OPH a donné à bail à Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N], dont il n’est pas contesté qu’ils soient mariés, un appartement à usage d’habitation situé [Adresse 1] (anciennement [Adresse 3] [Localité 5].
Par courrier daté du 22 août 2017, reçu le 5 septembre 2017, Monsieur [R] [N] a adressé à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH un congé afin que le bail situé [Adresse 1] soit résilié le concernant, et se poursuive au bénéfice de son épouse Madame [G] [N], et indiquant résider à l’adresse située [Adresse 4].
Par acte de commissaire de justice du 24 octobre 2022, l’établissement [Localité 6] Habitat OPH a fait délivrer à Madame [G] [N] et Monsieur [R] [N] un commandement de payer la somme de 4262,92 euros, qui a été remis à Monsieur [R] [N] à l’adresse située [Adresse 1].
Par acte de commissaire de justice du 24 octobre 2022, l’établissement [Localité 6] Habitat OPH a fait délivrer aux époux [N] une sommation d’avoir à justifier de l’occupation des lieux à l’adresse située [Adresse 1], signifiée sur place à Monsieur [R] [N].
Par courrier daté du 30 octobre 2022, et reçu le 7 novembre 2022, Madame [G] [N] a indiqué à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH qu’elle résidait à l’adresse située [Adresse 1].
Par acte de commissaire de justice du 16 novembre 2022, l’établissement [Localité 6] Habitat OPH a fait délivrer aux époux [N] le commandement de payer les loyers du 24 octobre 2022. L’acte a été délivré à l’adresse située [Adresse 4] à Madame [G] [N].
Par acte de commissaire de justice du 13 février 2023, l’établissement [Localité 6] Habitat OPH a fait procéder à un constat aux deux adresses. Il a constaté que Madame [U] [J], se présentant comme la mère de Madame [G] [N] se trouvait dans les lieux situés [Adresse 1], que Madame [G] [N] se trouvait dans les lieux situés [Adresse 4] et que cette dernière a indiqué que son époux, endormi, s’y trouvait également.
Considérant que les époux [N] n’habitaient plus dans les lieux situés [Adresse 1] et qu’ils y avaient installé Madame [U] [J], l’établissement Paris Habitat OPH a fait délivrer à Madame [G] [N], Monsieur [R] [N] et Madame [U] [J], une assignation devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin de :
constater que Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N] n’occupent plus personnellement le logement situé [Adresse 1] (anciennement [Adresse 3]) ;constater que Madame [U] [J] est occupante sans droit ni titre ;prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N] ;ordonner l’expulsion de Monsieur [R] [N], de Madame [G] [N] et celle de tous occupants de leur chef et notamment de Madame [U] [J] du logement situé [Adresse 1], et ce, avec l’assistance de la force publique si besoin est ;condamner in solidum les cités à payer à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer qui aurait été dû en cas de poursuite du bail, majorée de 30%, sans préjudice des charges courantes, subsidiairement dire que cette indemnité d’occupation sera égale au montant du loyer et des charges et ce jusqu’à complète libération des lieux ;condamner in solidum les cités à payer à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH la somme de 3766,40 euros correspondant aux loyers et charges impayés au 31 décembre 2023 inclus ;condamner in solidum les cités à payer à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, de sa dénonciation, de la sommation de justifier d’habiter les lieux, du constat du commissaire de justice du 13 février 2023, de l’assignation et plus généralement de tous actes rendus nécessaires à l’occasion de la présente procédure ;dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
L’affaire a été appelée à l’audience du 4 mars 2024, et renvoyée aux audiences des 28 juin 2024 et 30 octobre 2024. Elle a été retenue à cette dernière audience.
L’établissement [Localité 6] Habitat OPH, représenté par son conseil, a maintenu ses demandes telles que formées dans son assignation.
Aux termes de son assignation et de ses observations orales, et au soutien de sa demande de résiliation du bail, il fait valoir, sur le fondement des articles 1240, 1224 et 1728 du code civil, ainsi que des articles R353-131 et L442-8 du code de la construction et de l’habitation, que les locataires en titre n’occupent pas personnellement les lieux de manière effective et réelle durant une période minimum de 8 mois par an, ayant menti afin de faire bénéficier à un membre de leur famille le logement social objet du litige. Il relève que lors du constat de commissaire de justice du 13 février 2023, Madame [G] [N] a reconnu habiter avec son mari à l’adresse [Adresse 4] depuis 2017 et que sa mère, [U] [J] bénéficie du logement situé [Adresse 1] depuis 2017 également. Il conteste que le départ des époux [N] soit constitutif d’un abandon de domicile au sens de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989.
Madame [G] [N], Monsieur [R] [N] et Madame [U] [J], représentés par leur avocat, ont déposé des conclusions écrites aux termes desquelles ils demandent :
de transférer le contrat de bail concernant le logement situé [Adresse 1] conclu entre l’établissement [Localité 6] Habitat OPH, Madame [G] [N] et Monsieur [R] [N] à Madame [U] [J] ;de débouter l’établissement [Localité 6] Habitat OPH de sa demande d’expulsion de Madame [G] [N], Monsieur [R] [N] et Madame [U] [J] du logement situé [Adresse 1] ;d’accorder un échéancier de 24 mois pour le paiement de l’arriéré locatif au bénéfice de Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N] ;de débouter l’établissement [Localité 6] Habitat OPH de l’ensemble de ses demandes ;de condamner l’établissement [Localité 6] Habitat OPH aux entiers dépens.
Au soutien de leur demande de transfert du bail au bénéfice de Madame [U] [J], ils font valoir, que celle-ci se trouve en premier lieu fondée sur l’article 15 III de la loi du 6 juillet 1989, et en second lieu sur le fondement de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989, considérant qu’ils ont abandonné le domicile de manière brusque, définitive et imposée à Madame [U] [J]. Ils précisent qu’en 2017, Madame [U] [J] est arrivée sur le sol français afin de bénéficier de soins médicaux, et qu’elle a emménagé avec les époux [N] à l’adresse située [Adresse 1] ; que les époux [N] ont cependant connu des difficultés conjugales et ont pris la décision de se séparer, ce qui a conduit Monsieur [R] [N] à délivrer le congé du 22 août 2017 afin de résider à l’adresse [Adresse 4] ; que Madame [G] [N] est quant à elle restée avec sa mère dans le logement situé [Adresse 1] ; que quelques mois plus tard, les époux se sont réconciliés et ont repris leur vie commune à l’adresse située [Adresse 4], laissant Madame [U] [J] seule dans le logement à partir du milieu de l’année 2018. Ils estiment que le départ brusque et imprévisible de Madame [G] [N] pour rejoindre son époux à l’adresse située [Adresse 4] caractérise l’abandon du domicile [Adresse 1], ouvrant le droit, pour Madame [J] à bénéficier du transfert du bail. Ils précisent qu’elle est âgée de 70 ans, en situation de handicap pour avoir subi une amputation des deux pieds et qu’elle se trouve en attente de l’attribution d’un logement social.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 8 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Rejette la demande de transfert du bail conclu le 9 février 2005 entre l’OPAC de [Localité 6], aux droits duquel vient l’établissement [Localité 6] Habitat OPH, Madame [G] [N] et Monsieur [R] [N] et portant sur les locaux situés [Adresse 1] (anciennement [Adresse 3]) [Localité 5] au bénéfice de Madame [U] [J] ;
Prononce la résiliation du bail conclu le 9 février 2005 entre l’OPAC de [Localité 6], aux droits duquel vient l’établissement [Localité 6] Habitat OPH, Madame [G] [N] et Monsieur [R] [N] et portant sur les locaux situés [Adresse 1] (anciennement [Adresse 3]) [Localité 5] ;
Dit que Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] se trouvent en conséquence occupants sans droit ni titre ;
Ordonne, à défaut de départ volontaire, l’expulsion de Monsieur [R] [N], de Madame [G] [N] et celle de tous occupants de leur chef et notamment de Madame [U] [J] du logement situé [Adresse 1], et ce, avec l’assistance de la force publique si besoin est, passé un délai de deux mois, suivant la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux ;
Rappelle que le sort des meubles sera régi par les articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;
Condamne in solidum Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] à payer à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dû en cas de poursuite du bail et ce jusqu’à complète libération des lieux ;
Rejette la demande tendant à majorer l’indemnité d’occupation de 30% ;
Déboute l’établissement [Localité 6] Habitat OPH de sa demande de condamnation de Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] à lui payer la somme de 3766,40 euros au titre des loyers et charges impayés au 31 décembre 2023 ;
Condamne Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] à verser à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette pour le surplus des demandes ;
Condamne Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] aux dépens dont il n’y a pas lieu d’inclure le coût du commandement de payer, de sa dénonciation, de la sommation de justifier d’habiter les lieux et du constat de commissaire de justice du 13 février 2023 ;
Dit que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.
La greffière La juge
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