Tribunal judiciaire de Paris, 8 janvier 2025, RG n° 24/00860
Tribunal judiciaire de Paris, 8 janvier 2025, RG n° 24/00860

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Propriété et obligations locatives : enjeux de la résiliation et de la saisine des instances compétentes.

Résumé

Contexte de l’affaire

Madame [U] [O] est locataire d’un appartement situé à [Adresse 3]. La SA Pierres et Lumières, se présentant comme le bailleur, a délivré un commandement de payer à Madame [U] [O] le 11 août 2023, réclamant un montant total de 6451,65 euros pour loyers et charges impayés, avec un délai d’un mois pour s’acquitter de cette somme.

Procédures judiciaires

Après le non-paiement de la somme due, la SA Pierres et Lumières a assigné Madame [U] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris le 28 décembre 2023. L’assignation visait à obtenir la résiliation du bail verbal, l’expulsion de Madame [U] [O], ainsi que le paiement des loyers impayés et d’autres frais. L’affaire a été renvoyée à plusieurs audiences, la dernière étant prévue pour le 30 octobre 2024.

Arguments de la SA Pierres et Lumières

La SA Pierres et Lumières a maintenu ses demandes, actualisant la dette locative à 20860,47 euros. Elle a soutenu sa qualité de propriétaire malgré l’absence de bail écrit, en se basant sur des documents prouvant la réalité de la location et le paiement des loyers. Elle a également affirmé avoir respecté les procédures de saisine de la Ccapex, bien que celle-ci ait été contestée par la défense.

Arguments de Madame [U] [O]

Madame [U] [O], représentée par son conseil, a contesté la qualité à agir de la SA Pierres et Lumières, arguant que le bail écrit n’était pas produit et que la saisine de la Ccapex n’était pas valide. Elle a également exposé sa situation personnelle difficile, demandant un moratoire de 18 mois pour le paiement de ses dettes locatives, tout en soulignant son incapacité à payer les loyers courants.

Décisions du tribunal

Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Madame [U] [O] concernant la qualité à agir de la SA Pierres et Lumières. Cependant, il a déclaré irrecevable la demande de résiliation du bail en raison de la non-conformité de la saisine de la Ccapex. Les demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation ont également été rejetées.

Condamnation de Madame [U] [O]

Madame [U] [O] a été condamnée à verser à la SA Pierres et Lumières la somme de 20860,47 euros pour loyers impayés, avec intérêts. Sa demande de délai de paiement a été rejetée, et elle a également été condamnée à payer 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de la procédure.

Exécution de la décision

La décision du tribunal est exécutoire de plein droit, sans incompatibilité avec la nature de l’affaire, permettant ainsi à la SA Pierres et Lumières de procéder à l’exécution des mesures ordonnées.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Jean-emmanuel TOURREIL

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Paul-gabriel CHAUMANET

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/00860 – N° Portalis 352J-W-B7I-C3Z24

N° MINUTE :
5 JCP

JUGEMENT
rendu le mercredi 08 janvier 2025

DEMANDERESSE
S.A. PIERRES ET LUMIERES, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Paul-gabriel CHAUMANET de l’ASSOCIATION A5 Avocats Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #R101

DÉFENDERESSE
Madame [U] [O], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jean-emmanuel TOURREIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D0481
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-012988 du 25/06/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Deborah FORST, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 30 octobre 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 janvier 2025 par Deborah FORST, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 08 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/00860 – N° Portalis 352J-W-B7I-C3Z24

EXPOSE DU LITIGE

Madame [U] [O] est locataire d’un appartement situé [Adresse 3].

Par acte de commissaire de justice du 11 août 2023, la SA Pierres et Lumières, revendiquant sa qualité de bailleur en vertu d’un bail verbal ayant pris effet le 1er août 1980, a fait délivrer à Madame [U] [O] un commandement de payer la somme de 6291,26 euros en principal, soit un total de 6451,65 euros comprenant le coût de l’acte, au titre des loyers et charges impayées selon décompte joint à l’acte et arrêté au 30 juin 2023, dans le délai d’un mois à compter de sa délivrance.

Madame [U] [O] n’a pas réglé les causes du commandement de payer.

Par acte de commissaire de justice du 28 décembre 2023, la SA Pierres et Lumières a fait assigner Madame [U] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
prononcer la résiliation du bail verbal conclu entre la SA d’HLM Pierres et Lumières et Madame [U] [O] relatif à l’appartement n° 1387 situé au [Adresse 3] ;en conséquence condamner Madame [U] [O] à quitter immédiatement cet appartement ;autoriser, passer les délais légaux, la SA Pierres et Lumières à la faire expulser ainsi que tous occupants de son chef, par toutes voies et moyens de droit, avec le concours de la force publique si besoin est ;vu l’obligation non sérieusement contestable de Madame [U] [O], la condamner à payer à la SA Pierres et Lumières la somme de 1103,66 euros représentant les loyers impayés au 11 décembre 2023, sauf à parfaire, avec intérêts de droit à compter de la sommation de payer en date du 11 août 2023 sur 6291,26 euros, et à compter du jugement à intervenir sur le surplus ;la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer majoré des charges qu’elle aurait payé en cas de non résiliation du bail à compter de ladite résiliation et jusqu’à la libération effective des lieux ;condamner Madame [U] [O] à payer à la SA d’HLM Pierres et Lumières la somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner Madame [U] [O] à tous les frais et dépens, comprenant notamment le coût du commandement d’un montant de 160,39 euros, et de la présente signification de la décision.
L’assignation a été dénoncée à la préfecture par voie électronique le 29 décembre 2023.

Les parties ont été appelées à l’audience du 4 mars 2024 et renvoyée à l’audience du 29 juin 2024, puis à celle du 30 octobre 2024 à laquelle l’affaire a été retenue.

A l’audience, la SA Pierres et Lumières, représentée par son conseil, a maintenu ses demandes telles que formulées dans son acte introductif d’instance, actualisant la dette locative à la somme de 20860,47 euros, et ajoutant s’opposer à la demande reconventionnelle tendant à l’octroi de délais de paiement.

En réponse aux fins de non-recevoir soulevées en défense dans ses écritures, elle a fait valoir en premier lieu, s’agissant de son intérêt à agir, qu’elle justifie de sa qualité de propriétaire au regard des pièces qu’elle produit. En second lieu, elle a soutenu que sa demande tendant à ce que la résiliation du bail soit prononcée pour défaut de paiement des loyers était recevable dans la mesure où elle a exposé avoir régulièrement saisi la Ccapex par lettre recommandée avec avis de réception dans les délais requis, et que l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 ne prévoit pas de sanction en cas de saisine de celle-ci autrement que par voie électronique.

Sur le fond et aux termes de son assignation, elle expose que le bail écrit du 1er août 1980 conclu entre les parties est introuvable, mais qu’au regard de la réalité de la location et du paiement des loyers depuis l’entrée dans les lieux, il est possible de considérer qu’un bail verbal existe entre les parties. Elle estime que Madame [U] [O] n’a pas exécuté le commandement de payer dans le délai d’un mois, et que malgré diverses relances, elle n’a pas rétabli une situation pérenne. Elle précise n’avoir eu aucune information sur la saisine de la commission de surendettement.

Madame [U] [O], représentée par son conseil, a déposé des conclusions écrites, modifiées dans ses observations orales, aux termes desquelles elle demande :
à titre principal :de juger irrecevable les demandes de la SA Pierres et Lumières pour défaut d’intérêt à agir ;subsidiairement de juger irrecevables les demandes de la SA Pierres et Lumières pour défaut de saisine valable de la Ccapex et en conséquence rejeter les demandes ;de condamner la SA Pierres et Lumières aux entiers dépens qui seront recouvrés par l’Etat comme en matière d’aide juridictionnelle ;très subsidiairement, d’accorder à Madame [U] [O] un moratoire de 18 mois à compter de la date de la décision à intervenir ;en tout état de cause, débouter la SA Pierres et Lumières de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;de dire et juger que la commandement de payer du 11 août 2023 restera à la charge de la SA Pierres et Lumières et ne sera pas inclus dans les dépens.
Dans ses observations orales, elle demande également de déclarer le commandement de payer du 11 août 2023 nul au motif qu’il vise de manière erronée un délai d’un mois.

A l’appui des fins de non-recevoir qu’elle soulève, elle fait valoir en premier lieu, sur le fondement des articles 32 et 122 du code de procédure civile, que la SA Pierres et Lumières ne justifie pas de sa qualité à agir, faute de produire le bail écrit d’une part, et d’autre part, au regard du relevé de propriété du centre des impôts fonciers la désignant comme syndic de l’immeuble et non copropriétaire. En second lieu, au visa de l’article 24 II et IV de la loi du 6 juillet 1989, et de l’article 152 de la loi du 27 janvier 2017, elle soutient que la simple saisine de la Ccapex par voie postale et à l’aide d’un formulaire obsolète est irrégulière, la saisine devant se faire par voie électronique dans le cadre du système Exploc.

Sur le fond, elle expose qu’elle est âgée de 74 ans, qu’elle est malade et dans une situation de précarité importante, qu’elle n’a plus aucune économie, qu’elle a été aidée par sa famille jusqu’au mois de juillet 2022, mais qu’elle est désormais totalement seule et ne perçoit plus de 400 euros par mois. Elle précise qu’elle vit dans le dénuement le plus total alors que l’appartement n’a fait l’objet d’aucune réparation par le bailleur depuis 1980, et que les services sociaux commencent seulement à la prendre en charge, alors même que cela ressortait des compétences de la SA Pierres et Lumières, et sollicite en conséquence le bénéfice de délais de paiement de 18 mois, quand bien même le paiement des loyers courants n’a pas repris, comme l’autorise l’article 1343-5 du code civil.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 8 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par Madame [U] [O] pour défaut de qualité et d’intérêt à agir de la SA Pierres et Lumières ;

Déclare irrecevable la demande de la SA Pierres et Lumières tendant à prononcer la résiliation du bail verbal conclu entre la SA Pierres et Lumières et Madame [U] [O] relatif à l’appartement n° 1387 situé au [Adresse 3] ;

Rejette en conséquence les demandes tendant à condamner Madame [U] [O] à quitter les lieux, à autoriser la SA Pierres et Lumières à la faire expulser, ainsi que tous occupants de son chef avec le concours de la force publique, et à condamner Madame [U] [O] au paiement d’une indemnité d’occupation ;

Rejette la demande tendant à déclarer le commandement de payer du 11 août 2023 nul ;

Condamne Madame [U] [O] à verser à la SA Pierres et Lumières la somme de 20860,47 euros représentant les loyers impayés arrêtée au 30 septembre 2024, avec intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 11 août 2023 sur la somme de 6291,26 euros et à compter de la présente décision pour le surplus ;

Rejette la demande de délai de paiement formée par Madame [U] [O] ;

Condamne Madame [U] [O] à verser à la SA Pierres et Lumières la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette pour le surplus des demandes ;

Condamne Madame [U] [O] aux dépens, comprenant le coût de l’assignation, mais auxquels il n’y a pas lieu d’inclure le montant du commandement de payer du 11 août 2023 ;

Rappelle que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire.

La greffière La juge

 


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