Cour de cassation, 8 janvier 2025, Pourvoi n° 23-23.569
Cour de cassation, 8 janvier 2025, Pourvoi n° 23-23.569

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Délai de contestation et prescription : enjeux de la responsabilité des assureurs dans le cadre des indemnisations médicales.

Résumé

Contexte de l’affaire

Le 11 juillet 2018, l’ONIAM a indemnisé Mme [G] pour une contamination par le virus de l’hépatite C suite à la réception de produits sanguins. Par la suite, l’ONIAM a émis un titre exécutoire à l’encontre de la société Allianz IARD, l’assureur du centre de transfusion sanguine de Dijon, pour le remboursement des sommes versées à Mme [G]. Ce titre a été notifié à l’assureur le 21 janvier 2019.

Action en annulation

Le 5 août 2021, Allianz a assigné l’ONIAM en annulation du titre exécutoire, mais l’ONIAM a opposé la forclusion de cette action. La cour d’appel a ensuite été saisie pour examiner la recevabilité de l’action de l’assureur.

Arguments de l’assureur

L’assureur a soutenu que les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative ne s’appliquaient pas à son action, qui devait être soumise au délai de prescription de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil. Il a contesté la décision de la cour d’appel qui avait déclaré son action forclose.

Réponse de la Cour

La Cour a précisé que le titre exécutoire émis par l’ONIAM est une décision administrative, et que le débiteur souhaitant contester ce titre doit le faire dans un délai de deux mois, conformément à l’article R. 421-1. Le délai de prescription de cinq ans n’est donc pas applicable dans ce cas.

Prescription des demandes d’indemnisation

Selon l’article L. 1142-28 du code de la santé publique, les demandes d’indemnisation devant l’ONIAM se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. Ce délai s’applique également à l’action de l’ONIAM contre les assureurs.

Notification des voies de recours

Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables que si les voies et délais de recours ont été mentionnés dans la notification de la décision. En l’absence de notification régulière, le débiteur n’est pas tenu de respecter le délai d’un an pour contester le titre.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a constaté que la notification du titre n’avait pas fait courir le délai de recours de deux mois et a jugé que plus d’un an s’était écoulé entre la connaissance du titre par l’assureur et son action en annulation. Cependant, cette décision a été considérée comme une violation des textes applicables.

CIV. 1

SA9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 janvier 2025

Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 18 F-D

Pourvoi n° U 23-23.569

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 JANVIER 2025

La société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 23-23.569 contre l’arrêt rendu le 4 octobre 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l’opposant :

1°/ à L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Charente Maritime, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l’avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l’audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 2023), le 11 juillet 2018, après avoir indemnisé, lors de la procédure amiable prévue à l’article L. 1221-14 du code de la santé publique, Mme [G] ayant reçu des produits sanguins et été contaminée par le virus de l’hépatite C, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l’ONIAM) a émis à l’encontre de la société Allianz IARD, assureur du centre de transfusion sanguine de Dijon (l’assureur), un titre exécutoire n° 2018-727 en remboursement des sommes versées à Mme [G]. Ce titre a été notifié à l’assureur le 21 janvier 2019.

2. Le 5 août 2021, l’assureur a assigné l’ONIAM en annulation de ce titre exécutoire. Ce dernier lui a opposé la forclusion de son action.

Réponse de la Cour

4. Pour recouvrer les sommes versées aux victimes en application des articles L. 1142-15, L. 1142-24-7, L. 1142-24-17 ou L. 1221-14 du code de la santé publique, l’ ONIAM peut émettre un titre exécutoire à l’encontre des assureurs des structures reprises par l’Etablissement français du sang ou encore des assureurs des personnes considérées comme responsables de dommages, de celles-ci ou du Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé, auxquels il s’est substitué (Avis de la Cour de cassation, 28 juin 2023, n° 23-70.003).

5.Ce titre exécutoire émis par l’ONIAM constitue une décision administrative au sens de l’article R. 421-1 du code de justice administrative.

6. Il s’en déduit que le débiteur, qui entend contester un titre exécutoire émis par l’ONIAM devant le juge judiciaire, doit saisir celui-ci dans le délai de deux mois prévu par ce texte et que le délai édicté par l’article 2224 du code civil n’est pas applicable (Avis de la Cour de cassation, 13 décembre 2023, n° 23-70.013).

7. C’est dès lors à bon droit que la cour d’appel a retenu que le délai applicable pour contester un titre exécutoire émis par l’ONIAM était celui de l’article R. 421-1 du code de justice administrative.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d’office

9. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 1142-28 du code de la santé publique, R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative :

10. Selon le premier de ces textes, les demandes d’indemnisation formées devant l’ONIAM en application de l’article L. 1221-14 du code de la santé publique se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.

11. Est également soumise à ce délai de prescription l’action exercée par l’ONIAM, subrogé dans les droits des victimes qu’il a indemnisées, sur le fondement de l’article L. 1221-14, contre des assureurs des structures reprises par l’Etablissement français du sang.

12. Ainsi qu’énoncé au paragraphe 6, le débiteur qui entend contester un titre exécutoire émis par l’ONIAM devant le juge judiciaire doit saisir celui-ci dans le délai de deux mois prévu par le deuxième de ces textes.

13. Aux termes du troisième de ces textes, les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

14. En l’absence de notification régulière des voies et délais de recours, le débiteur n’est pas tenu de saisir le juge civil dans le délai d’un an défini par la décision du Conseil d’État du 13 juillet 2016 (n° 387763, publié au Recueil Lebon), les règles de la prescription extinctive suffisant alors à répondre à l’exigence de sécurité juridique (Ass. plén., 8 mars 2024, pourvoi n° 21-12.560, publié).

15. Pour écarter la demande d’annulation du titre exécutoire comme tardive, après avoir constaté que la juridiction désignée n’était pas compétente et que la notification du titre n’avait pas fait courir le délai de recours de deux mois, l’arrêt retient que plus d’un an s’est écoulé entre le jour où l’assureur a eu connaissance du titre exécutoire et le jour où il a agi en annulation de ce titre.

16. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 


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