Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Concurrence déloyale et détournement de clientèle : enjeux de la loyauté commerciale.
→ RésuméContexte des entreprisesLa société Audirep Marketing, désormais connue sous le nom d’AMKG, se spécialise dans la réalisation d’études et de sondages pour de grands comptes. De son côté, la société CSA propose également des études et des conseils pour des sondages et enquêtes destinés à une clientèle similaire. Démissions et embauchesLe 2 juin 2017, deux employés clés d’AMKG, Mme [R] et M. [Z], ont démissionné pour rejoindre la société CSA peu après. Mme [R] était Directrice des Études, tandis que M. [Z] était Directeur du département « Grande Conso ». Leurs départs ont entraîné des conséquences immédiates pour AMKG. Conséquences sur AMKGSuite à ces démissions, AMKG a été informée par des clients majeurs, tels qu’Orangina et Nestlé, qu’ils ne lui confieraient plus d’études, invoquant un manque d’expertise. Cela a conduit AMKG à dénoncer des actes de concurrence déloyale de la part de CSA. Actions judiciairesLe 25 septembre 2017, AMKG a envoyé une mise en demeure à CSA pour cesser le débauchage et le détournement de clientèle. En juin 2018, AMKG a saisi le tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir réparation. En mai 2019, le tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard d’AMKG. Jugements et appelsLe tribunal a partiellement donné raison à AMKG en décembre 2020, ordonnant la communication de documents par CSA, assortie d’une astreinte. En octobre 2022, CSA a été condamnée à payer une astreinte de 115.700 euros, mais a été déboutée de ses demandes de dommages et intérêts. Les deux parties ont interjeté appel des jugements. Prétentions des partiesMe [G], représentant AMKG, a demandé la confirmation des jugements précédents et a sollicité des dommages-intérêts pour le préjudice commercial et moral. CSA, de son côté, a demandé la réformation des jugements, arguant qu’elle n’avait pas commis de faute. Éléments de la décisionLa cour a examiné les éléments de concurrence déloyale, notamment le débauchage, le dénigrement, le parasitisme et le détournement de clientèle. Elle a constaté que CSA avait effectivement commis des actes de concurrence déloyale en détournant des clients d’AMKG. Conclusion de la courLa cour a confirmé certains jugements tout en infirmant d’autres, condamnant CSA à verser 467.000 euros à AMKG pour le préjudice subi en raison du détournement de clientèle. CSA a également été condamnée aux dépens et à verser des frais irrépétibles à AMKG. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 39H
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 8 JANVIER 2025
N° RG 22/06205 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VOUQ
+ 22/06597
AFFAIRE :
S.E.L.A.R.L. [X] [G]
C/
S.A. CSA
Décision déférée à la cour : Jugements rendus les 9 décembre 2020 et 5 Octobre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 1
N° RG : 2018F01097
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Tatiana RICHAUD
Me Sophie PORCHEROT
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.E.L.A.R.L. [X] [G], prise en la personne de Me [X] [G] en qualité de liquidateur judiciaire de la société AMKG, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 16 mai 2019
RCS Nanterre n° 505 012 385
[Adresse 1]
[Localité 3]
Autre qualité : Intimé dans 22/06597
Représentée par Me Tatiana RICHAUD du cabinet AEGO AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 307 et Me Alexis GRAIL & Me Sabine GUEROULT du cabinet AEGO AVOCATS, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D1491
APPELANTE
****************
S.A. CSA
RCS Nanterre n° 308 293 430
[Adresse 2]
[Localité 4]
Autre qualité : Appelant dans 22/06597
Représentée par Me Sophie PORCHEROT de la SELARL REYNAUD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177 et Me Jean-Fabrice BRUN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : NAN 1701
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Mai 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSÉ DES FAITS
La société Audirep Marketing, devenue « AMKG », est une société qui réalisait des études complètes (recueil d’informations et analyse) et des sondages pour une clientèle de grands comptes.
La société CSA réalise des études, des analyses et fournit des conseils pour la réalisation de sondages, d’enquêtes et d’études pour des grands comptes.
Le 2 juin 2017, Mme [N] [R], et M. [P] [Z], salariés de la société AMKG, l’une en tant que Directrice Etudes, l’autre en qualité de Directeur du département « Grande Conso » composé de quatre salariés au sein de la société AMKG ont donné leur démission avec effet, respectivement au 10 août 2017 pour M. [Z] et au 25 août 2017 pour Mme [R].
La société CSA a embauché ces deux personnes, peu de temps après leur démission.
Dans la semaine qui a suivi leur départ, la société AMKG a été avisée par les sociétés Orangina et Nestlé qu’elles ne lui confiaient plus les études prévues pour l’automne à venir et, plus généralement, qu’elles ne feraient plus appel à elle, car elles avaient été informées que, faute de disposer de l’expertise et de la compétence nécessaires, la société AMKG se trouvait dans l’incapacité de traiter leurs études.
Le 25 septembre 2017, la société AMKG a envoyé un courrier à la société CSA dénonçant des actes de concurrence déloyale et la mettant en demeure de cesser instantanément tout débauchage et/ ou détournement de clientèle supplémentaire.
Par acte d’huissier du 19 juin 2018, la société AMKG a sollicité du tribunal de commerce de Nanterre la condamnation de la société CSA à réparer le préjudice allégué.
Par jugement du 16 mai 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société AMKG et désigné Me [X] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société, lequel a repris l’instance et est intervenu volontairement, ès qualités, à la procédure.
Par jugement avant-dire droit du 9 décembre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a partiellement fait droit à une demande de communication de pièces présentée par la société AMKG, avec astreinte.
Le 23 février 2021, la société CSA a procédé à une communication partielle des documents requis.
Par jugement du 5 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– condamné la société CSA à payer à Me [G], ès qualités la somme de 115.700 euros au titre de l’astreinte ;
– débouté à Me [G], ès qualités, de ses demandes de dommages et intérêts ;
– condamné la société CSA à payer à Me [G], ès qualités la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que l’exécution provisoire était de droit ;
– condamné la société CSA aux entiers dépens.
Par déclaration du 11 octobre 2022, Me [G], ès qualités, a interjeté appel du jugement du 5 octobre 2022 (22/6205).
Par déclaration du 2 novembre 2022, la société CSA a interjeté appel du jugement avant-dire droit du 9 décembre 2020 et du jugement du 5 octobre 2022 (22/6597).
Par ordonnance du 31 octobre 2023, les procédures ont été jointes pour se poursuivre sous le n 22/06205.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 15 mars 2024, Me [G] ès qualités demande à la cour de le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé en ses demandes et de débouter la société CSA de l’ensemble de ses prétentions.
Il sollicite la confirmation du jugement avant-dire droit du 9 décembre 2020 et le débouté des demandes de la société CSA.
Il demande la confirmation du jugement du 5 octobre 2022 s’agissant de la condamnation de la société CSA à la somme de 115.700 euros au titre de l’astreinte et son infirmation en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de dommages et intérêts.
Il invite la cour, statuant à nouveau, à condamner la société CSA à lui verser la somme de 1.097.593 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice commercial consécutif au détournement de clientèle, ainsi que la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
Enfin, il sollicite la condamnation de la société CSA à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 21 février 2024, la société CSA demande à la cour de réformer le jugement avant-dire droit rendu le 9 décembre 2020 par le tribunal, seulement en ce qu’il lui a ordonné de communiquer à Me [G], les appels d’offres, propositions et correspondances afférentes émanant des sociétés Heineken, Nestlé Water, Pepsico, Coca-Cola, Orangina, Fremantle, Afev, ainsi que les réponses fournies du 1er avril 2017 à ce jour, et dit que la société CSA était cependant autorisée à occulter sur les documents communiqués les éléments chiffrés relatifs au coût des prestations, ainsi que les extraits des comptes clients des sociétés Heineken, Nestlé Water, Pepsico, Coca-Cola, Fremantle, Afev du 1er janvier 2017 à ce jour, et dit que cette injonction était assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, passé 30 jours après la signification du jugement avant dire droit, et pendant un délai de 2 mois, se réservant la liquidation de ladite astreinte, et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite la confirmation pour le surplus et demande à la cour , statuant à nouveau, de débouter Me [G] de l’ensemble de ses demandes, d’ordonner la mainlevée de la consignation de la somme de 115.700 euros réalisée entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations sous le n 3337281 et sa restitution à son profit.
Elle demande de réformer le jugement rendu le 5 octobre 2022 par le tribunal uniquement en ce qu’il l’a condamnée à payer à Me [G] la somme de 115.700 au titre euros de l’astreinte ainsi que la somme la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile avec les dépens.
Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter Me [G], ès qualités, de ses demandes d’ordonner la mainlevée de la consignation de la somme de 115.700 euros réalisée entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations sous le n 3337281 et sa restitution entre ses mains. Elle sollicite également de la cour, y ajoutant, de condamner Me [G], ès qualités, à lui payer la somme de 30.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément aux jugements déférés et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l’article 455 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement avant-dire droit du 9 décembre 2020 rendu par le tribunal de commerce de Nanterre,
Confirme le jugement du 5 octobre 2022 rendu par le tribunal de commerce de Nanterre, sauf en ce qu’en ne retenant pas un détournement de clientèle, il a débouté Me [G], ès qualités, de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel subi,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la société CSA a commis des actes de concurrence déloyale en procédant à un détournement de clientèle au détriment de la société AMKG,
Condamne la société CSA à verser la somme de 467.000 euros à Me [G] en qualité de liquidateur de la société AMKG,
Condamne la société CSA aux dépens de la procédure d’appel,
Condamne la société CSA à verser à Me [G] en qualité de liquidateur de la société AMKG la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Déboute la société CSA de sa demande à ce titre.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, La présidente,
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