Cour d’appel de Versailles, 8 janvier 2025, RG n° 22/03821
Cour d’appel de Versailles, 8 janvier 2025, RG n° 22/03821

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Licenciement et protection des salariés en arrêt maladie : enjeux et conséquences juridiques

Résumé

Engagement de Mme [Z]

Mme [Z] a été recrutée par la société Mescan, spécialisée dans l’importation et la distribution de capteurs et systèmes de mesure, d’abord par un contrat à durée déterminée à partir du 1er décembre 2009, puis par un contrat à durée indéterminée à compter du 2 juin 2010. Elle a été promue ingénieure commerciale dans le secteur médical par un avenant en date du 20 septembre 2012.

Arrêts maladie et licenciement

Mme [Z] a connu plusieurs arrêts maladie entre 2017 et 2019, le dernier débutant le 13 novembre 2018. Le 2 juillet 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, mais a informé l’employeur de son absence à cette réunion. Le 23 juillet 2019, elle a été licenciée pour absence prolongée, ce qui, selon l’employeur, perturbait le fonctionnement de la société.

Procédure judiciaire

Le 24 juin 2020, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy pour contester son licenciement et demander des indemnités. Le jugement du 29 novembre 2022 a confirmé la légitimité du licenciement et débouté Mme [Z] de ses demandes. Elle a interjeté appel le 28 décembre 2022.

Arguments des parties

Dans ses conclusions, Mme [Z] a demandé l’infirmation du jugement, arguant que son licenciement était nul en raison de la connaissance par l’employeur de sa volonté de faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie. La société Mescan a contesté cette demande, affirmant qu’elle n’avait pas été informée de cette volonté avant le licenciement.

Nullité du licenciement

La cour a jugé que le licenciement de Mme [Z] était nul, car il avait été prononcé en violation de son statut protecteur lié à sa maladie professionnelle. L’employeur avait connaissance de la volonté de la salariée de faire reconnaître cette maladie au moment du licenciement.

Conséquences financières

La cour a fixé la moyenne mensuelle de salaire de Mme [Z] à 4 295,97 euros et a condamné la société Mescan à verser 30 000 euros pour licenciement nul, ainsi que 12 887,91 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 1 288,80 euros pour congés payés afférents.

Intérêts et dépens

Les créances salariales produiront des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation par l’employeur. La cour a également ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière et a condamné la société Mescan à rembourser les indemnités de chômage versées à Mme [Z] dans la limite de six mois. Les dépens ont été mis à la charge de l’employeur.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80J

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JANVIER 2025

N° RG 22/03821

N° Portalis DBV3-V-B7G-VTAN

AFFAIRE :

[J] [Z]

C/

Société MESCAN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 novembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de POISSY

Section : E

N° RG : F20/00137

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Wenceslas FERENCE

Me Jean-Charles BEDDOUK

Copie numérique adressée à:

FRANCE TRAVAIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [J] [Z]

née le 19 septembre 1978 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Wenceslas FERENCE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 276A

APPELANTE

****************

Société MESCAN

N° SIRET : 452 231 046

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-Charles BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0631

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [Z] a été engagée initialement par contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er décembre 2009, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 2 juin 2010, en qualité de technico-commerciale par la société Mescan.

Cette société est spécialisée dans l’importation et la distribution de capteurs et systèmes de mesure destinés à la recherche et développement et aux applications industrielles et médicales. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de dix salariés. Elle applique la convention collective nationale de l’import-export.

Par avenant en date du 20 septembre 2012, prenant effet au 1er septembre 2012, Mme [Z] a été promue au poste d’ingénieure commerciale dans le secteur médical.

Mme [Z] a été placée en arrêt maladie du 20 novembre 2017 au 30 janvier 2018, du 26 avril 2018 au 20 août 2018, du 12 novembre au 13 novembre 2018 puis du 13 novembre 2018 jusqu’à la rupture de son contrat de travail intervenue le 23 juillet 2019.

Convoquée par lettre du 2 juillet 2019 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 11 juillet 2019, Mme [Z] a été licenciée par lettre du 23 juillet 2019 pour absence prolongée perturbant le fonctionnement de la société dans les termes suivants :

« (‘) Nous faisons suite à l’entretien qui était prévu le 11 juillet 2019.

Vous nous avez prévenu de votre absence à cet entretien mais vous n’en avez pas demandé le report et vous ne nous avez pas non plus adressé vos observations alors que nous vous avions invité à le faire.

Vous n’avez pas donné suite à notre lettre recommandée AR du 15 juillet 2019, que vous avez pourtant réceptionnée.

Nous vous informons donc que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant.

Votre absence prolongée depuis le 13 novembre 2018 perturbe le fonctionnement de l’entreprise et rend nécessaire votre remplacement définitif.

En effet, vos arrêts sont renouvelés de mois en mois depuis plus de huit mois et nous ne disposons d’aucune information sur la date prévisible de votre retour.

Nous sommes donc contraints de vous remplacer pour assurer un fonctionnement normal de l’entreprise.

Votre préavis d’une durée de trois mois débutera à la date de la première présentation de cette lettre. (…) ».

Mme [Z] a quitté les effectifs de la société le 25 octobre 2019 à l’issue de son préavis.

Par requête du 24 juin 2020, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy aux fins de constater que la société ne pouvait pas la licencier puisqu’elle a eu connaissance de la volonté de la salariée de faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie avant le licenciement, de contester son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 29 novembre 2022, le conseil de prud’hommes de Poissy (section encadrement) a :

. dit que licenciement de Mme [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse.

. débouté Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes.

. débouté la Sarl Mescan de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile

. fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 4 846,99 euros bruts.

. condamné Mme [Z] aux dépens

Par déclaration adressée au greffe le 28 décembre 2022, Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 15 octobre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [Z] demande à la cour de :

. infirmer le jugement rendu le 29 novembre 2022 par le conseil de prud’hommes de Poissy en ce qu’il a :

. dit que le licenciement de Mme [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse

. débouté Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes

. condamné Mme [Z] aux dépens

. fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l’article R 1454-28 du code du travail à la somme de 4 846,99 euros bruts

Et, statuant à nouveau :

À titre principal :

. déclarer recevable la demande de Mme [Z] tendant à la nullité de son licenciement, qui est intervenu en méconnaissance des dispositions protectrices des articles L 1226-7 et suivants du code du travail, ainsi que de l’article 18 de la convention collective applicable

. déclarer que la société Mescan ne pouvait pas licencier Mme [Z] puisque la société Mescan a eu connaissance de la volonté de Mme [Z] de faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie avant de la licencier.

. déclarer que la société Mescan a licencié Mme [Z] en méconnaissance des dispositions protectrices des articles L 1226-7 et suivants du code du travail, ainsi que de l’article 18 de la convention collective applicable

. déclarer le licenciement de Mme [Z] nul

En conséquence :

. condamner la société Mescan à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :

. 68 735,52 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement

. 12 887,91 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis en application de l’article 12 de la convention collective applicable

. 1 288,80 euros au titre des congés payés afférents au préavis

À titre subsidiaire :

. déclarer que la société Mescan a manqué à son obligation de sécurité de résultat, à son obligation de loyauté et d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, et qu’elle a modifié unilatéralement le contrat de travail

. déclarer que la dégradation et l’aggravation de l’état de santé de Mme [Z] résultent du manquement de la société Mescan à son obligation de sécurité de résultat, à son obligation de loyauté et d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, et à l’interdiction de modifier unilatéralement le contrat de travail

. déclarer que la société Mescan ne pouvait pas licencier Mme [Z] en raison d’une absence prolongée que la société Mescan avait elle-même causée, de par son manquement à l’obligation de sécurité, à son obligation de loyauté et d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, et à l’interdiction de modifier unilatéralement le contrat de travail

.déclarer le licenciement de Mme [Z] abusif

En conséquence :

. condamner la société Mescan à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :

. 42 959,70 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant du licenciement abusif

. 12 887,91 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis en application de l’article 12 de la convention collective applicable

. 1 288,80 euros au titre des congés payés afférents au préavis

À titre infiniment subsidiaire :

. déclarer que l’absence prolongée de Mme [Z] n’a pas perturbé le fonctionnement de la société Mescan et n’a pas rendu nécessaire son remplacement définitif

. déclarer que la société Mescan ne pouvait pas licencier Mme [Z] alors qu’elle se trouvait en arrêt maladie

. déclarer le licenciement de Mme [Z] abusif

En conséquence :

. condamner la société Mescan à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :

. 42 959,70 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant du licenciement abusif

. 12 887,91 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis en application de l’article 12 de la convention collective applicable

. 1 288,80 euros au titre des congés payés afférents au préavis

En tout état de cause :

. condamner la société Mescan à verser les sommes auxquelles elle a été condamnée, majorées des intérêts au taux légal

. fixer la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 4 295,97 euros

. ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil

. condamner la société Mescan à verser à Mme [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

. condamner la société Mescan aux dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Mescan demande à la cour de :

. déclarer Mme [Z] irrecevable au titre de sa demande de nullité du licenciement,

Pour le surplus :

. confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

En conséquence,

. débouter Mme [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions

. condamner Mme [Z] à payer à la société Mescan la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

. condamner Mme [Z] aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau de tous les chefs infirmés, et y ajoutant,

DECLARE recevable la demande de nullité du licenciement,

DIT nul le licenciement de Mme [Z],

FIXE la moyenne mensuelle de salaire de Mme [Z] à 4 295,97 euros,

CONDAMNE la société Mescan à payer à Mme [Z] les sommes de:

– 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

– 12 887,91 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 288,80 euros bruts de congés payés afférents,

DIT que les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire sont assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DIT que les condamnations au paiement des indemnités de rupture produiront intérêts au taux légal à compter de la réception, par la société Mescan de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

ORDONNE le remboursement par la société Mescan aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Mme [Z] dans la limite de six mois,

DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Mescan à payer à Mme [Z] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Mescan aux dépens de première instance et d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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