Cour d’appel de Paris, 8 janvier 2025, RG n° 22/03105
Cour d’appel de Paris, 8 janvier 2025, RG n° 22/03105

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Licenciement et Harcèlement Moral : Enjeux de Protection des Salariés et Obligations de l’Employeur

Résumé

Engagement et évolution de la relation de travail

Madame [P] [W] a été engagée par l’association APF FRANCE HANDICAP en tant que comptable au SESSAD d'[Localité 5] à partir du 2 juin 2003, initialement à temps partiel. Son contrat a été modifié en mai 2006 pour passer à un temps complet de 35 heures par semaine. Elle a été élue membre titulaire du comité d’entreprise en octobre 2017, mandat qui a pris fin en janvier 2020.

Arrêt de travail et demande de résiliation judiciaire

À partir du 1er avril 2019, Madame [W] a été arrêtée par son médecin. Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau le 3 septembre 2019 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et des indemnités liées à cette rupture. Après un arrêt de travail, elle a été déclarée inapte par le médecin du travail le 17 octobre 2019, indiquant qu’aucun reclassement n’était possible.

Procédure de licenciement

Un entretien préalable au licenciement a eu lieu le 25 novembre 2019, suivi d’une consultation du comité social et économique en janvier 2020, qui a donné un avis favorable au licenciement. L’association a demandé l’autorisation de licencier pour inaptitude, accordée le 23 mars 2020, et le licenciement a été notifié le 15 avril 2020.

Appel et demandes de Madame [W]

Madame [W] a interjeté appel du jugement du conseil de prud’hommes, demandant la nullité de son licenciement pour harcèlement moral et, subsidiairement, qu’il soit déclaré sans cause réelle et sérieuse. Elle a également sollicité diverses indemnités, y compris des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le jugement du 28 janvier 2022 a débouté Madame [W] de toutes ses demandes et l’a condamnée aux dépens. Elle a ensuite interjeté appel, visant les dispositions critiquées.

Arguments de l’association APF FRANCE HANDICAP

L’association a demandé la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne les frais de procédure, et a contesté les demandes de Madame [W], notamment en ce qui concerne les heures supplémentaires et les indemnités.

Éléments de preuve et constatations

La cour a examiné les éléments de preuve fournis par les deux parties, y compris les attestations de collègues et les communications avec la direction, pour établir l’existence d’un harcèlement moral et la dégradation des conditions de travail de Madame [W].

Conclusion sur le licenciement

La cour a conclu que le licenciement de Madame [W] était nul en raison du harcèlement moral subi, ayant conduit à une dégradation de son état de santé. Elle a ordonné le versement de diverses indemnités à la salariée, y compris des rappels de salaires et des dommages et intérêts.

Conséquences financières et autres décisions

L’association a été condamnée à verser des indemnités pour licenciement nul, des dommages et intérêts pour harcèlement moral, ainsi qu’à rembourser les indemnités de chômage. La cour a également ordonné la remise de documents conformes aux dispositions du jugement.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 08 JANVIER 2025

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03105 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFKMZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LONGJUMEAU – RG n° 19/00523

APPELANTE

Madame [P] [W]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d’ESSONNE

INTIMEE

Association APF FRANCE HANDICAP

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1367

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Marika WOHLSCHIES

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [W] a été engagée par l’association APF FRANCE HANDICAP en qualité de comptable, au sein du SESSAD (service d’éducation spécial et de soins à domicile) d'[Localité 5], selon contrat à durée indéterminée à temps partiel (5 heures/semaine soit 21,66 heures/mois), à compter du 2 juin 2003.

Par avenant à son contrat à effet au 1er mai 2006, la durée de travail de Madame [W] a évolué vers un temps complet, soit 35 heures par semaine.

La convention collective applicable à la relation contractuelle est celle des établissements privés d’hospitalisation, de soins de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.

La salariée a été élue membre titulaire du comité d’entreprise à compter du 2 octobre 2017, et son mandat a pris fin au mois de janvier 2020.

A compter du 1er avril 2019, Madame [W] a été arrêtée par son médecin traitant.

Elle a saisi le 3 septembre 2019 le conseil de prud’hommes de Longjumeau aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation d’APF FRANCE HANDICAP à diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de ce contrat.

Au terme de son dernier arrêt de travail fixé au 13 octobre 2019, une visite de reprise a été organisée le 17 octobre 2019, au terme de laquelle le médecin du travail a déclaré Madame [W] inapte en mentionnant que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Les délégués du personnel convoqués par l’employeur constataient lors d’une réunion du 24 octobre 2019 qu’aucun reclassement n’étaient possible et qu’ils avaient été régulièrement informés et consultés.

La salariée était ensuite convoquée le 12 novembre 2019 à un entretien préalable qui se tenait le 25

novembre 2019.

Le comité social et économique était consulté le 23 janvier 2020 sur le projet de licenciement de Madame [W] et rendait un avis favorable.

Par courrier du 2 mars 2020, l’association APF FRANCE HANDICAP adressait à l’Inspecteur du travail une demande d’autorisation du licenciement pour inaptitude, laquelle était accordée le 23 mars 2020.

Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement était notifié par courrier du 15 avril 2020.

Par conclusions communiquées le 1er juillet 2020, Madame [W] modifiait ses demandes devant le conseil de prud’hommes et sollicitait le prononcé de la nullité du licenciement à raison du harcèlement moral subi à titre principal, et subsidiairement, que celui-ci jugé dépourvue de cause réelle et sérieuse, l’inaptitude trouvant sa cause dans le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.

Par jugement en date du 28 janvier 2022, notifié le 3 février 2022, le conseil de prud’hommes de Longjumeau, statuant en formation de départage, a :

-débouté Madame [W] de l’ensemble de ses demandes ;

-condamné Madame [W] aux dépens ;

-débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [W] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 février 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 18 mars 2024, Madame [W] demande à la cour de :

-Infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté l’association de sa demande au titre des frais de procédure,

Statuant de nouveau,

A titre principal,

-Dire le licenciement nul pour harcèlement moral,

-Condamner l’association APF au paiement de la somme 70.290€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

-Dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-Condamner l’association APF au paiement de la somme de 70.290€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

-Condamner l’association APF au paiement des sommes suivantes :

– indemnité compensatrice de préavis : 15.619,88€

– congés payés afférents : 1.561,99€

– indemnité licenciement : 2.594,41 €

– dommages intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité et de prévention : 23.000€

– rappel de salaires sur heures supplémentaires : 4.268,38€

– congés payés afférents : 426,89€

– article 700 du code de procédure civile : 2.500€

-Assortir l’ensemble des condamnations pécuniaires des intérêts au taux légal,

-Ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50€ par jour de retard,

-Condamner l’association APF aux entiers dépens.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 20 juillet 2022, l’association APF – FRANCE HANDICAP demande à la cour de :

-Confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau,

-A titre subsidiaire, si la cour considérait que le licenciement était nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, limiter l’indemnité pour licenciement nul à six mois de salaire, ou l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail,

– Débouter Madame [W] du surplus de ses demandes,

– Débouter Madame [W] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance comme en cause d’appel,

– Condamner Madame [W] à lui verser la somme de 3.500 € au titre des frais engagés en première instance et 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en appel,

– Condamner Madame [W] aux dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes au titre :

-des heures supplémentaires,

-du licenciement nul,

-de l’indemnité de préavis et des congés afférents,

-d’indemnité pour licenciement nul,

– de dommages et intérêts pour préjudice au titre du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité,

-de la remise des documents,

-de l’article 700 du code de procédure civile,

-des intérêts au taux légal,

Statuant de nouveau,

Dit nul le licenciement de Madame [W] à raison du harcèlement moral subi,

Condamne l’association APF France HANDICAP à verser à Madame [W] les sommes suivantes :

-145,62 € de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, outre 14,56 € de congés payés afférents,

-7.809,94 € au titre de l’indemnité de préavis et 780,99 € de congés afférents,

-47.000 € d’indemnité pour licenciement nul,

-3.000 € de dommages et intérêts pour préjudice au titre du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité,

-2.500 € de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’association APF France HANDICAP à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois,

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, devenu France travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire,

Déboute l’association APF France HANDICAP de sa demande au titre des frais de procédure,

Condamne l’association APF France HANDICAP aux dépens de la première instance et de l’appel,

Dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2020.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon