Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Preuve déloyale et harcèlement moral : enjeux de la protection des droits des salariés.
→ RésuméEngagement de M. [J] par HelloCourtierM. [S] [J] a été engagé par la société HelloCourtier en tant que conseiller financier à partir du 1er novembre 2017, avec une rémunération fixe de 2 250 euros et une partie variable. Arrêts de travail de M. [J]M. [J] a été en arrêt de travail du 16 octobre au 17 novembre 2019, puis a bénéficié d’un nouvel arrêt du 28 novembre 2019 au 22 juillet 2020. Lors de sa visite de reprise le 26 novembre 2019, il a été déclaré apte à reprendre ses fonctions. Procédures judiciaires engagéesLe 31 janvier 2020, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Le 28 juillet 2020, il a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, qui a précisé que son maintien dans l’emploi serait préjudiciable à sa santé. M. [J] a été licencié pour inaptitude le 28 août 2020. Jugement du conseil de prud’hommesLe 3 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a débouté M. [J] de toutes ses demandes et a également débouté la société HelloCourtier de ses demandes reconventionnelles, laissant les dépens à la charge de M. [J]. Appel de M. [J]M. [J] a interjeté appel de ce jugement le 11 octobre 2021, intimant la société HelloCourtier. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 octobre 2024. Demandes de M. [J] en appelDans ses conclusions du 21 octobre 2024, M. [J] demande l’infirmation du jugement de première instance, la reconnaissance de harcèlement moral, et la résiliation judiciaire de son contrat de travail, avec des demandes d’indemnisation pour divers préjudices. Réponses de HelloCourtierLa société HelloCourtier a demandé l’écartement de certaines pièces produites par M. [J] pour manquement au principe de loyauté de la preuve et a sollicité la confirmation du jugement de première instance, tout en formulant des demandes reconventionnelles à l’encontre de M. [J]. Motivations de la courLa cour a examiné la recevabilité des pièces produites par M. [J] et a jugé que certaines étaient déloyales mais recevables, tandis que d’autres, comme des échanges WhatsApp, ont été déclarées irrecevables. Harcèlement moral et manquements de l’employeurLa cour a constaté que M. [J] avait subi des agissements constitutifs de harcèlement moral, soutenus par des attestations d’anciens collègues et des éléments médicaux. Les menaces proférées par l’employeur ont également été établies. Indemnisation de M. [J]La cour a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [J], la qualifiant de licenciement nul, et a condamné la société HelloCourtier à verser plusieurs sommes à M. [J] pour harcèlement moral, manquements à l’obligation de sécurité, heures supplémentaires, et autres préjudices. Décisions finalesLa cour a également ordonné à la société HelloCourtier de remettre à M. [J] les documents sociaux conformes et a condamné la société aux dépens de la procédure. Les demandes reconventionnelles de HelloCourtier ont été rejetées. |
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 08 JANVIER 2025
(n° /2025, 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08370 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEO7J
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/00977
APPELANT
Monsieur [S] [J]
Chez Monsieur [E] [J]
[Adresse 2], [Localité 5]
MAROC
Représenté par Me Juliette BOURGEOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0547
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 751010022021053260 du 07/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
La société HELLOCOURTIER
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Fabien DESMAZURE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1466
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice
Mme MARQUES Florence, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er novembre 2017, M. [S] [J] a été engagé par la société HelloCourtier en qualité de conseiller financier, moyennant une rémunération en partie fixe de 2 250 euros et une autre partie variable.
M. [J] a été placé en arrêt de travail du 16 octobre au 17 novembre 2019.
Lors de sa visite de reprise en date du 26 novembre 2019, le médecin du travail l’a déclaré apte à reprendre ses fonctions.
M. [J] a bénéficié d’un nouvel arrêt de travail du 28 novembre 2019 au 22 juillet 2020.
En parallèle, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 31 janvier 2020 aux fins de voir, notamment, résilier judiciairement son contrat de travail.
Lors de sa visite de reprise en date du 28 juillet 2020, M. [J] a été déclaré inapte à son poste, avec dispense de reclassement, le médecin du travail précisant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
M. [J] a été convoqué à un entretien préalable le 24 août 2020 et s’est vu notifier son licenciement le 28 août 2020 pour inaptitude.
Il a sollicité, en cours de procédure devant le conseil de prud’hommes de Paris, à titre principal la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et, à titre subsidiaire, que soit jugé son licenciement pour inaptitude nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ainsi que la condamnation de la société HelloCourtier à lui verser diverses sommes relatives à l’exécution et à la rupture de la relation contractuelle.
Par jugement du 3 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a statué en ces termes :
Déboute M. [J] de l’ensemble de ses demandes ;
Déboute la société HelloCourtier de l’ensemble de ses demandes ;
Laisse à la charge de M. [J] les entiers dépens.
Par déclaration du 11 octobre 2021, M. [J] a interjeté appel de ce jugement, intimant la société HelloCourtier.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 octobre 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2024, M. [J] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a rejeté la demande d’écouter l’enregistrement, tout comme sa retranscription par huissier ;
– Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes ;
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société HelloCourtier de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
Statuant à nouveau :
– Juger recevables les pièces n°44-1, 44-2, 54 et 74 ;
– Juger que M. [J] a été victime de harcèlement moral ;
– En tout état de cause, juger que l’employeur a commis des manquements graves à ses obligations,
En conséquence,
A titre principal, sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,
– Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et juger que la résiliation produira les effets d’un licenciement nul ou subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;
A titre subsidiaire, sur le licenciement pour inaptitude,
– Juger que le licenciement pour inaptitude résulte du harcèlement moral ou des manquements graves de l’employeur à ses obligations de sécurité et d’exécution loyale du contrat de travail ;
– En conséquence, à titre principal, juger le licenciement pour inaptitude nul ou subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, condamner la société HelloCourtier à verser à M. [J] :
– A titre principal, 29 470,92 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul,
– A titre subsidiaire, 29 470,92 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– A titre infiniment subsidiaire, 2 455,91 euros au titre de l’irrégularité du licenciement ;
– 4 161,38 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 4 311,82 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
– 431,18 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente ;
En tout état de cause,
– Condamner la société HelloCourtier à verser à indemniser M. [J] à hauteur de :
– 50 000 euros en réparation de son préjudice découlant du harcèlement moral ;
– 30 000 euros en réparation du préjudice découlant des manquements graves à l’obligation de sécurité ;
– 10 000 euros en réparation du préjudice découlant de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
– Condamner la société HelloCourtier à verser à verser à M. [J] :
– 7 212,80 euros à titre de rappels de salaire correspondant aux heures supplémentaire accomplies entre le 1er novembre 2017 et le 30 août 2018,
– 721,18 euros au titre des congés payés afférents ;
– 926,75 euros d’indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;
– 575,02 euros à titre de rappels de salaire découlant de la baisse unilatérale de la rémunération de base entre septembre et novembre 2019,
– 57,50 euros au titre des congés payés afférents,
– 14 735,46 euros au titre de l’indemnité due au titre du travail dissimulé,
– 9 239,85 euros au titre des rappels de salaire entre le 16 octobre 2019 et le 28 juillet 2020
– 923,98 euros au titre des congés payés afférents,
– 19 963,15 euros au titre des rappels de salaire découlant du non respect des minimas conventionnels,
– 1 996,63 euros au titre des congés payés afférents ;
– 4 908,33 euros au titre du salaire variable non versé en 2019,
– 490,83 euros au titre des congés payés afférents,
– 2 000 euros de dommages et intérêts au titre de l’absence de portabilité de la prévoyance ;
– 1 500 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile.
Le tout avec intérêt légal à compter du jour de l’introduction de la demande.
– Juger infondées les demandes reconventionnelles de la société HelloCourtier au titre des rappels de commissions et des prétendus manquements aux obligations contractuelles et l’en débouter ;
– Ordonner la délivrance de bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la notification du jugement ;
– Dire que la Cour se réservera le droit de liquider l’astreinte ;
– Condamner la société HelloCourtier aux entiers dépens,
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2024, la société HelloCourtier demande à la cour de :
-Ecarter l’enregistrement des échanges entre M. [J] et M. [G] en date du 27 novembre 2019 (pièce 44-1) ainsi que sa transcription partielle par M. [J] (pièce 44-2) et par un huissier de justice (pièce 54) pour manquement au principe de loyauté de la preuve, s’agissant d’éléments tronqués, manifestement falsifiés, et obtenus à l’insu de M. [G] ;
-Ecarter les échanges WhatsApp entre Mme [M] et Mme [O] (pièce adverse n°74), couverts par le secret des correspondances, dans la mesure où ces échanges ont été obtenus par un procédé déloyal rendant leur production en justice comme moyen de preuve irrecevable ;
-Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes ;
-Laisser à la charge de M. [J] les entiers dépens ;
-Recevoir la société HelloCourtier en son appel incident ;
-Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté la société HelloCourtier de l’ensemble de ses demandes ;
– Condamner M. [J] au remboursement des commissions excédant la somme qui lui était réellement due, soit au remboursement de la somme de 2 981,82 euros ;
-Juger que M. [J], par ses multiplies absences et son comportement délétère au sein de la société, a manqué aux obligations découlant de son contrat de travail ;
-Condamner M. [J] à verser à la société HelloCourtier la somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles ;
-Condamner M. [S] [J] au paiement de la somme de 9 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner M. [S] [J] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DECLARE recevables les pièces produites par M. [J] sous les n°44-1, 44-2, et 54 ;
DECLARE irrecevable la pièce produite par M. [J] sous le n°74 ;
INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce que :
– en ce qu’il a rejeté la demande tendant à l’octroi d’une indemnité pour travail dissimulé ;
– en ce qu’il a rejeté la demande tendant à l’octroi d’une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;
– en ce qu’il a rejeté la demande de M. [S] [J] au titre du reliquat de rémunération variable ;
– rejeté la demande reconventionnelle de la société HelloCourtier au titre en restitution de l’avance sur commissions du mois de novembre 2019 ;
STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail :
DIT que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul ;
CONDAMNE la société HelloCourtier à payer à M. [S] [J] les sommes de :
– 7 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
– 3 000 de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant des manquements graves à l’obligation de sécurité
– 421,25 euros au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 42,13 euros au titre des congés payés correspondants ;
– 1 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de l’absence de mise en ‘uvre du régime de l’assurance complémentaire santé ;
– 575,02 euros, à titre de rappels de salaire concernant les mois de septembre à novembre 2019, outre 57,50 euros au titre des congés payés afférents ;
– 9 239,85 au titre de la perte de revenu entre le 16 octobre 2019 et le 28 juillet 2020, outre 923,98 euros au titre des congés payés afférents ;
– 15 000 euros de dommages et intérêts au titre de la nullité de la rupture du contrat de travail ;
– 4 311,82 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 431,18 euros au titre de des congés payés correspondants ;
– 1 757,80 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
CONDAMNE M. [S] [J] à payer à la société HelloCourtier la somme de 1 315,73 euros en restitution des avances sur commissions;
RAPPELLE que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et que les créances indemnitaires portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne ;
ENJOINT à la société HelloCourtier de remettre à M. [S] [J] les documents sociaux -bulletins de salaire, attestation France travail, certificat de travail- conformes au présent arrêt ;
ORDONNE le remboursement par la société HelloCourtier aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [S] [J], à compter du jour de son licenciement, dans la limite de six mois ;
CONDAMNE la société HelloCourtier aux dépens de première instance et d’appel ;
CONDAMNE la société HelloCourtier à payer à M. [S] [J] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE le surplus des demandes.
La greffière La présidente de chambre
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