Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Licenciement et harcèlement moral : enjeux de la protection des droits des salariés
→ RésuméExposé du litigeMonsieur [T] [Y], né le 18 septembre 1979, a été embauché par la société Kiloutou le 2 juin 2009 en tant que responsable de gestion opérationnelle avec une rémunération mensuelle brute de 5 052,80 euros. Il a été licencié pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement. En réponse, il a saisi le Conseil des prud’hommes de Créteil le 19 avril 2019 pour contester ce licenciement et demander des indemnités. Le jugement du 17 juin 2021 a débouté Monsieur [Y] de toutes ses demandes, ce qui l’a conduit à interjeter appel le 16 juillet 2021. Demandes de Monsieur [Y]Dans ses conclusions signifiées le 12 octobre 2023, Monsieur [Y] demande à la cour d’infirmer le jugement précédent et de requalifier son licenciement en licenciement nul, avec des demandes de dommages et intérêts s’élevant à 110 751,71 euros pour licenciement nul et 44 300,70 euros pour préjudice moral. À titre subsidiaire, il demande une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec des indemnités variant selon la prise en compte des heures supplémentaires. Il réclame également diverses sommes pour des indemnités compensatrices, des rappels de salaire, et des frais de justice. Réponse de la société KiloutouLa société Kiloutou, par conclusions signifiées le 18 mars 2024, demande à la cour de confirmer le jugement initial, sauf en ce qui concerne ses propres demandes de condamnation. Elle conteste les demandes de Monsieur [Y] et propose de limiter les dommages et intérêts à 15 158,49 euros, arguant que le salarié n’a pas démontré de préjudice spécifique lié à la rupture de son contrat de travail. Arguments de Monsieur [Y]Monsieur [Y] soutient avoir subi une surcharge de travail chronique, travaillant jusqu’à 50 heures par semaine, ce qui aurait été constaté par le médecin du travail. Il évoque également une stagnation professionnelle injustifiée et des critiques de la part de sa hiérarchie, ainsi qu’un management défaillant. Il affirme que ces conditions de travail ont dégradé sa santé, entraînant des arrêts de travail et un avis d’inaptitude. Il considère que ces éléments constituent un harcèlement moral, rendant son licenciement nul. Arguments de la société KiloutouLa société Kiloutou rétorque que Monsieur [Y] avait une grande autonomie dans l’organisation de son travail et que les éléments fournis ne suffisent pas à prouver une surcharge de travail. Elle souligne que les entretiens annuels montrent un soutien de la hiérarchie et que les documents médicaux ne démontrent pas de lien entre la dégradation de la santé de Monsieur [Y] et ses conditions de travail. Elle conteste également les accusations de harcèlement moral. Décision de la courLa cour, après avoir examiné les éléments présentés, infirme le jugement des premiers juges et requalifie le licenciement de Monsieur [Y] en licenciement nul. Elle condamne la société Kiloutou à verser à Monsieur [Y] des sommes significatives pour dommages et intérêts, indemnités compensatrices, rappels de salaire, et préjudice moral. La cour ordonne également le remboursement des indemnités de chômage versées à Monsieur [Y] et accorde des frais de justice à son bénéfice. |
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 08 JANVIER 2025
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06554 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEC3D
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRÉTEIL – RG n° F 19/00524
APPELANT
Monsieur [T] [Y]
Né le 18 septembre 1979
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374
INTIMEE
S.A.S.U. KILOUTOU, pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020, avocat postulant et par Me Anne-emmanuelle THIEFFRY, avocat au barreau de LILLE, toque : 0053, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Véronique MARMORAT, présidente
Christophe BACONNIER, président
Marie-Lisette SAUTRON, présidente
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 11 décembre 2011 et prorogé au 8 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Véronique MARMORAT, Présidente et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [T] [Y], né le 18 septembre 1979, embauché par la société Kiloutou, ayant pour activité principale la location de matériels, engins de chantier et d’outillages, le 2 juin 2009 en qualité de responsable de gestion opérationnelle ayant une rémunération mensuelle moyenne brute égale à la somme de 5 052,80 euros, a été licencié pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.
Le 19 avril 2019, monsieur [Y] a saisi en nullité ou en contestation de ce licenciement et en diverses demandes indemnitaires ou salariales le Conseil des prud’hommes de Créteil lequel par jugement du 17 juin 2021 l’a débouté de toutes ses demandes.
Monsieur [Y] a interjeté appel de cette décision le 16 juillet 2021.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [Y] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et statuant de nouveau de :
A titre principal
Requalifier le licenciement en licenciement nul
Condamner la société Kiloutou à lui verser les sommes suivantes
110 751,71 euros (76 200 euros si les heures supplémentaires ne sont pas retenues) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul
44 300,70 euros (30 480 euros si les heures supplémentaires ne sont pas retenues) à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
A titre subsidiaire
Requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamner la société Kiloutou à lui verser la somme de 66 451 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse si les heures supplémentaires sont retenues ou celle de 45 720 euros sans heures supplémentaires
En tout état de cause
Condamner la société Kiloutou à lui verser les sommes suivantes si les heures supplémentaires sont retenues
Titre
Somme en euros
Indemnité compensatrice de préavis
Congés payés
22 150,30
2 215,00
Rappel de salaire sur les heures supplémentaires
Congés payés s
40 452,42
4 045,40
Dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires pour les années 2016 et 2017
10 644,10
Rappel de prime sur l’année 2018
6 186,45
Indemnité forfaitaire de travail dissimulé
44 300,70
Rappel d’indemnité de licenciement
6 045,20
Article 700 du code de procédure civile
6 000
ou
Condamner la société Kiloutou à lui verser les sommes suivantes si les heures supplémentaires ne sont pas retenues
Titre
Somme en euros
Indemnité compensatrice de préavis
Congés payés
15 240
1 524
Article 700 du code de procédure civile
6 000
Condamner la société Kiloutou aux dépens
Ordonner le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à monsieur [Y], dans la limite de six mois d’indemnités de chômage soit à hauteur de 17.768,58 euros
Par conclusions signifiées par voie électronique le 18 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Kiloutou demande à la cour de
A titre principal
Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté ses demandes de condamnation
Condamner monsieur [Y] aux dépens et à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
A titre subsidiaire
Limiter le montant total des dommages et intérêts à la somme de 15 158,49 euros en l’absence de démonstration d’un préjudice spécifique né de la rupture du contrat de travail.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de monsieur [Y] relative à l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et au rappel de prime 2018 ;
Statuant à nouveau sur les autres points
Requalifie le licenciement de monsieur [Y] par la société Kiloutou en licenciement nul ;
Condamne la société Kiloutou à verser à monsieur [Y] les sommes suivantes :
– 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– 6 045,20 euros à titre rappel de salaire d’indemnité de licenciement,
– 22 150,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 2 215 euros pour les congés payés afférents,
– 40 452,42 euros au titre des rappels de salaire sur les heures supplémentaires outre celle de 4 045,40 euros pour les congés payés afférents,
– 10 644,10 euros à titre du dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires pour les années 2016 et 2017,
– 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral ;
Ordonne le remboursement par la société Kiloutou à Pôle emploi devenu France Travail des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de monsieur [Y] , dans la limite de six mois soit à la somme de 17 768,58 euros et dit qu’une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l’article R. 1235-2 du code du travail ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Kiloutou à verser à monsieur [Y] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société Kiloutou aux dépens.
Le greffier La présidente
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