Cour d’appel de Nancy, 8 janvier 2025, RG n° 24/00417
Cour d’appel de Nancy, 8 janvier 2025, RG n° 24/00417

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Nancy

Thématique : Évaluation de l’incapacité liée à une maladie professionnelle : enjeux de la reconnaissance des séquelles et de l’impact psychologique.

Résumé

Carrière de M. [P] [T]

M. [P] [T] a travaillé comme ouvrier polyvalent dans la société [5] de 1966 à 2008.

Déclaration de maladie professionnelle

Le 28 avril 2016, il a soumis à la CPAM de la Moselle une déclaration de maladie professionnelle pour un « carcinome in situ de la vessie », accompagnée d’un certificat médical daté du 14 juin 2016.

Prise en charge de la maladie

Le 12 octobre 2017, la CPAM a reconnu la maladie comme « Tumeur de l’épithélium urinaire », inscrite au tableau 16 bis des maladies professionnelles, après avis d’un CRRMP.

Date de consolidation et taux d’incapacité

Le 13 février 2018, la CPAM a fixé la date de consolidation de l’état de santé de M. [P] [T] au 3 février 2018. Le 30 mai 2018, elle a évalué son taux d’incapacité permanente partielle à 30 % pour une « Tumeur vésicale sans infiltration de la muqueuse ».

Contestation par la société [5]

Le 17 juillet 2018, la société [5] a contesté ce taux devant le tribunal du contentieux de l’incapacité de Nancy. Le dossier a été transféré au tribunal judiciaire de Nancy au 1er janvier 2019.

Expertise médicale ordonnée

Le 14 décembre 2021, le tribunal a ordonné une expertise médicale, désignant le docteur [L] [I], qui a estimé le taux d’IPP de M. [P] [T] à 50 % au 3 février 2018.

Nouvelle expertise et jugement

Le 5 mai 2023, le tribunal a écarté le rapport du docteur [L] [I] et a ordonné une nouvelle expertise, désignant le docteur [M] [R], qui a évalué le taux d’IPP à 20 % au 14 juin 2016.

Jugement du 25 janvier 2024

Le tribunal a déclaré inopposable à la société [5] la décision de la CPAM du 30 mai 2018, fixant le taux d’incapacité à 0 % au 14 juin 2016, et a condamné la CPAM aux frais.

Appel de la CPAM

Le 23 février 2024, la CPAM a interjeté appel, demandant la confirmation de son taux d’incapacité de 30 % et l’opposabilité de cette décision à la société [5].

Demande de la société [5]

La société [5] a également interjeté appel, demandant la confirmation du jugement du 25 janvier 2024 et soutenant l’absence de séquelles justifiant un taux d’IPP supérieur à 0 %.

Arguments des parties

La CPAM a soutenu que l’absence de séquelles fonctionnelles ne doit pas exclure l’incapacité, tandis que la société [5] a mis en avant l’absence de séquelles cliniques.

Délibération et décision de la cour

La cour a examiné les arguments et a infirmé le jugement du 25 janvier 2024, fixant le taux d’incapacité de M. [P] [T] à 20 % et condamnant la société [5] aux dépens d’appel.

ARRÊT N° /2025

SS

DU 08 JANVIER 2025

N° RG 24/00417 – N° Portalis DBVR-V-B7I-FKJA

Pole social du TJ de NANCY

18/817

25 janvier 2024

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

CPAM DE LA MOSELLE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Madame [W] [Y], régulièrement munie d’un pouvoir de représentation

INTIMÉE :

Société [5] (salarié [T] [P]) prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON substitué par Me BELGACEM avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : M. LIZET

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame PAPEGAY (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 02 Octobre 2024 tenue par M. LIZET, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Corinne BOUC, présidente, Jérôme LIZET, président assesseur et Dominique BRUNEAU, conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 27 Novembre 2024 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 18 Décembre 2024 puis au 08 Janvier 2025 ;

Le 08 Janvier 2025, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

Faits, procédure, prétentions et moyens

M. [P] [T] a effectué sa carrière professionnelle en qualité d’ouvrier polyvalent au sein de la société [5] de 1966 à 2008.

Selon formulaire du 28 avril 2016, il a adressé à la CPAM de la Moselle (ci-après dénommée la caisse) une déclaration de maladie professionnelle pour un « carcinome in situ de la vessie » objectivé par certificat médical initial du 14 juin 2016.

Par décision du 12 octobre 2017, la caisse a pris en charge la maladie « Tumeur de l’épithélium urinaire » inscrite au tableau 16 bis des maladies professionnelles relatif aux affections cancéreuses provoquées par des fractions de la houille et des suies de combustion du charbon, après avis d’un CRRMP.

Par décision du 13 février 2018, la caisse a fixé la date de consolidation de l’état de santé de M. [P] [T] au 3 février 2018, sur avis de son médecin conseil.

Par décision du 30 mai 2018, la caisse a fixé le taux d’incapacité permanente partielle de M. [P] [T] à 30 % pour une « Tumeur vésicale sans infiltration de la muqueuse ».

Le 17 juillet 2018, la société [5] a contesté ce taux devant le tribunal du contentieux de l’incapacité de Nancy, alors compétent.

Au 1er janvier 2019, le dossier a été transmis en l’état au pôle social du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Nancy.

Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal a ordonné une expertise médicale sur pièce et désigné le docteur [L] [I] aux fins de proposer à la date de consolidation du 3 février 2018 le taux d’incapacité permanente partielle imputable à la maladie professionnelle du 14 juin 2016.

Selon rapport d’expertise médicale du 30 avril 2022, le docteur [L] [I], après avoir convoqué et examiné le salarié, a estimé à 50 % le taux d’IPP de M. [P] [T] au 3 février 2018.

Par jugement du 5 mai 2023, le tribunal a écarté des débats le rapport du docteur [L] [I], a ordonné une nouvelle expertise médicale sur pièce et désigné le docteur [M] [R] aux fins de proposer à la date de consolidation du 14 juin 2016 le taux d’incapacité permanente partielle imputable à la maladie professionnelle du 14 juin 2016.

Selon rapport d’expertise médicale du 3 août 2023, le docteur [M] [R] a estimé à 20 % le taux d’IPP de M. [P] [T] au 14 juin 2016.

Par jugement du 25 janvier 2024, le tribunal a :

– déclaré inopposable à la société [5] la décision de la CPAM de Moselle du 30 mai 2018,

– fixé dans les rapports entre la société [5] et la CPAM de Moselle à 0 %, à la date du 14 juin 2016, le taux d’incapacité de M. [P] [T] au titre de sa maladie professionnelle du 14 juin 2016 (MP 16B « tumeur vésicale sans infiltration de la muqueuse »),

– condamné la CPAM de Moselle aux entiers frais et dépens, les frais d’expertise restant à la charge de la Caisse nationale d’assurance maladie.

Par acte du 23 février 2024, la caisse a interjeté appel de ce jugement

Suivant ses conclusions reçues au greffe le 30 septembre 2024, la caisse demande à la cour de :

– déclarer son appel recevable et bien fondé ;

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 janvier 2024 par le pôle social du tribunal judiciaire de Nancy en ce qu’il a fixé le taux d’incapacité permanente partielle de M. [T] [P] à 0 % au 14 juin 2016 et déclaré inopposable à l’employeur la décision de la CPAM DE MOSELLE du 30 mai 2018 ;

Et statuant à nouveau,

– confirmer sa décision du 30 mai 2018 fixant le taux d’incapacité permanente partielle de M. [T] [P] à hauteur de 30 % ;

– déclarer opposable à la société [5] l’attribution à M. [T] [P] d’un taux d’incapacité permanente partielle de 30 % ;

– débouter la société [5] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société [5] aux entiers frais et dépens ;

A titre subsidiaire,

– ordonner la mise en ‘uvre d’une nouvelle consultation médicale ;

– juger que le médecin consultant aura pour mission de proposer le taux d’incapacité permanente partielle de M. [T] [P] au regard des seules séquelles reconnues imputables à la maladie professionnelle du 14 juin 2016, à la date de consolidation du 14 juin 2016.

– réserver ses droits après dépôt du rapport de consultation médicale.

A titre infiniment subsidiaire,

– entériner le rapport d’expertise du docteur [R] du 3 août 2023 et fixer le taux d’IPP à 20 %.

Elle soutient que l’absence de séquelles fonctionnelles ne peut, comme l’a fait le tribunal, exclure toute situation d’incapacité, dès lors que le Pr [R] retient la nature cancéreuse de la maladie ainsi que la pénibilité et la durée des traitements, et que ces points figurent dans les critères du barème indicatif d’invalidité.

Elle produit en outre une note de son service médical reprenant les données du barème pour l’affection en cause, au regard de l’accident du travail et au regard de la maladie professionnelle, justifiant sa position à hauteur de 30 %.

Suivant ses conclusions notifiées par RPVA le 1er octobre 2024 la société [5] demande à la cour de :

Déclarer le recours de la société [5] recevable et bien fondé en toutes ses prétentions ;

Confirmer le jugement rendu le 25 janvier 2024 en toutes ses dispositions ;

Au fond juger que l’examen clinique de monsieur [T] ne révèle aucune séquelle en lien avec la maladie professionnelle du 14 juin 2016 ce qui justifie une opposabilité d’un taux d’IPP à 0 % ;

En tout état de cause de débouter la CPAM de MOSELLE de toutes ses demandes, fins et prétentions et la condamner aux dépens.

Elle fait valoir que son médecin conseil, le Dr [F] a relevé une absence de séquelles, ce que confirme le Dr [R], dont l’appréciation supplémentaire ne peut être suivie puisqu’il n’y a pas lieu de retenir un préjudice d’anxiété.

Pour l’exposé plus ample des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l’audience tenue le 2 octobre 2024.

L’affaire a été mise en délibéré au 27 novembre 2024, prorogé au 5 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du 25 janvier 2024 du tribunal judiciaire de NANCY en ce qu’il a déclaré inopposable à la société [5] la décision de la CPAM de MOSELLE en date du 30 mai 2018, et fixé dans les rapports entre la société [5] et la CPAM de MOSELLE à 0 % le taux d’incapacité de monsieur [P] [T];

Statuant à nouveau,

DIT que dans les rapports entre la société [5] et la CPAM de MOSELLE le taux d’incapacité de monsieur [P] [T] résultant de la prise en charge de la maladie professionnelle du tableau 16 bis est fixé à 20 %;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société [5] aux dépens d’appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Madame Corinne BOUC, Présidente de Chambre, et par Madame Laurene RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en six pages

 


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