Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Lyon
Thématique : Refus de garantie et responsabilité décennale : enjeux d’interprétation contractuelle et de prescription.
→ RésuméContexte de l’affaireEn 2006 et 2007, la SARL Protect’Toitures a effectué des travaux de rénovation de toiture pour la société Avrillon, utilisant un produit étancheur fourni par la société Henkel. Les travaux ont concerné une surface totale de 3’120 mètres carrés, incluant des bureaux et un atelier. Réclamations et expertise judiciaireLa société Avrillon a signalé des fuites en toiture et, en 2013, une usure anormale du produit étancheur. Elle a alors saisi le tribunal de commerce d’Annecy, qui a ordonné une expertise judiciaire. Le rapport d’expertise a révélé un partage de responsabilité entre Avrillon, Protect’Toitures et Henkel, estimant le coût des réparations à 153’000 €. Refus de garantie de l’assureurLa société d’assurance L’Auxiliaire a refusé de garantir Protect’Toitures, arguant que les désordres n’étaient pas de nature décennale et que la police d’assurance avait été résiliée en 2007. Ce refus a été contesté par Protect’Toitures, qui a assigné L’Auxiliaire devant le tribunal de grande instance de Lyon. Jugement du tribunal de grande instanceLe tribunal a déclaré irrecevables certaines conclusions de L’Auxiliaire, a débouté Protect’Toitures de ses demandes et a condamné cette dernière à payer 1’000 € à L’Auxiliaire au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Le tribunal a estimé que Protect’Toitures n’avait pas prouvé un manquement contractuel de son assureur. Appel de Protect’ToituresProtect’Toitures a interjeté appel de cette décision, demandant la réformation du jugement et la reconnaissance de la responsabilité de L’Auxiliaire pour le refus de garantie. Elle a soutenu que les désordres relevaient de la garantie souscrite et que le refus de L’Auxiliaire n’était pas justifié. Arguments de L’Auxiliaire en appelL’Auxiliaire a demandé la confirmation du jugement de première instance, invoquant la prescription de l’action de Protect’Toitures et l’inopposabilité du protocole d’accord signé entre Protect’Toitures et Avrillon. Elle a également contesté la nature décennale des désordres. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par L’Auxiliaire concernant la prescription, déclarant Protect’Toitures recevable dans ses demandes. Elle a infirmé le jugement de première instance, condamnant L’Auxiliaire à verser 26’000 € à Protect’Toitures au titre de la garantie responsabilité décennale. Conséquences financièresEn plus de la somme de 26’000 €, L’Auxiliaire a été condamnée à payer 3’000 € à Protect’Toitures pour les frais irrépétibles, ainsi qu’à supporter les dépens de première instance et d’appel. La cour a ainsi rétabli les droits de Protect’Toitures face à son assureur. |
N° RG 22/03502 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OJO6
Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon
au fond du 03 mars 2022
RG : 19/00997
S.A.R.L PROTECT’TOITURES
C/
Compagnie d’assurance AUXILIAIRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 08 Janvier 2025
APPELANTE :
La société PROTECT’TOITURES, société à responsabilité limitée, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CHAMBERY sous le numéro 493 476 998, dont le siège social est situé [Adresse 3], représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Xavier LADRET, avocat au barreau de LYON, toque : 922
Ayant pour avocat plaidant Me Florent FRANCINA, avocat au barreau de THONON LES BAINS
INTIMÉE :
La Mutuelle L’AUXILIAIRE, société d’assurance mutuelle inscrite au SIREN sous le n° 775 649 056 dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son Représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, toque : 1983
Ayant pour avocat plaidant la SELARL TRAVERSO-TREQUATTRINI & Associés, Avocat plaidant au Barreau d’ANNECY
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Date de clôture de l’instruction : 14 Octobre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Novembre 2024
Date de mise à disposition : 08 Janvier 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Véronique DRAHI, conseiller
– Nathalie LAURENT, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Courant 2006 et 2007, la SARL Protect’Toitures, assurée auprès de la société d’assurance mutuelle L’Auxiliaire, a réalisé des travaux de rénovation de la toiture des locaux industriels de la société Avrillon situés à [Localité 2] consistant notamment en l’application d’un produit étancheur et protecteur fourni par la société Henkel sur une surface de 292 mètres carrés correspondant à la partie bureaux et sur une surface de 2’828 mètres carrés correspondant à la partie atelier.
Se plaignant de fuites en toiture, puis, en 2013, d’une usure anormale du produit étancheur, la société Avrillon a saisi la formation de référé du tribunal de commerce d’Annecy et, par ordonnance du 9 avril 2014 rendue au contradictoire de la société Henkel et de son assureur, appelés en cause par le couvreur, une mesure d’expertise judiciaire a été confiée à M. [I] [W].
Pendant le cours des opérations d’expertise et par courrier du 23 juin 2014, la société d’assurance mutuelle L’Auxiliaire a opposé à la société Protect’Toitures un refus de garantie au motif que les désordres n’étaient pas de nature décennale et que la garantie facultative n’était pas applicable dans la mesure où la police avait été résiliée le 31 décembre 2007.
Sur la base du rapport d’expertise [W] déposé le 30 septembre 2014 qui conclut en un partage de l’imputabilité des désordres entre les sociétés Avrillon, Protect’Toitures et Henkel et qui estime le coût de reprise de ces désordres à 153’000 €, un protocole d’accord a été signé le 21 juillet 2016 aux termes duquel le maître de l’ouvrage a été indemnisé à hauteur de 24’750 € par le fournisseur du produit étancheur et à hauteur de 26’000 € par le couvreur.
Par exploit du 21 janvier 2019, la SARL Protect’Toitures a fait assigner la société d’assurance mutuelle L’Auxiliaire devant le tribunal de grande instance de Lyon et, par jugement rendu le 3 mars 2022, le Tribunal Judiciaire de Lyon a’:
Déclaré irrecevables les conclusions n°2 déposées par la compagnie L’Auxiliaire après l’ordonnance de clôture,
Débouté la société Protect’Toitures de ses demandes,
Condamné la société Toitures à payer à la compagnie L’Auxiliaire la somme de 1’000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société Protect’Toitures aux dépens, distraits au profit de la société d’avocat Levy Roche Sarda, avocat, sur son affirmation de droit.
Le tribunal a retenu en substance’:
Que la société Protect’Toitures, qui a indemnisé la société Avrillon en exécution d’un protocole d’accord transactionnel, n’a pas exercé contre son assureur de recours en paiement de la garantie qu’elle estimait lui être due en exécution de la police d’assurance mais qu’elle recherche la responsabilité contractuelle de son assureur pour refus de garantie injustifié’; qu’or, la demanderesse n’invoque aucun manquement contractuel de son assureur’; que ce dernier a pris en compte sa déclaration de sinistre et a opposé un refus de garantie motivé et qu’une éventuelle erreur dans l’appréciation de ces motifs ne constitue pas une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle’:
Qu’il ne peut être reproché à l’assureur de ne pas avoir respecté les dispositions de l’article L.242-1 du Code des assurances qui s’appliquent exclusivement à l’assurance dommages-ouvrage.
Par déclaration en date du 15 mai 2022, la SARL Protect’Toitures a relevé appel de cette décision en tous ses chefs, à l’exception de celui ayant déclaré irrecevables les conclusions adverses.
***
Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 12 février 2023 (conclusions d’appelant n°2), la SARL Protect’Toitures demande à la cour’:
Vu l’article L.241-1 du Code des assurances, ensemble les articles 1792 et 1792-2 du Code civil,
Vu l’article 1147 du Code civil, dans sa version applicable aux faits de l’espèce,
Réformer le jugement rendu le 3 mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de Lyon en ce qu’il a :
Débouté la société Protect’Toitures de l’ensemble de ses demandes,
Condamné la société Protect’Toitures au paiement de la somme de 1’000 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC,
Condamné la société Protect’Toitures aux dépens.
Statuant à nouveau,
Dire la société Protect’Toitures recevable et bien-fondée,
Débouter la mutuelle d’assurances L’Auxiliaire de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Dire que les désordres constatés par M. l’Expert relèvent bien de la garantie souscrite par la Société Protect’Toitures auprès de la Compagnie L’Auxiliaire,
Dire que le refus de garantie de la Compagnie L’Auxiliaire au titre de ce sinistre n’est pas justifié,
En conséquence,
Condamner la mutuelle d’assurances L’Auxiliaire à verser la somme de 26’000,00 € à la Société Protect’Toitures,
Condamner la mutuelle d’assurances L’Auxiliaire à verser la somme de 3’000,00 € à la Société Protect’Toitures au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la même aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Xavier Ladret, avocat au Barreau de Lyon, sur son affirmation de droits,
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
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Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 10 mars 2023 (conclusions d’intimée n°2), la société d’assurance mutuelle L’Auxiliaire demande à la cour’:
Vu les dispositions des articles L.114-1 et suivants du Code des assurances,
Vu les dispositions de l’article 1147 (ancien) du Code civil,
Vu les dispositions de l’article 1792 et suivants du Code civil,
Vu les dispositions de l’article L.242-1 du Code des assurances,
Vu l’article L.124-2 du Code des assurances,
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Lyon le 3 mars 2022 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’il :
« Déboute la société Protect’Toitures de ses demandes,
Condamner la société Protect’Toitures à payer à la compagnie L’Auxiliaire la somme de 1000 € titre de l’article 700 du code de procédure civile »,
En tant que de besoin et statuant à nouveau :
Déclarer prescrite l’action diligentée par la SARL Protect’Toitures à l’encontre de la Mutuelle L’Auxiliaire,
Débouter la SARL Protect’Toitures de l’ensemble de ses demandes aux fins et prétentions à l’encontre de la Mutuelle L’Auxiliaire,
A titre subsidiaire,
Déclarer inopposable à la mutuelle L’Auxiliaire le protocole d’accord régularisé le 26 juillet 2016 entre la société Avrillon, la société Henkel France et la société Protect’Toitures et ainsi intervenu en dehors de sa présence,
A titre infiniment subsidiaire,
Constater que les garanties souscrites auprès de la Mutuelle L’Auxiliaire ne sont pas mobilisables,
En tout état de cause :
Débouter la SARL Protect’Toitures de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de la Mutuelle L’Auxiliaire,
Condamner la SARL Protect’Toitures à payer à la Mutuelle L’Auxiliaire une somme de 5’000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile,
Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SCP Ligier de Mauroy & Ligier en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure civile.
***
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l’appui de leurs prétentions.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement rendu le 3 mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de Lyon en toutes ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir, soulevée par la société d’assurance mutuelle L’Auxiliaire, tirée de la prescription de l’action engagée par la SARL Protect’Toiture,
Déclare la SARL Protect’Toiture recevable en ses demandes,
Condamne la société d’assurance mutuelle L’Auxiliaire, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SARL Protect’Toiture la somme de 26’000 € au titre de la garantie responsabilité décennale souscrite,
Condamne la société d’assurance mutuelle L’Auxiliaire, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance et d’appel, avec droit de recouvrement au profit de Maître Xavier Ladret, avocat, dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile,
Condamne la société d’assurance mutuelle L’Auxiliaire, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SARL Protect’Toiture la somme de 3’000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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