Résiliation de bail et effets des clauses résolutoires : enjeux de preuve et limites des mesures conservatoires.

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Résiliation de bail et effets des clauses résolutoires : enjeux de preuve et limites des mesures conservatoires.

L’Essentiel : La SCI [Adresse 1] a signé un bail commercial avec la société Mondial habitation le 16 mars 2023, fixant un loyer annuel de 14.400 euros. Le 29 avril 2024, un accord de résiliation a été établi, stipulant un paiement de 7.410,20 euros en cinq versements. Le 5 juin 2024, un commandement de payer a été délivré pour cette somme, accompagné d’une demande de remise en état du local. Le 19 septembre 2024, la SCI a assigné la société et M. [H] au tribunal, qui a finalement condamné les défendeurs à payer la somme due, avec intérêts et dépens.

Constitution du bail commercial

La SCI [Adresse 1] a signé un bail commercial avec la société Mondial habitation le 16 mars 2023, pour un local situé à [Adresse 1]. Le loyer annuel a été fixé à 14.400 euros, payable trimestriellement, avec une provision pour charges de 675 euros par trimestre. M. [H] a accepté d’être caution solidaire pour les loyers et charges dus par la société, dans la limite de 14.400 euros.

Résiliation du bail et reconnaissance de dette

Le 29 avril 2024, les parties ont convenu d’une résiliation de bail sous condition, stipulant que la société Mondial habitation devait régler 7.410,20 euros en cinq versements, le dernier devant être effectué le 15 août 2024.

Commandement de payer

Le 5 juin 2024, la SCI [Adresse 1] a délivré un commandement de payer à la société Mondial habitation pour la somme de 7.410,20 euros, en se basant sur la clause résolutoire du bail. Ce commandement a également demandé la remise en état du local, incluant la destruction des cloisons posées par la locataire.

Assignation en référé

Le 19 septembre 2024, la SCI [Adresse 1] a assigné la société Mondial habitation et M. [H] devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et le paiement des sommes dues, ainsi que d’autres réparations. La locataire n’ayant pas réglé les sommes dues, elle a quitté les lieux.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que l’acquisition de la clause résolutoire ne pouvait être établie, car il n’y avait pas de preuve de l’absence de paiement dans le délai imparti. La demande de résiliation du bail a été rejetée, tout comme les demandes de dommages et intérêts et de remise en état du local, faute de preuves suffisantes.

Condamnation des défendeurs

La société Mondial habitation et M. [H] ont été condamnés à payer à la SCI [Adresse 1] une provision de 7.410,20 euros, avec intérêts, ainsi qu’à couvrir les dépens de l’instance et à indemniser la demanderesse pour des frais non compris dans les dépens. L’exécution de la décision a été déclarée provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial permet au bailleur de résilier le contrat de manière automatique en cas de manquement aux obligations contractuelles par le locataire, notamment en matière de paiement des loyers.

Selon l’article L. 145-41 du Code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Dans l’affaire en question, un commandement de payer a été délivré le 5 juin 2024, mais l’absence de décompte postérieur à cette date a conduit à l’absence de preuve de l’inexécution des obligations par la locataire dans le délai imparti.

Ainsi, l’acquisition de la clause résolutoire ne peut être constatée, car le juge des référés ne peut prononcer la résiliation du bail sans preuve d’inexécution.

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision en référé ?

Pour obtenir une provision en référé, il est nécessaire que l’existence de l’obligation soit non sérieusement contestable.

L’article 835 du Code de procédure civile stipule que le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Dans le cas présent, la société Mondial habitation a reconnu sa dette de 7.410,20 euros dans un acte de reconnaissance de dette du 29 avril 2024, s’engageant à régler cette somme en cinq versements.

Cette reconnaissance rend l’obligation de paiement non contestable, permettant ainsi au juge des référés de condamner la société à payer cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2024.

Quels sont les droits du bailleur en cas d’inexécution du bail par le locataire ?

En cas d’inexécution du bail par le locataire, le bailleur a plusieurs droits, notamment celui de demander le paiement des sommes dues et de résilier le bail.

L’article 1728 du Code civil précise que le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du locataire.

Dans cette affaire, la bailleresse a demandé le paiement de 28.800 euros en réparation de son préjudice matériel lié à l’inexécution du bail, mais cette demande a été rejetée.

Le juge des référés ne peut allouer de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice, ce qui limite les droits du bailleur à la simple demande de paiement des sommes dues.

Quelles sont les conséquences de la non-production d’un état des lieux ?

La non-production d’un état des lieux d’entrée et de sortie a des conséquences importantes sur les demandes de remise en état et de conservation du dépôt de garantie.

En effet, sans état des lieux, il est difficile de prouver l’état du local avant et après la location, ce qui empêche le bailleur de justifier des travaux à réaliser ou des dégradations.

Dans l’affaire, la demande de la bailleresse concernant la remise en état du local et la conservation du dépôt de garantie a été rejetée, car aucune pièce ne démontrait la présence des cloisons en placostyle.

Cela souligne l’importance de l’état des lieux dans la gestion des baux commerciaux et la protection des droits des parties.

Comment sont répartis les dépens en cas de litige ?

Les dépens en cas de litige sont généralement à la charge de la partie perdante, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile.

Dans cette affaire, les défendeurs, la société Mondial habitation et M. [H], ont été condamnés in solidum aux dépens de l’instance, ce qui signifie qu’ils sont conjointement responsables du paiement des frais de justice.

De plus, ils ont également été condamnés à payer une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, afin d’indemniser la demanderesse des frais non compris dans les dépens qu’elle a été contrainte d’exposer.

Cette répartition des dépens vise à garantir que la partie qui a gagné le procès ne supporte pas les frais de justice liés à la procédure.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/57821

N° Portalis 352J-W-B7I-C5ZZU

N° : 16

Assignation du :
19 septembre 2024

[1]

[1] 1 copie exécutoire
délivrée le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 08 janvier 2025

par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDERESSE

La S.C.I. [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Aurélien AUCHER de l’AARPI LIZEE AUCHER, avocats au barreau de PARIS – #G0159

DEFENDEURS

Monsieur [J], [F] [H]
[Adresse 4]
[Localité 3]

La S.A.S. MONDIAL HABITATION
[Adresse 2]
[Localité 3]

non représentés

DÉBATS

A l’audience du 04 décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte du 16 mars 2023 à effet du 1er avril 2023, la SCI [Adresse 1] a consenti un bail commercial à la société Mondial habitation portant sur un local situé [Adresse 1], moyennant le paiement d’un loyer annuel principal de 14.400 euros, payable trimestriellement et d’avance, outre une provision pour charges trimestrielle de 675 euros.

Par acte du même jour, M. [H] s’est porté caution solidaire des loyers, charges et accessoires dus par la société Mondial habitation à la SCI [Adresse 1] dans la limite de la somme de 14.400 euros.

Le 29 avril 2024, les parties ont signé une « résiliation de bail sous condition et reconnaissance de dette » aux termes de laquelle elles sont convenues d’un commun accord de résilier le bail sous réserve du règlement de la somme de 7.410,20 euros par la société Mondial habitation par cinq versements de 762,04 euros, le dernier devant intervenir le 15 août 2024.

Par acte du 5 juin 2024, dénoncée à la caution le 10 juin suivant, la SCI [Adresse 1] a fait délivrer à la société Mondial habitation un commandement de payer la somme de 7.410,20 euros en principal, visant la clause résolutoire stipulée au contrat de bail.

Par acte du 19 septembre 2024, la SCI [Adresse 1] a assigné la société Mondial habitation et M. [H] devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir, au visa des articles 1231-1 et suivants, 1720 et 2288 et suivants du code civil, 834 et 835 du code de procédure civile :

constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail au 5 juillet 2024 et, subsidiairement, prononcer la résiliation du bail commercial aux torts exclusifs de la société Mondial habitation ; condamner in solidum les défendeurs au paiement de la somme de 7.410,20 euros au titre des loyers et charges impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2024 ;condamner la société Mondial habitation au paiement de la somme de 28.800 euros correspondant aux loyers qu’elle aurait dû percevoir entre avril 2024 et avril 2026 et ce, en réparation de son préjudice matériel lié à l’inexécution du bail par la société Mondial habitation ;juger qu’elle conservera le dépôt de garantie versé par la société Mondial habitation en compensation des frais de remise en état du local et, à défaut, condamner la société Mondial habitation à la remise en état du local qui comprendra la destruction des cloisons en placostyle qu’elle a posées ;condamner in solidum les défendeurs au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;juger que l’exécution de l’ordonnance pourra intervenir au vu de la seule minute.A l’audience, la demanderesse maintient ses demandes dans les termes de son assignation, précisant que la locataire, qui n’a réglé aucune somme au titre du bail, a quitté les lieux.

Les défendeurs, cités à personne physique pour M. [H] et à personne morale pour la société Mondial habitation, ne sont pas représentés à l’audience.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens.

MOTIFS

Sur la demande de constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En application de ce texte, il entre dans les pouvoirs du juge des référés, même en l’absence d’urgence, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement, en l’absence de toute contestation sérieuse de la validité de cette clause, et, par suite, d’ordonner l’expulsion de l’occupant, dont l’obligation de libérer les lieux n’est pas sérieusement contestable.

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l’espèce, le bail commercial contient une clause résolutoire au visa de laquelle un commandement de payer a été délivré à la locataire le 5 juin 2024 à hauteur de la somme de 7.410,20 euros en principal. Ce commandement enjoignait également à la locataire de remettre en état le local loué, avec destruction des cloisons posées par ses soins.

Toutefois, aucun décompte postérieur à cette date n’est produit, de sorte que l’absence de règlement des causes du commandement dans le délai d’un mois qui était imparti à la locataire n’est pas établi. De même, aucune pièce n’est produite pour justifier d’une absence de respect de l’injonction de faire prévue au commandement.

L’acquisition de la clause résolutoire ne peut donc être constatée, étant rappelé qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la résiliation du bail comme sollicité par la demanderesse.

En tout état de cause, la bailleresse expose que la locataire a quitté les lieux, de sorte que son expulsion n’est pas demandée.

Sur la demande de provision

Aux termes de l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Selon l’article 1728 du code civil, le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du locataire.

En l’espèce, il ressort de la reconnaissance de dette du 29 avril 2024 que la locataire a reconnu devoir la somme de 7.410,20 euros à la bailleresse, somme qu’elle s’est engagée à régler en cinq versements égaux, le dernier devant intervenir le 15 août 2024.

L’obligation de la société Mondial habitation n’est donc pas sérieusement contestable, de sorte qu’elle sera condamnée à payer une provision de ce montant à la bailleresse, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 5 juin 2024, étant rappelé que, contrairement à la demande formée dans l’assignation, seule une condamnation provisionnelle peut être prononcée par le juge des référés.

L’obligation de M. [H] en qualité de caution n’est pas davantage contestable, de sorte qu’il sera condamné solidairement au paiement de cette somme.

La demande en paiement de la somme de 28.800 euros formée par la bailleresse en réparation de son préjudice matériel lié à l’inexécution du bail sera en revanche rejetée, dès lors qu’elle excède les pouvoirs du juge des référés, qui ne peut allouer de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice.

De même, il n’y a pas lieu à référé sur la demande de conservation du dépôt de garantie, aucun état des lieux d’entrée et de sortie n’étant produit et aucune pièce ne permettant de justifier des travaux qui auraient été indûment réalisés par la société Mondial habitation dans les lieux loués.
Pour les mêmes raisons, la société Mondial habitation ne saurait être condamnée à la remise en état du local, avec destruction des cloisons en placostyle qu’elle aurait posées, aucune pièce ne démontrant la présence desdites cloisons dans les lieux.

Sur les frais et dépens

Les défendeurs, partie perdante, seront tenus in solidum aux dépens de l’instance en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Ils seront par suite condamnés in solidum à payer à la demanderesse la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile afin d’indemniser celle-ci des frais non compris dans les dépens qu’elle a été contrainte d’exposer.

En l’absence d’urgence, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution de la présente décision au vu de la seule minute.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Condamnons in solidum la société Mondial habitation et M. [H] à payer à la SCI [Adresse 1] la somme provisionnelle de 7.410,20 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2024 ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par la SCI [Adresse 1] ;

Condamnons in solidum la société Mondial habitation et M. [H] aux dépens ;

Condamnons in solidum la société Mondial habitation et M. [H] à payer à la SCI [Adresse 1] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Fait à Paris le 08 janvier 2025.

Le Greffier, Le Président,

Arnaud FUZAT Rachel LE COTTY


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