Conformité des pratiques de location meublée face aux obligations légales et aux sanctions associées

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Conformité des pratiques de location meublée face aux obligations légales et aux sanctions associées

L’Essentiel : Monsieur [P], propriétaire d’un bien immobilier à [Adresse 2], a été assigné par la ville de [Localité 6] pour avoir loué son appartement meublé touristique au-delà de la limite légale de 120 jours par an. Le tribunal a constaté que M. [P] avait enfreint le code du tourisme entre 2020 et 2022, le condamnant à une amende civile de 30.000 euros. Les demandes de la ville pour la période antérieure à mai 2019 ont été jugées prescrites. M. [P] a également été condamné à indemniser la ville à hauteur de 2.000 euros pour les frais de justice.

Contexte de l’affaire

Monsieur [P] est propriétaire d’un bien immobilier situé à [Adresse 2], qu’il a mis en location meublée touristique entre décembre 2017 et septembre 2023. La ville de [Localité 6] a assigné M. [P] devant le tribunal judiciaire de Paris le 23 mai 2024, en vertu des articles L. 324-1-1 et suivants du code du tourisme, ainsi que du décret n° 2019-1104.

Demandes de la ville de [Localité 6]

La ville de [Localité 6] a demandé au tribunal de constater que ses demandes ne sont pas prescrites, de juger que M. [P] a enfreint les dispositions du code du tourisme en louant son appartement plus de 120 jours par an, et de le condamner à une amende civile de 50.000 euros pour ce dépassement, ainsi qu’à 5.000 euros pour défaut d’inscription sur la plateforme des meublés touristiques. Elle a également sollicité le paiement de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Réponses de M. [P]

M. [P] a contesté les demandes de la ville, arguant que celles-ci étaient irrecevables pour la période antérieure au 23 mai 2019, et a demandé à être débouté de la demande d’amende civile. Il a également demandé une réduction des amendes et un délai de 24 mois pour s’acquitter de toute condamnation.

Constatations du tribunal

Le tribunal a constaté que l’appartement avait été loué sans enregistrement entre décembre 2017 et avril 2019, et que M. [P] avait dépassé la limite légale de 120 jours de location chaque année depuis 2018. Les données fournies par la plateforme Airbnb ont montré un nombre de nuitées largement supérieur à cette limite.

Prescription des demandes

Le tribunal a jugé que les demandes relatives à l’absence de déclaration pour la période de décembre 2017 à avril 2019 étaient prescrites, car l’assignation avait été délivrée le 23 mai 2024. En revanche, les demandes pour les années 2020, 2021 et 2022 étaient recevables.

Amende civile pour dépassement des 120 jours

Le tribunal a retenu que M. [P] avait effectivement dépassé la limite des 120 jours pour les années 2020, 2021 et 2022, et a rejeté ses arguments concernant des dérogations pour raisons de santé, considérant qu’il n’avait pas justifié de manière adéquate ses absences.

Montant de l’amende

Le tribunal a décidé de condamner M. [P] à une amende civile de 10.000 euros par an pour les années 2020, 2021 et 2022, totalisant 30.000 euros, en tenant compte de la gravité des infractions et de la situation financière de M. [P].

Frais et dépens

M. [P] a été condamné à payer les dépens et à indemniser la ville de [Localité 6] à hauteur de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion de la décision

Le tribunal a statué que M. [P] avait enfreint les dispositions du code du tourisme, a prononcé une amende civile de 30.000 euros, a déclaré irrecevables les autres demandes de la ville, a rejeté la demande de délais de paiement de M. [P], et a ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences juridiques du dépassement de la durée de location de 120 jours par an pour un meublé de tourisme ?

Le dépassement de la durée de location de 120 jours par an pour un meublé de tourisme entraîne des conséquences juridiques significatives, notamment en matière d’amende civile.

Selon l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, il est stipulé que :

« IV.-Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure. »

En cas de non-respect de cette disposition, l’article L. 324-1-1, V précise que :

« Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros. »

Dans le cas présent, M. [P] a été condamné à une amende civile de 30.000 euros pour avoir dépassé cette limite pendant trois années consécutives, ce qui démontre la rigueur des sanctions prévues par la loi pour protéger l’équilibre du marché locatif.

La prescription des actions en matière de location meublée touristique est-elle applicable dans ce cas ?

La question de la prescription des actions en matière de location meublée touristique est cruciale dans ce contexte. L’article 2224 du code civil stipule que :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Dans cette affaire, M. [P] a invoqué la prescription concernant l’absence de déclaration pour la période de décembre 2017 à avril 2019. Cependant, le tribunal a jugé que l’assignation délivrée le 23 mai 2024 ne pouvait concerner des faits antérieurs au 23 mai 2019.

Il a été précisé que, bien que l’amende civile ait un caractère punitif, elle conserve un caractère civil et ne relève pas du régime de la prescription des infractions pénales. Ainsi, la demande relative à l’absence de déclaration pour la période antérieure à mai 2019 a été déclarée irrecevable comme prescrite.

Quelles sont les obligations de déclaration pour la location de meublés de tourisme ?

Les obligations de déclaration pour la location de meublés de tourisme sont clairement définies par le code du tourisme. L’article L. 324-1-1, II, stipule que :

« Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé. »

Cette déclaration est essentielle, car elle permet à la commune de contrôler l’activité de location et de s’assurer que les propriétaires respectent les limites imposées par la loi.

Dans le cas de M. [P], il a été constaté qu’aucune déclaration n’avait été faite entre décembre 2017 et avril 2019, ce qui constitue une violation des obligations légales. L’absence de déclaration a conduit à des sanctions, renforçant l’importance de cette obligation pour tous les loueurs de meublés de tourisme.

Quelles sont les dérogations possibles à la règle des 120 jours de location ?

L’article L. 324-1-1, IV, du code du tourisme prévoit des dérogations à la règle des 120 jours de location pour des raisons spécifiques. Il est précisé que :

« […] sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure. »

Dans le cas de M. [P], il a tenté de justifier le dépassement de la limite de 120 jours par des raisons de santé et des obligations familiales. Cependant, le tribunal a jugé que ces justifications n’étaient pas suffisantes.

Les ennuis de santé de sa grand-mère, bien qu’importants, ne le concernaient pas directement, et il n’a pas démontré pourquoi il n’aurait pas pu suivre sa convalescence à son domicile.

Ainsi, les dérogations à la règle des 120 jours sont strictement encadrées et nécessitent des justifications solides, ce qui n’a pas été le cas ici.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/56161

N° Portalis 352J-W-B7I-C4OW6

N° : 7

Assignation du :
23 mai 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT RENDU SELON LA

PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND
le 08 janvier 2025

par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDERESSE

Madame la Maire de la VILLE DE [Localité 6],
représentant ladite Ville
[Adresse 5] – Direction des Affaires Juridiques
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Maître Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocats au barreau de PARIS – #K0131

DEFENDEUR

Monsieur [I] [P]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Emilie SITBON, avocat au barreau de PARIS – #E89

DÉBATS

A l’audience du 04 décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

M. [P] est propriétaire d’un bien immobilier situé [Adresse 2], qu’il a mis en location meublée touristique entre décembre 2017 et septembre 2023.

Par acte du 23 mai 2024, la ville de Paris l’a assigné devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement des dispositions des articles L. 324-1-1 et suivants du code du tourisme et du décret n° 2019-1104 du 30 octobre 2019 pris en application des articles L. 324-1-1 et L. 324-2-1 du code du tourisme.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 4 décembre 2024, la ville de [Localité 6] sollicite de voir :
– constater que ses demandes ne sont pas prescrites, les infractions aux dispositions du code du tourisme étant de nature continue ;
– dire qu’elle est recevable et bien fondée en son action ;
– dire et juger que M. [P] a enfreint les dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme en offrant pendant plus de 120 jours par an et pour de courtes durées l’appartement situé [Adresse 2] ;
– condamner M. [P] à une amende civile de 50.000 euros pour le dépassement du seuil de 120 jours autorisés par la loi pendant cinq années consécutives et de 5.000 euros pour défaut d’inscription sur la plate-forme des meublés touristiques pendant un an et quatre mois et dire que le produit de cette amende lui sera intégralement versé conformément aux dispositions de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme ;
– condamner M. [P] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, M. [P] demande au juge des référés de :
– juger irrecevables comme prescrites les demandes de la ville de [Localité 6] pour la période antérieure au 23 mai 2019 ;
En conséquence,
– débouter la ville de [Localité 6] de sa demande d’amende civile pour défaut d’enregistrement et pour dépassement de la durée des 120 jours par an s’agissant de la période antérieure au 23 mai 2019 ;
Si le président jugeait les demandes recevables,
– débouter la ville de [Localité 6] de sa demande d’amende civile pour dépassement de la durée de 120 jours par an pour l’année 2018 antérieure à la modification de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme ayant introduit la limitation susvisée au IV du texte ;
– débouter la ville de [Localité 6] de sa demande d’amende civile pour dépassement de la durée de 120 jours par an à défaut pour la demanderesse de justifier de sa conformité avec les dispositions des articles L. 324-1-1, IV, et R.324-2 du code du tourisme ;
A titre subsidiaire,
– réduire le montant des amendes civiles à de plus justes proportions ainsi que la condamnation sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
En cas de condamnation,
– lui accorder un délai de 24 mois pour s’acquitter de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge.

En application des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens et prétentions qui y sont contenus.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme

Aux termes de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, dans sa rédaction applicable au jour de l’assignation, antérieure à celle issue de la loi n°2024-1039 du 19 novembre 2024, conformément aux demandes de la ville de [Localité 6] :

« I.-Pour l’application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.
II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.
Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
Un téléservice permet d’effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.
Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d’un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.
Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l’enregistrement
IV.-Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
La commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration. […]
V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV bis est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 25.000 euros.
Ces amendes sont prononcées par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur demande de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme. Le produit de l’amende est versé à la commune. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le meublé de tourisme ».

Par délibération des 4, 5 et 6 juillet 2017, le conseil de [Localité 6] a décidé de mettre en oeuvre le dispositif prévu par l’article L. 324-1-1, III, du code du tourisme précité, en soumettant à une déclaration préalable auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme, cette déclaration donnant lieu à la délivrance d’un numéro d’enregistrement.

En conséquence, toute location d’un local meublé situé sur la commune de [Localité 6], consentie pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, doit faire l’objet d’une déclaration préalable soumise à enregistrement.

Par ailleurs, il est interdit à tout propriétaire d’offrir à la location sa résidence principale en meublé au-delà de cent vingt jours par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

Aux termes de l’article L. 324-2-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la cause :

« I.-Toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération ou à titre gratuit, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique, à la mise en location d’un meublé de tourisme soumis à l’article L. 324-1-1 du présent code et aux articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation informe le loueur des obligations de déclaration ou d’autorisation préalables prévues par ces articles et obtient de lui, préalablement à la publication ou à la mise en ligne de l’annonce de location, une déclaration sur l’honneur attestant du respect de ces obligations, indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale au sens de l’ article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, ainsi que, le cas échéant, le numéro de déclaration, obtenu en application du III de l’article L. 324-1-1 du présent code. Lorsque ce meublé de tourisme est soumis au même III, elle publie, dans toute annonce relative à ce meublé, ce numéro de déclaration.
II.-Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement mentionnée au III de l’article L. 324-1-1, la commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander à la personne mentionnée au I du présent article, lorsque celle-ci en a connaissance, notamment lorsqu’elle met à disposition une plateforme numérique de nature à lui conférer la connaissance ou le contrôle des données stockées, de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé de tourisme a fait l’objet d’une location par son intermédiaire. La personne mentionnée au même I transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant le nom du loueur, l’adresse du meublé et son numéro de déclaration ainsi que, le cas échéant, le fait que ce meublé constitue ou non la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. La commune peut demander un décompte individualisé pour les meublés de tourisme situés sur tout ou partie de son territoire.
Dans ces mêmes communes, la personne mentionnée audit I n’offre plus à la location un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale du loueur lorsqu’elle a connaissance, notamment lorsqu’elle met à disposition une plateforme numérique de nature à lui conférer la connaissance ou le contrôle des données stockées, que ce meublé a été loué, par son intermédiaire, plus de cent vingt jours au cours d’une même année civile. Elle remplit ses obligations sur la base de la déclaration sur l’honneur mentionnée au même I. Le dispositif de retrait des offres peut être mutualisé par plusieurs personnes mentionnées au même I. Le cas échéant, ce dispositif mutualisé est certifié chaque année avant le 31 décembre par un tiers indépendant.
Un décret en Conseil d’Etat précise la fréquence et les modalités techniques de transmission des informations mentionnées au premier alinéa du présent II en fonction des caractéristiques des communes, de leurs besoins pour effectuer les contrôles de la réglementation prévue au présent chapitre et de la capacité de la personne mentionnée au I à répondre aux demandes des communes.
III.-Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du I est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 12.500 euros par meublé de tourisme objet du manquement.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du premier alinéa du II est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par meublé de tourisme objet du manquement.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du deuxième alinéa du même II est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par annonce faisant l’objet du manquement.
Ces amendes sont prononcées par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond sur demande de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme. Le produit de l’amende est versé à la commune. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le meublé de tourisme.
IV.-Les agents assermentés du service municipal ou départemental du logement mentionnés aux articles L. 621-4 et L. 651-6 du code de la construction et de l’habitation sont habilités à rechercher et à constater tout manquement aux articles L. 324-1-1 et L. 324-2 du présent code ainsi qu’au présent article sur le territoire relevant du service municipal ou départemental du logement. A cette fin, ils sont habilités à se faire présenter toute déclaration par les personnes mentionnées au II de l’article L. 324-1-1 et au I du présent article ».

Ces dispositions autorisent ainsi les communes à demander aux intermédiaires de location meublée, et notamment aux plateformes numériques, des informations portant sur le nombre de jours au cours desquels un meublé de tourisme a fait l’objet d’une location.

L’article R. 324-2 du code du tourisme, issu du décret n°2019-1104 du 30 octobre 2019, prévoit également que :

« I.- Lorsqu’une commune a mis en œuvre la procédure d’enregistrement mentionnée au III de l’article L. 324-1-1, cette commune peut adresser au plus une demande d’information par année civile à la personne mentionnée au I de l’article L. 324-2-1 portant sur les locations de meublés de tourisme de l’année en cours et celles de l’année civile précédente.
II.- Cette demande est adressée par voie électronique dans les conditions de sécurité établies par le référentiel général de sécurité prévu par l’article 9 de l’ordonnance du 8 décembre 2005 susvisée.
La demande peut porter sur les locations de meublés de tourisme situés dans un périmètre donné couvrant tout ou partie du territoire de la commune.
Le format de la demande est fixé par arrêté des ministres chargés respectivement du tourisme et du logement ».

En l’espèce, il résulte du constat de location meublée touristique établi le 20 décembre 2023 par un agent assermenté et produit par la ville de [Localité 6] que l’appartement litigieux situé [Adresse 2], a été mis en location meublée de tourisme entre décembre 2017 et septembre 2023 et que le numéro d’enregistrement n’a été généré qu’à partir d’avril 2019. La location n’a donc fait l’objet d’aucun enregistrement entre décembre 2017 et avril 2019.

De plus, la plateforme Airbnb a transmis à la ville de [Localité 6] un décompte des nuitées en meublé de tourisme effectuées de 2018 à 2022 via sa plateforme numérique et il en résulte que le bien litigieux a été loué sur 323 nuitées en 2022, 287 en 2021, 241 en 2020, 300 en 2019 et 250 en 2018, soit très nettement au-delà de la limite légale.

Le dépassement de la limite légale de 120 jours est donc continu et systématique depuis cinq ans.

Sur le défaut d’enregistrement

Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

M. [P] invoque la prescription s’agissant de l’absence de déclaration pour la période de décembre 2017 à avril 2019.

Or en effet, l’assignation lui ayant été délivrée le 23 mai 2024, elle ne peut concerner des faits antérieurs au 23 mai 2019, étant précisé que, si l’amende civile a le caractère d’une punition (3ème Civ., 11 juillet 2024, pourvoi n° 23-13.789, publié), elle conserve un caractère civil et ne relève pas du régime de la prescription des infractions pénales, comme soutenu par la ville de [Localité 6].

La demande relative à l’absence de déclaration pour la période de décembre 2017 à avril 2019 est donc irrecevable comme prescrite.

Sur l’amende civile pour dépassement des 120 jours

Ainsi que précédemment exposé et comme soulevé par M. [P], la demande est prescrite pour les faits antérieurs au 23 mai 2019, de sorte qu’aucune amende civile ne saurait être prononcée pour l’année 2018.

Elle est en revanche recevable pour la période postérieure au 23 mai 2019, soit pour les années 2020, 2021 et 2022, la ville de [Localité 6] ne sollicitant pas d’amende pour les années 2023 et 2024.

M. [P] soutient également que la ville de [Localité 6] ne justifie pas avoir respecté le formalisme imposé par le code du tourisme et ne produit aucun élément permettant de vérifier la date à laquelle elle a fait la demande à la plate-forme Airbnb de décompte des nuitées pour les années 2019 à 2022.

Cependant, la ville de [Localité 6] a respecté les dispositions précitées en demandant à M. [P], loueur, de justifier du dépassement des 120 jours en résidence principale, en application de l’article L. 324-1-1, IV, du code du tourisme précité, par lettre du 8 septembre 2023, ce que ce dernier n’a pas fait.

Par ailleurs, la plateforme Airbnb a transmis les données dont elle disposait en application des articles L. 324-2-1 et R. 324-2 du même code.

En l’absence de toute irrégularité établie des demandes formées par la ville de [Localité 6], la contestation soulevée par M. [P] de ce chef n’est pas fondée.

Sur les dérogations invoquées à la règle des 120 jours

M. [P] invoque des raisons de santé pour justifier le dépassement des 120 jours de location de sa résidence principale par an, en application de l’article L. 324-1-1, IV, du code du tourisme précité, qui permet de déroger à la limite légale des 120 jours en cas « d’obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeur ».

Il explique en premier lieu qu’il a été éloigné de son domicile pour s’occuper de sa grand-mère qui souffrait de graves problèmes de santé.

Mais, d’une part, ces ennuis de santé concernent un tiers et ne le concernent pas personnellement. D’autre part, M. [P] n’explique nullement pour quelles raisons il aurait dû quitter son logement alors que les deux domiciles, le sien et celui de sa grand-mère, étaient situés à proximité dans le [Localité 1] et qu’elle a été hospitalisée à deux reprises sur [Localité 6].

M. [P] fait également état d’ennuis de santé le concernant et d’une intervention chirurgicale subie en octobre 2020, avec une période de convalescence et de soins à domicile de cinq mois. Toutefois, il ne justifie pas davantage des raisons pour lesquelles il n’aurait pu suivre cette convalescence à son domicile. De plus, ses difficultés médicales ponctuelles en 2020 et 2022 n’expliquent en rien le nombre important de nuitées constatées au cours de ces années.

Au regard de ces éléments, la demande d’amende civile formée par la ville de [Localité 6] pour dépassement du seuil de 120 jours sur les années 2020, 2021 et 2022 est fondée.

Sur le montant de l’amende

Le montant de l’amende doit être fixé en fonction de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la législation dont elle vise à garantir le respect dans une ville comme [Localité 6], où il existe une grande disparité entre l’offre et la demande de logements à la location, des revenus procurés par les locations illicites, de la durée des locations, le cas échéant des diligences du propriétaire pour le retour à un usage d’habitation, de la bonne foi dont l’intéressé a fait preuve et de sa situation personnelle et financière.

Au cas présent, la bonne foi de M. [P] ne peut être retenue dès lors qu’il ne justifie pas avoir cessé son activité à ce jour, malgré la présente instance, les affirmations de la ville de [Localité 6] selon lesquelles l’activité de location touristique se poursuivrait, avec 184 commentaires de plus en un an, n’étant pas démenties par le défendeur.

Il invoque sa situation financière difficile et l’absence de revenus mais il ne produit aucun avis d’imposition le concernant ni aucun relevé de compte. Les pièces produites attestent de dettes (qui ont été remboursées ou sont en cours de remboursement) mais ne donnent aucune information sur son patrimoine et ses revenus.

De plus, le nombre de nuitées de location dépassant les 120 jours est conséquent, la location dure depuis mai 2019 (en tenant compte de la prescription) et le montant des gains illicites (en dépassement des 120 jours annuels), s’élève à environ 180.000 euros en déduisant les gains de l’année 2018 et ceux antérieurs à mai 2019.

Au regard de ces éléments, M. [P] sera condamné au paiement d’une amende civile de 10.000 euros par an pour les années 2020, 2021 et 2022, soit une amende totale de 30.000 euros.

Sur la demande de délais de paiement

M. [P] sollicite des délais de paiement en application de l’article 1343-5 du code civil, qui dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’absence de tout élément justifiant de sa situation financière, sa demande ne peut qu’être rejetée.

Sur les frais et dépens

M. [P], partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, supportera la charge des dépens.

Il sera par suite condamné à indemniser la ville de [Localité 6] des frais qu’elle a été contrainte d’exposer, à hauteur de la somme de 2.000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En application des articles 481-1, 6°, et 514-1 et suivants du code de procédure civile, la présente décision est, de droit, assortie de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que M. [P] a enfreint les dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme en offrant pendant plus de 120 jours par an et pour de courtes durées l’appartement situé [Adresse 2] ;

Condamne M. [P] à une amende civile de 30.000 euros pour le dépassement du seuil de 120 jours autorisés par la loi pendant trois années consécutives et dit que le produit de cette amende sera intégralement versé à la ville de [Localité 6] ;

Déclare irrecevables comme prescrites les autres demandes formées par la ville de [Localité 6] ;

Rejette la demande de délais formée par M. [P] ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

Le condamne à payer à la ville de [Localité 6] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

Fait à Paris le 08 janvier 2025.

Le Greffier, Le Président,

Arnaud FUZAT Rachel LE COTTY


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