Conflit de copropriété : autorisations et nuisances olfactives en question

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Conflit de copropriété : autorisations et nuisances olfactives en question

L’Essentiel : Monsieur [S] [X], propriétaire d’une boutique, a loué son local à la société 100 CROUSTI pour une activité de restauration rapide. Suite à des modifications non autorisées de la devanture et à l’utilisation d’un conduit d’extraction vétuste, le syndicat des copropriétaires a engagé une procédure judiciaire. Le tribunal a constaté que les modifications étaient illégales et a ordonné la remise en état de la façade dans un délai de trois mois, tout en rejetant la demande de cessation d’utilisation du conduit. Les défendeurs ont été condamnés à verser des frais au syndicat des copropriétaires.

Contexte de l’affaire

Monsieur [S] [X] est propriétaire d’une boutique au rez-de-chaussée d’un immeuble soumis au statut de la copropriété, où une laverie automatique était exploitée. Le 1er juin 2022, il a donné en bail commercial le local à la société 100 CROUSTI [Localité 9] pour une activité de restauration rapide. Des travaux d’aménagement ont été réalisés par cette société.

Litige avec le syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires a dénoncé des modifications non autorisées de la devanture du local et l’utilisation d’un conduit d’extraction vétuste, entraînant des nuisances olfactives. Malgré des mises en demeure, la situation n’a pas été résolue, ce qui a conduit le syndicat à citer Monsieur [S] [X] et la société 100 CROUSTI devant le tribunal judiciaire de Paris.

Procédure judiciaire

Après plusieurs renvois et une tentative de conciliation infructueuse, les parties ont été entendues en plaidoiries le 26 novembre 2024. Le syndicat des copropriétaires a demandé la remise en état de la façade et la cessation de l’utilisation du conduit d’extraction, avec des astreintes en cas de non-respect.

Réponses des défendeurs

Monsieur [S] [X] a demandé le rejet des demandes du syndicat, tandis que la société 100 CROUSTI a également sollicité le rejet des demandes et a demandé à être garantie contre d’éventuelles condamnations. Les deux défendeurs ont contesté la légitimité des demandes du syndicat.

Analyse des demandes principales

Le tribunal a examiné la légalité des modifications apportées à la devanture, constatant qu’elles avaient été effectuées sans autorisation de l’assemblée générale, ce qui constitue un trouble manifestement illicite. En revanche, l’utilisation du conduit d’extraction n’a pas été jugée responsable des nuisances olfactives, d’autres causes ayant été évoquées.

Décisions du tribunal

Le tribunal a ordonné la remise en état de la devanture, enjoignant la société 100 CROUSTI à procéder aux travaux dans un délai de trois mois, sous peine d’astreinte. La demande de cessation d’utilisation du conduit d’extraction a été rejetée, et une mesure d’expertise a été ordonnée pour identifier les causes des nuisances olfactives.

Condamnations financières

Les défendeurs ont été condamnés in solidum à verser une provision pour frais d’instance et des frais irrépétibles au syndicat des copropriétaires. Le tribunal a également statué sur les dépens, condamnant les défendeurs à en assumer le coût.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique du licenciement pour motif économique ?

Le licenciement pour motif économique est régi par l’article L. 1233-3 du Code du travail, qui stipule que :

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au premier alinéa. »

Ainsi, pour qu’un licenciement soit considéré comme économique, il doit être justifié par des difficultés économiques avérées, qui doivent être appréciées au regard du secteur d’activité de l’entreprise.

Il est important de noter que la charge de la preuve des difficultés économiques incombe à l’employeur, qui doit démontrer que ces difficultés sont réelles et non artificielles.

Comment évaluer les difficultés économiques d’une entreprise ?

L’évaluation des difficultés économiques doit se faire en tenant compte des résultats financiers de l’entreprise sur plusieurs exercices.

L’article L. 1233-3 précise que les difficultés économiques doivent être appréciées au regard du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée.

Cela implique d’examiner des éléments tels que le chiffre d’affaires, le résultat d’exploitation et les pertes éventuelles.

Dans le cas présent, l’employeur a présenté des chiffres certifiés montrant une diminution significative de son chiffre d’affaires, passant de 62 404 145€ en 2012 à 45 759 672€ en 2014, ainsi qu’un résultat net passant de 1 706 341€ à -9 040 246€ sur la même période.

Ces éléments sont cruciaux pour établir la réalité des difficultés économiques et justifier le licenciement.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de formation et d’adaptation ?

L’employeur a une obligation de formation et d’adaptation à l’emploi, qui découle de l’article L. 6321-1 du Code du travail, stipulant que :

« L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi. »

Dans cette affaire, la salariée a soutenu qu’elle n’avait bénéficié d’aucune formation depuis 2007, ce qui constitue un manquement à cette obligation.

Le conseil de prud’hommes a reconnu ce manquement et a accordé des dommages et intérêts pour préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail, évalué à 2 500€.

Cela souligne l’importance pour l’employeur de respecter ses obligations en matière de formation pour éviter des conséquences juridiques.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Un licenciement sans cause réelle et sérieuse peut entraîner des dommages et intérêts pour le salarié, conformément à l’article L. 1235-3 du Code du travail, qui prévoit que :

« En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge peut condamner l’employeur à verser au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire. »

Dans le cas présent, le conseil de prud’hommes a initialement condamné la SA EGIS EAU au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cependant, la cour d’appel a infirmé ce jugement, considérant que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce qui a conduit à un rejet de la demande de la salariée pour ce motif.

Cela démontre l’importance de la justification du licenciement par l’employeur pour éviter des sanctions financières.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/53090

N° Portalis 352J-W-B7I-C4RRN

N° : 2

Assignation du :
11 et 24 avril 2024
[1]

[1] 3 copies exécutoires
+ 1 expert
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 08 janvier 2025

par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDEUR

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5], agissant poursuites et diligences de son syndic en exercice, la S.A.S. PLISSON IMMOBILIER, dont le siège social est sis
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représenté par Maître Arthur ANQUETIL de l’AARPI ANQUETIL ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #D0156

DEFENDEURS

Monsieur [S] [X]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représenté par Maître Lionel BUSSON de la SELARL CABINET SABBAH & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #P0466

La S.A.S. 100 CROUSTI [Localité 9]
[Adresse 5]
[Adresse 5]

représentée par Maître Edmond MSIKA, avocat au barreau de PARIS – #E0484

DÉBATS

A l’audience du 26 novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Monsieur [S] [X] est propriétaire du lot 2, correspondant à une boutique située au rez-de-chaussée de l’immeuble du [Adresse 5], soumis au statut de la copropriété.

Ces locaux étaient exploités par une laverie automatique.

Le 1er juin 2022, ils ont été donnés à bail commercial à la société 100 CROUSTI [Localité 9], pour y exploiter une activité de « restauration rapide sur place et à emporter ». La société 100 CROUSTI [Localité 9] y a réalisé des travaux d’aménagement.

Reprochant à l’exploitant et au propriétaire d’avoir modifié la devanture du lot n°2 sans autorisation de l’assemblée générale et d’utiliser un conduit d’extraction vétuste laissant passer les odeurs de cuisson qui pénètrent dans l’immeuble, cette situation persistant malgré ses lettres de mise en demeure et celles de la Ville de Paris, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 5] a, par exploits délivrés les 11 et 24 avril 2024, fait citer Monsieur [S] [X] et la SAS 100 CROUSTI PARIS 9ème devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins essentielles de remise en état des lieux et de cessation d’utilisation du conduit d’extraction.

L’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois à la demande des parties et celles-ci ont été enjointes de rencontrer un conciliateur de justice.

La tentative amiable ayant échoué, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries le 26 novembre 2024.

Dans le dernier état de ses prétentions, le syndicat des copropriétaires sollicite de :
A titre principal,
– condamner in solidum les défendeurs à procéder, à leurs frais et sans détériorer les parties communes, à la remise en état antérieur de la façade sur rue de l’immeuble, sous astreinte provisoire de 1000€ par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l’ordonnance,
– ordonner la société 100 CROUSTI [Localité 9] de cesser d’utiliser le conduit d’extraction actuellement en place jusqu’à son remplacement par un nouveau conduit d’extraction aux normes en ne générant plus de nuisance, sous astreinte de 1000€ par jour et par infraction constatée par voie de Commissaire de justice désigné par le syndicat des copropriétaires passé un délai de huit jours à compter de la signification de l’ordonnance,
– se réserver la liquidation des astreintes,
A titre subsidiaire,
– ordonner une expertise judiciaire, dont la mission est définie dans les écritures,
– condamner in solidum les défendeurs au paiement d’une provision ad litem de 10.000 euros,
En tout état de cause,
– condamner in solidum les défendeurs à lui verser la somme de 8400€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens dont les frais du constat du 29 novembre 2022 et des frais de dénonciations et des sommations.

En réponse, Monsieur [S] [X] sollicite de :
A titre principal,
– dire n’y avoir lieu à référé,
– en conséquence, débouter le requérant de ses demandes,
A titre subsidiaire,
– débouter la SAS 100 CROUSTI [Localité 9] de son appel en garantie
– la condamner à le garantir de l’ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre de la remise en état de la façade, du conduit d’extraction, et des nuisances olfactives,
A titre très subsidiaire,
– noter ses protestations et réserves,
– débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande d’une provision ad litem de 10.000 euros,
En tout état de cause,
– débouter les parties adverses du surplus de leurs demandes,
– condamner le requérant ou la société CROUSTI à lui verser la somme de 6000€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

Enfin, la SAS CROUSTI [Localité 9] conclut au rejet des demandes du requérant et à titre subsidiaire, sollicite la condamnation de Monsieur [X] à la garantie de toute condamnation qui serait mise à sa charge.

A titre infiniment subsidiaire, elle formule ses protestations et réserves et sollicite en tout état de cause la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 3500€ au titre des frais irrépétibles.

Conformément aux dispositions de l’article 446-1 du code de procédure civile, il convient de se référer à l’acte introductif d’instance, aux écritures et aux notes d’audience pour un plus ample exposé des faits et des moyens qui y sont contenus.

MOTIFS

Sur les demandes principales

L’article 835 alinéa 1du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’existence d’une contestation sérieuse est indifférente à l’application de ces dispositions.

Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il appartient au requérant de démontrer l’existence d’une illicéité du trouble et son caractère manifeste. Le juge apprécie la réalité du trouble avec les éléments dont il dispose le jour où il statue.

Aux termes de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

L’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 impose aux copropriétaires qui souhaitent effectuer des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, de solliciter une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.

* Sur la modification de la devanture

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que la devanture a été modifiée par l’exploitant sans autorisation de l’assemblée générale alors que ces travaux ont porté atteinte aux murs de la façade et à son aspect extérieur ; qu’en outre, le règlement de copropriété prévoit que les peintures extérieures sont décidées par l’assemblée générale ; que la modification de la devanture sans autorisation de l’assemblée générale caractérise le trouble manifestement illicite, en raison de la violation de l’article 25 de la loi du 6 juillet 1989 et du règlement de copropriété.

Il conteste le fait que l’exploitant ait obtenu une autorisation administrative pour modifier la devanture, dès lors que l’autorisation produite ne porte que sur la pose d’une enseigne lumineuse. A l’oral, il fait observer que le règlement de copropriété est bien produit, annexé à l’assemblée générale.

En réponse, Monsieur [X] soutient que le règlement de copropriété n’est pas produit, seul un procès-verbal d’assemblée générale étant versé aux débats. Il ajoute qu’il est de jurisprudence constante que les devantures des locaux à usage commercial constituent des parties privatives, de sorte que l’exploitant n’est pas à l’origine d’un trouble manifestement illicite ; qu’en tout état de cause, le requérant ne démontre pas quelle partie commune aurait été affectée par ces travaux ni n’établit, avec l’évidence requise en référé, que l’aspect extérieur de l’immeuble aurait été modifié. Il précise que la clause relative aux peintures ne saurait concerner la modification de la devanture.

Enfin, Monsieur [X] estime que la demande de remise en état des lieux ne peut prospérer dès lors que l’état antérieur n’est pas défini.

La société CROUSTI [Localité 9] soutient que seules les vitrines et l’enseigne ont été modifiées et fait observer qu’elle a obtenu une autorisation de la Ville de [Localité 8] pour la pose de l’enseigne, de sorte qu’il n’existe plus de trouble.

Le syndicat des copropriétaires verse aux débats le règlement de copropriété de l’immeuble, qui est, certes, annexé à un procès-verbal d’assemblée générale du 6 janvier 1951 ayant approuvé une modification de destination d’un lot de l’immeuble. Le fait que ce règlement soit une annexe d’un procès-verbal d’assemblée générale ne suffit pas à lui ôter pour autant sa valeur statutaire. En tout état de cause, Monsieur [X], propriétaire au sein de cet immeuble, ne communique pas un autre règlement de copropriété qui pourrait régir les rapports des parties.

Le chapitre III, 9° du règlement de copropriété stipule que « Les peintures extérieures y compris celles des portes d’entrée des appartements seront décidées par l’assemblée générale ordinaire ». 

Il sera également rappelé que l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 impose aux copropriétaires qui souhaitent effectuer des travaux affectant l’aspect extérieur de l’immeuble, de solliciter une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.

En l’espèce, il résulte de la comparaison des photographies de l’ancienne devanture et de la nouvelle que les travaux entrepris par l’exploitant ont conduit à la suppression totale de la vitrine fixe qui était constituée de trois vitres sur toute la hauteur du local et notamment en partie haute.

En outre, les bordures du local, qui étaient initialement de couleur bleue, sont désormais, dans leur hauteur, de couleur jaune et rouge.

La photographie de la nouvelle devanture prise dans la nuit permet de constater que le retrait de la vitrine laisse très visibles les menus publicitaires affichés en hauteur à l’intérieur du local, aux couleurs criardes.

Il en résulte, avec l’évidence requise en référé, que les travaux entrepris sur la devanture, ont modifié l’aspect extérieur de l’immeuble. Il n’est pas allégué qu’une autorisation de l’assemblée générale a été obtenue préalablement à la pose de cette devanture, en violation de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 et du règlement de copropriété, ce qui caractérise le trouble manifestement illicite.

La question de l’autorisation administrative obtenue le 23 septembre 2022, et qui ne concerne que l’enseigne, est en tout état de cause indifférente à l’absence d’autorisation préalable de l’assemblée générale.

Dès lors, il convient de mettre fin au trouble occasionné et d’ordonner la remise en état de la devanture, ce qui suppose la mise en place d’une vitrine à trois vitres, avec une partie haute et la remise en peinture du haut des bordures. Sur ce point, il y a lieu de préciser que le juge des référés n’est pas limité par les mesures provisoires sollicitées et peut les adapter afin d’assurer l’exécution de sa décision, et ce, même si l’état initial des lieux n’est pas précisé par le demandeur.

Le propriétaire des lieux et son locataire seront enjoints à procéder à cette remise en état. Toutefois, l’astreinte qui se justifie en l’espèce au regard des atermoiements de l’exploitant, ne sera appliquée qu’au preneur, le propriétaire n’ayant pas la maîtrise des lieux du fait de l’existence du contrat de bail.

Le règlement de copropriété étant opposable au preneur comme le rappellent les stipulations du contrat de bail commercial en ses articles 9.1.1 et 9.1.2, celui-ci est avec l’évidence requise en référé responsable envers son bailleur. Il sera donc tenu de garantir le bailleur de la condamnation aux fins de remise en état.

* Sur l’utilisation du conduit d’extraction

Il résulte des différentes attestations établies par les propriétaires de l’immeuble et de leurs amis/familles, du procès-verbal de constat établi par Commissaire de justice le 29 novembre 2022 et du rapport d’enquête du 2 janvier 2023 établi par la Ville de [Localité 8] que l’exploitation du local commercial génère des nuisances olfactives, une odeur de friture étant ressentie dès 10h du matin jusqu’à la fermeture du commerce à 23h.

Si Madame [H], architecte, conclut à un défaut d’étanchéité du conduit d’extraction, lequel est jugé en mauvais état, ainsi qu’à la suspicion du caractère amianté de celui-ci, dans son courrier du 7 février 2022, un rapport établi par la société Expert Ventil du 21 novembre 2022 constate, après réalisation d’un test fumigène, l’absence de fuite apparente à l’intérieur du local commercial et à l’extérieur le long du circuit d’extraction en courette extérieure au sein des parties communes. Elle en conclut que le circuit aéraulique d’extraction des buées graisseuses est étanche sur l’ensemble de sa longueur.

Le rapport d’enquête établi le 2 janvier 2023 par le bureau d’actions contre les nuisances professionnelles de la Ville de [Localité 8] constate que les odeurs ressenties dans les appartements, fenêtre ouverte, peuvent provenir d’un débouché d’extraction, en l’absence de devanture sur la façade de l’établissement.

Il ajoute, qu’en sus du conduit d’extraction dont il sollicite de vérifier la vacuité, l’étanchéité et la continuité, ces odeurs pourraient également provenir des grilles de couleur verte positionnées en façade, de l’éventuel passage d’un ancien conduit intérieur et d’un défaut d’étanchéité aux odeurs et fumées, des plafonds et parois du local commercial.

Aux termes de son courrier recommandé adressé à l’établissement CROUSTI [Localité 9] le 9 août 2023, la Ville de [Localité 8] insiste sur le ramonage des conduits, la vérification de la conformité de la gaine d’extraction, mais également la vérification de l’étanchéité des murs et parois du local commercial.

Il s’ensuit que l’origine de la propagation des odeurs dans les parties communes et privatives ne peut être imputée, avec l’évidence requise en référé, à l’utilisation du conduit d’extraction, alors que d’autres causes sont évoquées par la Ville de [Localité 8]. Dès lors, le requérant succombe à démontrer que l’utilisation de ce conduit cause un trouble manifestement illicite à la copropriété.

Et il n’y a pas lieu à référé sur la question du conduit d’extraction.

Sur la mesure d’expertise

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L’application de ce texte, qui subordonne le prononcé d’une mesure d’instruction à la seule démonstration d’un intérêt légitime à établir ou à préserver une preuve en vue d’un litige potentiel, n’implique aucun préjugé sur la recevabilité et le bien-fondé des demandes formées ultérieurement, sur la responsabilité des personnes appelées comme partie à la procédure, ni sur les chances du procès susceptible d’être engagé.

Compte tenu des éléments précités, et dans la mesure où l’exploitation du local commercial persiste à générer des nuisances olfactives dont l’origine doit être identifiée, le requérant justifie d’un motif légitime à voir ordonner une mesure d’expertise.

La mesure d’instruction sollicitée doit donc être ordonnée dans les termes du dispositif ci-après sans la limiter au conduit d’extraction.

Sur la provision ad litem

Si le juge des référés dispose du pouvoir d’accorder une provision pour frais d’instance sur le fondement de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui ne prévoit aucune restriction quant à la nature ou l’objet des provisions susceptibles d’être allouées, c’est nécessairement dans les conditions précisément et strictement définies par celui-ci.

Sur le fondement de ce texte, la provision pour frais d’instance peut être accordée sous deux conditions ; la première est la justification du caractère non sérieusement contestable de la prétention au fond, la seconde est la justification de la nécessité d’engager des frais pour lesquels la provision est demandée.

Ces deux conditions sont cumulatives, nécessaires et ensemble suffisantes, toute autre considération, notamment d’impécuniosité, étant indifférente.

En l’espèce, les attestations, le constat d’huissier et les rapports dressés par la Ville de [Localité 8] établissent, avec l’évidence requise en référé, que c’est l’exploitation du local commercial qui est à l’origine des nuisances olfactives, seule la ou les causes de ces nuisances n’étant à ce jour pas précisément identifiées, ce qui nécessite d’engager des frais d’expertise.

Dès lors, la demande de provision ne se heurte à aucune contestation sérieuse et il y sera fait droit pour le montant sollicité.

Les défendeurs seront condamnés in solidum au paiement de cette provision ad litem dès lors qu’aucun élément ne permet à ce stade d’établir que seule l’utilisation du conduit d’extraction est en cause, auquel cas, le bailleur serait tenu au paiement d’une telle provision, ni que la modification de la devanture de la façade est en cause, auquel cas, seul le preneur serait tenu au paiement d’une telle provision.

C’est ainsi pour cette raison qu’il ne peut y avoir lieu à référé sur la demande de garantie.

Enfin, les défendeurs ne peuvent sérieusement soutenir découvrir que l’exploitation dans les lieux d’une activité de fritures à la place d’une activité de laverie automatique est susceptible d’entraîner des troubles pour la copropriété, troubles qu’ils doivent assumer au stade de la mesure d’expertise.

Sur les demandes accessoires

Succombant en leurs prétentions, Monsieur [S] [X] et la société 100 CROUSTI [Localité 9] seront condamnés in solidum au paiement des dépens en vertu de l’article 696 du code de procédure civile, en ce non compris les constats et sommations, qui ne sont pas des dépens, ainsi qu’à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles en vertu de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Enjoignons la SAS 100 CROUSTI [Localité 9] et Monsieur [S] [X], dans un délai de trois mois suivant la signification de la décision, à procéder à la remise en état de la devanture de la boutique, en remettant en place la vitrine composée de trois vitres et d’une partie haute, ainsi qu’à peindre les bordures hautes de la devanture dans la même couleur que la peinture du bas de la devanture ;

Disons que passé ce délai, la SAS 100 CROUSTI [Localité 9] sera redevable d’une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard, pendant une durée de huit mois ;

Rejetons la demande d’astreinte à l’encontre de Monsieur [X] ;

Condamnons la SAS 100 CROUSTI [Localité 9] à garantir Monsieur [X] de la condamnation qui précède ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de cessation d’utilisation du conduit d’extraction et de modification du conduit d’extraction ;

Ordonnons une mesure d’expertise et désignons en qualité d’expert :

Monsieur [C] [M]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[XXXXXXXX02]

qui pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,

avec mission de :

– se rendre sur les lieux des désordres ainsi que dans les locaux commerciaux appartenant à Monsieur [S] [X] après y avoir convoqué les parties ;
– examiner les désordres allégués dans l’assignation et les écritures des parties, relatifs aux nuisances olfactives et, le cas échéant, sans nécessité d’extension de mission, tous désordres connexes ayant d’évidence la même cause mais révélés postérieurement à l’assignation, sans préjudice des dispositions de l’article 238 alinéa 2 du code de procédure civile ;
– les décrire, en indiquer la nature, l’importance, la date d’apparition ; en rechercher la ou les causes ;
– fournir tout renseignement de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues et sur les comptes entre les parties ;
– après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d’exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d’un maître d’œuvre, le coût de ces travaux;
– fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d’évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état ;
– dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l’aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l’affirmative, à la demande d’une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible ;
– faire toutes observations utiles au règlement du litige;

Disons que pour procéder à sa mission l’expert devra :

✏ convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;

✏ se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés ;

✏ se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;

✏ à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
→ en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;
→ en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent, sur le fondement de l’article 280 du code de procédure civile, et dont l’affectation aux parties relève du pouvoir discrétionnaire de ce dernier au sens de l’article 269 du même code ;
→ en fixant aux parties un délai impératif pour procéder aux interventions forcées ;
→ en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;

✏ au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport), et y arrêter le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, compte-tenu des délais octroyés devant rester raisonnable ;

→ fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
→ rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au delà de ce délai;

Fixons à la somme de 5 000 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consignée par la partie demanderesse à la régie du tribunal judiciaire de Paris au plus tard le 10 mars 2025 ;

Disons que, faute de consignation de la présente provision initiale dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera aussitôt caduque et de nul effet, sans autre formalité requise, conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile ;

Disons que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du contrôle des expertises, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code ;

Disons que le terme du délai fixé par l’expert pour le dépôt des dernières observations marquera la fin de l’instruction technique et interdira, à compter de la date à laquelle il est fixé, le dépôt de nouvelles observations, sauf les exceptions visées à l’article 276 du code de procédure civile;

Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 255, 263 à 284-1 du Code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe du Tribunal judiciaire de Paris (Contrôle des expertises) avant le 10 novembre 2025, pour le rapport définitif, sauf prorogation de ces délais dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du Juge du contrôle ;

Disons que, dans le but de favoriser l’instauration d’échanges dématérialisés et de limiter la durée et le coût de l’expertise, le technicien devra privilégier l’usage de la plateforme OPALEXE et qu’il proposera en ce cas à chacune des parties, au plus tard lors de la première réunion d’expertise, de recourir à ce procédé pour communiquer tous documents et notes par la voie dématérialisée dans les conditions de l’article 748-1 du code de procédure civile et de l’arrêté du 14 juin 2017 validant de tels échanges ;

Condamnons in solidum Monsieur [S] [X] et la SAS 100 CROUSTI [Localité 9] à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 5] :
* la somme de 10 000 euros au titre de la provision ad litem ;
* la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de garantie ;

Condamnons in solidum Monsieur [S] [X] et la SAS 100 CROUSTI [Localité 9] au paiement des dépens, en ce non compris les constats d’huissiers, sommations et dénonciations ;

Ainsi ordonné par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025.

Le Greffier, Le Président,
Arnaud FUZAT Anne-Charlotte MEIGNAN

Service de la régie :
Tribunal de Paris, [Adresse 10]
☎ [XXXXXXXX01]
Fax 01.44.32.53.46
✉ [Courriel 11]

Sont acceptées les modalités de paiements suivantes :

➢ virement bancaire aux coordonnées suivantes :
IBAN : [XXXXXXXXXX07]
BIC : [XXXXXXXXXX012]
en indiquant impérativement le libellé suivant :
C7 « Prénom et Nom de la personne qui paye » pour prénom et nom du consignataire indiqué dans la décision + Numéro de RG initial

➢ chèque établi à l’ordre du régisseur du Tribunal judiciaire de Paris (en cas de paiement par le biais de l’avocat uniquement chèque CARPA ou chèque tiré sur compte professionnel)

Le règlement doit impérativement être accompagné d’une copie de la présente décision. En cas de virement bancaire, cette décision doit être envoyée au préalable à la régie (par courrier, courriel ou fax).

Expert : Monsieur [C] [M]

Consignation : 5 000 € par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5]

le 10 mars 2025

Rapport à déposer le : 10 novembre 2025

Juge chargé du contrôle de l’expertise :
Service du contrôle des expertises
Tribunal de Paris, [Adresse 10].


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