L’Essentiel : Monsieur [B] [Y] [F] a loué un appartement à Monsieur [V] [O] et Madame [S] [O] pour trois ans, débutant le 15 octobre 1995. En novembre 2020, un congé a été délivré pour récupérer le logement à partir du 14 octobre 2022, mais les époux [O] ont continué à y vivre. Les époux [F] ont alors assigné les époux [O] pour expulsion, arguant la validité du congé et leur besoin de reprendre le logement. Le tribunal a validé le congé, ordonné l’expulsion des époux [O] et imposé une indemnité d’occupation, ainsi que des frais de justice à leur charge.
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Contexte du litigeMonsieur [B] [Y] [F] a donné à bail un appartement à Monsieur [V] [O] et Madame [S] [O] pour une durée de trois ans à partir du 15 octobre 1995. En novembre 2020, un congé a été délivré aux époux [O] pour habiter le logement à compter du 14 octobre 2022, mais ceux-ci ont continué à occuper les lieux. Procédures judiciairesLes époux [F] ont assigné les époux [O] devant le juge des contentieux de la protection pour les déclarer occupants sans droit ni titre et demander leur expulsion. L’affaire a été renvoyée plusieurs fois, avec des audiences programmées jusqu’en janvier 2025. Arguments des époux [F]Les époux [F] ont demandé le rejet de l’exception d’incompétence soulevée par les époux [O] et ont soutenu que le congé était valide, respectant les conditions légales. Ils ont également justifié leur besoin de reprendre le logement pour des raisons de santé et de retraite. Arguments des époux [O]Les époux [O] ont contesté la compétence territoriale du tribunal et ont demandé la nullité du congé, arguant que les bailleurs n’avaient pas prouvé leur qualité à agir ni la nécessité de reprendre le logement. Ils ont également soulevé des doutes sur la validité des motifs avancés par les bailleurs. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté l’exception d’incompétence territoriale et a déclaré le congé valide. Il a ordonné l’expulsion des époux [O], les considérant occupants sans droit ni titre depuis le 15 octobre 2022, et a fixé une indemnité d’occupation à payer par les époux [O] aux époux [F]. Conséquences financièresLes époux [O] ont été condamnés à verser une indemnité d’occupation correspondant au montant du loyer et des charges, ainsi qu’une somme de 500 euros au titre des frais de justice. Les dépens ont également été mis à leur charge. Exécution de la décisionLa décision est assortie de l’exécution provisoire de droit, permettant aux bailleurs de procéder à l’expulsion avec le concours de la force publique si nécessaire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le CESEDA ?La prolongation de la rétention administrative est régie par les articles L.741-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Selon l’article L.741-3 du CESEDA, la rétention ne peut être maintenue ou prolongée que si la préfecture justifie des diligences accomplies en vue de l’exécution de la décision d’éloignement. Ces diligences incluent notamment la saisine du consulat pour obtenir un laissez-passer consulaire. Il est précisé que cette saisine doit intervenir dans les plus brefs délais suivant le placement en rétention administrative de l’étranger. Ainsi, l’administration doit démontrer qu’elle a agi rapidement et efficacement pour faciliter l’éloignement de l’intéressé, conformément aux exigences légales. Quelles sont les implications de la jurisprudence sur la nécessité de diligences avant la rétention ?La jurisprudence, notamment l’arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation en date du 17 octobre 2019 (pourvoi n°19-50.002), a clarifié que l’administration n’est pas tenue de justifier des diligences nécessaires à l’éloignement durant la période d’incarcération précédant le placement en rétention. Cela signifie que les diligences doivent être effectuées au moment du placement en rétention, et non avant. L’article L.741-3 du CESEDA stipule que ces diligences doivent être réalisées pour que la rétention ne dure que le temps strictement nécessaire à l’éloignement. Ainsi, la jurisprudence renforce l’idée que la rétention ne doit pas être prolongée sans justification adéquate des actions entreprises par l’administration. Quels droits a l’intéressé durant la rétention administrative ?L’article L.741-1 du CESEDA et les dispositions connexes garantissent certains droits à l’intéressé durant la rétention administrative. Dès le début de son maintien en rétention, l’intéressé peut demander l’assistance d’un interprète, d’un médecin, et d’un conseil. Il a également le droit de communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix. Ces droits visent à assurer que l’intéressé puisse bénéficier d’un soutien adéquat et d’une représentation légale durant la procédure de rétention. Il est essentiel que ces droits soient respectés pour garantir un traitement équitable et conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Comment contester la décision de prolongation de la rétention administrative ?La décision de prolongation de la rétention administrative peut être contestée par la voie de l’appel, conformément aux dispositions légales en vigueur. L’intéressé dispose d’un délai de 24 heures à compter du prononcé de la décision pour interjeter appel devant le Premier Président de la Cour d’Appel d’Orléans. La contestation doit être formulée par requête motivée, ce qui implique que l’intéressé doit exposer les raisons pour lesquelles il conteste la décision. Cette procédure d’appel est cruciale pour garantir que les droits de l’intéressé soient respectés et que la décision de prolongation soit examinée par une instance supérieure. Il est donc recommandé à l’intéressé de se faire assister par un avocat pour maximiser ses chances de succès dans cette démarche. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Didier JAUBERT
Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Alain TAMEGNON HAZOUME
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 24/03119 – N° Portalis 352J-W-B7H-C4LSY
N° MINUTE :
10 JCP
JUGEMENT
rendu le mercredi 08 janvier 2025
DEMANDEURS
Monsieur [B] [Y] [F], demeurant [Adresse 4] –
Madame [L] [G] épouse [F], demeurant [Adresse 4] – Cameroun
représentés par Me Alain TAMEGNON HAZOUME, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D0060
DÉFENDEURS
Monsieur [V] [O], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne assisté de Me Didier JAUBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1558
Madame [S] [O], demeurant [Adresse 2]
représentés par Me Didier JAUBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1558
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Deborah FORST, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 30 octobre 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 janvier 2025 par Deborah FORST, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier
Décision du 08 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/03119 – N° Portalis 352J-W-B7H-C4LSY
Par acte sous seing privé du 10 octobre 1995, Monsieur [B] [Y] [F] a donné à bail à Monsieur [V] [O] et Madame [S] [O] un appartement à usage d’habitation pour une durée de 3 ans renouvelable à effet au 15 octobre 1995.
Par acte de commissaire de justice du 9 novembre 2020, Monsieur [B] [Y] [F] et Madame [L] [G] épouse [F] ont fait délivrer aux époux [O] un congé « pour habiter » à effet au 14 octobre 2022.
Les époux [O] se sont maintenus dans les lieux.
Par acte de commissaire de justice du 26 janvier 2023, les époux [F] ont fait assigner les époux [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
les dire recevables et bien fondés en leur demande ;déclarer les époux [O] occupants sans droit ni titre du logement situé au 1er étage droite, bâtiment C, de l’immeuble situé [Adresse 2] depuis le 14 octobre 2022 ;ordonner l’expulsion immédiate et sans délai des époux [O] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, des locaux situés [Adresse 2], avec au besoin le concours de la force publique et d’un serrurier ;condamner les époux [O] à leur verser la somme de 2500 euros par mois, charges en sus, à titre d’indemnité d’occupation depuis le 14 octobre 2022, date d’expiration du bail, jusqu’à parfaite libération des lieux ;condamner les époux [O] à leur verser la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;rappeler que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est de droit.
L’affaire a été appelée à l’audience du 23 mai 2023, enregistrée sous le numéro de RG23/2946, et renvoyée au 29 septembre 2023 sous le numéro de RG 23/4506, puis au 4 janvier 2024. L’affaire a été radiée à cette dernière audience par ordonnance du 11 janvier 2024. L’affaire a été réinscrite au rôle sous le numéro de RG 24/3119 et rappelée à l’audience du 2 juillet 2024, à laquelle elle a été renvoyée au 30 octobre 2024. L’affaire a été retenue à cette dernière audience.
Les époux [F], représentés par leur conseil, ont déposé des conclusions écrites, reprises dans leurs observations orales, aux termes desquelles ils demandent de :
rejeter l’exception d’incompétence excipée par les époux [O] ;les dire recevables et bien fondés en leur demande ;déclarer les époux [O] occupants sans droit ni titre du logement situé au 1er étage droite, bâtiment C, de l’immeuble situé [Adresse 2] depuis le 14 octobre 2022 ;ordonner l’expulsion immédiate et sans délai des époux [O] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, des locaux situés [Adresse 2], avec au besoin le concours de la force publique et d’un serrurier ;condamner les époux [O] à leur verser la somme de 2500 euros par mois, charges en sus, à titre d’indemnité d’occupation depuis le 14 octobre 2022, date d’expiration du bail, jusqu’à parfaite libération des lieux ;condamner les époux [O] à leur verser la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;rappeler que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est de droit.
En réponse à l’exception d’incompétence territoriale soulevée en défense, ils font valoir qu’il s’agit d’une demande dilatoire, le tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt ayant décliné sa compétence, à la demande des époux [O], au profit du tribunal judiciaire de Paris par jugement du 13 septembre 2017 dans le cadre d’un litige relatif à un précédent congé. Ils font valoir qu’aux termes de son jugement, le tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt avait relevé que les parties avaient convenu tant dans le bail et que dans le constat contradictoire d’état des lieux que les lieux se situaient à Paris dans le 16 arrondissement, la preuve contraire n’étant pas rapportée en l’espèce. Ils exposent que les pièces versées par les époux [O] sont sans valeur pour déterminer la compétence de la présente juridiction, que la loi commune des parties doit prévaloir et que de multiples pièces permettent de retenir que les lieux se trouvent dans le [Localité 1].
A l’appui de leur demande d’expulsion, ils soutiennent que le congé est valide sur le fondement des articles 15-1 et 15-3 de la loi du 6 juillet 1989, les conditions de forme et de fond ayant été respectées et le congé étant réel, sérieux et légitime. Ils précisent qu’ils résidaient jusqu’à lors au Cameroun, et qu’ils viennent de plus en plus fréquemment en France afin d’accompagner leur fils qui souffre de graves troubles psychiatriques. Dans leurs observations orales, ils précisent disposer d’un visa Schengen.
Les époux [O], représentés par leur conseil, ont déposé des conclusions écrites aux termes desquelles ils demandent :
de les dire et juger recevables et fondés en leurs demandes ;in limine litis, de se déclarer territorialement incompétent pour connaître des demandes présentées par les époux [F] au profit du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt ;de déclarer nul et non avenu le congé du 9 novembre 2020 et débouter les demandeurs de toutes leurs demandes ;de rappeler que le jugement à intervenir sera assorti de plein droit de l’exécution provisoire ;de condamner in solidum les époux [F] à leur verser la somme de 3500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;de condamner in solidum les époux [F] aux entiers dépens, dont ceux distraits au profit de Maître Didier Jaubert par application de l’article 699 du code de procédure civile.
A l’appui de l’exception d’incompétence qu’ils soulèvent, ils font valoir, au visa des articles 42 et 43 du code de procédure civile, que le jugement du 13 septembre 2017 ne lie pas la présente juridiction, une réforme du code de procédure civile étant intervenue entre temps. Ils exposent que la [Adresse 5], où se trouve l’immeuble, est « à cheval » sur le territoire de Paris et sur celui de la commune de [Localité 3], mais que la délimitation entre les deux communes est claire puisque le côté impair de la [Adresse 5] est celui qui forme la limite du territoire de [Localité 3], que l’administration fiscale a retenu que les lieux se trouvent à [Localité 3]. Ils estiment que les autres preuves qu’ils versent permettent d’établir que les lieux se trouvent à [Localité 3].
Au soutien de leur demande de nullité du congé, dont ils relèvent que les époux [F] n’en demandent pas la validation, ils estiment que les demandeurs ne prouvent pas leur qualité à agir, ni qu’ils disposent d’un récent titre de propriété du logement. Ils soutiennent en outre, sur le fondement de l’arrêté du 13 décembre 2017 qu’il y a une confusion car le motif allégué dans le congé du 9 novembre 2020 est la santé alors qu’il est inscrit dans le congé que les bénéficiaires de la reprise des lieux sont les bailleurs et qu’ils n’ont justifié d’aucun problème de santé, et que les seuls éléments produits sont ceux relatifs à l’état de santé de leur fils. Ils estiment qu’il y a aucune mention du caractère réel et sérieux de la décision de reprise. S’agissant du second motif tiré de leur retraite, ils font valoir que les bailleurs n’en justifient pas, pas davantage que de leur âge. Au visa des articles R318-7 du code de la construction et de l’habitation et de l’article L312-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ils soutiennent que les bailleurs n’apportent pas la preuve de leur capacité à reprendre le logement dans la mesure où ils sont camerounais et ne justifient pas d’un titre de séjour de longue durée obtenu auprès de l’ambassade de France au Cameroun permettant de séjourner au moins 8 mois par an en France. A titre subsidiaire, à supposer que le bénéficiaire de la reprise soit Monsieur [Z] [F], ils estiment qu’il n’est pas prouvé de la nécessité de l’héberger en l’absence de tout document médical récent relatif à son état de santé alors que son profil LinkedIn indique qu’il est « administrateur, directeur des opérations ».
A l’issue des débats l’affaire a été mise en délibéré au 8 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.
Sur l’exception d’incompétence territoriale
Selon l’article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.
S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux.
Si le défendeur n’a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger.
Selon l’article 43 du même code, le lieu où demeure le défendeur s’entend :
– s’il s’agit d’une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence ;
– s’il s’agit d’une personne morale, du lieu où celle-ci est établie.
En l’espèce, par jugement du 13 septembre 2017, le juge d’instance de Boulogne Billancourt, saisi d’une demande de résiliation du bail formée par les époux [F] à l’encontre des époux [O], s’était déclaré incompétent au profit du tribunal d’instance du [Localité 1], faisant ainsi droit à l’exception d’incompétence qui avait été soulevée par les époux [O]. Le juge avait relevé, sur le fondement des articles R221-38 et R21-48 du code de l’organisation judiciaire, et de l’article 1134 du code civil, que les pièces produites entretenaient une confusion sur l’adresse exacte et complète des lieux loués en l’espèce puisque les relevés émis par la Trésorerie du département des Hauts de Seine mentionnaient une adresse postale située à Paris, et qu’ainsi aucun élément objectif et déterminant versé aux débats n’attestait avec certitude de l’exactitude de l’adresse complète des lieux loués. Il estimait néanmoins que les parties avaient convenu tant dans le bail que dans le constat contradictoire d’état des lieux que les lieux étaient dans le 16 arrondissement, et qu’il y avait par conséquent lieu de présumer que les lieux s’y trouvaient.
Ainsi, aux termes de cette décision, les époux [O] avaient, en 2017, déjà formé une exception d’incompétence territoriale devant la juridiction saisie, faisant valoir à cette date que les lieux se trouvaient à Paris et non à [Localité 3]. C’est ainsi de manière contradictoire avec la position qui était la leur devant le tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt en 2017 qu’ils soutiennent lors de la présente instance que les lieux se trouvent en réalité à Paris.
A ce titre, il convient de relever que le bail et l’état des lieux contradictoire mentionnent en effet que les lieux, où résident toujours les époux [O], se trouvent [Adresse 2], ce qui est cohérent avec celle mentionnée sur la pièce d’identité de Madame [S] [O] délivrée le 17 octobre 2016 sur celle de Monsieur [V] [O] délivrée le 7 juillet 2008, sur l’avis d’impôt sur le revenu 2016 des époux [O], ainsi que sur les courriers adressés en 2008 par Monsieur [V] [O] à Monsieur [B] [Y] [F] les 8 octobre 2004, 29 août 2007, 24 mars 2008 et 11 avril 2018, à l’adresse indiquée sur un courrier de la caisse d’allocations familiales du 10 mai 2007, à celle retenue par le syndic de l’immeuble selon le relevé du 15 avril 2000, et le 30 juin 2008.
En revanche, d’autres documents indiquent que les lieux se trouvent sur la commune de [Localité 3], à savoir le congé du 9 novembre 2020 et celui du 18 octobre 2012, l’appel de fonds du syndic du 1er juillet 2024, la mainlevée d’opposition de l’avis à tiers détenteur du Trésor Public du 26 février 2009, la carte d’identité de Monsieur [V] [O] délivrée en 2006. Les mentions relatives à l’adresse et au destinataire sur l’avis de recensement de la population du 26 janvier 2023 sont inexistantes et ne permettent de tirer aucune conclusion sur le lieu de résidence des défendeurs. De même, la ville de Paris a été biffée et remplacée manuscritement par la ville de [Localité 3] sur le congé du 9 décembre 2015, ce qui ne permet d’en tirer aucune conclusion précise.
S’agissant de l’extrait de nomenclature de la [Adresse 5] qui indique que le côté impair de la rue forme la limite du territoire de [Localité 3], il convient de relever que cet extrait est peu clair sur le lieu exact de la limite entre les deux villes à défaut de plan l’accompagnant.
Il résulte ainsi de ces éléments qu’ils sont contradictoires entre eux sur le lieu de situation de l’immeuble sur la commune de [Localité 3] ou de Paris, et ne permettent pas de déterminer avec certitude le lieu de l’immeuble sur l’une ou l’autre des deux communes.
Dans ces conditions, et tel que cela avait été retenu par le juge d’instance dans son jugement du 13 septembre 2017, et qui avait fait droit à la demande des époux [O] tendant à considérer que les lieux se trouvaient à [Localité 1], il sera déduit des mentions du bail et de l’état des lieux, ainsi que des nombreux courriers adressés par Monsieur [V] [O] à Monsieur [B] [F], et des pièces d’identité les plus récentes des défendeurs, que les parties ont entendu déterminer que les lieux objet du litige, et par conséquent l’adresse des défendeurs, se trouve dans le [Localité 1].
Il en résulte que l’exception d’incompétence territoriale sera rejetée.
Sur la demande de nullité du congé
Sur la qualité à agir des époux [F]
Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l’espèce, les demandeurs produisent des visas permettant d’établir leur identité ainsi que des appels de fonds du syndicat des copropriétaires, dont le dernier est du 1er juillet 2024, pour les charges communes et les travaux, et précisant qu’ils sont relatifs au lot ° 42, soit un appartement et la cave n° 32 et le lot n° 109, soit le garage portant le n° 31, ce qui est compatible avec les dispositions du bail conclu le 10 octobre 1995, ainsi qu’avec le jugement du tribunal d’instance du 23 avril 2014 indiquait que Monsieur [B] [Y] [F] était propriétaire du bien par moitié avec son épouse.
Au regard de ces éléments, les demandeurs justifient de leur qualité à agir.
Sur les autres moyens tendant à déclarer le congé nul
Aux termes de l’article 15 I de la loi du 6 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur.
(…)
En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.
Selon l’article 15 III de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l’égard de tout locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée. Le présent alinéa est également applicable lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur au plafond de ressources déterminé par l’arrêté précité.
Toutefois, les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante-cinq ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources mentionné au premier alinéa.
L’âge du locataire, de la personne à sa charge et celui du bailleur sont appréciés à la date d’échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.
L’article 2-1-5 de l’annexe de la notice d’information prévue par l’arrêté du 13 décembre 2017 relatif au contenu de la notice d’information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire jointe au congé délivré par le bailleur en raison de sa décision de reprendre ou de vendre le logement prévoit les mentions obligatoires suivantes dans le congé pour reprise :
-la mention que le bailleur entend reprendre le logement pour l’habiter ou pour y loger l’un de ses proches ;
-les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ;
-la nature du lien de parenté qui existe entre le bénéficiaire et le bailleur ;
-une mention justifiant du caractère réel et sérieux de la décision de reprise ;
-dans le cas où le bailleur est une société civile immobilière familiale, le congé doit indiquer le nom et l’adresse de l’associé bénéficiaire de la reprise.
En l’espèce, le congé délivré le 9 novembre 2020 indique qu’il s’agit d’un « congé bail d’habitation pour habiter ». Le congé est donc régulier sur ce point.
Le congé du 9 novembre 2020 précise qu’il est donné afin de permettre la reprise des lieux afin de les faire habiter par Monsieur [B] [Y] [F], né le 31 mars 1956, dont l’adresse est [Adresse 4] en sa qualité de propriétaire, et par Madame [L] [F] née [G], née le 11 avril 1962, dont l’adresse est [Adresse 4] en sa qualité de propriétaire. Les nom et adresse des bénéficiaires de la reprise sont ainsi clairement mentionnés. Il sera précisé que ce sont bien les bailleurs qui sont désignés comme bénéficiaires de la reprise, et non leur fils [Z].
Le congé précise enfin que le caractère réel et sérieux de cette décision de reprise est justifié par les éléments suivants : les propriétaires souhaitent reprendre leur bien, objet du bail, afin d’y établir leur résidence principale pour des raisons de santé et finir leurs retraites. La mention relative au caractère réel et sérieux de la reprise figure donc sur le congé.
Sur le fond du caractère réel et sérieux de la reprise, les époux [F] versent plusieurs comptes-rendus opératoires des 20 octobre 2022 et 21 mars 2024 justifiant de problèmes de santé de Monsieur [B] [Y] [F], justifiant ainsi les problèmes de santé de ce dernier. Ils produisent en outre une facture de la clinique du Pays de Seine du 29 avril 2021 relative au paiement d’actes de psychiatrie générale au nom de Monsieur [Z] [F] [K], faisant suite à un certificat médical du 23 mars 2021 indiquant que le pronostic vital de Monsieur [Z] [F] [K] était engagé et qu’en conséquence, la présence de sa mère était absolument nécessaire pendant son séjour en France. A ce titre, ils justifient ainsi que l’état de santé de leur fils nécessitait un accompagnement par sa mère en France.
S’agissant de leur capacité à habiter dans les lieux, le fait qu’ils soient camerounais n’est pas en soi un motif permettant d’établir qu’ils ne peuvent y résider de manière permanente. En tout état de cause, les époux [F] justifient disposer de visas leur permettant de séjourner en France, et par conséquent, de leur capacité à séjourner dans les lieux objet de la reprise.
Enfin, s’agissant de leur retraite, au regard de l’âge de Monsieur [B] [Y] [F], né en 1956, ce motif est sérieux.
Le fait que de précédents congés aient été délivrés, dont celui du 9 décembre 2015 aux fins de reprise pour leur fils, ne remet pas nécessairement en cause le caractère réel et sérieux du motif de la reprise concernant le congé du 9 novembre 2020 dès lors que le dernier congé se fonde sur un motif réel et sérieux lors de la délivrance de celui-ci.
Or, au regard de l’âge et de l’état de santé de Monsieur [B] [Y] [F], et de la capacité des bailleurs à résider en France, le motif réel et sérieux du congé pour reprise qu’ils ont délivré le 9 novembre 2020 se trouve suffisamment établi en l’espèce.
Pour leur part, les époux [O] ne produisent aucun élément à l’appui de leur allégation selon laquelle Monsieur [Z] [F] [K] exerce une activité professionnelle, ni sur sa capacité à suivre des soins au Cameroun.
Il résulte de ces éléments que le caractère réel et sérieux du congé pour reprise se trouve établi.
Au surplus, il n’est pas contesté que le congé a été délivré au moins six mois avant l’échéance du bail.
En conséquence, la demande tendant à prononcer la nullité du congé sera rejetée.
Sur la demande d’expulsion
Le congé n’étant pas annulé, il a produit ses effets le 14 octobre 2022, de sorte que depuis le 15 octobre 2022, les époux [O] se trouvent occupants des lieux sans droit ni titre.
Il convient en conséquence d’ordonner leur expulsion selon les modalités prévues au dispositif.
Sur la demande de condamnation à une indemnité d’occupation
Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu’elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l’occupation indue de son bien l’a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l’indemnité d’occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.
En l’espèce, les époux [F] ne justifient d’aucun motif à l’appui de leur demande tendant à fixer l’indemnité d’occupation à un montant majoré de 2500 euros. Dans ces conditions, l’indemnité d’occupation sera fixée au montant du loyer et des charges tels qu’ils auraient été dus si le bail s’était poursuivi entre les parties, et ce, jusqu’à libération des lieux.
Sur les accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O], succombant, seront condamnés aux dépens.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
En l’espèce, l’équité commande de condamner les époux [O] à verser aux époux [F] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire. L’article 514-1 du même code dispose que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
En l’espèce, il sera rappelé que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, en premier ressort, par jugement contradictoire,
Rejette l’exception d’incompétence territoriale soulevée par Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] ;
Rejette la demande de Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] tendant à déclarer nul le congé pour reprise délivré le 9 novembre 2020 à effet au 14 octobre 2022 ;
Dit que Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] se trouvent occupants sans droit ni titre depuis le 15 octobre 2022 du logement situé au 1er étage droite, bâtiment C, de l’immeuble situé [Adresse 2] ;
Dit qu’à défaut pour Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] d’avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux prévu par l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution, Monsieur [B] [Y] [F] et Madame [L] [G] épouse [F] pourront procéder à leur expulsion, ainsi que celle de tous occupants de leur chef des locaux situés [Adresse 2], avec au besoin le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier ;
Condamne Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] à payer à Monsieur [B] [Y] [F] et Madame [L] [G] épouse [F] une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges tels qu’ils auraient été dus si le bail s’était poursuivi entre les parties, et ce, jusqu’à libération des lieux ;
Condamne Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] à payer à Monsieur [B] [Y] [F] et Madame [L] [G] épouse [F] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette pour le surplus des demandes ;
Condamne Madame [S] [O] et Monsieur [V] [O] aux dépens ;
Rappelle que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.
La greffière La juge
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