Transfert de bail et conditions d’occupation : enjeux de la continuité locative en cas d’abandon de domicile.

·

·

Transfert de bail et conditions d’occupation : enjeux de la continuité locative en cas d’abandon de domicile.

L’Essentiel : Le litige concerne le transfert d’un bail d’appartement après le placement de Madame [I] [T] en Ehpad. Madame [W] [R], nièce de la fille de Madame [I] [T], a demandé ce transfert, mais sa demande a été rejetée par l’établissement [Localité 4] Habitat OPH, qui a ensuite assigné Madame [W] [R] pour résiliation du bail et expulsion. Le tribunal a constaté que le départ de Madame [I] [T] constituait un abandon de domicile, entraînant la résiliation du bail. Madame [W] [R] a été condamnée à verser une indemnité d’occupation et aux dépens, la décision étant exécutoire de plein droit.

Contexte du litige

Par un acte de bail daté du 17 février 1972, l’office public d’habitation à loyer modéré de la ville de [Localité 4] a loué un appartement à Monsieur [D] [T], qui était marié à Madame [I] [T]. Ce bail a été transféré à l’établissement [Localité 4] Habitat OPH après le décès de Monsieur [D] [T] en 1994. Madame [I] [T] a été placée en Ehpad de manière définitive le 1er mars 2019.

Demande de transfert de bail

Madame [W] [R], nièce de la fille de Madame [I] [T], a demandé le transfert du bail à son nom, affirmant résider dans l’appartement depuis le 1er juillet 2017. Cette demande a été rejetée par l’établissement [Localité 4] Habitat OPH par un courrier du 3 janvier 2023. En réponse, l’établissement a assigné Madame [W] [R] devant le tribunal pour obtenir la résiliation du bail et son expulsion.

Arguments de l’établissement bailleur

L’établissement [Localité 4] Habitat OPH a soutenu que Madame [W] [R] ne remplissait pas les conditions requises pour le transfert du bail selon les articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989. Il a également affirmé qu’elle était occupante sans droit ni titre depuis le départ de Madame [I] [T] et a demandé la résiliation judiciaire du bail.

Réponse de Madame [W] [R]

Madame [W] [R] a contesté les demandes de l’établissement, affirmant qu’elle était à la charge de Madame [I] [T] et qu’elle avait résidé avec elle. Elle a également demandé des délais pour quitter les lieux, invoquant des difficultés personnelles et familiales.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que le départ de Madame [I] [T] pour l’Ehpad constituait un abandon de domicile, entraînant la résiliation du bail. Il a également jugé que Madame [W] [R] ne pouvait pas bénéficier du transfert du bail, car elle n’avait pas prouvé qu’elle était à la charge de Madame [I] [T] au moment de son départ.

Ordonnance d’expulsion

Le tribunal a ordonné l’expulsion de Madame [W] [R] et de tous occupants, tout en rejetant sa demande de suppression du délai de deux mois prévu pour quitter les lieux. Il a également précisé que le sort des meubles serait régi par les articles du code des procédures civiles d’exécution.

Indemnité d’occupation

Madame [W] [R] a été condamnée à verser une indemnité d’occupation à l’établissement [Localité 4] Habitat OPH, correspondant aux loyers actualisés depuis le 1er mars 2019, jusqu’à la libération des lieux.

Condamnation aux dépens

Enfin, Madame [W] [R] a été condamnée aux dépens et à verser une somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a été déclarée exécutoire de plein droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de transfert du bail selon l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ?

L’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 stipule que, en cas d’abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue :

– au profit du conjoint sans préjudice de l’article 1751 du code civil ;
– au profit des descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile ;
– au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
– au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile.

Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :

– au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1751 du code civil ;
– aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ;
– au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
– aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.

En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence. À défaut de personnes remplissant les conditions prévues, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l’abandon du domicile par ce dernier.

Quelles sont les conséquences de l’abandon de domicile par le locataire ?

L’abandon de domicile par le locataire, tel que défini par l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989, entraîne la résiliation du bail si aucune des personnes éligibles au transfert ne remplit les conditions requises. En l’espèce, le placement définitif de Madame [I] [T] en Ehpad le 1er mars 2019 constitue un abandon de domicile.

Il est établi que ce départ était nécessaire en raison de la maladie d’Alzheimer dont souffrait Madame [I] [T]. L’attestation de l’Ehpad et les déclarations de sa famille confirment que son départ était imposé par des raisons médicales. Ainsi, le bail a été résilié de plein droit à cette date, entraînant la perte de tout droit de jouissance pour Madame [W] [R].

Quelles sont les implications de l’occupation sans droit ni titre ?

L’occupation sans droit ni titre est définie par le fait qu’une personne occupe un bien sans avoir de contrat de location valide. Dans ce cas, Madame [W] [R] se trouve en situation d’occupation sans droit ni titre depuis le 1er mars 2019, date à laquelle le bail a été résilié.

Selon l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue. En conséquence, l’établissement [Localité 4] Habitat OPH a le droit de demander l’expulsion de Madame [W] [R] et de tous occupants de son chef, car elle n’a pas de droit légal sur le logement.

Quelles sont les conditions pour demander un délai pour quitter les lieux ?

Les conditions pour demander un délai pour quitter les lieux sont régies par les articles L.613-1 du code de la construction et de l’habitation, ainsi que par les articles L.412-3 à L.412-8 du code des procédures civiles d’exécution. Le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d’habitation dont l’expulsion a été ordonnée, en tenant compte de plusieurs facteurs :

– La bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations.
– Les situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, et la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux.
– Les diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

En l’espèce, Madame [W] [R] a été occupante sans droit ni titre depuis plus de cinq ans et n’a pas démontré des efforts suffisants pour se reloger, ce qui a conduit à un rejet de sa demande de délai.

Quelles sont les conséquences financières de l’occupation indue ?

L’occupation indue d’un bien immobilier entraîne des conséquences financières pour l’occupant. En vertu de la jurisprudence, le maintien dans les lieux après la résiliation du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation. L’indemnité d’occupation est calculée sur la base des loyers actualisés, augmentés des charges, tels que Madame [I] [T] les réglait.

Dans ce cas, Madame [W] [R] a été condamnée à verser une indemnité d’occupation à compter du 1er mars 2019, jusqu’à la libération des lieux. L’établissement [Localité 4] Habitat OPH a également demandé une majoration de 30% de cette indemnité, mais n’a pas justifié le préjudice subi, ce qui a conduit à une décision de ne pas majorer l’indemnité.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Dans cette affaire, Madame [W] [R] a été déboutée de ses demandes, ce qui a conduit le juge à lui ordonner de verser 700 euros à l’établissement [Localité 4] Habitat OPH au titre de l’article 700.

Cette somme est destinée à compenser les frais engagés par l’établissement dans le cadre de la procédure judiciaire, et le juge a pris en compte l’équité et la situation économique de la partie condamnée pour déterminer le montant.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Virginie BOURDOU

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Karim BOUANANE

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/02479 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4GFQ

N° MINUTE :
9 JCP

JUGEMENT
rendu le mercredi 08 janvier 2025

DEMANDERESSE
Etablissement [Localité 4] HABITAT – OPH, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Karim BOUANANE de l’ASSOCIATION LEGITIA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #E1971

DÉFENDERESSE
Madame [W] [R], domiciliée : chez Madame [I] [T], [Adresse 1]
comparante en personne assistée de Me Virginie BOURDOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0204
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C750562024005406 du 07/03/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Deborah FORST, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 30 octobre 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 janvier 2025 par Deborah FORST, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 08 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/02479 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4GFQ

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 17 février 1972, l’office public d’habitation à loyer modéré de la ville de [Localité 4], aux droits duquel est ensuite venu l’établissement [Localité 4] Habitat OPH, a donné à bail à Monsieur [D] [T] un appartement à usage d’habitation, composé de cinq chambres, situé [Adresse 1] à effet au 15 février 1972, pour un loyer trimestriel à acquitter à terme échu par tiers chaque mois.

Monsieur [D] [T] était marié à Madame [I] [L] épouse [T] depuis le 1959, et il n’est pas contesté que cette dernière s’est trouvée cotitulaire du bail.

Monsieur [D] [T] est décédé le 29 mars 1994.

Madame [I] [T] a été admise en Ehpad à titre définitif le 1er mars 2019.

Madame [W] [R], se présentant comme la nièce de la fille de Madame [I] [T], a sollicité auprès de l’établissement [Localité 4] Habitat OPH le transfert du bail à son bénéfice au motif qu’elle résidait dans les lieux depuis le 1er juillet 2017, ce qui lui a été refusé par courrier du 3 janvier 2023.

Par acte de commissaire de justice du 20 février 2024, l’établissement Paris Habitat OPH a fait assigner Madame [W] [R] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :

juger que Madame [W] [R] ne réunit pas les conditions des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989 pour obtenir le transfert des droits sur le bail de l’appartement situé [Adresse 1] ;juger que Madame [W] [R] est occupante sans droit ni titre de l’appartement situé [Adresse 1] ;prononcer la résiliation judiciaire du bail en raison du départ définitif de la locataire en titre Madame [I] [T] ;ordonner l’expulsion immédiate de Madame [W] [R] et de tous occupants de son chef, et ce, avec l’assistance du commissaire de police, de la force publique et d’un serrurier s’il y a lieu ;supprimer le bénéfice au profit de Madame [W] [R] du délai de deux mois prévu à l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles qu’il désignera ou tel au lieu au choix du bailleur et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues aux frais, risques et périls de Madame [W] [R] ;condamner Madame [W] [R], à compter du départ de Madame [I] [N] à payer à l’établissement [Localité 4] Habitat OPH des indemnités d’occupation dont les montants correspondront aux loyers actualisés, augmentés des charges, tels que Madame [I] [T] les réglait au titre de son bail sur le local à usage d’habitation, outre majoration de cette indemnité de 30% à titre de dommages et intérêts et ce, jusqu’à parfaite libération des locaux par remise des clés, un procès-verbal d’expulsion ou de reprise ;dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit ;condamner Madame [W] [R] à payer à l’établissement [Localité 4] Habitat OPH la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’affaire a été appelée à l’audience du 11 mars 2024 et renvoyée aux audiences des 28 juin 2024 et 30 octobre 2024. Elle a été retenue à cette dernière audience.

A l’audience, l’établissement [Localité 4] Habitat OPH, représenté par son conseil, a maintenu l’ensemble de ses demandes telles que formulées dans son assignation et s’est opposé à la demande reconventionnelle de la partie défenderesse tendant à l’octroi de délais pour quitter les lieux.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir, sur le fondement des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989, ainsi que des articles L621-2 du code de la construction et de l’habitation que Madame [W] [R] ne rapporte pas la preuve qu’elle puisse bénéficier du transfert du bail, faute de figurer parmi les bénéficiaires potentiels du transfert mentionnés à l’article 14 de cette loi, de justifier qu’elle demeurait dans les lieux depuis plus d’un an avec Madame [I] [T] avant son placement en Ehpad le 1er mars 2019, et de remplir les conditions d’attribution du logement compte tenu de la taille de celui-ci. Elle estime que Madame [W] [R] a par ailleurs détourné les règles d’attribution des logements HLM en s’attribuant d’autorité ce logement sans respecter les règles procédures d’attribution ni les listes d’attente. Elle en conclut qu’elle est ainsi fondée à ce qu’il soit constaté que Madame [W] [R] est occupante sans droit ni titre et à solliciter la résiliation judiciaire du bail en raison du départ définitif de la locataire en titre Madame [I] [T].

Madame [W] [R], assistée par son avocat, a demandé de débouter l’établissement [Localité 4] Habitat OPH de toutes ses demandes, de constater que le bail s’est poursuivi à son bénéfice et de lui accorder les plus larges délais pour quitter les lieux.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir qu’elle remplit les conditions de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 au motif qu’elle était une personne à charge de Madame [I] [T] résidant dans les lieux depuis 2017, puis que sa tante est tombée malade et qu’elle s’en est donc occupée. Elle fait valoir qu’elle a sollicité l’octroi d’un logement d’une taille réduite. Afin de bénéficier des délais pour quitter les lieux les plus larges, elle expose qu’elle a un enfant de 4 ans, qu’elle se trouve au chômage, que sa propre mère est décédée au mois d’août 2024, et qu’elle a demandé le bénéfice du DALO.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 8 janvier 2025.

Sur la demande de transfert du bail pour abandon de domicile
Sur le départ de Madame [I] [T]

Selon l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989, en cas d’abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue :
-au profit du conjoint sans préjudice de l’article 1751 du code civil ;
-au profit des descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile ;
-au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
-au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile.
Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :
-au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1751 du code civil ;
-aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ;
-au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
-aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.
En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.
A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l’abandon du domicile par ce dernier.

Le placement définitif du locataire en titre en Ehpad imposé l’une des personnes visées à l’article 14 de la loi précitée constitue un abandon de domicile.

En l’espèce, les parties ne contestent pas que le départ de Madame [I] [T] le 1er mars 2019 pour intégrer un Ehpad est constitutif d’un abandon de domicile. En effet, il résulte de l’attestation de l’Ehpad le Fil d’Argent produite aux débats par l’établissement [Localité 4] Habitat OPH que Madame [I] [T] née le 8 juillet 1935 à [Localité 4] est entrée dans l’établissement le 1er mars 2019 à titre définitif. Le caractère définitif du départ de Madame [I] [T] le 1er mars 2019 est donc caractérisé. En ce qui concerne le caractère imposé de ce départ, le propre courrier que Madame [W] [R] avait envoyé à l’établissement [Localité 4] Habitat OPH pour solliciter le transfert du bail, indiquait que ce placement était intervenu en raison de l’aggravation de la maladie d’Alzheimer dont souffrait Madame [I] [T], une structure adaptée étant devenue la seule solution. L’attestation de Madame [H] [T], se présentant comme la fille de Madame [I] [T], confirme que cette dernière souffrait de la maladie l’Alzheimer et expose que sa nièce est ainsi venue vivre avec elle à sa demande afin de lui permettre de rester le plus longtemps possible à son domicile. Ces éléments, cohérent entre eux, permettent ainsi d’établir que ce départ procède de la nécessité pour Madame [I] [T] d’intégrer un Ehpad en raison de la maladie d’Alzheimer dont elle souffrait.

Il en résulte que l’abandon de domicile par Madame [I] [T] le 1er mars 2019 pour intégrer un Ehpad à titre définitif est établi en l’espèce.

Sur la demande de transfert du bail par Madame [W] [R]

Selon l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989, en cas d’abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue :
-au profit du conjoint sans préjudice de l’article 1751 du code civil ;
-au profit des descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile ;
-au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
-au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile.
Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :
-au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1751 du code civil ;
-aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ;
-au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
-aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.
En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.
A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l’abandon du domicile par ce dernier.

L’article 40 I. de la même loi dispose que les 4°, 7° à 9° et le dernier alinéa de l’article 3, l’article 3-1, le II de l’article 5, les articles 8, 8-1, 10 à 12, 15 à 18, le 1° de l’article 20, les cinq premiers alinéas de l’article 23 et les articles 25-3 à 25-11 ne sont pas applicables aux logements appartenant aux organismes d’habitations à loyer modéré et ne faisant pas l’objet d’une convention passée en application de l’article L. 351-2 du code de la construction et de l’habitation.
L’article 14 leur est applicable à condition que le bénéficiaire du transfert ou de la continuation du contrat remplisse les conditions d’attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage. Ces deux conditions ne sont pas requises envers le conjoint, le partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ou le concubin notoire et, lorsqu’ils vivaient effectivement avec le locataire depuis plus d’un an, les ascendants, les personnes présentant un handicap au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles et les personnes de plus de soixante-cinq ans. Lorsque le bénéficiaire du transfert est un descendant remplissant les conditions de ressources mais pour lequel le logement est inadapté à la taille du ménage, l’organisme bailleur peut proposer un relogement dans un logement plus petit pour lequel l’intéressé est prioritaire.

Selon l’article L621-2 du code de la construction et de l’habitation, les locaux insuffisamment occupés sont définis comme des locaux comportant un nombre de pièces habitables, au sens de l’article 28 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, non compris les cuisines, supérieur de plus d’un au nombre de personnes qui y ont effectivement leur résidence principale. Les pièces effectivement utilisées pour l’exercice d’une fonction publique élective ou d’une profession et indispensables à l’exercice de cette fonction ou profession ne sont pas considérées comme des pièces habitables.
Pour la détermination des conditions d’occupation prévues au présent article, peuvent seuls être compris au nombre des personnes ayant effectivement leur résidence principale dans le local considéré :
1° L’occupant et son conjoint ;
2° Leurs parents et alliés ;
3° Les personnes à leur charge ;
4° Les personnes à leur service et affiliées de ce fait à une caisse d’assurances sociales et de compensation d’allocations familiales ;
5° Les personnes titulaires d’un contrat de sous-location.
Par dérogation, les enfants de l’occupant ou de son conjoint faisant l’objet d’un droit de visite et d’hébergement sont compris au nombre des personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article.

En l’espèce, sur le point de savoir si Madame [W] [R] remplissait les conditions pour être qualifiée de personne à charge, la partie défenderesse, sur qui repose la charge d’apporter la preuve que ses ressources étaient insuffisantes pour subvenir à ses besoins essentiels et qu’elle bénéficiait ainsi de l’aide effective et nécessaire de Madame [I] [T], ne produit aucun élément relatif à ses propres ressources au 1er mars 2019. En effet, le courrier qu’elle verse de l’établissement France Travail du 14 octobre 2024 indique que son contrat de travail a pris fin le 30 juin 2021, soit postérieurement au 1er mars 2019. Au surplus, les courriers des 4 mars 2024 adressés par la députée de sa circonscription au préfet d’Ile-de-France et à la Direction Territoriale de l’établissement [Localité 4] Habitat ne font que reprendre ses propres déclarations, et ne permettent pas d’établir qu’elle disposait de ressources insuffisantes à cette période. L’établissement [Localité 4] Habitat OPH produit pour sa part notamment les avis d’imposition de la partie défenderesse pour 2017, 2018 et 2019, tous deux établis en 2020. Or, il résulte de ces avis d’imposition que Madame [W] [R] disposait de ressources, ayant déclaré 15620 euros de revenus pour l’année 2018 et 24132 euros de revenus pour l’année 2019. Au regard de ces éléments, force est de constater que Madame [W] [R] n’apporte nullement la preuve que ses ressources étaient insuffisantes pour subvenir à ses besoins essentiels lors du départ de Madame [I] [T], et qu’elle bénéficiait ainsi de l’aide de la locataire en titre. Dans ces conditions, elle échoue à prouver qu’elle était à la charge de Madame [I] [T] au 1er mars 2019.

Faute de remplir la condition d’avoir été à la charge de la locataire en titre, Madame [W] [R] ne peut bénéficier du transfert du bail à son bénéfice. Sa demande tendant à bénéficier du transfert du bail sera donc rejetée et il sera constaté que le bail s’est trouvé résilié de plein droit le 1er mars 2019. Il sera en outre constaté que Madame [W] [R] se trouve par conséquent occupante sans droit ni titre des lieux situés [Adresse 1] depuis le 1er mars 2019.

Sur la demande d’expulsion, sur le sort des meubles et sur la demande de suppression du délai de deux mois prévu à l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution
Selon l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Madame [W] [R] se trouvant occupante sans droit ni titre des lieux situés [Adresse 1] depuis le 1er mars 2019, il convient de prononcer son expulsion selon les modalités prévues au dispositif.

Il sera rappelé enfin que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n’est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.

Selon l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution, si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire ou lorsque la procédure d’expulsion porte sur un lieu habité en vertu du dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l’occupation de résidents temporaires, régi par l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, réduire ou supprimer ce délai.
Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

En l’espèce, il résulte des attestations produites que Madame [W] [R] est entrée dans les lieux à une période où la locataire en titre se trouvait diminuée du fait de la maladie d’Alzheimer dont elle était atteinte et afin de l’aider dans sa vie quotidienne, de sorte qu’elle n’est nullement entrée dans les lieux à l’aide de manœuvre, de menaces, de voie de fait ou de contrainte. Si elle a tardé à faire part au bailleur de l’abandon des lieux par Madame [I] [T], de sorte qu’elle a bénéficié, de fait, de ce logement social alors qu’elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier du transfert du bail, et que les difficultés de vie dont elle fait état (séparation, Covid-19, naissance de son enfant), sont postérieures de plus d’un an à ce départ, et si les loyers ont été réglés de manière irrégulière, il n’en demeure pas moins qu’elle s’est trouvée à jour de ses paiements au mois de février 2024 puis au mois de juin 2024, traduisant ainsi des efforts pour s’en acquitter et ne se trouve ainsi pas de mauvaise foi. En conséquence, la demande tendant à la suppression du délai de deux mois prévu à l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution sera rejetée.

Sur la demande de condamnation à une indemnité d’occupation majorée
Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu’elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l’occupation indue de son bien l’a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l’indemnité d’occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l’espèce, l’établissement [Localité 4] Habitat OPH ne justifie pas des difficultés tendant à l’octroi du logement occupé par Madame [W] [R] à des personnes se trouvant sur une liste d’attente pour l’attribution ou une mutation interne pour un logement de cette superficie. Elle ne justifie donc pas du préjudice qu’elle indique subir de nature à majorer de 30% l’indemnité d’occupation réclamée.

Dans ces conditions, il convient de condamner la partie défenderesse à verser à l’établissement [Localité 4] Habitat OPH une indemnité d’occupation à compter du 1er mars 2019 dont le montant sera fixé à celui des loyers actualisés, augmentés des charges, tels que Madame [I] [T] les réglait au titre de son bail, et ce, jusqu’à libération des lieux par remise des clés, procès-verbal d’expulsion ou de reprise.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux
Aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l’habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d’habitation dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

En l’espèce, Madame [W] [R] a de fait bénéficié de délais depuis plus de cinq ans et demi, se trouvant occupante sans droit ni titre depuis le 1er mars 2019. Or, elle n’a engagé des démarches pour bénéficier d’un logement social, selon les pièces qu’elle produit, qu’à compter du 28 décembre 2020, de sorte qu’elle a largement tardé à faire preuve de diligences pour se reloger, et ce, d’autant plus qu’elle a restreint ses recherches aux 11e et 12 arrondissements de [Localité 4] et à la commune d’[Localité 3]. Les courriers transmis par un député de sa circonscription les 4 mars 2023 et 4 mars 2024 à la direction territoriale de [Localité 4] Habitat et au Préfet d’Ile-de-France ne permettent pas davantage de caractériser des efforts suffisants pour la recherche d’un logement à défaut d’un élargissement de ses critères de relogement. Ainsi, au regard de la tardiveté et du caractère limité des diligences accomplies afin de se reloger la partie défenderesse ne justifie pas se trouver dans une situation ne lui permettant pas de se reloger dans des conditions normales, et ce, quand bien même elle justifie de revenus limités de 1158 euros au 2 juillet 2024, avoir à sa charge un enfant de 4 ans, et avoir fait face au décès de sa propre mère au mois d’août 2024. Dans ces conditions, sa demande tendant à bénéficier d’un délai pour quitter les lieux sera rejetée.

Sur les accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, Madame [W] [R] succombant en ses demandes, elle sera condamnée aux dépens.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

L’équité commande de condamner Madame [W] [R] à verser à l’établissement [Localité 4] Habitat OPH la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire. L’article 514-1 du même code dispose que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

En l’espèce, il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit, l’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Déboute Madame [W] [R] de sa demande de transfert du bail conclu le 17 février 1972 et portant sur l’appartement situé [Adresse 1] ;

Constate que le bail conclu le 17 février 1972 portant sur l’appartement situé [Adresse 1] s’est trouvé résilié de plein droit le 1er mars 2019 par l’abandon de domicile de la locataire en titre Madame [I] [T] ;

Dit que Madame [W] [R] se trouve en conséquence occupante sans droit ni titre des lieux situés [Adresse 1] depuis le 1er mars 2019 ;

Ordonne en conséquence, à défaut de départ volontaire, l’expulsion de Madame [W] [R] et de tous occupants de son chef, et ce, avec l’assistance du commissaire de police, de la force publique et d’un serrurier s’il y a lieu, passé un délai de deux mois, suivant la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux ;

Rejette la demande tendant à supprimer le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux prévu à l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

Dit que le sort des meubles sera régi par les articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

Condamne Madame [W] [R] à verser à l’établissement [Localité 4] Habitat OPH à compter du 1er mars 2019 une indemnité d’occupation d’un montant égal aux loyers actualisés, augmentés des charges, tels que Madame [I] [T] les réglait au titre de son bail, jusqu’à parfaite libération des lieux par remise des clés, un procès-verbal d’expulsion ou de reprise ;

Rejette la demande de Madame [W] [R] tendant à bénéficier d’un délai pour quitter les lieux ;

Condamne Madame [W] [R] à verser à l’établissement [Localité 4] Habitat OPH la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette pour le surplus des demandes ;

Condamne Madame [W] [R] aux dépens ;

Rappelle que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire.

La greffière La juge


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon