Résiliation de bail et transfert de droits : enjeux d’occupation et de résidence.

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Résiliation de bail et transfert de droits : enjeux d’occupation et de résidence.

L’Essentiel : L’établissement [Localité 6] Habitat OPH a signé un bail avec Monsieur et Madame [N] en 2005. En août 2017, Monsieur [R] [N] a notifié un congé, souhaitant que le bail se poursuive pour son épouse. En octobre 2022, un commandement de payer a été délivré pour 4262,92 euros. Un constat en février 2023 a révélé que Madame [G] [N] vivait ailleurs, entraînant une assignation devant le tribunal. Celui-ci a prononcé la résiliation du bail pour défaut d’occupation personnelle, ordonnant l’expulsion des époux [N] et de Madame [U] [J], ainsi qu’une indemnité d’occupation jusqu’à restitution des lieux.

Contexte du litige

L’établissement [Localité 6] Habitat OPH a signé un bail avec Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N] le 9 février 2005 pour un appartement à [Adresse 1]. En août 2017, Monsieur [R] [N] a notifié un congé pour résilier le bail à son nom, tout en souhaitant que celui-ci se poursuive pour son épouse, Madame [G] [N].

Commandements et sommations

En octobre 2022, l’établissement a délivré un commandement de payer à Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N] pour un montant de 4262,92 euros, ainsi qu’une sommation pour justifier de l’occupation des lieux. Madame [G] [N] a ensuite confirmé résider à l’adresse du bail.

Constatations et actions judiciaires

Un constat réalisé en février 2023 a révélé que Madame [G] [N] vivait à l’adresse [Adresse 4] avec son mari, tandis que sa mère, Madame [U] [J], occupait le logement à [Adresse 1]. L’établissement a alors assigné les époux [N] et Madame [U] [J] devant le tribunal pour constater l’absence d’occupation personnelle des lieux et demander la résiliation du bail.

Arguments des parties

L’établissement a soutenu que les époux [N] n’occupaient pas le logement comme requis par la loi, ayant menti pour permettre à un membre de leur famille d’en bénéficier. En réponse, les époux [N] ont demandé le transfert du bail à Madame [U] [J], arguant d’un abandon de domicile et de la nécessité de protéger une personne âgée et handicapée.

Décisions du tribunal

Le tribunal a rejeté la demande de transfert du bail, considérant que les conditions d’abandon de domicile n’étaient pas remplies. Il a prononcé la résiliation du bail pour défaut d’occupation personnelle, constatant que les époux [N] avaient cessé d’occuper les lieux pendant plus de huit mois par an.

Ordonnance d’expulsion et indemnités

Suite à la résiliation, le tribunal a ordonné l’expulsion des époux [N] et de Madame [U] [J], les déclarant occupants sans droit ni titre. Ils ont également été condamnés à verser une indemnité d’occupation correspondant au loyer jusqu’à la restitution des lieux.

Demande de paiement d’arriérés

La demande de l’établissement pour le paiement d’arriérés locatifs a été rejetée pour les époux [N], qui avaient justifié des paiements, mais a été maintenue pour Madame [U] [J], qui n’était pas partie au bail.

Condamnation aux dépens

Les époux [N] et Madame [U] [J] ont été condamnés aux dépens, tandis que le tribunal a également accordé une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais engagés par l’établissement. La décision a été déclarée exécutoire de plein droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 15 III de la loi du 6 juillet 1989 concernant le transfert de bail ?

L’article 15 III de la loi du 6 juillet 1989 stipule que le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congé à un locataire âgé de plus de soixante-cinq ans, dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond fixé par arrêté, sans lui offrir un logement correspondant à ses besoins.

Ce texte vise à protéger les locataires âgés et/ou en situation de handicap lorsque leur bailleur souhaite résilier le bail.

Cependant, dans le cas présent, aucun congé n’a été délivré par le bailleur sur ce fondement. La demande de l’établissement [Localité 6] Habitat OPH vise à obtenir la résiliation du bail pour manquement aux obligations contractuelles des époux [N].

Ainsi, la demande de transfert du bail au bénéfice de Madame [U] [J] sur ce fondement n’est pas fondée.

Quelles sont les conditions d’abandon de domicile selon l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ?

L’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 précise que le contrat de location continue au profit du conjoint, des descendants, ou d’autres personnes à charge qui vivaient avec le locataire depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile.

L’abandon de domicile est défini comme un départ brusque et imprévisible du locataire, s’imposant à l’occupant.

Dans cette affaire, les défendeurs n’ont pas prouvé un départ brusque et imprévisible de Madame [G] [N] des lieux. Les éléments de preuve, tels que des courriers contradictoires, montrent que son départ n’est pas établi comme un abandon de domicile au sens de l’article 14.

Par conséquent, Madame [U] [J] ne peut prétendre à un transfert de bail sur ce fondement.

Quelles sont les conséquences du non-respect de l’obligation d’occupation personnelle des lieux ?

Selon l’article L442-3-5 du code de la construction et de l’habitation, le locataire doit occuper les locaux loués au moins huit mois par an. En cas de non-respect de cette obligation, le bailleur peut saisir le juge pour demander la résiliation du bail.

En l’espèce, il a été établi que les époux [N] n’occupaient plus personnellement les lieux situés [Adresse 1] et qu’ils résidaient à l’adresse [Adresse 4]. Ce manquement constitue une violation grave de leurs obligations contractuelles.

Ainsi, la résiliation du bail aux torts exclusifs de Monsieur [R] [N] et de Madame [G] [N] a été prononcée.

Quelles sont les implications de la résiliation du bail sur l’expulsion des occupants ?

La résiliation du bail entraîne que Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] se trouvent occupants sans droit ni titre des lieux. En conséquence, il est possible d’ordonner leur expulsion.

L’expulsion doit être effectuée selon les modalités prévues par la décision de justice, et peut être réalisée avec l’assistance de la force publique si nécessaire.

Dans cette affaire, l’expulsion a été ordonnée, et un délai de deux mois a été accordé pour quitter les lieux après signification du commandement d’avoir à quitter les lieux.

Comment est déterminée l’indemnité d’occupation en cas de maintien dans les lieux après résiliation du bail ?

L’indemnité d’occupation est déterminée en fonction du montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi. Elle est considérée comme une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

Dans cette affaire, les époux [N] ont cessé de résider à l’adresse objet du bail, laissant Madame [U] [J] dans les lieux sans titre. Ils doivent donc être condamnés à payer une indemnité d’occupation jusqu’à la complète libération des lieux.

La demande de majoration de 30% de cette indemnité n’a pas été justifiée par l’établissement [Localité 6] Habitat OPH, ce qui a conduit à son rejet.

Quelles sont les obligations du locataire en matière de paiement des loyers selon l’article 1728 du code civil ?

L’article 1728 du code civil impose au locataire l’obligation de payer le prix du bail aux termes convenus. En cas de non-paiement, le bailleur peut demander la résiliation du bail et le paiement des arriérés.

Dans cette affaire, la dette locative a été établie à 3766,40 euros au 31 décembre 2023. Cependant, les défendeurs ont justifié des paiements qui ont réduit cette dette à 3,02 euros au 4 octobre 2024.

Ainsi, la demande de l’établissement [Localité 6] Habitat OPH pour le paiement de cette somme a été rejetée à l’égard des époux [N], mais pas à l’égard de Madame [U] [J], qui n’était pas partie au bail.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Maître Patrick HAGEGE

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me SCP MENARD ET WEILLER

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/01088 – N° Portalis 352J-W-B7I-C33K2

N° MINUTE :
6 JCP

JUGEMENT
rendu le mercredi 08 janvier 2025

DEMANDERESSE
Société [Localité 6] HABITAT OPH, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me SCP MENARD ET WEILLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P.128

DÉFENDEURS
Madame [G] [N], demeurant [Adresse 4]

Madame [U] [J], demeurant [Adresse 1]

Monsieur [R] [N], demeurant [Adresse 4]

représentés par Maître Patrick HAGEGE de la SELEURL SELARLU HAGEGE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #A0097

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Deborah FORST, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 30 octobre 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 janvier 2025 par Deborah FORST, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 08 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/01088 – N° Portalis 352J-W-B7I-C33K2

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 9 février 2005, l’établissement [Localité 6] Habitat OPH a donné à bail à Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N], dont il n’est pas contesté qu’ils soient mariés, un appartement à usage d’habitation situé [Adresse 1] (anciennement [Adresse 3] [Localité 5].

Par courrier daté du 22 août 2017, reçu le 5 septembre 2017, Monsieur [R] [N] a adressé à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH un congé afin que le bail situé [Adresse 1] soit résilié le concernant, et se poursuive au bénéfice de son épouse Madame [G] [N], et indiquant résider à l’adresse située [Adresse 4].

Par acte de commissaire de justice du 24 octobre 2022, l’établissement [Localité 6] Habitat OPH a fait délivrer à Madame [G] [N] et Monsieur [R] [N] un commandement de payer la somme de 4262,92 euros, qui a été remis à Monsieur [R] [N] à l’adresse située [Adresse 1].

Par acte de commissaire de justice du 24 octobre 2022, l’établissement [Localité 6] Habitat OPH a fait délivrer aux époux [N] une sommation d’avoir à justifier de l’occupation des lieux à l’adresse située [Adresse 1], signifiée sur place à Monsieur [R] [N].

Par courrier daté du 30 octobre 2022, et reçu le 7 novembre 2022, Madame [G] [N] a indiqué à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH qu’elle résidait à l’adresse située [Adresse 1].

Par acte de commissaire de justice du 16 novembre 2022, l’établissement [Localité 6] Habitat OPH a fait délivrer aux époux [N] le commandement de payer les loyers du 24 octobre 2022. L’acte a été délivré à l’adresse située [Adresse 4] à Madame [G] [N].

Par acte de commissaire de justice du 13 février 2023, l’établissement [Localité 6] Habitat OPH a fait procéder à un constat aux deux adresses. Il a constaté que Madame [U] [J], se présentant comme la mère de Madame [G] [N] se trouvait dans les lieux situés [Adresse 1], que Madame [G] [N] se trouvait dans les lieux situés [Adresse 4] et que cette dernière a indiqué que son époux, endormi, s’y trouvait également.

Considérant que les époux [N] n’habitaient plus dans les lieux situés [Adresse 1] et qu’ils y avaient installé Madame [U] [J], l’établissement Paris Habitat OPH a fait délivrer à Madame [G] [N], Monsieur [R] [N] et Madame [U] [J], une assignation devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin de :
constater que Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N] n’occupent plus personnellement le logement situé [Adresse 1] (anciennement [Adresse 3]) ;constater que Madame [U] [J] est occupante sans droit ni titre ;prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N] ;ordonner l’expulsion de Monsieur [R] [N], de Madame [G] [N] et celle de tous occupants de leur chef et notamment de Madame [U] [J] du logement situé [Adresse 1], et ce, avec l’assistance de la force publique si besoin est ;condamner in solidum les cités à payer à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer qui aurait été dû en cas de poursuite du bail, majorée de 30%, sans préjudice des charges courantes, subsidiairement dire que cette indemnité d’occupation sera égale au montant du loyer et des charges et ce jusqu’à complète libération des lieux ;condamner in solidum les cités à payer à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH la somme de 3766,40 euros correspondant aux loyers et charges impayés au 31 décembre 2023 inclus ;condamner in solidum les cités à payer à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, de sa dénonciation, de la sommation de justifier d’habiter les lieux, du constat du commissaire de justice du 13 février 2023, de l’assignation et plus généralement de tous actes rendus nécessaires à l’occasion de la présente procédure ;dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
L’affaire a été appelée à l’audience du 4 mars 2024, et renvoyée aux audiences des 28 juin 2024 et 30 octobre 2024. Elle a été retenue à cette dernière audience.

L’établissement [Localité 6] Habitat OPH, représenté par son conseil, a maintenu ses demandes telles que formées dans son assignation.

Aux termes de son assignation et de ses observations orales, et au soutien de sa demande de résiliation du bail, il fait valoir, sur le fondement des articles 1240, 1224 et 1728 du code civil, ainsi que des articles R353-131 et L442-8 du code de la construction et de l’habitation, que les locataires en titre n’occupent pas personnellement les lieux de manière effective et réelle durant une période minimum de 8 mois par an, ayant menti afin de faire bénéficier à un membre de leur famille le logement social objet du litige. Il relève que lors du constat de commissaire de justice du 13 février 2023, Madame [G] [N] a reconnu habiter avec son mari à l’adresse [Adresse 4] depuis 2017 et que sa mère, [U] [J] bénéficie du logement situé [Adresse 1] depuis 2017 également. Il conteste que le départ des époux [N] soit constitutif d’un abandon de domicile au sens de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989.

Madame [G] [N], Monsieur [R] [N] et Madame [U] [J], représentés par leur avocat, ont déposé des conclusions écrites aux termes desquelles ils demandent :
de transférer le contrat de bail concernant le logement situé [Adresse 1] conclu entre l’établissement [Localité 6] Habitat OPH, Madame [G] [N] et Monsieur [R] [N] à Madame [U] [J] ;de débouter l’établissement [Localité 6] Habitat OPH de sa demande d’expulsion de Madame [G] [N], Monsieur [R] [N] et Madame [U] [J] du logement situé [Adresse 1] ;d’accorder un échéancier de 24 mois pour le paiement de l’arriéré locatif au bénéfice de Monsieur [R] [N] et Madame [G] [N] ;de débouter l’établissement [Localité 6] Habitat OPH de l’ensemble de ses demandes ;de condamner l’établissement [Localité 6] Habitat OPH aux entiers dépens.
Au soutien de leur demande de transfert du bail au bénéfice de Madame [U] [J], ils font valoir, que celle-ci se trouve en premier lieu fondée sur l’article 15 III de la loi du 6 juillet 1989, et en second lieu sur le fondement de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989, considérant qu’ils ont abandonné le domicile de manière brusque, définitive et imposée à Madame [U] [J]. Ils précisent qu’en 2017, Madame [U] [J] est arrivée sur le sol français afin de bénéficier de soins médicaux, et qu’elle a emménagé avec les époux [N] à l’adresse située [Adresse 1] ; que les époux [N] ont cependant connu des difficultés conjugales et ont pris la décision de se séparer, ce qui a conduit Monsieur [R] [N] à délivrer le congé du 22 août 2017 afin de résider à l’adresse [Adresse 4] ; que Madame [G] [N] est quant à elle restée avec sa mère dans le logement situé [Adresse 1] ; que quelques mois plus tard, les époux se sont réconciliés et ont repris leur vie commune à l’adresse située [Adresse 4], laissant Madame [U] [J] seule dans le logement à partir du milieu de l’année 2018. Ils estiment que le départ brusque et imprévisible de Madame [G] [N] pour rejoindre son époux à l’adresse située [Adresse 4] caractérise l’abandon du domicile [Adresse 1], ouvrant le droit, pour Madame [J] à bénéficier du transfert du bail. Ils précisent qu’elle est âgée de 70 ans, en situation de handicap pour avoir subi une amputation des deux pieds et qu’elle se trouve en attente de l’attribution d’un logement social.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 8 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de transfert du bail au bénéfice de Madame [U] [J]
Sur le fondement de l’article 15 III de la loi du 6 juillet 1989

Aux termes de l’article 15 III de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l’égard de tout locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée. Le présent alinéa est également applicable lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur au plafond de ressources déterminé par l’arrêté précité.
Toutefois, les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante-cinq ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources mentionné au premier alinéa.
L’âge du locataire, de la personne à sa charge et celui du bailleur sont appréciés à la date d’échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.

Ce texte a vocation à protéger les locataires âgés et/ou en situation de handicap lorsque leur bailleur entend délivrer un congé afin de s’opposer à la résiliation du bail du fait de l’effet du congé. Tel n’est pas le cas en l’espèce dans la mesure où aucun congé sur le fondement de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 n’a été délivré par le bailleur, la demande de ce dernier tendant à ce que la présente juridiction prononce la résolution du bail aux torts des époux [N] pour les manquements à leurs obligations contractuelles.

Il en résulte que la demande de transfert du bail au bénéfice de Madame [U] [J] sur ce fondement n’est pas fondée.

Sur le fondement de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989

Selon l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989, en cas d’abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue :
-au profit du conjoint sans préjudice de l’article 1751 du code civil ;
-au profit des descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile ;
-au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
-au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile.
Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :
-au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1751 du code civil ;
-aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ;
-au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
-aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.
En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.
A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l’abandon du domicile par ce dernier.

L’abandon de domicile par le locataire en titre s’entend comme un départ brusque et imprévisible du locataire, s’imposant à l’occupant.

En l’espèce, les défendeurs situent le départ des lieux de Madame [G] [N] au milieu de l’année 2018, sans en indiquer précisément la date. L’établissement [Localité 6] Habit at OPH produit un courrier du 15 janvier 2018 adressé par la société Logis Transports à Madame [G] [N] à l’adresse située [Adresse 4], soit à l’adresse à laquelle Monsieur [R] [N] a indiqué résider dans le congé du 22 août 2017, indiquant avoir bien reçu son courrier selon lequel elle donne connaissance de sa séparation, et un second courrier du 28 février 2018, adressé par Madame [G] [N], se domiciliant cette fois [Adresse 1], à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH, indiquant leur transmettre des documents relatifs à son changement de situation. Ces deux courriers ne sont pas cohérents entre eux, dans la mesure où ils indiquent, à quelques semaines d’intervalle, que Madame [G] [N] réside au [Adresse 4], soit hors des locaux objet du litige, puis à nouveau à l’adresse [Adresse 1], soit dans les lieux du bail. En tout état de cause, ces circonstances sont antérieures à son départ allégué des lieux au milieu de l’année 2018. Par ailleurs, ces déclarations ne sont pas davantage cohérentes avec celles données par Madame [G] [N] le 13 février 2023, à l’occasion du constat de commissaire de justice qui l’a trouvée dans les lieux situés [Adresse 4], et à l’occasion desquelles elle a indiqué résider depuis 2017 à cette adresse avec son époux, soit bien avant le milieu de l’année 2018, ni avec le courrier qu’elle a adressé le 30 octobre 2022 à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH aux termes duquel elle expose résider avec sa mère à l’adresse située [Adresse 1]. Pour leur part, les défendeurs produisent une un avis d’impôt sur le revenu 2023 établi en 2024 et faisant état de l’adresse de Madame [G] [N] à l’adresse située [Adresse 4]. S’il s’agit bien de l’adresse à laquelle le commissaire de justice l’a trouvée le 13 février 2023, ce document est insuffisant pour établir un départ du domicile en milieu d’année 2018. Les défendeurs n’apportent ainsi pas la preuve d’un départ brusque et imprévisible de Madame [G] [N] des lieux situés [Adresse 1] au milieu de l’année 2018. En conséquence l’abandon de domicile à cette date par Madame [G] [N] n’est pas établi.

Faute de caractériser un abandon de domicile par Madame [G] [N] au milieu de l’année 2018, Madame [U] [J] ne peut prétendre à bénéficier d’un transfert du bail sur le fondement de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989.

Sa demande de transfert du bail sera donc rejetée.

Sur la demande de résiliation du bail pour défaut d’occupation personnelle des lieux
Aux termes de l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. L’article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En application de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Selon l’article L442-3-5 du code de la construction et de l’habitation, dans les logements mentionnés au premier alinéa de l’article L. 441-1, le locataire doit occuper les locaux loués au moins huit mois par an, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Il est interdit au locataire de sous-louer son logement, meublé ou non, en dehors des cas mentionnés à l’article L. 442-8-1 du présent code, de céder son bail et de procéder contractuellement avec un tiers à un échange de son logement sauf dans le cas prévu à l’article 9 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
En cas de non-respect des deux premiers alinéas du présent article, le bailleur peut saisir le juge aux fins de résiliation du bail.

En vertu de l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire ne peut ni céder le contrat de location ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer.

En l’espèce, il résulte du constat de commissaire de justice du 23 février 2023 que Madame [G] a déclaré résider à l’adresse située [Adresse 4] depuis plusieurs années avec son époux et leurs quatre enfants, et qu’ils s’acquittent du loyer lié à cette adresse, tandis que Madame [U] [J] expose se trouver dans les lieux situés [Adresse 1] avec son fils de 26 ans. Le fait que les époux [N] n’occupent plus personnellement les lieux situés [Adresse 1] mais qu’ils vivent désormais à l’adresse située [Adresse 4], et ce, depuis plusieurs années, tandis que Madame [U] [J], qui ne bénéficie d’aucun titre, réside pour sa part dans les lieux objets du bail du 9 février 2005, se trouve ainsi caractérisé.

Le défaut d’occupation personnelle des lieux pendant au moins 8 mois par an est ainsi établi, ce qui caractérise un manquement grave aux obligations du bail.

Dans ces conditions, il convient de prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de Monsieur [R] [N] et de Madame [G] [N].

Sur la demande d’expulsion
Le bail étant résilié, Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] se trouvent occupants sans droit ni titre des lieux situés [Adresse 1]. Il convient en conséquence d’ordonner leur expulsion selon les modalités prévues au dispositif de la décision.

Sur la demande d’indemnités d’occupation
Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu’elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l’occupation indue de son bien l’a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l’indemnité d’occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l’espèce, les époux [N] ont cessé de résider à l’adresse objet du bail pour s’établir en un autre lieu et y laisser Madame [U] [J], y étant entrée de leur chef, sans pour autant restituer les lieux, au mépris des règles d’attribution des logements sociaux. Ils doivent donc être condamnés à régler à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH une indemnité d’occupation jusqu’à la complète libération des lieux. S’agissant de la majoration de 30% sollicitée, la partie demanderesse n’apporte la preuve des difficultés tendant à l’octroi du logement à des personnes se trouvant sur une liste d’attente pour l’attribution ou une mutation interne pour un logement de cette superficie. Il ne justifie donc pas du préjudice qu’elle indique subir de nature à majorer de 30% l’indemnité d’occupation réclamée.

Il en résulte qu’il convient de condamner in solidum Madame [G] [N], Monsieur [R] [N] et Madame [U] [J] à payer à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH une indemnité d’occupation mensuelle correspondant au montant du loyer et es charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, et ce, jusqu’à complète restitution des lieux.

Sur la demande de paiement de l’arriéré locatif arrêté au 31 décembre 2023 inclus
Aux termes de l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales :
(…)
2° De payer le prix du bail aux termes convenus.

En l’espèce, il résulte du décompte locatif produit par l’établissement [Localité 6] Habitat OPH, arrêté au 31 décembre 2023, que la dette locative s’élevait à la somme de 3766,40 euros. Selon le relevé de compte à la date du 4 octobre 2024, il apparaît que des paiements ont été accomplis par les défendeurs, permettant de diminuer le montant de la dette locative, qui s’établit, au 4 octobre 2024, à la somme de 3,02 euros, étant précisé que de nouveaux loyers ont été appelés postérieurement à la date du 31 décembre 2023. Les défendeurs justifient ainsi des paiements accomplis de nature à solder la dette locative au 31 décembre 2023. La demande de l’établissement [Localité 6] Habitat OPH sera donc rejetée à l’égard des époux [N] pour ce motif. Elle se sera en tout état de cause à l’égard de Madame [U] [J], qui, faute d’être partie au bail et de bénéficier du transfert de celui-ci ne saurait être tenue de régler les loyers pour la période antérieure à la résiliation du bail.

Sur les accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J], succombant, seront condamnés aux dépens.

Le commandement de payer, sa dénonciation, la sommation de justifier des lieux et le constat de commissaire de justice du 13 février 2023 ne constituent pas les actes nécessaires prévus par l’article 695 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de les inclure dans les dépens, ces frais ayant vocation à être couverts par ceux de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

L’équité commande de condamner Monsieur [R] [N], Madame [G] [X] et Madame [U] [J] à verser à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire. L’article 514-1 du même code dispose que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

En l’espèce, il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit, l’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Rejette la demande de transfert du bail conclu le 9 février 2005 entre l’OPAC de [Localité 6], aux droits duquel vient l’établissement [Localité 6] Habitat OPH, Madame [G] [N] et Monsieur [R] [N] et portant sur les locaux situés [Adresse 1] (anciennement [Adresse 3]) [Localité 5] au bénéfice de Madame [U] [J] ;

Prononce la résiliation du bail conclu le 9 février 2005 entre l’OPAC de [Localité 6], aux droits duquel vient l’établissement [Localité 6] Habitat OPH, Madame [G] [N] et Monsieur [R] [N] et portant sur les locaux situés [Adresse 1] (anciennement [Adresse 3]) [Localité 5] ;

Dit que Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] se trouvent en conséquence occupants sans droit ni titre ;

Ordonne, à défaut de départ volontaire, l’expulsion de Monsieur [R] [N], de Madame [G] [N] et celle de tous occupants de leur chef et notamment de Madame [U] [J] du logement situé [Adresse 1], et ce, avec l’assistance de la force publique si besoin est, passé un délai de deux mois, suivant la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux ;

Rappelle que le sort des meubles sera régi par les articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

Condamne in solidum Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] à payer à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dû en cas de poursuite du bail et ce jusqu’à complète libération des lieux ;

Rejette la demande tendant à majorer l’indemnité d’occupation de 30% ;

Déboute l’établissement [Localité 6] Habitat OPH de sa demande de condamnation de Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] à lui payer la somme de 3766,40 euros au titre des loyers et charges impayés au 31 décembre 2023 ;

Condamne Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] à verser à l’établissement [Localité 6] Habitat OPH la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette pour le surplus des demandes ;

Condamne Monsieur [R] [N], Madame [G] [N] et Madame [U] [J] aux dépens dont il n’y a pas lieu d’inclure le coût du commandement de payer, de sa dénonciation, de la sommation de justifier d’habiter les lieux et du constat de commissaire de justice du 13 février 2023 ;

Dit que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.

La greffière La juge


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