Conflit sur la légitimité d’occupation d’un logement étudiant et ses conséquences contractuelles.

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Conflit sur la légitimité d’occupation d’un logement étudiant et ses conséquences contractuelles.

L’Essentiel : Le 8 novembre 2021, la société HENEO a signé un contrat de sous-location meublée avec Mme [L] [B] pour un logement à [Adresse 1], avec un loyer de 463,22 € par mois. Le contrat, d’une durée d’un an, devait se terminer le 31 août 2022. Le 12 janvier 2023, Mme [L] [B] a été informée de la non-reconduction de son bail en raison d’un dossier incomplet. Le 23 novembre 2023, HENEO a assigné Mme [L] [B] en justice, demandant son expulsion. Le juge a constaté qu’elle était occupante sans droit depuis le 30 avril 2023 et a ordonné son expulsion.

Constitution du contrat de sous-location

Par acte du 8 novembre 2021, la société HENEO a signé un contrat de sous-location meublée avec Mme [L] [B], étudiante boursière, pour un logement situé à [Adresse 1]. Le loyer mensuel était fixé à 463,22 € pour une durée d’un an, débutant le 1er septembre 2021, avec possibilité de renouvellement si l’étudiante conservait son statut de boursière. Le contrat devait prendre fin le 31 août 2022.

Refus de renouvellement et demande de départ

Le 12 janvier 2023, la commission d’attribution de logement a informé Mme [L] [B] par lettre recommandée qu’elle ne pouvait pas renouveler son bail en raison d’un dossier incomplet, lui ordonnant de quitter les lieux d’ici le 30 avril 2023.

Assignation en justice

Le 23 novembre 2023, la société HENEO a assigné Mme [L] [B] devant le juge des contentieux de la protection à Paris, demandant la constatation de la perte de son statut d’étudiante boursière et la fin de son contrat de résidence. HENEO a également demandé son expulsion et le paiement d’une indemnité d’occupation.

Arguments de Mme [L] [B]

Lors de l’audience, Mme [L] [B] a soutenu être mère célibataire et avoir déposé une demande de renouvellement de logement étudiant en octobre 2022, sans réponse. Elle a affirmé avoir été étudiante jusqu’au 27 septembre 2024 et a demandé le rejet de la demande d’expulsion.

Décision du juge

Le juge a constaté que Mme [L] [B] était occupante sans droit ni titre depuis le 30 avril 2023, ayant dépassé la durée de son contrat. Il a ordonné son expulsion, sans astreinte, et a fixé une indemnité d’occupation correspondant au loyer en vigueur à partir du 30 avril 2023.

Indemnité d’occupation et dépens

L’indemnité d’occupation a été déterminée sur la base du loyer exigé, et Mme [L] [B] a été condamnée à en payer le montant intégral jusqu’à la libération des lieux. Elle a également été condamnée aux dépens de la procédure, y compris les frais d’assignation.

Exécution provisoire

La décision a été assortie de l’exécution provisoire, conformément aux dispositions du code de procédure civile, permettant ainsi à HENEO de procéder à l’expulsion de Mme [L] [B] avec l’assistance de la force publique si nécessaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature du contrat de sous-location conclu entre la société HENEO et Mme [L] [B] ?

Le contrat de sous-location établi le 8 novembre 2021 entre la société HENEO et Mme [L] [B] est un contrat de location meublée, qui est exclu du régime de la loi du 6 juillet 1989.

En effet, selon l’article 1er de cette loi, elle s’applique aux baux d’habitation à usage de résidence principale, mais ne concerne pas les locations meublées à des étudiants, qui sont régies par des dispositions spécifiques.

Le contrat stipule que la durée de la sous-location est d’un an, du 1er septembre 2021 au 31 août 2022, avec un renouvellement exprès possible si l’étudiant conserve son statut de boursier.

Ainsi, la nature de ce contrat est celle d’une location meublée à durée déterminée, avec des conditions spécifiques liées au statut de l’occupant.

Quelles sont les conséquences du refus de renouvellement du bail par la commission d’attribution ?

Le refus de renouvellement du bail par la commission d’attribution, notifié par LRAR du 12 janvier 2023, a pour conséquence directe la cessation du droit d’occupation de Mme [L] [B] au 30 avril 2023.

Selon l’article 2 du contrat de sous-location, le renouvellement n’est possible que si l’étudiant conserve son statut de boursier.

Or, il a été établi que Mme [L] [B] ne justifiait plus de ce statut, ce qui a conduit à la décision de la commission d’attribution.

Ainsi, à partir du 30 avril 2023, Mme [L] [B] est considérée comme occupante sans droit ni titre, ce qui permet à la société HENEO de demander son expulsion.

Quelles sont les dispositions légales concernant l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre ?

L’expulsion d’un occupant sans droit ni titre est régie par les articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.

L’article L. 412-1 stipule que « Si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. »

Ce délai de deux mois est applicable sauf si le juge constate que l’occupant est entré dans les locaux par voie de fait.

Dans le cas présent, aucune circonstance particulière ne justifie la réduction ou la suppression de ce délai, permettant ainsi à la société HENEO de procéder à l’expulsion après le respect de ce délai.

Quelles sont les implications de l’indemnité d’occupation pour Mme [L] [B] ?

L’indemnité d’occupation est due par Mme [L] [B] à compter du 30 avril 2023, date à laquelle elle est déclarée occupante sans droit ni titre.

Cette indemnité correspond au montant du loyer et des charges qui étaient exigés de Mme [L] [B], conformément à l’article 1728 du code civil, qui stipule que « le locataire est tenu de payer le loyer aux termes convenus. »

L’indemnité d’occupation est calculée sur la base du loyer en vigueur, et Mme [L] [B] est tenue de la payer jusqu’à la libération complète des lieux.

Cela signifie qu’elle devra acquitter cette somme pour toute la durée de son occupation illégale, ce qui peut représenter un montant significatif.

Quelles sont les conséquences de la décision sur les frais irrépétibles et les dépens ?

La décision concernant les frais irrépétibles et les dépens est régie par l’article 700 du code de procédure civile et l’article 696 du même code.

L’article 700 stipule que « le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans ce cas, le juge a décidé de laisser à la charge de la société HENEO les frais irrépétibles, considérant qu’elle a laissé sa locataire dans les lieux bien au-delà de l’échéance du bail.

En revanche, Mme [L] [B], en tant que partie perdante, est condamnée aux dépens, y compris les frais de l’assignation et tous frais subséquents à la présente ordonnance, conformément à l’article 696.

Cela signifie qu’elle devra supporter les coûts liés à la procédure judiciaire, ce qui peut également avoir un impact financier important sur sa situation.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [L] [B]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Nathalie LAGREE

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/09417 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3PBD

N° MINUTE :
6 JCP

JUGEMENT
rendu le mercredi 08 janvier 2025

DEMANDERESSE
S.A.S. HENEO, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Nathalie LAGREE de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0500

DÉFENDERESSE
Madame [L]  [B], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Brice REVENEY, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Aline CAZEAUX, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 octobre 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 janvier 2025 par Brice REVENEY, Juge assisté de Aline CAZEAUX, Greffier

Décision du 08 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 23/09417 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3PBD

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 8 novembre 2021, la société HENEO a conclu avec Mme [L] [B], au regard de sa qualité d’étudiante boursière, un contrat de sous-location meublée pour un logement [Adresse 1], en contrepartie d’un loyer tous compris de 463, 22 €, pour une durée d’un an à compter du 1er septembre 2021 avec renouvellement exprès possible si l’étudiant conserve son statut de boursier, et venu à échéance le 31 août 2022.

Par LRAR du 12 janvier 2023, la commission d’attribution logement a refusé le dossier de renouvellement de Mme [L] [B] du fait d’une insuffisance de pièces, lui intimant de quitter les lieux au 30 avril 2023.

Par acte extrajudiciaire en date du 23 novembre 2023, la société HENEO a assigné Mme [L] [B] devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Paris, aux fins de demandes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de droit :
– constater le dépassement de la durée maximale de séjour et la perte de qualité d’étudiant boursier de la locataire, ainsi que la fin du contrat de résidence au plus tard le 30 avril 2023, date depuis laquelle la locataire est occupante sans droit ni titre,
– subsidiairement, constater la cessation des conditions d’admission dans la résidence et le dépassement de la durée maximale de séjour, constitutifs de manquements contractuels, et prononcer la résiliation judiciaire du contrat,
En tout état de cause,
-ordonner l’expulsion de Mme [L] [B] et de tous occupenst de son chef à défaut d’avoir quitté les lieux dans un délai de 48 h à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, à peine d’astreinte de 80 € par jour de retard, avec séquestration des meubles au choix du bailleur aux risques et frais de la locataire
– condamner Mme [L] [B] à lui payer une indemnité d’occupation égale au loyer actuel outre les charges à compter de la date de résiliation et jusqu’à complète libération des lieux,
Elle demande la condamnation à 400 € de frais irrépétibles outre les entiers dépens dont le coût de l’assignation et de tous actes subséquents à l’ordonnance
Elle demande le rejet de tous délais de grâce et en cas d’octroi de délais, la suspension des effets de la clause résolutoire.

A l’audience du 23 novembre 2023, la société HENEO a maintenu ses demandes écrites.

Mme [L] [B] a fait valoir être mère célibataire et avoir déposé un dossier de demande de renouvellement de logement étudiant dès octobre 2022 auquel il n’a jamais été apporté de réponse ni d’accusé de réception.
Elle indique avoir été étudiant jusqu’au 27 septembre 2024 et avoir fait une demande de changement de statut ainsi que monté un dossier DALO.
Mme [L] [B] n’a pas demandé de délai pour quitter les lieux.
Elle demande le rejet de la demande au titre de l’article 700.

MOTIFS

Sur la demande d’expulsion

La société HENEO, filiale de la Régie Immobilière de la Ville de Paris, établit avoir, conformément à une convention conclue avec la RIVP le 22/11/2002, la qualité de gestionnaire-bailleur du logement meublé [Adresse 1], occupés par Mme [L] [B].
Le contrat de location dont s’agit est exclu du régime de la loi du 6 juillet 1989.

Selon l’article 2 du contrat de sous-location du 8 novembre 2021, ce dernier prenait effet du 1er septembre 2021 au 31 août 2022, non renouvelable tacitement mais avec renouvellement exprès possible si l’étudiant conserve son statut de boursier.
Or, il apparait que non seulement la locataire a été laissée dans les lieux au-delà du 1er septembre 2023, mais que la commission d’attribution a refusé le renouvellement du bail par LRAR du 12 janvier 2023 reçue le 14 janvier lui donnant congé pour le 30 avril 2023.

Mme [L] [B] a reconnu à l’audience s’être maintenu dans les lieux depuis lors et ne plus avoir le statut étudiant depuis le 27 septembre 2024.
Pour autant, et bien que le procès-verbal de la commission d’attribution en date du 6 janvier 2023 ne mentionne pas que le dossier (dit incomplet) a pour cause de refus la non justification de son statut d’étudiante boursière pour l’année 2022-2023, Mme [L] [B] n’a pas indiqué ni justifié que lors de la présentation de son dossier au renouvellement, elle avait toujours la qualité d’étudiante boursière qui seul légitimait le renouvellement exprès de son contrat de bail.

Il ressort des pièces produites à l’audience que Mme [L] [B] ne justifie d’aucun droit ni titre à occuper les lieux litigieux.

Aussi, Mme [L] [B] sera déclarée occupante sans droit ni titre à la date du 30 avril 2023, nonobstant la cessation théorique de son titre d’occupation au 31 août 2022, au vu du maintien dans les lieux sans assise contractuelle qui lui avait été consenti jusqu’à cette date, confirmé par lettre du 12 janvier 2023.

Il convient par conséquent d’accueillir, dans les termes du dispositif ci-après, la demande d’expulsion.

Le recours à la force publique se révélant une mesure suffisante pour contraindre Mme [L] [B] à quitter les lieux, il n’y a pas lieu d’ordonner une astreinte, la société HENEO obtenant par ailleurs une indemnité d’occupation.

Le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du code des procédures civiles d’exécution.

Il résulte de ces textes que c’est la personne expulsée qui décide du lieu d’entreposage des meubles qui sont à défaut laissés sur place ou dans tout autre lieu approprié. Dès lors, d’une part la question du lieu d’entrepôt ne nait qu’au moment de l’expulsion et d’autre part, il n’est fait état d’aucune disposition légale ou réglementaire donnant compétence au juge des contentieux de la protection pour désigner un lieu d’entrepôt. La demande à ce titre sera donc rejetée

Sur la demande d’indemnité d’occupation

Compte tenu des caractéristiques des lieux occupés et pour compenser l’occupation des locaux, il sera alloué à la société HENEO une indemnité d’occupation d’un montant correspondant au loyer et au compléments de loyer qui étaient exigés de Mme [L] [B], dans leurs montants révisés chaque année au 1er janvier.

Cette indemnité sera due à compter du 30 avril 2023 compte tenu de la lettre du 12 janvier 2023 précitée.

Sur le délai de deux mois prévu par l’article L. 412-1 du code de procédure civile :

Aux termes de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, que l’article L 412-7 du même code rend applicable aux logements occupés par des étudiants, « Si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.

Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait.»

Aucune circonstance particulière de l’espèce ne justifiant que le délai de deux mois prévu par les dispositions des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution soit réduit ou supprimé, il convient d’indiquer que passé le délai de deux mois suivant la signification du commandement d’avoir à libérer les lieux, il pourra être procédé à l’expulsion de Mme [L] [B] avec le concours de la force publique comme indiqué ci-dessus.

Sur l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l’équité et de la situation économique des parties, il convient de laisser à la charge de la société HENEO, qui a laissé sa locataire dans les lieux bien au-delà de l’échéance du bail, les frais irrépétibles de la procédure. Il y a donc lieu de rejeter cette demande.

Sur les dépens :

Mme [L] [B] qui perd le procès, supportera les dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile, y compris les frais de l’assignation et tous frais subséquents à la présente ordonnance.

Sur l’exécution provisoire :

Conformément aux dispositions de l’article 514-1 du code de procédure civile, l’exécution provisoire de droit de la présente décision ne peut être écartée.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et rendue en premier ressort,

Constatons que Mme [L] [B] est à compter du 30 avril 2023 occupante sans droit ni titre du local situé [Adresse 1], géré et donné à bail par la société HENEO,

A défaut de libération volontaire, ordonnons l’expulsion de Mme [L] [B] ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec l’éventuelle assistance de la force publique et d’un serrurier en cas de besoin,

Rappelons que le sort des meubles est régi par les articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution,

Disons n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,

Fixons le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle à la somme correspondant au loyer courant et condamnons Mme [L] [B] à en acquitter le paiement intégral à compter du 30 avril 2023 jusqu’à la libération complète des lieux,

Déboutons la société HENEO du surplus de ses demandes,

Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons Mme [L] [B] aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais de l’assignation et tous frais subséquents à la présente ordonnance,

Rappelons que le présent jugement est assorti de droit de l’exécution provisoire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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