Qualification des collaborateurs dans le cadre des cotisations sociales et des droits d’auteur

·

·

Qualification des collaborateurs dans le cadre des cotisations sociales et des droits d’auteur

L’Essentiel : La société SAS [5] a été soumise à un contrôle de l’URSSAF d’Ile de France pour la période de 2016 à 2018. Suite à une mise en demeure initiale de 264.683 euros, la société a contesté le montant devant la Commission de Recours Amiable (CRA), qui a annulé la mise en demeure. Une nouvelle mise en demeure a été émise pour 208.236 euros, également contestée par la société. Le Tribunal a finalement annulé certains chefs de redressement, reconnaissant le droit des rédacteurs graphistes et directeurs artistiques aux taux réduits, et a condamné l’URSSAF à verser 1.000 euros à la société.

Contrôle de l’URSSAF

La société SAS [5] a été soumise à un contrôle de l’URSSAF d’Ile de France concernant l’application de la législation de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires pour la période allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.

Mise en demeure et contestation

Le 18 novembre 2019, l’inspectrice de l’URSSAF a adressé une lettre d’observations à la société, indiquant plusieurs chefs de redressement pour un montant total de 243.439 euros. Après des échanges, le montant a été réduit à 191.591 euros. Le 27 janvier 2020, l’URSSAF a mis en demeure la société de payer un total de 264.683 euros, somme que la société a contestée devant la Commission de Recours Amiable (CRA) le 18 février 2020.

Décisions de la CRA

Le 17 mai 2021, la CRA a annulé la mise en demeure initiale et a demandé à l’URSSAF d’envoyer une nouvelle mise en demeure conforme. Le 19 octobre 2021, une nouvelle mise en demeure a été émise pour un montant de 208.236 euros. La société a de nouveau contesté cette mise en demeure le 23 décembre 2021.

Requête au Tribunal

Le 18 août 2022, la société a saisi le Pôle social du Tribunal judiciaire de Paris pour contester la décision de la CRA. L’affaire a été plaidée le 23 octobre 2024, où la société a demandé l’infirmation de la décision de la CRA concernant les chefs de redressement n°4 et n°6.

Arguments de la société SAS [5]

La société a soutenu que les rédacteurs graphistes et directeurs artistiques devaient être considérés comme des journalistes professionnels, en se basant sur des articles du Code du travail et des décisions de justice antérieures. Elle a également affirmé que les collaborateurs non journalistes devaient bénéficier des dispositions de l’article L 382-1 du code de la sécurité sociale.

Arguments de l’URSSAF

L’URSSAF a demandé la confirmation de la décision de la CRA et a réclamé le paiement de 157.336 euros de cotisations sociales. Elle a soutenu que les rédacteurs graphistes et directeurs artistiques ne pouvaient pas bénéficier des taux réduits, car leurs fonctions ne correspondaient pas à celles d’un journaliste professionnel.

Décisions du Tribunal

Le Tribunal a annulé les chefs de redressement n°4 et n°6, considérant que les rédacteurs graphistes, iconographes et directeurs artistiques avaient droit aux taux réduits. Il a également condamné l’URSSAF à verser 1.000 euros à la société au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et a condamné l’URSSAF aux dépens.

Conclusion

Le Tribunal a jugé que la société SAS [5] avait raison de contester les redressements et a statué en sa faveur, annulant les montants réclamés par l’URSSAF.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour qu’un collaborateur soit considéré comme journaliste professionnel selon le Code du travail ?

La qualité de journaliste professionnel est définie par les articles L. 7111-3 et L. 7111-4 du Code du travail.

L’article L. 7111-3 stipule que :

« Ne peut avoir la qualité de journaliste professionnel que celui qui apporte à l’entreprise de presse une collaboration intellectuelle à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs, constante et régulière, et qui en tire l’essentiel de ses ressources. »

Cet article précise que la collaboration doit être régulière et que le journaliste doit en tirer la majorité de ses revenus.

L’article L. 7111-4 précise également que :

« La qualité de journaliste professionnel est reconnue à ceux qui exercent leur activité dans le cadre d’un contrat de travail ou d’une convention de collaboration. »

Ainsi, pour être considéré comme journaliste professionnel, il est nécessaire de remplir ces conditions de régularité et de lien de subordination avec l’entreprise de presse.

Comment l’URSSAF justifie-t-elle le redressement concernant les rédacteurs graphistes et directeurs artistiques ?

L’URSSAF a justifié le redressement en affirmant que les rédacteurs graphistes, iconographes et directeurs artistiques ne peuvent pas bénéficier des taux réduits et de la déduction forfaitaire spécifique, car ils n’exercent pas une activité de journaliste professionnel.

Dans sa lettre d’observation, l’inspecteur a noté que :

« Le personnel dont la fonction consiste à préparer la mise en page et la présentation formelle d’une revue ne peut bénéficier ni de l’abattement supplémentaire pour frais professionnels, ni de l’application des taux réduits. »

L’URSSAF a également souligné que, bien que ces collaborateurs aient une carte d’identité professionnelle de journaliste, cela ne suffit pas à leur conférer la qualité de journaliste professionnel au sens des articles L. 7111-3 et L. 7111-4.

Elle a donc conclu que ces collaborateurs ne remplissaient pas les critères requis pour bénéficier des abattements fiscaux.

Quelles sont les implications de la présomption de salariat pour les journalistes selon le Code du travail ?

La présomption de salariat est régie par l’article L. 7112-1 du Code du travail, qui stipule que :

« Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. »

Cette présomption s’applique indépendamment du mode de rémunération et de la qualification donnée à la convention par les parties.

De plus, l’article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale précise que :

« Le journaliste professionnel ou assimilé qui exerce son activité sous lien de subordination est assujetti au régime général de la sécurité sociale des salariés. »

Ainsi, si un journaliste est considéré comme salarié, il doit être affilié au régime général de la sécurité sociale, ce qui implique des cotisations sociales.

Quels sont les critères pour qu’un auteur non salarié soit assujetti au régime général de la sécurité sociale ?

Pour qu’un auteur non salarié soit assujetti au régime général de la sécurité sociale, il doit répondre aux critères établis par l’article L. 311-3, 16 du Code de la sécurité sociale, qui concerne spécifiquement les pigistes.

Cet article stipule que :

« Les journalistes pigistes peuvent être assujettis au régime général si leur activité est exercée dans un cadre régulier et sous un lien de subordination. »

Il est également important de noter que, selon l’article L. 7111-3, alinéa 1, du Code du travail, la qualité de journaliste professionnel est réservée à ceux qui apportent une collaboration intellectuelle à une publication périodique.

Ainsi, pour les auteurs non salariés, l’URSSAF doit prouver l’existence d’un lien de subordination pour justifier leur assujettissement au régime général, ce qui n’a pas été fait dans le cas présent.

Quelles sont les conséquences de la décision du Tribunal concernant les chefs de redressement n°4 et n°6 ?

Le Tribunal a annulé les chefs de redressement n°4 et n°6, ce qui signifie que les montants réclamés par l’URSSAF pour ces redressements ne sont plus dus.

Concernant le chef de redressement n°4, le Tribunal a constaté que les rédacteurs graphistes, iconographes et directeurs artistiques, bien qu’ils ne soient pas explicitement mentionnés dans les textes, détiennent une carte professionnelle de journaliste et doivent donc bénéficier des taux réduits.

Pour le chef de redressement n°6, le Tribunal a jugé que l’URSSAF n’avait pas prouvé que les auteurs concernés avaient la qualité de journalistes professionnels, ce qui est nécessaire pour appliquer la présomption de salariat.

En conséquence, l’URSSAF a été condamnée à verser 1.000 euros à la société SAS [5] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens de l’instance.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
1 Expédition délivrée à Maître GRAS en LS le :

PS ctx protection soc 3

N° RG 22/02253 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXW7H

N° MINUTE :

Requête du :

18 Août 2022

JUGEMENT
rendu le 08 Janvier 2025
DEMANDERESSE

S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représentée par Maître Frédéric GRAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

U.R.S.S.A.F. ILE-DE-FRANCE [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Représentée par Madame [C] [X], munie d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame RANDOULET, Magistrate
Monsieur VINGATARAMIN, Assesseur
Monsieur DORIA AMABLE, Assesseur

assistés de Marie LEFEVRE, Greffière

Décision du 08 Janvier 2025
PS ctx protection soc 3
N° RG 22/02253 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXW7H

DEBATS

A l’audience du 23 Octobre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en dernier ressort

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société SAS [5] à fait l’objet d’un contrôle de l’Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocation familiales (URSSAF) d’Ile de France relatif à l’application de la législation de Sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.
Par courrier recommandée avec accusé réception en date du 18 novembre 2019, l’inspectrice de l’URSSAF d’Ile de France a adressé à la société SAS [5] une lettre d’observations faisant état de plusieurs chefs de redressement pour un montant global en cotisations et contributions sociales de 243.439 euros.
Par courrier en date du 20 et 21 décembre 2019, la Société SAS [5] a formulé des observations dans le cadre de la période contradictoire. L’inspectrice du recouvrement lui a répondu par lettre adressée le 10 janvier 2020 ramenant le montant à la somme de 191.591 euros.
A l’issue de la période contradictoire et par courrier en date du 27 janvier 2020, l’URSSAF d’Ile de France a mis en demeure la société SAS [5] de payer la somme de 243.439,00 euros au titre des cotisations et la somme de 21.244,00 euros au titre des majorations provisoires de retard soit un montant total de 264.683,00 euros.
Par courrier en date du 18 février 2020, la société SAS [5] a contesté cette mise en demeure devant la Commission de Recours Amiable (CRA) de l’URSSAF d’Ile de France.
Par décision en date du 17 mai 2021, la CRA de l’URSSAF d’Ile de France a annulé la mise en demeure du 27 janvier 2020 et a invité l’URSSAF à envoyer une nouvelle mise en demeure conforme aux montants redressés et au nouveau décompte des majorations de retard.
Par courrier en date du 19 octobre 2021, l’URSSAF d’Ile de France a adressé à la société SAS [5] une nouvelle mise en demeure de payer la somme de 191.591 euros au titre de cotisations dues au titre des années 2016, 2017 et 2018 et 16.645 euros de majorations provisoires de retard soit un total de 208.236,00 euros.

Par courrier en date du 23 décembre 2021, la société SAS [5] saisi la CRA de l’URSSAF d’Ile de France en invoquant la nullité de la mise en demeure du 19 octobre 2021.
Par décision en date du 13 juin 2022, la CRA de l’URSSAF d’Ile de France a fait droit à une partie des demandes de la Société [5] mais a confirmé les redressements n°4 et n°6.
Par requête en date du 18 août 2022, reçue au greffe le 22 août 2022, la société SAS [5] par l’intermédiaire de son conseil a saisi le Pôle social du Tribunal judiciaire de Paris afin de contester la décision de la CRA de l’URSSAF d’Ile de France.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 22 mai 2024, à laquelle l’affaire a été renvoyée à l’audience du 23 octobre 2024 à laquelle elle a été retenue et plaidée.
La Société SAS [5], représentée et reprenant oralement les termes de sa requête initiale, demande au Tribunal:
D’infirmer la décision de la Commission de Recours Amiable en ce qu’elle a rejeté sa requête sur les chefs de redressement n°4 et n°6 de la lettre d’observation ;Et en conséquence,
sur le point n°4 de la lettre d’observation, d’annuler le redressement en sa totalité et la mise en demeure du 19 octobre 2021 en résultant ;sur le point n°6 de la lettre d’observation , d’annuler le redressement en sa totalité et la mise en demeure du 19 octobre 2021 en résultat ;de condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Concernant le chef de redressement n°4, la société SAS [5] soutient, sur le fondement des articles L 7111-3 et L 7111-4 du Code du travail, que sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle. Elle affirme que les rédacteurs graphistes sont visés par la classification conventionnelle des journalistes et que les directeurs artistiques y sont assimilés. Elle ajoute que le Tribunal administratif de Paris a reconnu les fonctions de rédacteurs graphistes comme étant des fonctions de journaliste professionnel, que la Cour de Cassation aurait fait de même pour les maquettistes ayant la qualité de collaborateur direct de la rédaction et que d’autres juridictions auraient accordé la qualité de journalistes professionnelles aux iconographes et aux directeurs artistiques.
Concernant le chef de redressement n°6, elle soutient que les collaborateurs non journalistes professionnels doivent se voir reconnaître le bénéfice des dispositions de l’article L 382-1 du code de la sécurité sociale dès lors que leurs articles sont des œuvres de l’esprit intégrées dans l’œuvre collective de la presse. Elle soutient que la régularité de collaboration ne caractérise pas à lui seul l’existence d’un lien de subordination et que l’URSSAF ne parvient pas à caractériser ce lien.
De son côté, l’URSSAF d’Ile de France, représentée par son mandataire, demande au tribunal :
de confirmer la décision de la CRA à titre reconventionnel, de condamner la société au paiement de la somme de 157.336 euros au titre des cotisations sociales et la somme de 12.000 euros de majorations de retard.
Sur le chef de redressement n°4, elle soutient que lors du contrôle, l’inspecteur du recouvrement a constaté que la société, faisait appel à plusieurs journalistes-pigistes, que toutefois les personnels dont la fonction consiste à préparer la mise en page et la présentation formelle d’une revue ne peuvent bénéficier ni de l’abattement supplémentaire pour frais professionnels, ni de l’application des taux réduits. Elle précise que si les fonctions de ces derniers leurs confèrent des responsabilités dans la confection matérielle du journal, elles ne leur donnent pas pour autant la qualité de journaliste professionnel. Enfin, elle fait valoir que le fait d’être titulaire d’une carte d’identité professionnelle de journaliste ne suffit pas à ouvrir droit à la déduction ou aux autres taux réduits.
Sur le chef de redressement n°6, elle indique que la société n’apporte aucun élément permettant de renverser la présomption de salariat prévue à l’article L 7112-1 du code du travail. Elle fait valoir que ces dispositions s’appliquent dès lors que les journalistes professionnels dont l’activité s’effectue en collaboration régulière avec une entreprise de presse, de laquelle ils tirent leurs revenus principaux.
L’affaire a été mise en délibéré au 08 janvier 2025.

MOTIFS
Sur le chef de redressement n°4 : taux réduits appliqués à des non-journalistes : rédacteurs graphistes, iconographes et directeurs artistiques ;
Il ressort de la lettre d’observation que l’inspecteur du recouvrement a relevé qu’une déduction forfaitaire spécifique et des taux réduits auraient été appliqués à tort à des collaborateurs qui, s’ils travaillaient bien pour une entreprise de presse, n’exerçaient pas une activité de journaliste.
Il convient de rappeler que les journalistes professionnels et assimilés, au sens des articles L. 761-1 et L. 761-2 du code du travail, dont les fournitures d’articles, d’informations, de reportages, de dessins ou de photographies à une agence de presse ou à une entreprise de presse quotidienne ou périodique, sont réglées à la pige, quelle que soit la nature du lien juridique qui les unit à l’agence ou à l’entreprise de presse ; que l’article L. 761-2 du code du travail, devenu article L. 7111-3 du code du travail, définit le journaliste professionnel comme étant celui qui a pour occupation régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Il résulte des articles L. 7111-3, alinéa 1, et L. 7111-4 du code du travail, que ne peut avoir la qualité de journaliste professionnel que celui qui apporte à l’entreprise de presse une collaboration intellectuelle à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs, constante et régulière, et qui en tire l’essentiel de ses ressources ; les juges du fond devant effectuer cette recherche.
En l’espèce, il ressort de la lettre d’observations que l’inspecteur au recouvrement a relevé que « comme lors du précédent contrôle, la Déduction Forfaitaire Spécifique et les taux réduits avaient déjà été appliqués à tort à des collaborateurs qui, s’ils travaillent bien pour une entreprise de presse, n’exercent par une activité de journaliste. Il en est ainsi pour les rédacteurs graphistes, les inconographes et les directeurs artistiques. […] Le personnel dont la fonction consiste à préparer la mise en page et la présentation formelle d’une revue ne peut bénéficier ni de l’abattement supplémentaire pour frais professionnels, ni de l’application des taux réduits. En effet, si leurs fonctions confèrent aux intéressés des responsabilité dans la confection matérielle du journal, elles ne leur donnent pas pour autant la qualité de journaliste professionnel et ne comportement pas d’ailleurs de frais professionnels de la nature de ceux visés à l’article 83 3ème du code général des impôts. La circonstance que les intéressés soient titulaires d’une carte d’identité professionnelle de journaliste ne suffit pas à leur ouvrir droit à la déduction ou aux taux réduits ». Le tableau annexé et relatif à ce chef de redressement vise effectivement des salariés rédacteurs graphistes, iconographes et directeurs artistiques.
Par ailleurs, il n’est pas contesté au vu du tableau annexé par l’URSSAF que ces salariés ont bien la qualité de journaliste (terme rapporté par l’organisme de recouvrement lui-même dans le tableau annexé) et dont il est d’ailleurs acté qu’ils sont titulaires d’une carte d’identité professionnelle de journaliste.
Il convient de préciser que l’URSSAF évoque un précédent contrôle qui a eu lieu le 25 novembre 2005, soit il y a plusieurs années, dans un contentieux ayant fait l’objet de plusieurs évolutions législatives.
Il ressort des pièces versées :
que sur le site de l’URSSAF est bien mentionné que « certaines cotisations patronales et salariales dues au titre des pigistes et des journalistes, titulaires de la carte professionnelle bénéficient d’un abattement de 20% […] L’abattement de 20% concerne les pigistes et les journalistes et assimilés (collaborateurs directs de la rédactions, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteur-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographiques), quel que soit le nombre de leurs employeurs » ; que le Directeur Général du syndicat de la Presse Magazine, attestait en 2011 que les rédacteurs graphistes étaient bien des journalistes professionnels au sens de l’ancien article L. 761-5 du Code du Travail et que cette qualité de journaliste professionnel était d’ailleurs déjà confirmée par la pratique de la Commission de la Carte d’identité professionnelle des journalistes, que la classification conventionnelle des journalistes vise et définit notamment les fonctions de rédacteurs-graphistes comme étant celles de celui qui conçoit et réalise la mise en pages des publications hélio, offset ou typo, comportant des créations graphiques nécessitant des recherches par la composition et par l’image, que par un arrêt du 25 juin 2007, le Conseil d’Etat à reconnu la qualité de journaliste professionnel aux iconographes, que par jugement du 14 mars 2011, le Tribunal administratif de Paris a reconnu que les fonctionnes de rédacteur graphiste étaient bien des fonctions de journaliste professionnel, que par arrêt du 24 mai 2011, la Cour d’appel de Paris a reconnu aux fonctions de directeur artistique la qualité de journaliste professionnel ;que l’URSSAF Ile de France rappelle dans la lettre d’observations que « le ministère des affaires sociales a indiqué, dans une lettre du 26 mars 1987 qu’ « initialement, le bénéfice du taux réduit s’appliquait aux salariés qui travaillaient régulièrement et simultanément pour plusieurs employeurs (notamment les pigistes), les journalistes titulaires de la carte de presse étant présumés travailler pour plusieurs employeurs, cet abattement a été généralisé ». En l’espèce, les trois types de salariés visés par ce chef de redressement, à savoir les rédacteurs-graphiques, les iconographes et directeurs artistiques, s’ils ne sont pas expressément visés par les textes applicables au taux réduit, détiennent tous une carte professionnelle de journaliste.
Or, comme le relève la Commission de Recours Amiable (page 4/6), « doivent être présumés travailler pour plusieurs employeurs afin de tenir compte du mode d’exercice de la profession, les journalistes titulaires de la carte d’identité professionnelle prévue à l’article R.7111-1 du Code du travail. Selon cet article, la carte d’identité professionnelle ne peut être délivrée qu’aux personnes qui conformément aux dispositions des articles L.7111-3 à L.7111-5 du Code du Travail, sont journalistes professionnelles ou sont assimilées à des journalistes professionnelles. »
Dès lors, si l’article L.7111-4 du même code rappelle que « ne peut avoir la qualité de journaliste professionnel que celui qui apporte à l’entreprise de presse une collaboration intellectuelle à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs, constante et régulière, et qui en tire l’essentiel de ses ressources » et impose aux juges du fond de rechercher dans un tel cas si ces conditions sont remplies, tel n’est pas le cas en l’espèce dès lors que la simple détention de la Carte d’identité des journalistes par l’ensemble des rédacteurs-graphistes, iconographes et directeurs artistiques visés par le chef de redressement n°4 permet de considérer qu’il convenait de leur accorder le bénéfice des taux réduits.
A ce titre, le chef de redressement n°4 sera annulé.
Sur le chef de redressement n°6 : L’assujettissement au régime général des auteurs non-salariés
Il ressort de la lettre d’observation que l’inspecteur du recouvrement, a considéré que des rémunérations auraient été déclarées à tort par le service de la comptabilité de la société sous forme de droit d’auteur (auprès de l’AGESSA) à des journalistes pigistes que la société emploie régulièrement.
Il résulte des articles L. 7111-3, alinéa 1, et L. 7111-4 du code du travail, que ne peut avoir la qualité de journaliste professionnel que celui qui apporte à l’entreprise de presse une collaboration intellectuelle à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs.
Par ailleurs, selon l’article L. 7112-1 du code du travail toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumé être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
Il convient de rappeler que le journaliste professionnel ou assimilé qui exerce son activité sous lien de subordination est assujetti au régime général de la sécurité sociale des salariés par application de l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale.
En l’absence d’un tel lien, l’assujettissement au régime général peut résulter, pour les seuls pigistes, de l’application de l’article L. 311-3, 16 du même code (Pige).
Or, il ressort de la lettre d’observations que l’inspecteur du recouvrement a constaté « la société a déclaré en droits d’auteurs à l’AGESSA des journalistes pigistes qu’elle emploie régulièrement. Il a été constaté en comptabilité au compte 651600 « Droits d’Auteurs » le versement de rémunérations à des rédacteurs pigistes selon un montant forfaitaire déterminé à l’avance d’un commun accord pour des articles à paraître ». Ces sommes ont été déclarées en honoraires auprès de l’AGESSA. Il apparait que l’intervention de ces personnes est régulière ; les sommes versées n’ont pas le caractère de droits d’auteurs. Celles-ci ont été déclarées à tort à l’AGESSA. La régularité et les conditions d’exercice susmentionnées permettent d’établir que les sommes versées ont le caractère de salaire et sont, à ce titre, assujetties à cotisations et contributions sociale. Aucun contrat d’auteur n’a été produit, seules des fiches de montants réglés par individu ont pu être consultées. Les circonstances de fait de l’activité des différentes personnes redressées confirment l’existences d’un contrat de travail.
En l’espèce, et comme le relève à juste titre la SAS [5], la présomption de salariat n’a vocation à s’appliquer uniquement aux journalistes. Il ressort de la lettre d’observation que le personnel visé dans le tableau annexé et relatif au chef de redressement n°6 sont simplement répertoriés comme auteurs, auteurs photographes et notamment des auteurs pigistes sans aucune précision de leur qualité de journaliste professionnel. Or, ces éléments, outre le fait qu’ils ne sont que de simples affirmations, ne sont pas suffisants. Dès lors, l’inspecteur URSSAF aurait dû s’assurer que chacun des auteurs objet du redressement avait la qualité de journaliste professionnel, auxquels seuls s’applique la présomption de salariat.
A défaut de qualité de journaliste professionnel, l’inspecteur du recouvrement aurait dû rapporter la preuve d’un lien de subordination. Or, l’inspecteur de recouvrement se contente d’énumérer les noms des personnels visés et de recourir à une argumentation générale relative à la régularité et aux conditions d’exercice de leur professionnel pour en déduire l’existence d’un salaire ainsi que des « circonstances de fait de l’activité des différentes personnes » pour en déduire l’existence d’un contrat de travail.
Il est de jurisprudence constante que ce type de formulation n’est pas suffisante pour démontrer la preuve d’un lien de subordination.
Par conséquent, à défaut de ces éléments, il convient d’annuler le chef de redressement n°6.
Sur les autres demandes
Sur les dépens
L’URSSAF Ile de France, partie perdante au procès, sera condamnée aux dépens.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société l’ensemble des frais irrépétibles exposés.
L’URSSAF d’Ile de France sera condamnée à lui verser la somme de 1.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, l’URSSAF sera condamnée aux dépens de l’instance.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

Déclare le recours de la Société SAS [5] recevable ;

Le dit bien fondé et en conséquence,

Annule le chef de redressement n°4 – “Taux réduits appliqués à des non-journalistes – Rédacteurs graphistes – Iconographes – Directeurs artistiques ”, pour un montant de 47.337 euros au titre de l’année 2017 et 42.060 euros au titre de l’année 2018 ;
Annule le chef de redressement n°6 – “assujettissement et affiliation au régime général – Rémunérations qualifiées de « droits d’auteurs »”, pour un montant de 15.827 euros au titre de l’année 2017 et 36.729 euros pour l’année 2018 ;
Condamne l’URSSAF Ile de France à payer à la Société SAS [5] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne l’URSSAF Ile de France aux dépens ;

Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification ;

Fait et jugé à Paris le 08 Janvier 2025.

La Greffière La Présidente

N° RG 22/02253 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXW7H

EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :

Demandeur : S.A.S. [5]

Défendeur : U.R.S.S.A.F. ILE-DE-FRANCE [Adresse 4]

EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :

A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.

P/Le Directeur de Greffe

10ème page et dernière


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon