Prolongation de la rétention administrative : enjeux et limites des procédures d’éloignement.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux et limites des procédures d’éloignement.

L’Essentiel : L’affaire concerne [W] [C], un ressortissant tunisien né le 3 mars 1999, actuellement en rétention administrative. La préfecture du Rhône a notifié une obligation de quitter le territoire français le 13 juin 2022. Lors de l’audience, les avocats ont présenté leurs plaidoiries, assistés par un interprète en arabe. Le 25 octobre 2024, la rétention a été ordonnée, avec plusieurs prolongations décidées par le juge. Cependant, ce dernier a noté que la préfecture n’avait pas prouvé que [W] [C] représentait une menace pour l’ordre public, conduisant à la décision de ne pas prolonger sa rétention.

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne [W] [C], un ressortissant tunisien né le 3 mars 1999, actuellement maintenu en rétention administrative. La préfecture du Rhône, représentée par Maître Eddy Perrin, a notifié à [W] [C] une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d’une interdiction de retour de 18 mois, le 13 juin 2022.

Déroulement des débats

Lors de l’audience publique, le juge a rappelé l’identité des parties et les droits de la personne retenue. Les avocats de la préfecture et de [W] [C] ont présenté leurs plaidoiries, tandis qu’un interprète assermenté en langue arabe a assisté [W] [C] pour garantir la compréhension des échanges.

Décisions administratives et judiciaires

Le 25 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [W] [C] en rétention. Par la suite, plusieurs prolongations de cette rétention ont été décidées par le juge du tribunal judiciaire de Lyon, avec des durées maximales allant jusqu’à trente jours. La dernière prolongation a été demandée le 7 janvier 2025.

Recevabilité de la requête

La requête de prolongation de la rétention a été jugée recevable, car elle était motivée, datée, signée et accompagnée des pièces justificatives nécessaires, conformément aux exigences du CESEDA.

Régularité de la procédure

L’examen des pièces a montré que [W] [C] avait été informé de ses droits et avait eu la possibilité de les faire valoir depuis son placement en rétention. La procédure a été jugée régulière.

Prolongation de la rétention

Le juge a examiné les critères de prolongation de la rétention administrative. Il a noté que la préfecture n’avait pas démontré que [W] [C] représentait une menace pour l’ordre public ni que la délivrance de ses documents de voyage était imminente. Les autorités tunisiennes n’avaient pas répondu aux demandes de la préfecture concernant l’identité de [W] [C].

Conclusion de la décision

En conséquence, le juge a décidé de ne pas prolonger la rétention administrative de [W] [C]. La requête de la préfecture a été rejetée, et il a été rappelé à [W] [C] son obligation de quitter le territoire français.

Notification de l’ordonnance

L’ordonnance a été notifiée aux parties par courriel, et [W] [C] a été informé de son droit de faire appel dans les vingt-quatre heures suivant la notification. Un procès-verbal de notification sera établi par les services de police.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?

La rétention administrative est régie par plusieurs articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Selon l’article L. 741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

L’administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Cet article souligne l’importance de la proportionnalité et de la nécessité dans le maintien en rétention, afin d’éviter des détentions prolongées sans justification.

De plus, l’article L. 742-5 du CESEDA précise que, lorsque le délai de la troisième prolongation s’est écoulé, le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être à nouveau saisi pour renouveler la rétention administrative pour une durée maximale de 15 jours.

Les conditions pour cette prolongation exceptionnelle incluent :

– L’étranger a fait obstruction à l’exécution de la mesure d’éloignement.
– L’étranger a présenté une demande de protection ou d’asile dans les quinze derniers jours.
– La mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat.

Quels sont les droits de la personne retenue en rétention administrative ?

Les droits des personnes retenues en rétention administrative sont explicitement mentionnés dans le CESEDA.

L’article L. 741-2 stipule que toute personne placée en rétention doit être informée de ses droits, notamment le droit de contester la légalité de son placement.

Elle doit également être informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions la concernant.

Cela inclut le droit d’être assistée par un avocat, comme cela a été le cas pour [W] [C], qui était assisté par Me Martine BOUCHET.

L’article L. 742-1 précise que la personne retenue a le droit d’être informée des raisons de sa rétention et des conditions de son maintien.

Il est également important de noter que l’article L. 824-3 du CESEDA rappelle que tout étranger qui se maintient irrégulièrement sur le territoire français après avoir fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention peut être puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros.

Quelles sont les implications de la prolongation de la rétention administrative ?

La prolongation de la rétention administrative a des implications significatives pour la personne concernée.

Comme mentionné précédemment, l’article L. 742-5 du CESEDA permet au juge de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de 15 jours, mais seulement dans des circonstances exceptionnelles.

Il est crucial que l’administration justifie cette prolongation par des éléments concrets, tels que l’obstruction à l’éloignement ou l’absence de réponse du consulat concernant les documents de voyage.

Dans le cas de [W] [C], le juge a constaté que les critères pour une prolongation exceptionnelle n’étaient pas remplis, car il n’y avait pas de menace pour l’ordre public et que les autorités tunisiennes n’avaient pas répondu aux demandes de la préfecture.

Cela signifie que la rétention ne peut pas être prolongée indéfiniment sans justification légale, protégeant ainsi les droits de l’individu.

En conséquence, la requête de prolongation de la rétention a été rejetée, ce qui souligne l’importance de la régularité et de la légalité dans les procédures de rétention administrative.

COUR D’APPEL
de LYON

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

N° RG 25/00067 – N° Portalis DB2H-W-B7J-2GT7

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE QUATRIEME DEMANDE DE PROLONGATION D’UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

Le 08 janvier 2025 à Heures,

Nous, Sandrine CLOCHER-DOBREMETZ, Juge au Tribunal judiciaire de LYON, assistée de Pauline BRAY, greffier.

Vu la loi n°2018-778 du 10 septembre 2018 ;

Vu le décret d’application n°2018-1159 du 14 décembre 2018 ;

Vu les anciens articles L. 552-1, L. 552-2, L. 552-7, et R. 552-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu les articles L. 742-1 à L. 742-10 et notamment les articles L. 742-1, L. 742-2, L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6, L. 742-7, les articles L. 743-3 à L. 743-18 et notamment les articles L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-9, les articles L. 743-19, L. 743-20, L. 743-24, L. 743-25, et R. 743-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu la décision de placement en rétention de l’autorité administrative prise le 25 octobre 2024 par Mme PREFECTURE DU RHONE à l’encontre de [W] [C] ;

Vu l’ordonnance rendue le 29 octobre 2024 par le juge du tribunal judiciaire de LYON prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-six jours ; ordonnance confirmée par le premier président de la cour d’appel de Lyon le 31 octobre 2024 ;

Vu l’ordonnance rendue le 24 novembre 2024 par le juge du tribunal judiciaire de LYON prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours ; ordonnance confirmée par le premier président de la cour d’appel de Lyon le 26 novembre 2024 ;

Vu l’ordonnance rendue le 24 décembre 2024 par le juge du tribunal judiciaire de LYON prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale exceptionnelle de quinze jours ; ordonnance confirmée par le premier président de la cour d’appel de Lyon le 27 décembre 2024 ;

Vu la requête de l’autorité administrative en date du 07 Janvier 2025 reçue et enregistrée le 07 Janvier 2025 à 14h47 (cf. timbre du greffe) tendant à la prolongation exceptionnelle de la rétention de [W] [C] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée supplémentaire de quinze jours ;

Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L. 741-3 du CESEDA émargé par l’intéressé ;

PARTIES

Mme PREFECTURE DU RHONE préalablement avisé, représentée par Maître Eddy PERRIN, avocat au barreau de LYON, substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON ,

[W] [C]
né le 03 Mars 1999 à [Localité 2] (TUNISIE)
préalablement avisé ,
actuellement maintenu , en rétention administrative
présent à l’audience, assisté de son conseil Me Martine BOUCHET, avocat au barreau de LYON, de permanence,

en présence de Mme. [I] [O], interprète assermentée en langue arabe, déclarée comprise par la personne retenue à l’inverse du français interprète inscrit sur la liste de la Cour d’appel de Lyon,

LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE n’est ni présent ni représenté,

DEROULEMENT DES DEBATS

A l’audience publique, le juge a procédé au rappel de l’identité des parties ;

Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;

Me Eddy PERRIN représentant le préfet a été entendu en sa plaidoirie ;

[W] [C] a été entendu en ses explications ;

Me Martine BOUCHET, avocat au barreau de LYON, avocat de [W] [C], a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu’une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d’une interdiction de retour de 18 mois prise le 13 juin 2022, notifiée à [W] [C] le 13 juin 2022 ;

Attendu que par décision en date du 25 octobre 2024 notifiée le 25 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [W] [C] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire à compter du 25 octobre 2024;

Attendu que par décision en date du 29 octobre 2024, le juge du tribunal judiciaire de LYON a ordonné la prolongation de la rétention administrative de [W] [C] pour une durée maximale de vingt-six jours ; ordonnance confirmée par le premier président de la cour d’appel de Lyon le 31 octobre 2024 ;

Attendu que par décision en date du 24 novembre 2024 le juge du tribunal judiciaire de LYON a ordonné la prolongation de la rétention administrative de [W] [C] pour une durée maximale de trente jours ; ordonnance confirmée par le premier président de la cour d’appel de Lyon le 26 novembre 2024 ;

Attendu que par décision en date du 24 décembre 2024 par le juge du tribunal judiciaire de LYON a prolongé la rétention administrative pour une durée maximale exceptionnelle de quinze jours ; ordonnance confirmée par le premier président de la cour d’appel de Lyon le 27 décembre 2024 ;

Attendu que, par requête en date du 07 Janvier 2025, reçue le 07 Janvier 2025, l’autorité administrative nous a saisi aux fins de voir ordonner la prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours ;

RECEVABILITE DE LA REQUETE 

Attendu que la requête de l’autorité administrative est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles dont la copie du registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA ;

REGULARITE DE LA PROCEDURE 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces jointes à la requête et des mentions figurant au registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA que la personne retenue, pleinement informée de ses droits lors la notification de son placement, n’a cessé d’être placée en état de les faire valoir depuis son arrivée au lieu de rétention ;

PROLONGATION DE LA RETENTION

Il résulte de l’article L. 741-3 du CESEDA qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet.
Par ailleurs, au terme des dispositions de l’article L. 742-5 du CESEDA, quand le délai de la 3ème prolongation s’est écoulé, le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, être à nouveau saisi et peut renouveler la rétention administrative pour une durée maximale de 15 jours, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
– l’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement
– l’étranger a présenté dans les quinze derniers jours, dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, une demande de protection ou une demande d’asile
– la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Attendu qu’aux termes de ses conclusions écrites reprises oralement à l’audience, le conseil de [W] [C] fait valoir que la préfecture ne justifie, ni que l’intéressé représente une menace pour l’ordre public, ni que la délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé doive intervenir à bref délai ;

Attendu en l’espèce, tout d’abord que les signalisations dont se prévaut la préfecture ne sont pas de nature en elle-même à caractériser une menace pour l’ordre public en l’absence d’indications sur les suites judiciaires éventuellement réservées à ces procédures ;

Attendu en outre qu’il est constant que les autorités tunisiennes sollicitées dès le 25 octobre 2024, avec transmission d’un dossier (empreinte dactyloscopique et photo) le 13 novembre 2024, n’ont pas plus répondu aux différentes relances des3 décembre 2024, 16 décembre 2024 et 31 décembre 2024 ; que force est de constater que la préfecture n’a, à ce jour, reçu aucune réponse à ses multiples sollicitations ;

Attendu dans ces conditions qu’il ne peut être considéré que la délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève [W] [C] soit susceptible d’intervenir dans les 15 prochains jours, alors que l’identité de l’intéressé qui se dit de nationalité tunisienne n’est toujours pas reconnu par cet état ;

Qu’en conséquence, les critères des dispositions de l’article L. 742-5 du CESEDA ne sont pas remplis de sorte que la rétention administrative de [W] [C] ne peut pas être prolongée et que la requête en date du 7 janvier 2025 de Mme PREFECTURE DU RHONE en prolongation exceptionnelle de la rétention administrative à l’égard de [W] [C] doit être rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire ;

DECLARONS la requête en prolongation de la rétention administrative du préfet du Mme PREFECTURE DU RHONE à l’égard de [W] [C] recevable ;

DÉCLARONS la procédure diligentée à l’encontre de [W] [C] régulière ;

DISONS N’Y AVOIR LIEU À LA PROLONGATION EXCEPTIONNELLE du maintien en rétention de [W] [C] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

INFORMONS en application de l’article L. 824-3 du CESEDA, que tout étranger qui, faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière, d’une obligation de quitter le territoire français, d’une interdiction administrative ou judiciaire du territoire, se sera maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement, sera puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.

RAPPELONS que l’intéressé a l’obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 742-10 du CESEDA.

LE GREFFIER LE JUGE

NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE
AUX PARTIES

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par courriel avec accusé de réception à l’avocat du retenu et à l’avocat de la préfecture,

NOTIFIONS la présente ordonnance au centre de rétention administrative de [Localité 3] par courriel avec accusé de réception pour notification à [W] [C], lequel est informé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de sa notification ; lui notifions aussi que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par télécopie n° [XXXXXXXX01]) au greffe de la cour d’appel de LYON, et que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.

Disons qu’un procès-verbal de notification sera établi à cet effet par les services de police, et nous sera retourné sans délai.

Information est donnée à [W] [C] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence.

LE GREFFIER


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