L’Essentiel : La SASU FCA France, filiale d’un groupe distribuant des véhicules Jeep, a été assignée en justice par les associations France Nature Environnement pour des publicités illicites. Le tribunal d’Amiens a rejeté les exceptions des défenderesses et les a condamnées à verser 12.000 euros de dommages et intérêts. Les associations ont prouvé que ces publicités enfreignaient le code de l’environnement, tandis que les défenderesses ont minimisé leur responsabilité. Finalement, le tribunal a reconnu le préjudice moral des associations et a confirmé la responsabilité des sociétés, tout en rejetant les demandes reconventionnelles pour procédure abusive.
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Contexte de l’affaireLa SASU FCA France, filiale d’un groupe distribuant des véhicules de la marque Jeep, commercialise ses produits via des distributeurs tels que la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles. Les associations France Nature Environnement et France Nature Environnement Normandie ont dénoncé des publicités illicites sur les sites de ces distributeurs, portant atteinte à leurs intérêts collectifs. Procédure judiciaireLes associations ont assigné la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles devant le tribunal judiciaire d’Amiens pour obtenir réparation. Le juge a rejeté les exceptions d’incompétence et de connexité, condamnant les défenderesses aux dépens et fixant un calendrier de procédure. Une demande de jonction des affaires a été soumise par les défenderesses, mais a été rejetée par le juge. Demandes des partiesLes associations ont demandé la reconnaissance de la responsabilité des défenderesses pour le préjudice subi, ainsi que des dommages et intérêts s’élevant à 12.000 euros pour chacune d’elles, en plus de frais irrépétibles. Les défenderesses ont, quant à elles, demandé la jonction des affaires et ont contesté toute responsabilité, arguant que les publicités litigieuses étaient le fait de la SASU FCA France. Arguments des partiesLes associations ont soutenu que les publicités diffusées constituaient des infractions aux dispositions du code de l’environnement, tandis que les défenderesses ont affirmé que seules deux publicités étaient concernées et que leur responsabilité ne pouvait être engagée. Elles ont également contesté l’existence d’un préjudice moral pour les associations. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles responsables de la diffusion des publicités prohibées. Il a condamné les défenderesses à verser des dommages et intérêts aux associations, tout en rejetant les demandes reconventionnelles pour procédure abusive. Les frais de justice ont été mis à la charge des défenderesses. ConclusionLe tribunal a statué en faveur des associations, reconnaissant leur droit à réparation pour le préjudice moral causé par la diffusion de publicités illicites, tout en confirmant la responsabilité des sociétés impliquées dans cette affaire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence territoriale du tribunal judiciaire dans le cadre des recours liés aux prestations familiales ?La compétence territoriale du tribunal judiciaire est régie par l’article R142-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, qui stipule que « le tribunal judiciaire territorialement compétent est celui dans le ressort duquel demeure le demandeur ». Dans le cas présent, Madame [G] [R] a introduit son recours alors qu’elle résidait à l’étranger. Elle a ensuite déménagé dans le ressort du tribunal judiciaire de Melun. Cela soulève la question de la compétence du tribunal judiciaire de Nanterre, qui ne peut être maintenue puisque la requérante ne résidait plus dans son ressort au moment de l’introduction de l’instance. Ainsi, le tribunal a dû faire droit à l’exception d’incompétence soulevée par la CAF des Hauts-de-Seine, en déclarant incompétent le tribunal judiciaire de Nanterre au profit du tribunal judiciaire de Melun. Quelles sont les implications de la dispense de comparution pour la requérante ?La dispense de comparution est prévue par l’article R142-10-4 du code de la sécurité sociale, qui permet à un demandeur d’être dispensé de comparaître si les parties ont eu connaissance des moyens développés. Dans cette affaire, la CAF des Hauts-de-Seine a eu connaissance des arguments de Madame [G] [R], ce qui a permis au tribunal de statuer sur sa demande de dispense. Cette décision a pour effet de permettre au tribunal de statuer contradictoirement, même en l’absence de la requérante, ce qui est essentiel pour garantir le respect des droits de la défense. La dispense de comparution ne remet pas en cause le droit de la requérante à faire valoir ses arguments par l’intermédiaire de son conseil, ce qui est un aspect fondamental du droit à un procès équitable. Comment la décision implicite de la Commission de recours amiable (CRA) est-elle contestée ?La contestation de la décision implicite de la CRA repose sur le principe du recours préalable obligatoire, qui est un droit reconnu à tout allocataire. En l’espèce, Madame [G] [R] a demandé au tribunal de déclarer nulle la décision implicite de la CRA, en raison de l’absence de réponse à son recours préalable du 23 mai 2023. Le code de la sécurité sociale impose que la CRA se prononce sur les recours des allocataires, et l’absence de réponse dans un délai raisonnable peut être interprétée comme une décision implicite de rejet. Ainsi, le tribunal est amené à examiner si la CAF des Hauts-de-Seine a respecté ses obligations en matière de traitement des recours, et si la décision implicite peut être considérée comme mal fondée. Cela soulève des questions sur la bonne foi de Madame [G] [R] et sur la nécessité de prouver la mauvaise foi pour justifier le trop-perçu. Quelles sont les conséquences d’une décision de mauvaise foi dans le cadre des prestations familiales ?La mauvaise foi dans le cadre des prestations familiales peut entraîner des conséquences significatives, notamment en matière de remboursement des sommes indûment perçues. La CAF des Hauts-de-Seine a la charge de prouver la mauvaise foi de Madame [G] [R] pour justifier le trop-perçu de 11.110,91 €. En vertu des principes généraux du droit, la preuve de la mauvaise foi doit être apportée par la partie qui l’allègue, ici la CAF. Si la CAF ne parvient pas à démontrer la mauvaise foi, cela pourrait conduire le tribunal à reconnaître la bonne foi de Madame [G] [R] et à annuler l’obligation de remboursement. Cela souligne l’importance de la présomption de bonne foi qui protège les allocataires dans leurs relations avec les organismes de sécurité sociale. |
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JUGEMENT CIVIL
1ère Chambre
Demande en réparation des dommages causés par une nuisance de l’environnement
Sans procédure particulière
AFFAIRE :
Association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, Association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT NORMANDIE
C/
S.A.S.U. FCA FRANCE, S.A.S.U. SOCADIA, S.A.S. CREATIONS AUTOMOBILES
Répertoire Général
N° RG 23/03001 – N° Portalis DB26-W-B7H-HWLT
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Expédition exécutoire le :
08.01.25
à : Me Abiven
à : Me Leclercq
à :
à :
Expédition le :
à :
à : Expert
à : AJ
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
D’AMIENS
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J U G E M E N T
du
HUIT JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
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Dans l’affaire opposant :
Association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT (FNE) Représentée par Monsieur [C] [U] Adminstrateur
[Adresse 4]
[Localité 6]
Association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT NORMANDIE (FNE NORMANDIE) Représentée par Madame Alice BERAL Juriste
[Adresse 1]
[Localité 7]
toutes représentées par Maître Anne sophie CHARTRELLE de la SCP DUMOULIN-CHARTRELLE-ABIVEN, avocat postulant au barreau d’AMIENS, Maître Alexandre FARO de la SCP FARO & GOZLAN, avocat plaidant au barreau de PARIS
– DEMANDEUR (S) –
– A –
S.A.S.U. FCA FRANCE (SIREN 305 493 173)
[Adresse 5]
[Localité 8]
S.A.S.U. SOCADIA (SIREN 348 922 121)
[Adresse 10]
[Adresse 9]
[Localité 3]
S.A.S. CREATIONS AUTOMOBILES (SIREN 382 297 737)
[Adresse 2]
[Localité 7]
toutes représentées par Maître Jean-michel LECLERCQ-LEROY de la SELARL LOUETTE-LECLERCQ ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau d’AMIENS, Me Jérôme PAUVERT de la selarl DESTREMEAU ASSOCIES, membre de la AARPI LEXE ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
– DÉFENDEUR (S) –
Le TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS a rendu le jugement contradictoire suivant par mise à disposition de la décision au greffe, après que la cause eut été retenue le 06 Novembre 2024 devant :
– Madame Rachel LALOST, vice-présidente,
– Monsieur Dominique DE SURIREY, premier vice-président,
– Monsieur Aurélien PETIT, juge,
assistés de Madame Céline FOURCADE, Greffière,
et qu’il en eût été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats.
La SASU FCA France est la filiale d’un groupe distribuant les véhicules motorisés de la marque Jeep, qu’elle commercialise par l’intermédiaire de distributeurs, notamment la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles.
Les associations France Nature Environnement et France Nature Environnement Normandie expliquent que les sites Internet de ces distributeurs ont présenté des visuels publicitaires illicites portant atteinte à leurs intérêts collectifs.
Par actes de commissaire de justice des 21 et 26 septembre ainsi que le 2 octobre 2023, l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie ont fait assigner la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles devant le tribunal judiciaire d’Amiens en responsabilité et indemnisation.
Par ordonnance du 30 mai 2024, le juge de la mise en état de ce tribunal a rejeté l’exception d’incompétence présentée par la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles, rejeté l’exception de connexité présentée par les mêmes, condamné la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles aux dépens de l’incident, condamné la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles, condamné la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles et fixé le calendrier de procédure suivant : avant le 27 juin 2024 : conclusions des défenderesses ; avant le 22 août 2024 : conclusions récapitulatives des demanderesses ; avant le 26 septembre 2024 : conclusions récapitulatives des défenderesses ; le 24 octobre 2024 : clôture de l’instruction ; le 6 novembre 2024 : plaidoiries (audience collégiale).
Suivant conclusions d’incident notifiées le 23 octobre 2024 la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles ont demandé au juge de la mise en état de ce tribunal de prononcer la jonction des affaires enregistrées devant ce tribunal sous les n° 23/2984, 23/2985, 23/2996, 23/2998, 23/3001, 23/3002, 23/3005, 23/3008, 23/3009, 23/3010, 23/3016 ainsi que 24/97.
Suivant conclusions d’incident notifiées le 23 octobre 2024, l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie s’y sont opposées.
Par mention au dossier dont les parties ont été avisées le 25 octobre 2024, le juge de la mise en état a rejeté la demande de jonction desdites instances, reporté la clôture au 5 novembre 2024 et maintenu les plaidoiries à l’audience du 6 novembre 2024.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 5 novembre 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience collégiale de plaidoiries du 6 novembre 2024 et mise en délibéré au 8 janvier 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2024, l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie demandent au tribunal de :
Déclarer la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles responsables de leur préjudice ; Condamner la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts échus ; Condamner la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts échus ; Condamner la SAS Socadia à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts ; Condamner la SAS Socadia à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts ; Condamner la SAS Créations Automobiles à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts ; Condamner la SAS Créations Automobiles à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts ; Condamner la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles aux dépens ;Condamner la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ; Condamner la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ; Condamner la SAS Socadia à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;Condamner la SAS Socadia à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;Condamner la SAS Créations Automobiles à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;Condamner la SAS Créations Automobiles à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;Condamner la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 152, 43 euros correspondant au coût du constat extrajudiciaire établit par Me [H] [J] au titre des frais irrépétibles.
Suivant dernières conclusions notifiées le 31 octobre 2024, la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles demandent au tribunal de :
A titre principal,
Prononcer la jonction des affaires enregistrées devant ce tribunal sous les n° 23/2984, 23/2985, 23/2996, 23/2997, 23/2998, 23/3001, 23/3002, 23/3005, 23/3008, 23/3009, 23/3010, 23/3016 et 24/97, y compris celle enregistrée devant la chambre de proximité de ce tribunal sous le n° 11-23-509 ; Ecarter l’exécution provisoire ; Juger que la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles n’ont commis aucune faute personnelle ni engagé leur responsabilité ; Mettre hors de cause la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles ; Débouter l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie de leurs demandes à l’encontre de la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles ; A titre subsidiaire,
Ramener les demandes de l’association France Nature Environnement et de l’association France Nature Environnement Normandie à l’euro symbolique ou à de plus justes proportions ; En toute hypothèse et à titre reconventionnel,
Condamner l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie à payer à la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles chacune la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Condamner l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie aux dépens ; Condamner l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie à payer à la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles chacune la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ; Condamner l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie à payer à la SASU FCA France la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur la demande de jonction
Moyens des parties
Au visa de l’article 367 du code de procédure civile, la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles déplorent que l’association France Nature Environnement et France Nature Environnement Normandie ont artificiellement fractionné leur action en quatorze procédures dans l’objectif, selon elles, de multiplier les demandes indemnitaires. Elles font valoir que l’ensemble de ces affaires ne constitue qu’un unique litige aux motifs que les visuels litigieux visés dans chacune des procédures sont identiques. Elles considèrent que chaque support de diffusion ne constitue pas une publicité nouvelle. Elles expliquent que la publicité en cause est à chaque fois la même, seuls les supports sur lesquels cette publicité est véhiculée changent, si bien qu’elles en concluent qu’il n’y a pas une multitude d’infractions aux dispositions de protection de l’environnement. Elles soulignent que les associations ne peuvent demander réparation d’un préjudice national par le biais de quatorze procédures distinctes.
L’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie, qui s’étaient opposées à la demande de jonction soumise au juge de la mise en état motif pris de son caractère dilatoire, n’ont pas conclu au fond sur cette nouvelle demande.
Réponse du tribunal
L’article 367 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que « le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ».
L’article 368 de ce code précise que « les décisions de jonction ou disjonction d’instances sont des mesures d’administration judiciaire ».
L’article 783 de ce code prévoit que « le juge de la mise en état procède aux jonctions et disjonctions d’instance ». Cependant, la décision du juge de la mise en état ne lie pas le tribunal qui peut toujours prononcer la jonction ou la disjonction dès lors que ce juge n’a pas reçu cette attribution dans ses compétences exclusives listées à l’article 789 du même code.
En l’espèce, l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie fondent leurs demandes notamment sur les dispositions des articles L. 362-1, L. 362-4, et R. 362-4 du code de l’environnement. Elles dénoncent la diffusion de visuels publicitaires fournis et mis en ligne par la SASU FCA France sur les sites Internet de concessionnaires de la marque Jeep. Dans le cadre de la présente instance, il s’agit de la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles.
Si la problématique est similaire dans l’ensemble des instances dont la jonction est demandée, il apparaît que chaque antenne régionale de l’association France Nature Environnement, ainsi que cette dernière, ont fait le choix procédural de diviser leur action en fonction du ressort des associations locales et donc du siège social des concessionnaires. Il apparaît également que les visuels litigieux ont été diffusés sur les sites Internet de chacun de ces concessionnaires, nonobstant leur participation active ou non à cette diffusion et le fait que, selon les défenderesses, la SASU FCA France ait été seule à l’origine de cette diffusion.
Au vu de ce qui précède, la demande de jonction est rejetée.
Sur la responsabilité
Sur la diffusion des publicités
Moyens des parties
Au visa des articles L. 362-1, L. 362-4, R. 362-2 et R. 362-4 du code de l’environnement, l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie exposent que la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles ont diffusé, via leurs sites Internet respectifs, sept visuels publicitaires représentant un véhicule motorisé dans des espaces naturels, dans le lit et sur les rives d’un cours d’eau, dans les espaces boisés, montagnard et rocheux et sur les rives d’un cours d’eau, non ouverts à la circulation motorisée à des fins de loisirs. Les associations soutiennent qu’il s’agit de publicités illicites dès lors que les distributeurs diffusent des visuels publicitaires représentant un véhicule motorisé en situation d’infraction au sens de l’article L. 362-4 du code de l’environnement. Elles font valoir que la reconnaissance de la situation d’infraction découle du seul constat de la publicité d’une circulation d’un véhicule motorisé en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur.
Au visa des articles L. 362-1 et L. 362-4 du code de l’environnement, la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles observent que seuls deux visuels publicitaires litigieux ont été constatés sur les sites Internet de la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles. Elles considèrent en effet que seul le constat extrajudiciaire a force probante, contrairement aux photographies non datées extraites des sites Internet par les associations. En revanche, les défenderesses ne contestent pas la non-conformité de ces deux visuels publicitaires aux dispositions du code de l’environnement.
Réponse du tribunal
L’article L. 362-1 alinéa 1er de ce code dispose que « En vue d’assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur ».
L’article L. 362-4 de ce code prévoit que « est interdite toute forme de publicité directe ou indirecte présentant un véhicule en situation d’infraction aux dispositions du présent chapitre ».
L’article R. 362-4 de ce code précise que « toute publicité, quel qu’en soit le support, présentant un véhicule à moteur ne respectant pas les dispositions des articles L. 362-1 et L. 362-2 du présent code et des articles L. 2213-4 et L. 2215-3 du code général des collectivités territoriales est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ».
En l’espèce, les constats extrajudiciaires des 9 octobre 2018 et 22 janvier 2019, versés aux débats, présentent deux visuels photographiques sur lesquels un véhicule de marque Jeep modèle Nouveau Cherokee évolue sur le sable d’une plage et un véhicule de marque Jeep modèle Wrangler Unlimited se déplace sur des rochers situés dans une forêt.
Il ressort également de ces constats extrajudiciaires que ces deux visuels ont été diffusés sur les sites Internet de la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles à la date du 9 octobre 2018.
En outre, l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie produisent des visuels extraits des sites Internet de ces deux concessionnaires. Si ces extractions ne sont pas datées, elles montrent toutefois la diffusion de photographies représentant un véhicule de marque Jeep modèle Renegade sur une plage, deux véhicules de marque Jeep modèle Wrangler descendant un espace montagneux et stationnés dans un espace naturel à proximité d’un cours d’eau, outre les deux visuels constatés suivant procès-verbal du 9 octobre 2018.
Ces visuels, dont les fins publicitaires sont confirmées par le texte inséré sur certaines images qui promeut l’achat des véhicules et mentionne les prix de vente, présentent donc des véhicules en situation d’infractions aux dispositions des articles L. 362-1 et L. 362-4 du code de l’environnement.
Par conséquent, la diffusion de l’ensemble de ces visuels sur les sites Internet des défenderesses (quatre en ce qui concerne la SAS Socadia, cinq en ce qui concerne la SAS Créations Automobiles), représentant des véhicules circulant dans des espaces naturels afin d’assurer la promotion de véhicules de marque Jeep, caractérise la publicité prohibée par l’article L. 362-4 du code de l’environnement.
Sur la responsabilité de la diffusion des publicités prohibées
Moyens des parties
Au visa de l’ancien article 6 III 1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’espace numérique, l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie exposent que l’éditeur, qui est celui qui détermine les contenus mis à la disposition du public sur le service qu’il a produit ou dont il a la charge, est responsable des contenus figurant sur son site Internet. Elles indiquent que l’éditeur doit notamment veiller à ne pas publier des contenus illicites. A cet égard, elles estiment que la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles doivent être considérées comme éditrices des sites Internet sur lesquels les visuels publicitaires prohibés ont été diffusés. Par ailleurs, les associations considèrent que l’éditeur est également celui qui joue un rôle actif dans le choix des contenus mis en ligne sur le site qu’il a créé ou dont il a la charge. Partant, elles demandent au tribunal de reconnaître la qualité d’éditrice de fait à la SASU FCA France dès lors qu’elle impose à ses distributeurs l’exploitation d’un site Internet selon un format unique et standardisé.
Au visa de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles font valoir que les distributeurs ne revêtent pas la qualité d’éditeurs. Elles indiquent que la SASU FCA France leur a fourni les visuels prohibés aux fins de diffusion sur leurs sites Internet respectifs et que, dans une telle hypothèse, les propriétaires des sites concernés ne peuvent voir leur responsabilité engagée que s’ils ont préalablement été avisés, par une notification ou une mise en demeure, du caractère manifestement illicite de certains des éléments présents sur leur site. Elles observent également que c’est la société de droit italien FCA Italy Spa, maison mère de la SASU FCA France, qui est titulaire des noms de domaine des sites mis à disposition des distributeurs. Ainsi, elles considèrent qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre éditeur de droit et éditeur de fait – qualification dont elles contestent d’ailleurs l’existence – mais qu’il n’existe qu’un seul éditeur qui ne peut être que la SASU FCA France. A tout le moins, elles admettent que la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles pourraient se voir qualifier d’hébergeurs, mais contestent toute responsabilité des distributeurs.
Réponse du tribunal
L’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui a transposé la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, a distingué le régime de responsabilité des intermédiaires techniques et hébergeurs, et celui des éditeurs de contenus.
L’article 6 III 1 de cette loi, dans sa version applicable au litige, prévoit que « les personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne mettent à disposition du public, dans un standard ouvert : (…) b) S’il s’agit de personnes morales, leur dénomination ou leur raison sociale et leur siège social, leur numéro de téléphone et, s’il s’agit d’entreprises assujetties aux formalités d’inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription, leur capital social, l’adresse de leur siège social ; c) Le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction au sens de l’article 93-2 de la loi n° 82-6522 du 29 juillet 1982 précitée ; d) Le nom, la dénomination ou la raison sociale et l’adresse et le numéro de téléphone du prestataire mentionné au 2 du I ».
L’article 6 I 2 de cette loi dispose que « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature, fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».
Ainsi, la qualité d’hébergeur repose sur un double critère : en premier lieu, il agit comme simple intermédiaire technique offrant une plateforme se limitant à héberger des contenus pour leur diffusion sur le Web ; en second lieu, ces contenus sont fournis par les tiers en toute indépendance.
Interprétant l’article 14 de la directive « commerce électronique » relatif à l’hébergement, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que la règle qui y est énoncée s’applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées (CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08). Ainsi, plus généralement, l’activité d’hébergement a un caractère purement technique, automatique et passif, impliquant que le prestataire n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées.
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats et des explications des parties que la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles sont des distributeurs des véhicules de marque Jeep dont ils assurent la promotion au travers d’un site Internet propre à chaque concession. Il ressort également du constat extrajudiciaire et des extractions réalisées par les associations demanderesses que les visuels prohibés ont été trouvés sur les sites de la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles respectivement accessibles aux adresses suivantes : www.fca-socadia-caen.fr et www.fca-créations-auto.fr.
Pour retenir la qualité d’hébergeur, dont la prestation est d’offrir à leurs clients un espace disque sur leurs serveurs, la question se pose tout d’abord de savoir où ces trois sites sont hébergés.
A cet égard, les sociétés défenderesses ne démontrent pas que la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles assument la fonction de stockage des informations litigieuses sur leurs propres serveurs.
Par ailleurs, les défenderesses se prévalent de ce que la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles ont eu un rôle passif dans la diffusion des publicités illicites, motif pris de ce que les visuels ont été fournis et mis en ligne par la SASU FCA France sur leurs sites Internet sans aucune intervention possible de ces dernières.
Sur ce, il importe de rappeler que le critère du rôle actif pour définir la fonction d’éditeur a été développé avec l’apparition du Web 2.0 et des sites alimentés par les internautes (plateformes de partage de vidéos, sites de ventes aux enchères, réseaux sociaux). En effet, l’émergence des sites contributifs a nécessité de caractériser, au-delà ou indépendamment du simple stockage, leurs interventions multiples sur les contenus en cause : présentation, organisation et mise en valeur, fourniture d’outils de recherche et de lecture, exploitation commerciale au moyen d’annonces publicitaires, ainsi que leur diffusion au public par le canal de ces sites. C’est dans ce cadre qu’il a été décidé que le statut d’hébergeur devait s’appliquer en l’absence de choix des contenus mis en ligne.
Cependant, le tribunal relève que les sites Internet des défenderesses s’inscrivent dans le Web 1.0 en ce sens qu’ils n’offrent pas la possibilité aux internautes de les alimenter, de sorte que le critère du rôle actif est inopérant en l’espèce. Ainsi, les sites Internet de la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles, ont pour objet la mise à disposition du public d’informations relatives aux véhicules de marque Jeep, lequel renvoie ainsi à l’activité d’éditeur, lesdites informations étant stockées pour leur compte auprès d’un hébergeur au sens classique du terme.
De manière surabondante, il ressort des pièces versées aux débats, notamment des extraits Kbis des défenderesses, ainsi que des explications des parties que lors de la diffusion des visuels prohibés, la SASU FCA France distribuait les véhicules de marque Jeep que la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles commercialisaient dans leur concession. Aussi, il ne peut être prétendu que les concessionnaires n’avaient pas a minima connaissance des publicités illicites diffusées, au surplus, sur leurs propres sites Internet, nonobstant le fait que cette diffusion prohibée résulte d’un choix du distributeur.
Il s’ensuit que tant la SASU FCA France que la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles revêtent la qualité d’éditrices, de sorte qu’elles doivent être déclarées responsables de la diffusion des publicités litigieuses prohibées par les articles L. 362-1 et L. 362-4 du code de l’environnement.
Sur le préjudice
Moyens des parties
Au visa de l’article L. 142-2 du code de l’environnement, l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie demandent réparation de leur préjudice moral subi du fait de la diffusion de visuels publicitaires illicites. Rappelant qu’elles ont été agréées, elles observent qu’elles peuvent obtenir réparation du préjudice moral que causent aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre le non-respect de la réglementation destinée à la protection de l’environnement. Elles indiquent que la seule violation de la réglementation applicable est de nature à leur causer un préjudice moral indemnisable, nonobstant l’absence de préjudice effectif à l’environnement. Elles expliquent que la circulation de véhicules motorisés dans un espace naturel leur porte gravement atteinte, de sorte que la publicité vantant un tel comportement est de nature à favoriser une atteinte à l’environnement. Elles considèrent que ces publicités illicites portent directement atteinte à leurs intérêts collectifs en empêchant le développement d’une information environnementale vraie et loyale qu’elles ont pour mission sociale de promouvoir et en favorisant le développement de comportements individuels et collectifs des conducteurs et acquéreurs de véhicules terrestres à moteurs contraires au respect des espaces naturels. Les associations font encore valoir que la diffusion des publicités prohibées contrarie leurs activités, notamment une action pédagogique visant à faire connaître l’interdiction de pratiquer les loisirs motorisés dans les espaces naturels et une action de vigilance quant au respect des règles environnementales par les activités publicitaires ainsi que des règles relatives à la protection des milieux naturels vis-à-vis des véhicules terrestres à moteur. Par ailleurs, l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie soulignent qu’elles disposent chacune de la personnalité juridique, ce qui implique la réparation de préjudices moraux distincts, leurs intérêts ne se confondant pas, bien que l’une adhère à l’autre. Elles font valoir avoir subi un préjudice moral né de l’atteinte portée à leurs intérêts collectifs du fait de la diffusion des publicités illicites sur le ressort territorial dans lequel elles exercent leurs activités statutaires : sur le territoire national pour l’association France Nature Environnement ; sur le territoire régional pour l’association France Nature Environnement Normandie.
La SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles soutiennent que les associations, qui sollicitent la réparation d’un préjudice moral causé par les conséquences dommageables d’une illégalité fautive, ne sont pas dispensées de démontrer l’existence d’un préjudice direct et certain résultant pour elles de la faute commise. Elles contestent notamment tout incidence des publicités illicites sur les conducteurs de véhicules terrestres à moteur. Elles se prévalent de ce que les visuels litigieux sont peu nombreux, qu’ils ont été diffusés pendant une très courte période et que l’audience des sites Internet est faible. Par ailleurs, les défenderesses déplorent que les associations n’explicitent pas le montant des dommages et intérêts demandés, rappelant que le principe de la réparation intégrale ne permet pas à l’indemnisation allouée d’excéder le montant du préjudice. En outre, les sociétés défenderesses exposent que les associations ne peuvent fonder leur demande sur les dispositions de l’article 1240 du code civil dès lors qu’elles invoquent les dispositions spéciales du code de l’environnement et qu’elles ne justifient d’aucune faute distincte de celle poursuivie au visa de l’article L. 362-4 de ce code. Elles contestent enfin que l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie puissent solliciter concurremment réparation de leurs préjudices aux motifs que le préjudice local est nécessairement englobé dans le préjudice national. Elles en veulent pour preuve que l’association régionale est adhérente de l’association France Nature Environnement. Elles estiment qu’admettre le contraire aboutirait à une double réparation d’un même préjudice.
Réponse du tribunal
Aux termes de l’article L. 142-2 alinéa 1er du code de l’environnement, « les associations agréées mentionnées à l’article L. 141-2 peuvent exercer les droits reconnus à la parties civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement, à l’amélioration du cadre de vie, à la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, à l’urbanisme, à la pêche maritime ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, la sûreté nucléaire et la radioprotection, les pratiques commerciales et les publicités trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités comportent des indications environnementales ainsi qu’aux textes pris pour leur application ».
La SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles, ont diffusé des visuels publicitaires montrant des véhicules motorisés circulant dans des espaces naturels en violation des dispositions des articles L. 362-1 et L. 362-4 du code de l’environnement, peu important qu’elles aient eu ou non l’intention d’inciter à l’utilisation de véhicules à moteur dans des espaces naturels.
Ces visuels publicitaires, en ce qu’ils diffusent un message incitant à l’utilisation de véhicules à moteur dans des espaces naturels, en dehors des voies ouvertes à la circulation publique, portent une atteinte directe, certaine et distincte aux intérêts collectifs défendus par les associations, dont l’objet statutaire est de « conserver et de restaurer les espaces, ressources, milieux et habitats naturels, terrestres et marins, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres fondamentaux, de la biosphère, l’eau, l’air, le sol, le sous-sol, les sites et paysages, le cadre de vie », « lutter contre les pollutions et nuisances », « promouvoir et (…) veiller à la diffusion et au développement d’une information environnementale et sanitaire vraie et loyale » (France Nature Environnement), et « lutter contre les pollutions, nuisances et risques de toute nature (…) et toutes les atteintes aux milieux naturels » (France Nature Environnement Normandie).
Il est encore justifié aux débats des moyens mis en œuvre par l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie pour combattre toute atteinte aux espaces naturels, notamment par le biais de publicités illicites, comme de l’action pédagogique qu’elles mènent en cette matière.
Ainsi, l’association France Nature Environnement, agréée par arrêté ministériel du 29 mai 1978 renouvelé depuis, et l’association France Nature Environnement Normandie, agréée par arrêté préfectoral du 3 mai 2018 renouvelé depuis, peuvent recevoir indemnisation en application de l’article L. 142-2 du même code. A cet égard, il y a lieu de préciser que les intérêts de l’association France Nature Environnement ne se confondent pas avec ceux de l’association France Nature Environnement Normandie, bien que cette dernière soit adhérente de l’association nationale. En effet, chacune des deux associations peuvent agir individuellement pour la défense de leurs intérêts statutaires respectifs.
Pour l’évaluation de leurs préjudices, le tribunal retient tout d’abord qu’il ressort des pièces produites que la période de diffusion des visuels publicitaires illicites (quatre en ce qui concerne la SAS Socadia, cinq en ce qui concerne la SAS Créations Automobiles) est limitée à une journée, faute pour les associations de démontrer qu’ils seraient restés accessibles sur les sites Internet plus longtemps. Il retient également que si ces sites Internet ont pour objet de promouvoir la vente de véhicules de marque Jeep localement, ils sont consultables sur l’ensemble du territoire national. Il retient enfin le rôle prépondérant de la SASU FCA France dans le choix des visuels publicitaires illicites publiés sur le site des concessionnaires.
Par conséquent, le préjudice moral de l’association France Nature Environnement sera intégralement réparé par la condamnation de la SASU FCA France à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, de la SAS Socadia à lui payer la somme de de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts et de la SAS Créations Automobiles à lui payer la somme de de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le préjudice moral de l’association France Nature Environnement Normandie sera intégralement réparé par la condamnation de la SASU FCA France à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, de la SAS Socadia à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts et de la SAS Créations Automobiles à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Les sommes précitées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil.
Les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur la demande indemnitaire reconventionnelle pour procédure abusive
Aux termes de l’article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
La SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles, qui succombent, sont déboutées de leur demande de condamnation de l’association France Nature Environnement et de l’association France Nature Environnement Normandie à leur payer à chacune la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur les frais de l’instance et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
La SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles, parties perdantes, sont condamnées aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (…). Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent ».
La SASU FCA France, condamnée aux dépens, est condamnée à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, en ce compris le coût du constat extrajudiciaire.
La SASU FCA France, condamnée aux dépens, est condamnée à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Compte tenu du rôle prépondérant de la SASU FCA France dans la diffusion des publicités illicites, l’équité commande de rejeter les demandes de l’association France Nature Environnement et de l’association France Nature Environnement Normandie de condamnation de la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles au titre des frais irrépétibles.
La SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles sont également déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.
Sur l’exécution provisoire
L’article 514 du code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
L’article 514-1 de ce code précise que « le juge peut écarter l’exécution provisoire, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée ».
L’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu de l’écarter.
Le tribunal :
REJETTE la demande de la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles de prononcer la jonction des affaires enregistrées devant le tribunal judiciaire d’Amiens sous les n° 23/2984, 23/2985, 23/2996, 23/2997, 23/2998, 23/3001, 23/3002, 23/3005, 23/3008, 23/3009, 23/3010, 23/3016 et 24/97, y compris celle enregistrée devant la chambre de proximité de ce tribunal sous le n° 11-23-509 ;
DECLARE la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles responsables de la diffusion des publicités prohibées par les articles L. 362-1 et L. 362-4 du code de l’environnement ;
CONDAMNE la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
CONDAMNE la SAS Socadia à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
CONDAMNE la SAS Créations Automobiles à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
CONDAMNE la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
CONDAMNE la SAS Socadia à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
CONDAMNE la SAS Créations Automobiles à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
DIT que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
DEBOUTE la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles de leur demande de condamnation de l’association France Nature Environnement et de l’association France Nature Environnement Normandie à leur payer à chacune la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE la SASU FCA France, la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles aux dépens ;
CONDAMNE la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, en ce compris le coût du constat extrajudiciaire ;
CONDAMNE la SASU FCA France à payer à l’association France Nature Environnement Normandie la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
DEBOUTE l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie de leurs demandes de condamnation de la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles au titre des frais irrépétibles ;
DEBOUTE la SASU FCA France de sa demande de condamner l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
DEBOUTE la SAS Socadia et la SAS Créations Automobiles de leurs demandes respectives de condamner l’association France Nature Environnement et l’association France Nature Environnement Normandie à leur payer à chacune la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.
Le jugement est signé par le président et la greffière.
LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT
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