Conflit de lois et validité des contrats internationaux dans le cadre des relations de travail.

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Conflit de lois et validité des contrats internationaux dans le cadre des relations de travail.

L’Essentiel : M. [F], de nationalité italienne, a été engagé par Vectrance le 1er mai 2015 et affecté à la raffinerie Total-Optara à Anvers. Il a démissionné le 6 juillet 2015, avec effet au 24 juillet. Le 8 juin 2016, il a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, invoquant des manquements graves de son employeur et une situation de travail dissimulé. La cour a confirmé que son contrat était régi par la loi française, malgré l’absence de signature sur les documents. Une question a été transmise à la chambre criminelle concernant l’infraction de travail dissimulé par un employeur français.

Engagement de M. [F]

M. [F], de nationalité italienne, a été engagé par la société Vectrance, une entreprise française, à partir du 1er mai 2015. Il a été affecté à la raffinerie Total-Optara à Anvers, en Belgique.

Démission de M. [F]

Le 6 juillet 2015, M. [F] a démissionné par message électronique, avec effet au 24 juillet de la même année.

Saisine du conseil de prud’hommes

Le 8 juin 2016, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, invoquant la loi française en raison d’une clause de choix de la loi applicable dans son contrat de travail. Il a allégué que sa démission était due à des manquements graves de son employeur et à une situation de travail dissimulé.

Réglementation applicable

Selon le Règlement (CE) n° 593/2008, le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le contrat de travail de M. [F] stipule qu’il est basé sur le droit français, et bien que le contrat local ne précise pas la loi applicable, il mentionne des normes législatives belges.

Validité des contrats de travail

La cour a constaté que l’absence de signature de M. [F] sur les contrats ne remettait pas en cause la validité de la relation de travail. La distinction entre le contrat « belge » et le contrat « international » reflète la volonté de l’employeur de soumettre certaines obligations à des législations différentes.

Conclusion de la cour d’appel

La cour d’appel a conclu que le contrat de travail international était régi par la loi française.

Travail dissimulé

L’article L. 8221-5 du code du travail définit le travail dissimulé, notamment en cas de non-déclaration des salaires ou des cotisations sociales. En cas de rupture de la relation de travail, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire.

Coordination des systèmes de sécurité sociale

Les règlements européens stipulent que les travailleurs ne sont soumis qu’à la législation d’un seul État membre. L’employeur doit respecter les obligations de la législation applicable à ses travailleurs, même s’il est basé en dehors de cet État.

Application de la loi pénale française

La loi pénale française s’applique aux infractions commises sur le territoire de la République, ainsi qu’aux délits commis par des Français à l’étranger, sous certaines conditions.

Transmission pour avis

La chambre sociale a transmis une question à la chambre criminelle concernant la constitution de l’infraction de travail dissimulé par un employeur français d’un salarié expatrié. Elle a décidé de surseoir à statuer en attendant la réponse de la chambre criminelle et a renvoyé l’affaire à une audience ultérieure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’application de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial est régie par l’article L.145-41 du code de commerce, qui stipule que :

« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »

Dans le cas présent, la SCI SH 52 a délivré un commandement de payer le 15 juillet 2024, qui est resté sans effet.

Ainsi, conformément à l’article 25 du contrat de bail, la résiliation de plein droit est intervenue un mois après ce commandement, soit le 15 août 2024, car les causes du commandement n’ont pas été régularisées.

Il n’y a pas eu de contestation sur la régularité du commandement, ce qui a permis au juge de constater l’acquisition de la clause résolutoire.

Quels sont les effets d’une décision de référé concernant la demande de provision ?

L’article 835 du code de procédure civile précise que :

« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

Dans cette affaire, la dette locative n’est pas contestée par la défenderesse, qui reconnaît être redevable d’un montant de 168.800 euros.

Le juge a donc condamné la SARL BOLLYWOOD BOULEVARD à verser cette somme à titre de provision, à valoir sur les loyers, charges et droit d’entrée échus au 1er septembre 2024.

Les intérêts de droit s’appliquent automatiquement, conformément à l’article 1231-7 du code civil, et la capitalisation des intérêts est ordonnée selon l’article 1343-2 du même code.

Comment le juge peut-il suspendre les effets de la clause résolutoire ?

L’article L.145-41 du code de commerce, alinéa 2, stipule que :

« Le juge saisi d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peut, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. »

Dans cette affaire, le juge a accordé des délais de paiement à la SARL BOLLYWOOD BOULEVARD, ce qui a pour effet de suspendre les effets de la clause résolutoire.

Cela signifie que tant que les délais de paiement sont respectés, la clause résolutoire ne sera pas appliquée, et le bail continuera d’exister.

En cas de non-respect des délais, la clause résolutoire sera acquise, entraînant la résiliation du bail et l’expulsion du locataire.

Quelles sont les conséquences d’un non-respect des délais de paiement accordés par le juge ?

En cas de non-respect des délais de paiement, l’ordonnance précise que :

« À défaut de paiement d’un seul terme (loyer ou arriéré) à son échéance et dans son intégralité, le solde restant dû deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra ses effets. »

Cela signifie que si la SARL BOLLYWOOD BOULEVARD ne respecte pas les modalités de paiement fixées par le juge, la clause résolutoire sera considérée comme acquise.

Le bail sera alors résilié de plein droit, et la SCI SH 52 pourra demander l’expulsion de la SARL BOLLYWOOD BOULEVARD, avec l’assistance de la force publique si nécessaire.

De plus, la SARL BOLLYWOOD BOULEVARD sera redevable d’une indemnité d’occupation provisionnelle, calculée sur la base du loyer trimestriel, des charges et taxes en cours, jusqu’à la libération des lieux.

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 janvier 2025

Renvoi à la chambre criminelle pour avis

M. SOMMER, président

Arrêt n° 28 FS-D

Pourvoi n° N 23-10.637

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JANVIER 2025

La société Vectrance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-10.637 contre l’arrêt rendu le 16 novembre 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l’opposant à M. [B] [F], domicilié [Adresse 2], Italie, défendeur à la cassation.

M. [F] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Vectrance, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [F], et l’avis de Mme Canas, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, M. Dieu, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Arsac, conseillers référendaires, Mme Canas, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2022), M. [F], de nationalité italienne et résidant en Italie, a été engagé par la société Vectrance, société française ayant son siège social à [Localité 3], à compter du 1er mai 2015, et a été affecté auprès de la raffinerie Total-Optara située à Anvers (Belgique).

2. M. [F] a démissionné par message électronique du 6 juillet 2015 avec effet au 24 juillet suivant.

3. Le 8 juin 2016, sollicitant l’application de la loi française en vertu d’une clause de choix de la loi applicable insérée dans le contrat de travail dit « international », faisant valoir que sa démission avait été causée par les manquements graves de son employeur et alléguant une situation de travail dissimulé au sens de l’article L. 8221-5 du code du travail, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Paris.

Examen des moyens

4. Aux termes de l’article 3, § 1, du Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

5. Aux termes de l’article 10, § 1, du même règlement, l’existence et la validité du contrat ou d’une disposition de celui-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu du présent règlement si le contrat ou la disposition étaient valables.

6. L’arrêt constate que le contrat de travail dit « contrat international » précise en introduction : « This contract will be based on the french law, as a reference. » (Selon traduction libre : « Ce contrat est basé sur le droit français comme référence. ») et en conclusion : « This agreement shall be governed by and construed in accordance with the laws of France to the juridiction of whose courts the parties hereto agree to submit. » (« ce contrat est soumis et doit être interprété selon les dispositions du droit français et les parties acceptent de soumettre leur différend aux juridictions françaises. »).

7. Il constate également que, si le contrat de travail dit « local » ne précise pas expressément la loi applicable, il vise néanmoins, parmi les normes législatives permettant de déterminer les éléments de rémunération du salarié, un décret royal, et mentionne que les jours de congés seront accordés au prorata temporis conformément au droit belge.

8. Il retient que l’absence de signature du salarié sur les deux contrats de travail qui lui ont été soumis par l’employeur n’a pas interdit la mise en oeuvre des relations de travail et n’affecte pas la validité du lien contractuel, que la distinction entre contrat « belge » et contrat « international » résulte de la volonté expresse, manifeste et non équivoque de l’employeur qui a rédigé les contrats, les a signés, les a adressés au salarié et lui a demandé avec insistance de les lui retourner signés et de l’accord, libre et éclairé, du salarié malgré son refus final de signer les documents pour d’autres causes, que la rencontre des volontés des parties sur ce point s’est concrétisée par le caractère effectif de l’engagement du salarié par la société Vectrance pour une prestation de travail et un lieu d’affectation du salarié conformes au contrat « international », moyennant une rémunération décomposée en deux salaires, versée sur deux comptes bancaires différents et ayant donné lieu chaque mois à l’émission de deux bulletins de paie, comme prévu par chacun des contrats « belge » et « international », qu’une telle distinction ne s’explique que par la volonté commune des parties de soumettre une partie de leurs obligations résultant du contrat dit « international » à une législation autre que celle régissant le contrat dit « local ».

9. La cour d’appel en a déduit que le contrat de travail dit « international » était régi par la loi française.

10. Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

11. Aux termes de l’article L. 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

12. Selon l’article 11, § 1 et § 3, a), du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Sous réserve des articles 12 à 16, la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre.

13. Aux termes de l’article 21, § 1, du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, l’employeur dont le siège social ou le siège des activités est situé en dehors de l’État membre compétent accomplit les obligations prévues par la législation applicable à ses travailleurs, notamment l’obligation de verser les cotisations prévues par cette législation, comme si son siège social ou le siège de ses activités était situé dans l’État membre compétent.

14. Aux termes de l’article 113-2 du code pénal, la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. L’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire.

15. Selon l’article 113-6 du même code, la loi pénale française est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.

16. En cet état, l’examen des pourvois conduit, préalablement, à un renvoi à la chambre criminelle pour avis en application de l’article 1015-1 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la chambre sociale :

TRANSMET pour avis à la chambre criminelle la question suivante :

« L’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié prévue par le 3° de l’article L. 8221-5 du code du travail est-elle constituée lorsque l’employeur français d’un salarié expatrié s’est soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes sociaux de l’État membre de l’Union européenne compétent en application du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et du règlement n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ? » ;

Sursoit à statuer dans l’attente de la réponse de la chambre criminelle ;

Renvoie l’affaire à l’audience de formation de section du 18 juin 2025 à 14h00 de la chambre sociale.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.


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