Équilibre des charges de preuve en matière de temps de travail et de rémunération des heures supplémentaires.

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Équilibre des charges de preuve en matière de temps de travail et de rémunération des heures supplémentaires.

L’Essentiel : Mme [N], engagée par Craft Paris en 2002, a connu une rupture conventionnelle en 2012. En 2013, elle a saisi le conseil de prud’hommes pour des demandes liées à son contrat. Le jugement de 2017 a confirmé la convention de forfait, mais la cour d’appel a déclaré celle-ci inopposable. La Cour de cassation a cassé cet arrêt en 2021, sauf sur l’inopposabilité. En 2023, Mme [N] a obtenu des dommages-intérêts pour violation de son droit au repos et des rappels de salaire pour heures supplémentaires, tandis que sa demande pour travail dissimulé a été rejetée.

Engagement et rupture du contrat de travail

Mme [N] a été engagée par la société Craft Paris en tant que directrice de trafic et de qualité à partir du 1er juin 2002. À partir d’avril 2003, une convention de forfait annuel en jours a été intégrée à son contrat. Les parties ont convenu d’une rupture conventionnelle qui a pris effet le 24 juillet 2012.

Procédures judiciaires

Le 6 décembre 2013, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes pour diverses demandes liées à l’exécution de son contrat de travail. Par un jugement du 12 mai 2017, le conseil a déclaré la convention de forfait en jours opposable à la salariée et a rejeté toutes ses demandes. La cour d’appel de Versailles a confirmé ce jugement le 11 avril 2019, sauf en ce qui concerne l’opposabilité de la convention de forfait, qu’elle a déclarée inopposable.

Décisions de la Cour de cassation

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel le 6 janvier 2021, sauf sur le point concernant l’inopposabilité de la clause de forfait. Le 30 mars 2022, la cour d’appel de renvoi a confirmé le jugement initial et a condamné Mme [N] à payer des frais à la société Legend studios. Cependant, la chambre sociale de la Cour de cassation a de nouveau cassé cet arrêt le 15 novembre 2023, sauf en ce qui concerne le rejet de la demande de prime exceptionnelle pour 2011.

Demandes de Mme [N]

Dans ses dernières conclusions, Mme [N] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de condamner la société Legend studios à lui verser plusieurs sommes au titre de rappels d’heures supplémentaires, de congés payés, d’indemnités pour travail dissimulé, ainsi que des dommages-intérêts pour violation de ses droits au repos et à la vie privée.

Arguments de la société Legend studios

La société Legend studios a demandé à la cour d’écarter certaines conclusions de Mme [N] et de confirmer le jugement qui l’avait déboutée de ses demandes. Elle a également soutenu qu’elle ne pouvait pas produire d’éléments sur le temps de travail de Mme [N] en raison de l’inopposabilité de la convention de forfait.

Analyse des heures supplémentaires

La cour a examiné les éléments fournis par Mme [N] concernant ses heures de travail et a conclu qu’elle avait présenté des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre. L’employeur n’ayant pas produit d’éléments sur les heures de travail, la cour a décidé de faire droit à la demande de Mme [N] pour le paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires.

Indemnités pour repos compensateurs et travail dissimulé

La cour a également accordé à Mme [N] une indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos, ainsi que des congés payés afférents. En revanche, la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé a été rejetée, la cour n’ayant pas établi que l’employeur avait agi intentionnellement pour se soustraire à ses obligations.

Dommages-intérêts pour atteinte aux droits

Mme [N] a obtenu des dommages-intérêts pour violation de son droit au repos et atteinte à sa vie privée, la cour ayant constaté que l’employeur n’avait pas respecté les limites légales de la durée du travail, ce qui avait causé un préjudice à la salariée.

Conclusion et décisions finales

La cour a ordonné à la société Legend studios de verser à Mme [N] des sommes significatives pour les heures supplémentaires, les repos compensateurs, ainsi que des dommages-intérêts. Elle a également condamné l’employeur aux dépens et a ordonné la remise d’un bulletin de salaire conforme à la décision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure à suivre pour la signification d’une déclaration d’appel selon l’article 902 alinéa 3 du code de procédure civile ?

L’article 902 alinéa 3 du code de procédure civile stipule que « la déclaration d’appel doit être signifiée à la partie adverse dans un délai de quinze jours à compter de son dépôt ».

Cette disposition est essentielle car elle fixe un cadre temporel précis pour la signification, garantissant ainsi le droit à un procès équitable pour toutes les parties impliquées.

En effet, le non-respect de ce délai peut entraîner des conséquences graves, comme la caducité de la déclaration d’appel, ce qui a été le cas dans l’affaire mentionnée.

Il est donc impératif pour l’appelant de veiller à ce que la signification soit effectuée dans le délai imparti afin d’éviter toute nullité de la procédure.

Quelles sont les conséquences de la caducité de la déclaration d’appel ?

La caducité de la déclaration d’appel entraîne la perte de l’effet suspensif de l’appel et, par conséquent, la décision de première instance redevient exécutoire.

L’article 902 du code de procédure civile précise que « la caducité de la déclaration d’appel est prononcée lorsque celle-ci n’a pas été signifiée dans le délai imparti ».

Cela signifie que l’appelant ne pourra plus contester la décision rendue en première instance, sauf à engager une nouvelle procédure, ce qui peut engendrer des frais supplémentaires et prolonger le litige.

De plus, l’appelant est condamné aux dépens, ce qui signifie qu’il devra supporter les frais de la procédure, renforçant ainsi l’importance de respecter les délais de procédure.

Quelles sont les voies de recours possibles après la caducité de la déclaration d’appel ?

Après la caducité de la déclaration d’appel, l’article 905 du code de procédure civile prévoit que « la décision peut être déférée à la Cour par simple requête dans un délai de quinze jours ».

Cette possibilité de recours permet à l’appelant de contester la décision de caducité, mais il doit agir rapidement pour ne pas perdre cette opportunité.

Il est important de noter que ce recours ne remet pas en cause la décision de première instance, mais vise uniquement à contester la caducité.

Ainsi, l’appelant doit être vigilant et s’assurer de respecter les délais pour éviter de se retrouver dans une situation où il ne pourrait plus faire valoir ses droits.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-4

Renvoi après cassation

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JANVIER 2025

N° RG 24/00145

N° Portalis DBV3-V-B7I-WJDW

AFFAIRE :

[F] [N]

C/

Société Legend studios

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 mai 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Nanterre

Section : E

N° RG : F 13/03691

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Rachel SAADA

Me Blandine DAVID

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 15 janvier 2024 en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2023 cassant et annulant l’arrêt rendu le 30 mars 2022 par la cour d’appel de Versailles

Madame [F] [N]

née le 4 juin 1965 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Rachel SAADA de la SELARL L’ATELIER DES DROITS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W04

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

Société Legend studios

N° SIRET : 552 038 887

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM’S AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110

Plaidant : Me Thierry ROMAND de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 8 novembre 2024, Monsieur Laurent BABY, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseillère,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [N] a été engagée en qualité de directrice de trafic et de qualité par la société Craft Paris (anciennement dénommée SAS M Stories et McCann G Agency) devenue la société Legend studios le 1er juin 2002.

Une convention de forfait annuel en jours a été incluse dans le contrat de travail de la salariée à compter du mois d’avril 2003.

Les parties sont convenues d’une rupture conventionnelle du contrat de travail qui a pris effet le 24 juillet 2012.

Le 6 décembre 2013, Mme [N] a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution du contrat de travail.

Par jugement du 12 mai 2017, le conseil de prud’hommes a dit que la convention individuelle de forfait en jours était opposable à la salariée et l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Par un arrêt du 11 avril 2019 (n°RG 21/00691), la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement sauf en ce qu’il a dit que la convention individuelle de forfait en jours était opposable à la salariée et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, elle a :

. dit que la clause contractuelle relative au forfait annuel en jours est inopposable à la salariée,

. débouté les parties de leurs autres demandes.

Sur pourvoi de la salariée, la Cour de cassation a, par un arrêt du 6 janvier 2021 (pourvoi n°22-16.517), cassé et annulé l’arrêt du 11 avril 2019, sauf en ce qu’il a dit que la clause contractuelle relative au forfait en jours était inopposable à Mme [N].

Selon arrêt du 30 mars 2022 (n°RG 21/00691), la cour d’appel de renvoi a confirmé le jugement attaqué et y ajoutant, a condamné Mme [N] à payer à la société Legend studioss une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel, débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné Mme [N] aux dépens d’appel.

Par arrêt du 15 novembre 2023 (pourvoi n°22-16.517), la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt, sauf en ce qu’il rejette la demande de Mme [N] en paiement de la prime exceptionnelle pour l’année 2011, l’arrêt rendu le 30 mars 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles, et remis, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.

Les motifs de l’arrêt sont les suivants :

«  (‘) 9. Pour rejeter la demande en paiement d’heures supplémentaires, l’arrêt relève que la salariée allègue avoir travaillé d’avril 2008 à fin 2009 soixante-et-une heures hebdomadaires et douze heures un week-end sur deux, cinquante-cinq heures hebdomadaires durant le troisième trimestre 2010 et jusqu’à quarante-huit heures hebdomadaires durant le quatrième trimestre 2010 et l’année 2011, déduction faite des temps de formation. Il retient que ces allégations sont fondées sur de simples estimations de la durée de travail, de surcroît pour certaines très imprécises et hypothétiques.

10. L’arrêt retient également que les attestations produites par la salariée sont insuffisamment probantes en raison notamment de l’absence de toute constatation directe relative à ses conditions de travail ou parce qu’elles ne contiennent aucun élément chiffré sur les heures de travail en litige et que les cinq courriels envoyés par elle-même en 2008 et 2009 en milieu d’après-midi n’apportent aucune information sur ses heures de travail effectives. Il en conclut que l’intéressée ne présente pas d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement.

11. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

(‘)

14. La cassation sur le deuxième moyen du pourvoi, du chef de la demande en paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, entraîne par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif relatifs à la demande en paiement de dommages-intérêts pour violation du droit au repos, à la vie privée et familiale de la salariée et atteinte à la santé, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.(…) ».

Mme [N] a saisi la présente cour d’appel de renvoi par acte du 15 janvier 2024.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 15 octobre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [N] demande à la cour de :

. écarter la demande de rejet des conclusions d’appelante sur renvoi après cassation n° 2

. infirmer le jugement

Statuant à nouveau,

. condamner la société Legend studioss à verser à Mme [N] :

. 92 029,95 euros, subsidiairement 65 610,43 euros à titre de rappels d’heures supplémentaires

. 9 202,99 euros, subsidiairement 6 561,04 euros, à titre de congés payés incidents

. 93 054,14 euros à titre d’indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos

. 9 305,41 euros à titre de congés payés incidents

. 29 393,88 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

. 15 000 euros de dommages et intérêts pour violation du droit au repos et atteinte à la santé

. 30 000 euros de dommages et intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale

. 9 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

. ordonner la remise à Mme [N] d’un bulletin de salaire conforme aux condamnations, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, la cour se réservant la faculté de liquider l’astreinte

. condamner la société Legend studioss aux entiers dépens

. dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale, avec capitalisation annuelle

. dire que les condamnations s’entendent nettes de CSG et de CRDS.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Legend studios demande à la cour de :

. écarter des débats les conclusions de Mme [N] signifiées en date du 29 septembre 2024

. confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [N] de l’ensemble de ses demandes de condamnation dirigées à l’encontre de la société Legend studioss ;

Y ajoutant

. débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes ;

. condamner Mme [N] à verser à la société Legend studioss la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la demande de la société Legend studios tendant à écarter des débats les conclusions de la salariée du 29 septembre 2024

L’employeur demande à la cour d’écarter des débats les conclusions de la salariée du 29 septembre 2024 dès lors d’une part qu’elles n’ont pas été régularisées avec la clé RPVA de l’avocat qui est constitué pour Mme [N] et d’autre part qu’elle n’ont pas été signées par ce dernier.

En réplique, la salariée objecte que la procédure a été régularisée. Elle explique que les conclusions du 29 septembre 2024 ont été communiquées par RPVA par Maître [I] [U] qui n’était pas constitué pour la salariée. Elle expose que Maître Saada, avocat qui s’était constituée pour elle, s’était constituée pour le compte du cabinet de Maître [I] [U] et que ce dernier avait communiqué les conclusions litigieuses en qualité d’associé de la structure. Elle ajoute que son conseil, Maître Saada, pour éviter tout débat inutile, a déposé de nouvelles conclusions, le 14 octobre 2024.

***

La procédure été régularisée le 14 octobre 2024 par le conseil constitué par la salariée, Maître Saada, qui a signifié ses conclusions visant non plus Maître [I] [U] mais Maître Saada en qualité d’avocat constitué pour la salariée.

Il s’ensuit que la cour ne statuera pas au visa des conclusions du 29 septembre 2024 mais à celui des conclusions du 14 octobre 2024 de la salariée.

La demande visant à écarter des débats les conclusions de Mme [N] signifiées en date du 29 septembre 2024 est donc sans objet.

Sur les heures supplémentaires

La salariée conclut à l’application de la jurisprudence désormais habituelle de la Cour de cassation et expose qu’elle apporte aux débats des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.

En réplique, l’employeur demande à la cour de ne pas appliquer l’article L. 3171-4 du code du travail mais l’article 1353 du code civil sur la question de la preuve des heures supplémentaires. Subsidiairement, il demande de ne pas retenir la jurisprudence de la Cour de cassation sur la preuve des heures supplémentaires qui impose au salarié de présenter au juge des éléments simplement précis et non plus étayés. Il expose en tout état de cause qu’il est confronté à l’impossibilité absolue de produire des éléments sur le temps de travail de sa salariée dès lors que celle-ci avait été initialement soumise à une convention annuelle de forfait en jours qui a été annulée et dès lors que, durant la relation contractuelle, il n’avait pas à vérifier la durée de travail de sa salariée mais simplement de s’assurer que sa charge de travail était raisonnable. Il soutient qu’il en résulte, à son détriment, un déséquilibre dans la charge de la preuve, la salariée pouvant se contenter de produire des éléments d’étaiement ou des éléments précis, alors que de son côté, il ne peut, par principe, produire aucun élément sur le temps de travail de sa salariée. Il en déduit qu’un tel régime probatoire conduit à une violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme qui recouvre notamment le principe d’égalité des armes et celui du procès équitable.

***

La Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales prévoit, en son article 6 « Droit à un procès équitable » :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

(‘) »

L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

Les lois spéciales dérogeant aux lois générales et le code du travail instituant en l’espèce un régime probatoire spécial sur la preuve des heures supplémentaires revendiquées par un salarié, seul l’article L. 3171-4 du code du travail peut trouver application, à l’exclusion de l’article 1353 du code civil.

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, applicable au litige, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, publié au rapport ; 27 janvier 2021 (pourvoi n° 17-31.046, publié).

En l’espèce, la salariée soumet à la cour les éléments suivants :

. elle allègue que jusqu’en septembre 2010 inclus, elle travaillait de 9h30 à 21h30 avec une heure de pause déjeuner soit 11 heures de travail effectif par jour, et précise au surplus en premier lieu que jusqu’en juin 2010, elle travaillait même en nocturne jusqu’à au moins 00h30 soit au moins trois heures de travail en plus, et en second lieu que de 2007 au 2ème semestre 2010, elle travaillait au moins un week-end sur deux 12 heures durant (les samedi et dimanche, de 13h00 à 19h00) ;

. elle allègue encore qu’en 2011 elle travaillait en semaine jusqu’à 48 heures de travail, de 9h30 à 22h30, avec une heure de pause déjeuner soit 12 heures de travail effectif,

. elle produit ses pièces 10 à 15 et 18 qui consistent en des attestations et en une liasse de cinq courriels.

Les attestations produites sous les numéros 10 à 13 correspondent à des témoignages de proches (son mari, sa fille, sa s’ur et une amie) dont il ressort de façon concordante que la salariée travaillait pratiquement continuellement ce qui a eu pour effet de déstabiliser la vie de son couple et sa vie familiale et sociale en raison de l’impossibilité de prévoir des sorties le soir ou le week-end et de perturber l’équilibre psychologique de sa fille.

Les attestations produites sous les numéros 14 et 16 correspondent à des témoignages de collègues, chefs de projet au sein de la société et celle produite sous le numéro 15 correspond au témoignage d’un fournisseur de la société. Il en ressort que la salariée « ne comptait pas ses heures de travail » ou qu’elle « travaillait sans relâche et bien au-delà des 35h légales », « passait plusieurs soirées par semaine et plusieurs week-ends par mois chez son client, à la demande de son employeur (‘) », que seule la salariée « assurait le service auprès de GDF Suez la nuit et le week-end ».

Des cinq courriels produits, il ressort que la salariée pourrait être amenée à travailler certains week-ends courant 2008.

Ces éléments ‘ qu’il s’agisse des allégations de la salariée ou des pièces qu’elle produit ‘ sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L’employeur conclut à l’inapplicabilité de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l’aménagement de la preuve des heures supplémentaires pour les salariés soumis à une convention de forfait annuel en jours privée d’effets. Subsidiairement, il demande d’appliquer l’ancienne jurisprudence relative à l’étaiement des demandes du salarié. Mais en tout état de cause, il n’apporte aucun élément sur les heures de travail de la salariée.

Cependant, la Cour de cassation n’opère pas de distinction entre les salariés non initialement soumis à une convention de forfait et ceux qui l’ont été mais dont la convention de forfait a été déclarée nulle ou inopposable. Dès lors, la jurisprudence critiquée par l’employeur s’applique indifféremment à tous les salariés qui ne sont pas soumis à une convention de forfait, même dans le cas où un salarié n’y serait plus soumis parce qu’elle a été annulée ou déclarée inopposable par une décision judiciaire.

En outre, la législation relative à la durée habituelle du travail prévoit une durée légale du travail de 35 heures, au-delà desquelles toute heure est considérée comme une heure supplémentaire ouvrant droit à une rémunération. Ce n’est que par exception que le code du travail permet, dans certains cas, de déroger à cette règle de droit commun et de soumettre les salariés à un autre régime, comme par exemple celui du forfait annuel en jours.

Mais dès lors que ce dernier régime déroge au droit commun, le législateur en a encadré la mise en ‘uvre de sorte qu’une méconnaissance de cet encadrement conduit à replacer le salarié dans la situation prévue par le droit commun.

Dès lors que dans pareille hypothèse le droit commun retrouve son empire, toutes les règles applicables à ce droit commun, y compris les règles de preuve, s’appliquent nécessairement, ce qui implique l’application de l’article L. 3171-4 du code du travail, comme dit plus haut, mais aussi son interprétation jurisprudentielle en vigueur au jour où le juge statue, laquelle produit un effet rétroactif de telle sorte qu’il convient de l’appliquer à une situation née antérieurement au regard de la jurisprudence européenne sur la mesure de la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE, arrêt du 14 mai 2019, CCOO, C-55/18, points 60 à 63).

Enfin, la cour relève que la charge de travail, sinon le temps de travail, des salariés soumis à un forfait annuel en jour doit faire l’objet d’un contrôle par l’employeur, lequel n’est donc pas dans l’impossibilité, même pour un salarié soumis à un tel forfait, de fournir au juge ses propres éléments sur le temps de travail du salarié, pour le cas où ce juge retiendrait, comme c’est le cas en l’espèce, que les éléments qu’il présente sont précis.

D’ailleurs, une convention individuelle de forfait annuel en jours n’instaure pas au profit du salarié un doit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction (cf. Soc., 2 février 2022, pourvoi n°20-15.744). Il en résulte que l’employeur peut demander au salarié d’expliquer ses absences ou retards même s’il est assujetti à un forfait annuel en jours et même s’il jouit d’une indépendance, ce qui montre que l’employeur peut contrôler le temps de travail de ses salariés soumis à ce type de forfait.

Au surplus, la cour relève que par sa décision du 11 avril 2019 ‘ aujourd’hui définitive sur ce point ‘ la cour d’appel de Versailles a dit la convention de forfait inopposable à la salariée motifs pris, d’une part, de ce que l’accord d’entreprise sur lequel elle avait été établie ne fixait pas de modalités concrètes et précises des modalités de suivi de l’organisation du travail et de la charge de travail des salariés soumis à un forfait annuel en jours et d’autre part que l’employeur n’avait pas organisé l’entretien annuel obligatoire prévu pour l’évaluation de la charge de travail de la salariée.

Par conséquent, la convention de forfait de la salariée a été rendue inopposable précisément parce que l’employeur ne suivait pas sa charge de travail. L’employeur n’est par conséquent pas fondé à soutenir qu’il lui est impossible de justifier des heures de travail de sa salariée compte tenu de l’inopposabilité de la convention de forfait en jours. En effet, s’il avait, comme la loi lui impose de le faire, suivi la charge de travail de sa salariée, il serait en situation de pouvoir répondre aux éléments précis que celle-ci soumet aujourd’hui à la cour.

En définitive, s’il est aujourd’hui dans l’impossibilité d’apporter des éléments sur le temps de travail de sa salariée, ce n’est pas une conséquence de la loi, mais une conséquence de sa propre carence dans le suivi de la charge de travail.

Puisqu’il n’est pas matériellement impossible pour un employeur, même en cas de forfait annuel en jours annulé ou rendu inopposable, de présenter ses propres éléments pour répondre à des éléments précis de la salariée, l’employeur n’est pas fondé à soutenir que la jurisprudence de la Cour de cassation ne rend pas inéquitable sa situation procédurale au regard de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH).

L’employeur ne produit aucun élément relatif aux heures de travail effectivement réalisées par sa salariée.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de considérer que la salariée a accompli des heures supplémentaires et que leur accomplissement était justifié par la nature des tâches qui lui étaient confiées.

L’employeur ne produisant aucun élément relativement aux heures de travail effectivement réalisées, la cour n’est pas en mesure de réduire les prétentions de la salariée de sorte qu’il convient, par voie d’infirmation, de faire intégralement droit à sa demande et de lui octroyer par conséquent un rappel de salaire pour heures supplémentaires de 92 029,95 euros outre 9 202,99 euros au titre des congés payés afférents.

Ce rappel de salaire s’entend d’un rappel de salaire brut.

Sur les repos compensateurs

Suivant l’article L. 3121-11 du code du travail, dans sa version applicable jusqu’au 10 août 2016, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Par application de l’article 18 IV de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.

L’article D. 3121-14-1 du code du travail énonce que le contingent annuel d’heures supplémentaires prévu à l’article L. 3121-11 est fixé à deux cent vingt heures par salarié mais il n’est pas discuté que la convention collective applicable fixe ce contingent à trois cents heures.

Il n’est par ailleurs pas discuté par l’employeur que la société employait plus de 20 salariés.

Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l’indemnisation du préjudice subi laquelle comporte le montant d’une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos auquel s’ajoute le montant de l’indemnité de congés payés afférente. (Soc., 23 octobre 2001, pourvoi n° 99-40.879, Bull. 2001, V, n° 332 ; Soc., 22 février 2006, pourvois n° 03-45.385, 03-45.386, 03-45.387, Bull. 2006, V, n° 83).

En l’espèce, la salariée a réalisé en 2008, 2009, 2010 et 2011, chaque année, plus de 300 heures supplémentaires de telle sorte qu’elle peut prétendre à une contrepartie obligatoire en repos, étant précisé que la cour n’ayant pas réduit ses prétentions au titre des heures supplémentaires, il convient de lui accorder, par voie d’infirmation, la contrepartie obligatoire en repos qu’elle revendique pour ces quatre années, à savoir la somme de 93 054,14 euros outre 9 305,41 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires non rémunérées. Il ne peut davantage se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite (Soc., 28 février 2018, pourvoi n° 16-19.060).

En l’espèce, c’est par suite d’une inopposabilité de la convention de forfait annuel en jours de la salariée qu’elle a pu prétendre à un rappel d’heures supplémentaires. Par conséquent, il n’est pas établi que l’employeur, qui se croyait valablement lié à la salariée par une convention de forfait exclusive de paiement et donc de toute déclaration d’heures supplémentaires, se soit volontairement soustrait à ses obligations déclaratives ce qui conduit à confirmer le jugement en ce qu’il déboute la salariée de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation du droit au repos et atteinte à la santé

La salariée se fonde sur les articles L. 3131-1, L. 3132-1 et L. 3132-2 du code du travail et expose que l’employeur n’a pas respecté son repos quotidien de 11 heures consécutives et l’a privée d’un repos hebdomadaire de 35 heures. Elle en déduit que les limites maximales légales de la durée du travail n’étaient pas respectées ce qui lui a causé un préjudice consécutif à sa fatigue et à son stress dont attestent ses proches et son médecin traitant.

En réplique, l’employeur objecte en premier lieu que la salariée n’établit pas la réalité des heures supplémentaires qu’elle revendique et en second lieu que la salariée ne justifie pas du préjudice qu’elle allègue.

***

L’article L. 3131-1 du code du travail prescrit que tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives.

L’article L. 3132-1 interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine.

L’article L. 3132-2 dispose que le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier.

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur (Soc., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-13.267, Bull. 2013, V, n° 220).

En l’espèce, l’employeur sur lequel pèse la charge de la preuve du respect des seuils ne présente aucun élément propre à établir que les seuils rappelés ci-dessus (repos quotidien de 11 heures consécutives, interdiction de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine, repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures) ont été respectés.

Au contraire, les éléments précis présentés par la salariée montrent qu’elle a été très régulièrement amenée, entre 2008 et 2011 à travailler après un repos quotidien inférieur à 11 heures consécutives, plus de six jours par semaine, ou encore sans repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures.

Il en est résulté, pour la salariée, un préjudice qu’il convient de réparer par une indemnité de 2 000, somme au paiement de laquelle l’employeur sera, par voie d’infirmation, condamné.

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale

La salariée invoque le rythme, selon elle « infernal », que lui a imposé l’employeur et expose que ce rythme a constitué une atteinte à sa vie privée et familiale que protègent l’article 8 de la CESDH et l’article 9 du code civil. Elle invoque à cet égard les témoignages de ses proches.

En réplique, l’employeur présente au soutien de cette demande les mêmes moyens que ceux qu’il articule au titre de la demande relative à la violation du droit au repos.

***

L’article 8 de la CESDH prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

L’article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée.

Suivant l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

En l’espèce, il a été jugé de façon définitive que l’employeur avait manqué à son obligation d’organiser un entretien annuel avec la salariée soumise à un forfait annuel en jours de sorte que ce forfait lui a été déclaré inopposable.

Or, il résulte de l’article L. 3121-46 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, que l’entretien annuel dont la salariée a été privée devait porter sur sa charge de travail, sa rémunération et l’organisation du travail dans l’entreprise mais aussi sur l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale de la salariée.

Les témoignages concordants des proches de la salariée (son mari, sa fille, sa s’ur et une amie) font ressortir que la charge de travail qui lui était confiée a porté atteinte à sa vie privée et familiale, son travail l’ayant empêchée de s’occuper pleinement de sa fille et ayant eu des répercussions sur la vie sociale du couple qui, selon les témoins, ne pouvait plus prévoir de sortie que ce soit en semaine ou les week-ends.

L’atteinte à la vie privée et familiale de la salariée est ainsi établie et il en est résulté un préjudice qui, par voie d’infirmation, sera réparé par une indemnité de 2 000 euros.

Sur les intérêts

Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les condamnations au paiement des rappels de salaire produiront quant à elles intérêts au taux légal à compter de la réception, par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes.

Sur la demande tendant à la capitalisation des intérêts

L’article 1343-2 du code civil (dans sa nouvelle rédaction) dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. La demande ayant été formée par la salariée et la loi n’imposant aucune condition pour l’accueillir, il y a lieu, en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, d’ordonner la capitalisation des intérêts.

Celle-ci portera sur des intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur la remise des documents

Il conviendra de donner injonction à l’employeur de remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l’employeur sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

Il conviendra de condamner l’employeur à payer à la salariée une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il met les dépens à la charge de chacune des parties.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, dans les limites de la saisine, la cour :

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 30 mars 2022 (n°RG 21/00691),

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2023 (pourvoi n°22-16.517),

DIT sans objet la demande tendant à écarter des débats les conclusions de Mme [N] du 29 septembre 2024,

CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il déboute Mme [N] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

INFIRME le jugement sur le surplus, étant précisé que le chef du dispositif qui dit que la convention individuelle de forfait en jours est opposable, et déboute la salariée de la prime exceptionnelle 2011, n’entre pas dans le champ de la saisine de la présente juridiction,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Legend studios à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

. 92 029,95 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies entre 2008 et 2011, outre 9 202,99 euros au titre des congés payés afférents.

. 93 054,14 euros bruts au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les années 2018 à 2011, outre 9 305,41 euros au titre des congés payés afférents,

. 2 000 euros de dommages-intérêts pour violation du droit au repos,

. 2 000 euros pour atteinte au droit à la vie privée et familiale,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

DONNE injonction à la société Legend studios de remettre à Mme [N] un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision,

REJETTE la demande d’astreinte,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Legend studios à payer à Mme [N] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Legend studios aux dépens de première instance et d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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