L’Essentiel : La société Audirep Marketing, renommée AMKG, a subi de lourdes conséquences suite aux démissions de deux de ses employés clés, qui ont rejoint CSA. Ces départs ont entraîné la perte de clients majeurs, tels qu’Orangina et Nestlé, qui ont évoqué un manque d’expertise. En réponse, AMKG a accusé CSA de concurrence déloyale, lançant des actions judiciaires. En décembre 2020, le tribunal a partiellement donné raison à AMKG, condamnant CSA à verser une astreinte. Finalement, la cour a reconnu les actes de concurrence déloyale de CSA, lui ordonnant de verser 467.000 euros à AMKG pour le préjudice subi.
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Contexte des entreprisesLa société Audirep Marketing, désormais connue sous le nom d’AMKG, se spécialise dans la réalisation d’études et de sondages pour de grands comptes. De son côté, la société CSA propose également des études et des conseils pour des sondages et enquêtes destinés à une clientèle similaire. Démissions et embauchesLe 2 juin 2017, deux employés clés d’AMKG, Mme [R] et M. [Z], ont démissionné pour rejoindre la société CSA peu après. Mme [R] était Directrice des Études, tandis que M. [Z] était Directeur du département « Grande Conso ». Leurs départs ont entraîné des conséquences immédiates pour AMKG. Conséquences sur AMKGSuite à ces démissions, AMKG a été informée par des clients majeurs, tels qu’Orangina et Nestlé, qu’ils ne lui confieraient plus d’études, invoquant un manque d’expertise. Cela a conduit AMKG à dénoncer des actes de concurrence déloyale de la part de CSA. Actions judiciairesLe 25 septembre 2017, AMKG a envoyé une mise en demeure à CSA pour cesser le débauchage et le détournement de clientèle. En juin 2018, AMKG a saisi le tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir réparation. En mai 2019, le tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard d’AMKG. Jugements et appelsLe tribunal a partiellement donné raison à AMKG en décembre 2020, ordonnant la communication de documents par CSA, assortie d’une astreinte. En octobre 2022, CSA a été condamnée à payer une astreinte de 115.700 euros, mais a été déboutée de ses demandes de dommages et intérêts. Les deux parties ont interjeté appel des jugements. Prétentions des partiesMe [G], représentant AMKG, a demandé la confirmation des jugements précédents et a sollicité des dommages-intérêts pour le préjudice commercial et moral. CSA, de son côté, a demandé la réformation des jugements, arguant qu’elle n’avait pas commis de faute. Éléments de la décisionLa cour a examiné les éléments de concurrence déloyale, notamment le débauchage, le dénigrement, le parasitisme et le détournement de clientèle. Elle a constaté que CSA avait effectivement commis des actes de concurrence déloyale en détournant des clients d’AMKG. Conclusion de la courLa cour a confirmé certains jugements tout en infirmant d’autres, condamnant CSA à verser 467.000 euros à AMKG pour le préjudice subi en raison du détournement de clientèle. CSA a également été condamnée aux dépens et à verser des frais irrépétibles à AMKG. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la médiation judiciaire selon la jurisprudence ?La mise en œuvre de la médiation judiciaire est encadrée par plusieurs dispositions légales, notamment les articles 21 et suivants, 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995, ainsi que les articles 127-1, 131-1, 913, 914 et suivants du Code de procédure civile. Selon l’article 21 de la loi n° 95-125, la médiation est un processus par lequel un tiers, le médiateur, aide les parties à un litige à trouver une solution amiable. Il est précisé que les parties doivent être en mesure de rencontrer un médiateur assermenté pour être informées sur le processus de médiation. En cas d’accord, le médiateur sera désigné pour entreprendre la médiation, tandis qu’à défaut d’accord, l’affaire se poursuivra dans le cadre de la mise en état. Quels sont les droits et obligations des parties lors de la médiation ?Les droits et obligations des parties lors de la médiation sont également régis par les articles précités. L’article 22-1 de la loi n° 95-125 stipule que la présence de toutes les parties à la réunion d’information sur la médiation est obligatoire. Cela signifie que chaque partie doit se présenter, soit physiquement, soit par visio-conférence, pour discuter des modalités de la médiation. De plus, le médiateur a pour mission d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue, afin de leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. Quelles sont les conséquences d’un non-respect des délais de médiation ?Les conséquences d’un non-respect des délais de médiation sont clairement établies dans le jugement. Il est indiqué que si la provision pour la rémunération du médiateur n’est pas versée dans un délai de six semaines à compter de l’accord des parties de recourir à la médiation, la décision devient caduque. Dans ce cas, l’instance se poursuit, ce qui signifie que les parties devront continuer à se défendre devant le tribunal sans bénéficier des avantages d’une médiation. Comment se déroule la procédure de médiation et quelles sont ses limites ?La procédure de médiation se déroule selon les modalités définies par le médiateur, qui doit informer le juge des difficultés rencontrées dans l’exercice de sa mission. L’article 914 du Code de procédure civile précise que le rapport de mission, qui doit respecter le principe de confidentialité, sera remis au greffe ainsi qu’à chacune des parties. Il est important de noter que la médiation ne peut pas être imposée aux parties, et en cas de désaccord, l’affaire se poursuivra dans le cadre de la mise en état, comme le stipule l’article 131-1 du même code. Quelles sont les implications financières de la médiation pour les parties ?Les implications financières de la médiation sont également encadrées par la décision rendue. La provision à valoir sur la rémunération du médiateur est fixée à 1000 euros HT pour la S.A.S. MIKROS IMAGE et 500 euros TTC pour M. [O] [G]. Il est également précisé que la partie bénéficiant de l’aide juridictionnelle sera dispensée du règlement de cette provision, et que ces frais seront à la charge de l’État. Cela souligne l’importance de la prise en charge des frais de médiation, qui peut être un facteur déterminant pour les parties dans leur décision de recourir à ce processus. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 39H
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 8 JANVIER 2025
N° RG 22/06205 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VOUQ
+ 22/06597
AFFAIRE :
S.E.L.A.R.L. [X] [G]
C/
S.A. CSA
Décision déférée à la cour : Jugements rendus les 9 décembre 2020 et 5 Octobre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 1
N° RG : 2018F01097
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Tatiana RICHAUD
Me Sophie PORCHEROT
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.E.L.A.R.L. [X] [G], prise en la personne de Me [X] [G] en qualité de liquidateur judiciaire de la société AMKG, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 16 mai 2019
RCS Nanterre n° 505 012 385
[Adresse 1]
[Localité 3]
Autre qualité : Intimé dans 22/06597
Représentée par Me Tatiana RICHAUD du cabinet AEGO AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 307 et Me Alexis GRAIL & Me Sabine GUEROULT du cabinet AEGO AVOCATS, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D1491
APPELANTE
****************
S.A. CSA
RCS Nanterre n° 308 293 430
[Adresse 2]
[Localité 4]
Autre qualité : Appelant dans 22/06597
Représentée par Me Sophie PORCHEROT de la SELARL REYNAUD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177 et Me Jean-Fabrice BRUN de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : NAN 1701
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Mai 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
La société Audirep Marketing, devenue « AMKG », est une société qui réalisait des études complètes (recueil d’informations et analyse) et des sondages pour une clientèle de grands comptes.
La société CSA réalise des études, des analyses et fournit des conseils pour la réalisation de sondages, d’enquêtes et d’études pour des grands comptes.
Le 2 juin 2017, Mme [N] [R], et M. [P] [Z], salariés de la société AMKG, l’une en tant que Directrice Etudes, l’autre en qualité de Directeur du département « Grande Conso » composé de quatre salariés au sein de la société AMKG ont donné leur démission avec effet, respectivement au 10 août 2017 pour M. [Z] et au 25 août 2017 pour Mme [R].
La société CSA a embauché ces deux personnes, peu de temps après leur démission.
Dans la semaine qui a suivi leur départ, la société AMKG a été avisée par les sociétés Orangina et Nestlé qu’elles ne lui confiaient plus les études prévues pour l’automne à venir et, plus généralement, qu’elles ne feraient plus appel à elle, car elles avaient été informées que, faute de disposer de l’expertise et de la compétence nécessaires, la société AMKG se trouvait dans l’incapacité de traiter leurs études.
Le 25 septembre 2017, la société AMKG a envoyé un courrier à la société CSA dénonçant des actes de concurrence déloyale et la mettant en demeure de cesser instantanément tout débauchage et/ ou détournement de clientèle supplémentaire.
Par acte d’huissier du 19 juin 2018, la société AMKG a sollicité du tribunal de commerce de Nanterre la condamnation de la société CSA à réparer le préjudice allégué.
Par jugement du 16 mai 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société AMKG et désigné Me [X] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société, lequel a repris l’instance et est intervenu volontairement, ès qualités, à la procédure.
Par jugement avant-dire droit du 9 décembre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a partiellement fait droit à une demande de communication de pièces présentée par la société AMKG, avec astreinte.
Le 23 février 2021, la société CSA a procédé à une communication partielle des documents requis.
Par jugement du 5 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– condamné la société CSA à payer à Me [G], ès qualités la somme de 115.700 euros au titre de l’astreinte ;
– débouté à Me [G], ès qualités, de ses demandes de dommages et intérêts ;
– condamné la société CSA à payer à Me [G], ès qualités la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que l’exécution provisoire était de droit ;
– condamné la société CSA aux entiers dépens.
Par déclaration du 11 octobre 2022, Me [G], ès qualités, a interjeté appel du jugement du 5 octobre 2022 (22/6205).
Par déclaration du 2 novembre 2022, la société CSA a interjeté appel du jugement avant-dire droit du 9 décembre 2020 et du jugement du 5 octobre 2022 (22/6597).
Par ordonnance du 31 octobre 2023, les procédures ont été jointes pour se poursuivre sous le n 22/06205.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 15 mars 2024, Me [G] ès qualités demande à la cour de le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé en ses demandes et de débouter la société CSA de l’ensemble de ses prétentions.
Il sollicite la confirmation du jugement avant-dire droit du 9 décembre 2020 et le débouté des demandes de la société CSA.
Il demande la confirmation du jugement du 5 octobre 2022 s’agissant de la condamnation de la société CSA à la somme de 115.700 euros au titre de l’astreinte et son infirmation en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de dommages et intérêts.
Il invite la cour, statuant à nouveau, à condamner la société CSA à lui verser la somme de 1.097.593 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice commercial consécutif au détournement de clientèle, ainsi que la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
Enfin, il sollicite la condamnation de la société CSA à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 21 février 2024, la société CSA demande à la cour de réformer le jugement avant-dire droit rendu le 9 décembre 2020 par le tribunal, seulement en ce qu’il lui a ordonné de communiquer à Me [G], les appels d’offres, propositions et correspondances afférentes émanant des sociétés Heineken, Nestlé Water, Pepsico, Coca-Cola, Orangina, Fremantle, Afev, ainsi que les réponses fournies du 1er avril 2017 à ce jour, et dit que la société CSA était cependant autorisée à occulter sur les documents communiqués les éléments chiffrés relatifs au coût des prestations, ainsi que les extraits des comptes clients des sociétés Heineken, Nestlé Water, Pepsico, Coca-Cola, Fremantle, Afev du 1er janvier 2017 à ce jour, et dit que cette injonction était assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, passé 30 jours après la signification du jugement avant dire droit, et pendant un délai de 2 mois, se réservant la liquidation de ladite astreinte, et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite la confirmation pour le surplus et demande à la cour , statuant à nouveau, de débouter Me [G] de l’ensemble de ses demandes, d’ordonner la mainlevée de la consignation de la somme de 115.700 euros réalisée entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations sous le n 3337281 et sa restitution à son profit.
Elle demande de réformer le jugement rendu le 5 octobre 2022 par le tribunal uniquement en ce qu’il l’a condamnée à payer à Me [G] la somme de 115.700 au titre euros de l’astreinte ainsi que la somme la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile avec les dépens.
Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter Me [G], ès qualités, de ses demandes d’ordonner la mainlevée de la consignation de la somme de 115.700 euros réalisée entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations sous le n 3337281 et sa restitution entre ses mains. Elle sollicite également de la cour, y ajoutant, de condamner Me [G], ès qualités, à lui payer la somme de 30.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément aux jugements déférés et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l’article 455 du code de procédure civile.
Etendue de la saisine de la cour
La cour est saisie d’un appel limité formé par la seule société CSA portant sur le jugement avant-dire droit en ce qu’il lui a ordonné la communication de pièces assortie d’une astreinte, débouté les parties de leur demande d’indemnité de procédure et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens.
Elle est également saisie de l’ensemble des dispositions du jugement du 5 octobre 2022 par l’effet dévolutif de l’appel interjeté par Me [G], ès qualités, et de l’appel de la société CSA.
I ‘ Sur le jugement avant-dire droit du 9 décembre 2020
La société CSA fait valoir, au visa de l’article 561 du code de procédure civile, que la cour doit se placer au moment où elle statue pour apprécier les faits litigieux, que la cour, constatant qu’elle n’a commis aucune faute, doit en déduire que la production forcée d’appel d’offres ou de comptes clients n’était en rien nécessaire et que dès lors l’infirmation de la décision de communication forcée, avec astreinte s’agissant des comptes clients, s’impose avec pour effet la déconsignation à son profit de la somme de 115.700 euros.
Me [G], ès qualités, réplique que la condamnation avant-dire droit de la société CSA à la communication de documents assortie d’une astreinte est indépendante de la décision prise sur le fond, au visa de ceux-ci, de sorte que la société CSA ne peut fonder sa demande d’infirmation et de restitution sur son absence de condamnation par le juge du fond.
Sur ce
La cour ne peut suivre l’argumentation de la société CSA laquelle suppose de considérer comme définitif le jugement sur le fond ne faisant pas droit aux demandes indemnitaires de Me [G], le détournement de clientèle n’étant pas constitué selon lui, ce qui révélerait, selon la société CSA, l’inutilité de la mesure de production documentaire sous astreinte, alors que ce même jugement est soumis à l’appel et qu’il a été rendu en faveur de la société CSA en se fondant notamment sur les pièces communiquées sous astreinte.
La cour confirmera le jugement en ce qu’il a ordonné la production des appels d’offres et leurs réponses en ce qu’elle permet de vérifier si ces dernières ont été apportées directement par les soumissionnaires ou sont la conséquence d’un détournement de clientèle. Elle confirmera également le jugement en ce qu’il a ordonné la communication de certains comptes clients de la société CSA, susceptibles de documenter l’importance du chiffre d’affaires prétendument détourné par la société CSA au préjudice de la société AMKG.
II ‘ Sur le jugement du 5 octobre 2022
1 – Sur la liquidation de l’astreinte
La société CSA rappelle, au visa de l’article L.131-4 du code des procédures civiles d’exécution que le juge doit apprécier au moment de la liquidation de l’astreinte, le comportement du débiteur de l’obligation. Elle proteste de sa bonne foi et fait valoir les difficultés qu’elle a rencontrées dans l’exécution de son obligation de communication. Elle soutient que le délai de remise des pièces s’explique par le volume des documents demandés en fin d’année. Elle fait valoir que certains documents n’ont pas été produits car ils sont inexistants. Elle sollicite la réformation du jugement qui a prononcé la liquidation de l’astreinte au titre de l’absence de communication et l’annulation ou la réduction du montant liquidé s’agissant de la communication tardive.
Me [G], ès qualités, expose que l’astreinte est une mesure permettant au juge de s’assurer de l’exécution d’une obligation qu’il a prononcée. Il soutient qu’en l’espèce la communication documentaire a été tardive et incomplète de sorte qu’il y a lieu de confirmer la décision du tribunal de condamner la société CSA à la somme de 115.700 euros outre l’indemnité de procédure et les dépens.
Sur ce,
L’astreinte a pour objet de contraindre le débiteur d’une condamnation prononcée contre lui à s’acquitter de celle-ci rapidement.
En cas d’exécution partielle ou de non-exécution de cette obligation, le juge peut liquider l’astreinte.
L’article L. 131 ‘ 4, premier paragraphe, du code des procédures civiles d’exécution dispose que : « Le montant de l’astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il rencontrait pour l’exécuter. ‘ ».
Ce même article prévoit que l’astreinte est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.
En l’espèce, seule la production forcée des extraits de comptes-client a été assortie d’une astreinte par les premiers juges.
L’astreinte a été prononcée en ces termes : 100 euros par jour de retard et par document passé 30 jours après la signification du jugement avant-dire droit et pendant un délai de deux mois. Ces documents sont constitués des comptes-client désignés sur la période du 1er janvier 2017 au 9 décembre 2020.
Le tribunal relevant, en particulier, que l’astreinte avait commencé à courir le 28 janvier 2021, soit 4 semaines après la fin des fêtes de fin d’année, que les documents demandés n’étaient pas volumineux (deux à trois pages), que le 23 février 2021, soit 26 jours après la date à partir de laquelle l’astreinte a commencé à courir, la société CSA a communiqué 15 des documents requis, qu’en revanche elle s’est abstenue de communiquer 13 autres de ces documents, a condamné, au titre de la communication tardive, la société CSA à la somme de 39.000 euros (100 euros x 15 documents x 26 jours) et, au titre de l’absence de communication, à la somme de 76.600 euros (100 euros x 13 documents x 59 jours).
La société CSA ne conteste pas avoir communiqué tardivement 28 extraits de comptes client. Elle justifie son retard par la date de signification du jugement avant-dire droit intervenue le 28 décembre 2020 pendant la période des fêtes de fin d’année et par le volume important des justificatifs requis. Elle fait valoir qu’elle a néanmoins communiqué dès le 23 février 2021 près de 100 documents comptables.
Parmi les documents communiqués par la société CSA (sa pièce 31 bis), les extraits de compte clients requis se présentent sous forme d’une demi-page, par année et par client, du grand-livre des tiers de la société CSA, de sorte que cette communication n’était ni volumineuse, ni difficile à mettre en ‘uvre dans le délai imparti par le tribunal avant que ne courre l’astreinte. Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.
Par ailleurs, le tribunal, relevant que 13 documents n’avaient pas été communiqués dans le délai d’astreinte et que la société CSA ne rapportait pas la preuve qu’il n’existait aucun mouvement comptable pour les clients et les années considérées alors qu’elle produisait postérieurement à l’expiration du délai d’astreinte 2 des 13 documents demandés, a liquidé l’astreinte à la somme de 76.700 euros (100 euros x 13 x 59 jours).
La société CSA soutient que parmi les 28 documents requis (7 sociétés sur 4 années), 13 documents n’ont pas été remis parce qu’inexistants. Elle produit en cause d’appel une attestation de son commissaire aux comptes à cet effet.
Me [G], ès qualités, réplique qu’il était loisible à la société CSA de produire, dès la première instance, une attestation de son expert-comptable à cet effet, et qu’en outre la société CSA a produit 2 des 13 documents requis en première instance, ce que le tribunal a noté, qu’en appel, cette dernière produit 2 autres documents parmi les 13 demandés de sorte que sa communication n’étant ni complète, ni loyale, il y a lieu de confirmer la condamnation.
La société CSA ne conteste pas avoir communiqué postérieurement, à l’expiration du délai fixé pour l’astreinte, 2 documents parmi les 13 sollicités en première instance.
En appel, elle produit une attestation de son commissaire aux comptes (sa pièce 32) d’où il résulte que la société Fremantle Media France a sollicité les services de la société CSA générant deux mouvements en 2017 et 2018.
La cour relève que la société CSA devait ainsi communiquer deux autres documents parmi les 13 demandés, ou à défaut, justifier par la production d’extrait-Kbis que les sociétés Fremantle et Fremantle Media France sont juridiquement distinctes, le tribunal ayant sollicité les extraits de comptes de la société « Fremantle » aussi bien que ceux des sociétés « Heineken », « Coca Cola », « Orangina », « Pepsico », « Adev », « Nestlé Water », qu’au demeurant, la société CSA n’a pas fourni dans le délai imparti par le tribunal soit les documents demandés soit les raisons pour lesquelles ces documents ne pouvaient être produits, qu’ainsi il y a lieu de confirmer sur ce point le jugement.
La condamnation à la somme de 115.700 euros sera confirmée.
2 – Sur la concurrence déloyale
Me [G], ès qualités, reproche à la société CSA d’avoir désorganisé la société AMKG par des actes de débauchage, en recrutant deux de ses salariés, de dénigrement, en jetant le discrédit par la diffusion d’informations négatives, de parasitisme, en faisant usage de documents commerciaux identiques donnant l’impression d’une continuité de servce, avec pour conséquence un détournement de clientèle au préjudice de la société AMKG.
Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il incombe à chaque partie de prouver conformémemnt à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
La responsabilité née d’une concurrence déloyale suppose la réunion de trois éléments : une faute commise par la personne dont la responsabilité est recherchée, un dommage et un lien de causalité entre ce dommage et le comportement reproché.
En l’espèce, seule la responsabilité de la société CSA est mise en cause.
Sur le débauchage
Constitue un acte de concurrence déloyale le débauchage massif du personnel d’un concurrent qui a pour effet d’entraîner sa désorganisation.
Me [G], ès qualités, expose que la société CSA pour constituer son pôle consommateur «Food & Drink», a sciemment délité l’équipe « Grande Conso » de la société AMKG qui comptait 4 salariés, puisqu’elle a débauché simultanément Mme [R] et M. [Z], qui occupaient les fonctions centrales de ce département, disposaient de la plus grande expérience (10 années d’expérience) et surtout des relations directes avec les clients.
Il précise que ces deux salariés ont présenté leur démission le même jour et quitté les effectifs de l’entreprise en même temps, ce qui aurait désorganisé la société AMKG.
M. [Z], salarié depuis le 25 février 2008, a démissionné le 2 juin 2017, avec effet au 10 août 2017. Il était alors directeur du département « Marketing et Fidélisation Grande Consommation ». Il a été ensuite recruté par la société CSA.
Mme [R], salariée depuis le 6 septembre 2006, a démissionné de la société AMKG le 2 juin 2017 avec effet au 25 août 2017. Elle occupait alors la fonction de directrice études au sein du département « Grande Conso ». Elle a rejoint la société CSA afin d’y développer le portefeuille clients du secteur « Food & Drinks ». (pièce 6 ‘ [G])
Une clause de non-concurrence figurait dans chacun des contrats de travail (pièce 2 et 3 ‘ [G]). La société AMKG en a délié les salariés au motif que sa validité juridique était incertaine (pièce 7 ‘ CSA).
Il résulte de deux attestations de salariées de la société AMKG, l’une responsable du développement commercial, assistante de Mme [R], l’autre employée (pièce 24 et 25 ‘ [G]), qu’au sein du département grande distribution « l’ambiance était bonne » et que Mme [R] bénéficiait « de très bonnes conditions de travail » et à tout le moins de « conditions de travail favorables ». Me [G], ès qualités, fait ainsi valoir que Mme [R] n’avait pas de motifs de partir à moins qu’on l’y incite de l’extérieur.
Toutefois, par courriel du 9 janvier 2017 (pièce 19 ‘ CSA), Mme [R] avait fait part à sa direction de sa vive insatisfaction, appuyée par une argumentation détaillée, au sujet d’une charge de 30.000 euros qu’on lui avait imputée sans le lui avoir annoncé au préalable, sur son « budget » 2016, à tort selon elle, avec pour conséquence une diminution de sa marge brute et donc, selon la compréhension de la cour, de sa rémunération variable au titre de l’exercice 2016.
Elle a ainsi écrit :« Cette année, mes objectifs de MB sont identiques à la marge brute réalisée en 2015 (soit plus de 100k€ de plus qu’en 2014 avec une taille d’équipe similaire). Alors que l’année 2015 avait été plus qu’exceptionnelle & trés difficile intellectuellement et physiquement. D’ailleurs, nous ne nous étions pas trompés dans nos prévisions de début d’année, ce CA était irréalisable. »
« Sachant que nous n’avons pas Ies moyens de recruter. »
« Je suis attachée à mon variable, ce qui me semble étre normal puisque cela fait partie de ma rémunération. Je me suis aussi énormément investie pour Audirep ‘ bien souvent au détriment de ma vie privée d’ailleurs. J’aime mon métier, j’aime mes clients. Je fais tout ce que je peux pour faire évoluer mon CA avec le petit secteur qui me reste.
Je veux bien que I’on me dise tout le temps que je bénéficie de nombreux cadeaux mais vous m’avez toujours dit que l’équipe était rentable. J’évite de prendre des freelance et mets toujours la main à la pâte méme pour tester du questionnaire etc. ».
Il s’en déduit que contrairement à ce que soutient Me [G], ès qualités, Mme [R] n’était pas satisfaite des conditions d’exercice de ses fonctions et pouvait envisager de quitter son employeur lequel était assez réservé sur les résultats de Mme [R] puisqu’il a écrit le 12 septembre 2017 « Tu sais bien en plus que votre début d’activité d’année avec [P] avait été franchement mauvais » (pièce 10 ‘ [G])
Par ailleurs, les comptes annuels de l’exercice 2016 de la société AMKG mentionnent un résultat d’exploitation faible de 5.432 euros au regard du montant total de produits d’exploitation de 1.873.161 euros, les charges d’exploitation ayant progressé de plus de 47 % entre 2015 et 2016, traduisant une situation financière très fragile, aggravée en 2017 (pièces 41 et 42 ‘ CSA) ce qui corrobore les propos de Mme [R] déplorant que la société AMKG ne puisse plus recruter, l’empêchant de développer le chiffre d’affaires de son département.
Le 23 mai 2017, Mme [R] a répondu positivement à une demande de rencontre proposée par Mme [O] [L], directrice de pôle au sein de la société CSA (courriel du 23 mai 2017, pièce 20 – CSA) ce qui corroborre les déclarations de M. [Z] (pièce 11 ‘ CSA) selon lesquelles, constatant l’impossibilité de développer au sein de la société AMKG une politique novatrice en recherches et développements, il avait lui-même approché la société CSA afin d’évaluer les possibilités d’y être recruté et avait, lors d’échanges avec ses interlocuteurs de la société CSA, mentionné sa collaboration au quotidien avec Mme [R] « CSA, en recherche de profils, a alors décidé de la rencontrer ». (pièce 11- CSA)
Ainsi le recrutement de M.[Z] trouve son origine dans une démarche personnelle de celui-ci et non de la société CSA. Le recrutement de Mme [R] résulte de l’initiative de M. [Z] mise en oeuvre par la société CSA sous forme de solliciation auprès de Mme [R] accueillie favorablement, compte tenu des difficultés rencontrées par cette dernière et de l’absence d’évolution possible au sein de la société AMKG.
La circonstance que ces deux salariés présentent leur démission en même temps avec pour effet de diminuer de moité le département « Grande Conso », composé de 4 personnes dont deux assistantes, ne peut constituer un élément objectif de débauchage que si la déstabilisation de celui-ci, provoquée par ce départ, a entraîné la désorganisation de l’entreprise et non de ce seul département.
Or, Me [G], ès qualités,ne justifie pas de la pondération du chiffre d’affaires réalisé par ce département, sur une période pertinente, avant et après le départ litigieux, par rapport au chiffre d’affaires total réalisé par la société AMKG, ce qui aurait permis d’évaluer l’incidence de la perte de ce chiffre d’affaires sur la situation économique globale de la société AMKG et de mesurer l’éventuelle désorganisation en résultant. La seule affirmation de la survenance de la liquidation judiciaire, le 26 mai 2019, soit 18 mois après le départ de M. [Z] et de Mme [R], en raison de difficultés financières rencontrées en 2017, ne suffit pas à établir ce lien alors que Mme [R] et M. [Z] n’ont quitté la société AMKG qu’à la fin du mois d’août 2017 et que le gérant de cette dernière a indiqué que le début de leur activité en 2017 « [avait] été franchement mauvais ».
La cour a relevé, précédemment, que le résultat d’exploitation de la société AMKG réalisé au cours de l’exercice 2016 précédant le départ des salariés, n’était que de 5.432 euros pour un chiffre d’affaires réalisé 1.868.798 euros (pièce 41 ‘ CSA) ce qui laisse supposer des difficultés économiques antérieures au départ des salariés.
Par ailleurs, au moment des faits, l’effectif de la société AMKG s’élévait à 164 personnes selon la liasse fiscale produite pour l’exercice 2017 (pièce 17 ‘ [G]). La société CSA disposait quant à elle d’un effectif de 150 personnes (pièce 2 ‘ CSA).
Ainsi, la preuve concrète de la désorganisation de l’entreprise consécutive au départ de M. [Z] et de Mme [R] n’est pas rapportée.
La cour confirmera le jugement en ce qu’il a dit que Me [G], ès qualités, ne démontrait pas l’existence de man’uvres déloyales effectuées par la société CSA afin de débaucher Mme [R] et M. [Z].
Sur le dénigrement
Le dénigrement désigne le fait de jeter publiquement le discrédit sur une personne ou une entreprise, par la critique de ses produits ou services, dans le but de lui nuire et ce, même en l’absence de toute situation de concurrence, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure.
Me [G], ès qualités, soutient que la société AMKG aurait été victime de dénigrement ce qui se déduirait d’une annonce de presse et de courriels de clients informant la société AMKG qu’ils n’envisageaient plus de lui confier d’enquêtes.
L’extrait de communiqué de presse du 15 novembre 2017 (pièces 6 et 9 ‘ [G]) annonçant l’arrivée de Mme [R] et M. [Z] au sein de la société CSA « pour développer l’expertise consommation hors domicile » ne mentionne pas la société AMKG et ne la discrédite pas, pas plus qu’elle n’est discréditée par le courriel d’un client (7 septembre 2017- pièce 9 ‘ [G]) faisant le constat de l’absence désormais d’expertise au sein du département « Grande Conso » et annonçant qu’il confierait l’étude précédemment traitée par la société AMKG à un autre institut de sondage.
Aucun acte de dénigrement n’étant établi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Me [G], ès qualités, de ce chef.
Sur le parasitisme
Le parasitisme consiste pour un acteur économique à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion.
Me [G], ès qualités, soutient que le parasitisme résulterait d’une volonté de la société CSA de se placer dans son sillage et de semer une confusion chez ces clients, en donnant l’impression d’une continuité de service assurée par Mme [R] et M. [Z].
Il fait valoir que la société CSA a volontairement fait usage de visuels, de méthodologies et de prestations similaires, voire identiques, à ceux utilisés par la société AMKG.
On ne peut reprocher à un ancien salarié d’exploiter l’expérience acquise auprès de son ancienne entreprise sauf à démontrer le caractère confidentiel des informations détenues par le salarié et qui relèveraient d’un savoir-faire propre à l’entreprise.
En l’espèce, Mme [R] et M. [Z] avaient acquis une grande ancienneté au sein de la société AMKG et disposaient d’une grande autonomie dans l’exercice de leurs fonctions.
Les documents dont Me [G], ès qualités, reproche l’utilisation par la société CSA correspondent à cinq visuels apparaissant chacun en pleine page (pages 1, 2, 4, 5 et 22 ‘ pièce 35 -[G]) permettant la lecture et l’exploitation par le client des données nominatives et chiffrées qu’ils contiennent et présentées sous forme de graphiques de couleurs.
La proposition « Automne 2017 » « Nestlé » de la société CSA (pièce 33 [G]) ne reprend ces cinq visuels que sous forme réduite de cinq vignettes tenant sur une seule page (page 18) lesquelles se superposent et se masquent partiellement, ce à titre d’« exemples fictifs » de présentation de « livrables ». Elles ne permettent pas la lecture des informations qui y figurent et donc leur exploitation. Il en va de même de la présentation « Orangina » réalisée par la société CSA (pièce 36 ‘ [G] ; pièce 32 CSA). La preuve n’est pas rapportée que la présentation de ces visuels effectuée par la société CSA établirait une « continuité de service » ainsi que Me [G], ès qualités, le prétend.
Me [G], ès qualités, soutient également que la société CSA reprendrait la même méthodologie « en deux temps » que celle mise au point par la société AMKG pour la formation des enquêteurs. Mais la société CSA justifie de l’emploi de cette méthode en son sein déjà en 2016 avant l’arrivée de M. [Z] et de Mme [R] (ses pièces 21 et 22).
Me [G],ès qualités, fait valoir que le parasitisme se déduirait également de la collaboration entretenue entre la société CSA et une société tierce, dénommée Wakuroo, disposant d’une expérience sur les traitements statistiques d’enquêtes au motif que la société AMKG serait partenaire depuis de longue date de cette société. Mais une telle circonstance, au demeurant non étayée, ne peut caractériser un acte de parasitisme.
Enfin, Me [G], ès qualités, n’établit pas que les supports de présentation de résultats d’étude sous forme de graphiques, usuels en pareille matière (histogrammes, camemberts) (pièces 32, 33, pièce 35 et 36 ‘ [G] ; pièce 31-1 CSA), invoqués comme preuve du parasitisme revêtaient un caractère confidentiel ou résultaient d’un savoir-faire particulier de l’entreprise, fruit d’un investissement spécifique, quand bien même ceux-ci présentent entre eux des similitudes.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Me [G], ès qualités, de ce chef.
Sur le détournement de clientèle
Dans le cadre de la libre concurrence, la clientèle n’est pas captive. Son démarchage par une société concurrente n’est pas en soi fautif sauf s’il s’accompagne de man’uvres déloyales.
Me [G], ès qualités, fait valoir que la société CSA a détourné 7 clients majeurs du département Grande Conso d’AMKG, que cette dernière avait réussi à fidéliser et avec lesquels elle travaillait depuis de très nombreuses années. Il s’agit des sociétés Heineken, Nestlé Water, Pepsico, Coca-Cola, Orangina, Fremantle, Afev.
Il soutient que ces clients ont rejoint la société CSA sans que celle-ci ne réponde à un appel d’offres lancé par ces sociétés, ce qui caractériserait le détournement de clientèle.
La cour relève que Mme [R] a informé, le 2 août 2017 dans un courriel détaillé, (pièce 6 ‘ CSA) adressé à sa successeure au sein de la société AMKG, portant en objet « passation de dossiers », les demandes et appels d’offre reçus des clients, pour leur permettre d’y répondre et d’en assurer le suivi.
Dans le cadre de la libre entreprise, il n’est pas anormal que les clients, suivis depuis de nombreuses années par Mme [R] et M. [Z] aient souhaité, en prenant attache directement avec ceux-ci, préserver leur propre activité en s’assurant du suivi des prestations auparavant fournies par la société AMKG et désormais assurées par la société CSA.
En outre, sur les 7 clients prétendument détournés, il s’avère que la société Pepsico a émis un appel d’offres auquel la société CSA a répondu.
Par ailleurs, cette clientèle, particulièrement volatile, évolue dans un secteur très concurrentiel de sorte qu’on ne peut considérer qu’elle soit particulièrement attachée à la société AMKG ou à la société CSA.
Il résulte ainsi d’une attestation du commissaire aux comptes de la société CSA que, s’agissant de 6 des sociétés visées par Me [G], (pièce 32- CSA), sur la période 2017 à 2020, la société Fremantle n’a pas été cliente de la société CSA entre 2017 et 2020, la société Heineken n’a pas été cliente en 2017 (elle l’a été de 2018 à 2020), la société Nestlé Waters a été cliente en 2017 et 2018 mais plus en 2019 et 2020, la société Coca-Cola n’était pas cliente en 2017 et 2020 mais en 2018 et 2019, la société Fremantlemedia n’a été cliente qu’en 2017. La société AFEV n’était pas cliente en 2017 et 2020 mais en 2018 et 2019.
Néanmoins, il résulte de l’attestation déjà citée (pièce 24 ‘ [G]) de la responsable du développement commercial de la société AMKG, corroborée par l’attestation, citée précédemment, d’une employée de cette société (pièce 25 -[G]) que Mme [R] a organisé pendant son préavis, peu de temps avant qu’elle ne quitte la société AMKG (25 août 2017), des rendez-vous avec des clients ( Orangina, Pages jaunes, Nestlé Waters), que Mme [R] a masqué ces rendez-vous dans l’agenda commun en les transformant en rendez-vous privés de sorte que son assistante ne découvre pas le véritable objet de ces entretiens, manifestant ainsi une certaine duplicité à l’égard de son empoyeur alors que dans le même temps (2 août 2017) elle dressait un inventaire des affaires en cours à destination de sa successeure (pièce 6 ‘ CSA). L’attestation précitée de l’employée (pièce 25 ‘ [G]) mentionne en outre l’existence de documents d’études estampillés « CSA » annotés manuscritement sur le bureau du département grande distribution.
Par ailleurs, M. [Z] a envoyé le 23 août 2017, en qualité de Directeur de clientèle CSA (pièce 31 – [G]) aux représentants de la société Pepsico (client de la société AMKG en 2015 et 2016 – pièce 13 [G]) avec copie à la société CSA, une proposition commerciale en ces termes introductifs : « Comme convenu avec [N] [[N] [E], épouse [R], également en copie du courriel avec une adresse « gmail.com » ], pour une remise ce jour’., vous trouverez notre proposition méthodologique et budgétaire’ Comme vous le constaterez le timing est serré ‘ [N] et moi-même dirigeons la BU conso/CHD au sein du pôle Consumer de CSA Reseach », alors qu’à cette date Mme [R] était toujours salariée de la société AMKG. Il s’en déduit que Mme [R] et M. [Z] ont agi de concert avec la société CSA pour faciliter la création du département « grande distribution » au sein de la société CSA en tentant de répondre à une demande d’un client de la société AMKG alors que Mme [R] était toujours salariée de la société AMKG.
La société CSA en acceptant le bénéfice de la contribution de M.[Z] et de Mme [R] alors qu’elle ne pouvait ignorer que cette dernière était toujours salariée de sa concurrente a agi déloyalement.
Me [G], ès qualités, établit la réalité de manoeuvres déloyales utilisées par la société CSA en vue de détourner ses clients.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a débouté Me [G], ès qualités, de ce chef.
La société CSA ayant commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société AMKG en doit réparation sous réserve que Me [G], ès qualités, justifie du préjudice directement consécutif à ces agissements déloyaux.
Sur le préjudice matériel
Me [G], ès qualités, évalue le préjudice subi à la somme de 1.050.000 euros correspondant à trois années de marge (55% du chiffre d’affaires) que la société AMKG aurait pu réaliser si sept de ses clients, générant ensemble, un chiffre d’affaires moyen annuel de 638.036 euros HT n’avaient pas été détournés.
La société CSA critique l’appréciation du préjudice faite par Me [G], ès qualités. Elle indique que le chiffre d’affaires qu’elle a réalisé avec le client Heineken n’a été que de 93.120 euros en 2018 alors que la société AMKG indiquait avoir réalisé avec ce même client une moyenne annuelle de 317.719 euros. Elle en déduit qu’aucun lien n’est établi entre la perte de ce chiffre d’affaires éprouvée par la société AMKG et son propre gain. Elle rappelle que le marché sur lequel les instituts de sondage interviennent est très concurrentiel de sorte qu’il n’existe aucune garantie de conserver la clientèle qui en est l’objet. Elle fait valoir que les difficultés financières de la société AMKG sont bien antérieures au départ des deux salariés.
Il résulte du détournement de clientèle un gain manqué pour la société AMKG.
Il sera rappelé que la société CSA a recruté les deux salariés pour créer et développer le département grande distribution.
La société AMKG démontre avoir fourni des prestations au profit de sept de ses clients entre 2015 et 2017 (Orangina, Nestlé Waters, Fremantle, Heineken, AFEV, Pepsico, Coca Cola). Elle justifie de ce que ces sept clients ont bénéficié de prestations fournies par la société CSA entre 2018 et 2020 ( pièces 12,16 et 18 ‘ [G] ; pièce 32 CSA).
Le préjudice sera évalué en fonction du gain manqué subi par la société AMKG consécutif au détournement de ces sept sociétés clientes.
Ce gain manqué correspond à la marge que pouvait espérer obtenir la société AMKG non pas sur une durée de 3 ans (2018 à 2020) comme le sollicite Me [G], ès qualités, mais sur la période courant à compter du 1er septembre 2017 (les deux salariés ayant quitté en août 2017 la société AMKG) au 31 décembre 2018, soit le temps estimé nécessaire à reconstituer la marge perdue notamment par des actions commerciales et des recrutements dont les fruits ne peuvent être recueillis immédatement. Cette phase tient également compte de la volatilité du marché considéré, la société AMKG n’étant pas assurée de conserver cette clientèle au delà.
La marge de 55% sera retenue (pièces 41 ‘ [G]) car elle est acceptable au regard de l’activité exercée et non spécialement contestée.
Des extraits de compte-clients (pièces 12,16 et 18 ‘ [G], pièce 31 bis CSA) et des attestations d’expert-comptable (AMKG) et de commissaire aux comptes (CSA) produits aux débats, il s’observe que le chiffre d’affaires réalisé avec ces 7 clients par la société AMKG était de 704.457 euros en 2015, de 600.671 euros en 2016 et de 392.254 euros en 2017.
La société CSA produit les extraits de compte relatifs aux 7 sociétés clientes complétés d’une attestation de son commiss
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement avant-dire droit du 9 décembre 2020 rendu par le tribunal de commerce de Nanterre,
Confirme le jugement du 5 octobre 2022 rendu par le tribunal de commerce de Nanterre, sauf en ce qu’en ne retenant pas un détournement de clientèle, il a débouté Me [G], ès qualités, de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel subi,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la société CSA a commis des actes de concurrence déloyale en procédant à un détournement de clientèle au détriment de la société AMKG,
Condamne la société CSA à verser la somme de 467.000 euros à Me [G] en qualité de liquidateur de la société AMKG,
Condamne la société CSA aux dépens de la procédure d’appel,
Condamne la société CSA à verser à Me [G] en qualité de liquidateur de la société AMKG la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Déboute la société CSA de sa demande à ce titre.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, La présidente,
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