L’Essentiel : Monsieur [I] [R] a été embauché par la S.A. Turbos-[H]-[W] en tant que technico-commercial en avril 2015, mais a démissionné en mars 2016. L’employeur a découvert qu’il travaillait pour une société concurrente depuis janvier 2015 et a demandé le remboursement des salaires perçus. Le Conseil de Prud’hommes a condamné Monsieur [R] à rembourser 77 698,04 €, mais la Cour d’appel a infirmé ce jugement, estimant qu’il n’y avait pas de faute lourde. La Cour de cassation a ensuite cassé cette décision, renvoyant l’affaire devant la Cour d’appel, qui a finalement rejeté les demandes de l’employeur.
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Contexte de l’affaireMonsieur [I] [R] a été embauché par la S.A. Turbos-[H]-[W] (devenue The Truck Company France) en tant que technico-commercial le 20 avril 2015. Il a perçu un salaire mensuel de 3 975,44 €. La société, qui emploie plus de 11 salariés, est spécialisée dans la construction et la commercialisation de semi-remorques frigorifiques. Le 25 mars 2016, Monsieur [R] a annoncé sa démission. Demande de remboursement par l’employeurSuite à la démission de Monsieur [R], l’employeur a découvert qu’il avait travaillé pour une société concurrente depuis le 10 janvier 2015. En conséquence, la S.A. Turbos-[H]-[W] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Morlaix pour demander le remboursement des salaires perçus entre avril 2015 et mars 2016, ainsi que des charges et des frais de déplacement. Jugement du Conseil de Prud’hommesLe 20 avril 2018, le Conseil de Prud’hommes a jugé que Monsieur [R] avait commis une faute contractuelle en percevant un salaire qu’il savait ne pas être dû. Il a été condamné à rembourser un total de 77 698,04 €, incluant les salaires, charges et frais de déplacement, et a été débouté de sa demande reconventionnelle. Appel et décision de la Cour d’appelMonsieur [R] a interjeté appel le 9 mai 2018. Le 3 juin 2021, la Cour d’appel de Rennes a infirmé le jugement du Conseil de Prud’hommes, considérant que seule une faute lourde pouvait engager la responsabilité contractuelle du salarié. La cour a débouté l’employeur de ses demandes et a condamné la société aux dépens. Pourvoi en cassationLa société The Truck Company France a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel. Le 24 mai 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, estimant que celle-ci n’avait pas donné de base légale à sa décision concernant la demande de remboursement des salaires. Renvoi devant la Cour d’appelAprès la cassation, l’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Rennes autrement composée. Monsieur [R] a sollicité la réformation du jugement initial, tandis que la société The Truck Company France a demandé la confirmation du jugement du Conseil de Prud’hommes. Arguments des partiesLa société The Truck Company France soutient que Monsieur [R] a commis une faute lourde en adoptant des comportements frauduleux pour percevoir un salaire sans fournir de travail. Monsieur [R] conteste ces accusations, affirmant qu’il était à la disposition de son employeur et qu’il n’a pas été prouvé qu’il n’avait pas fourni de prestations de travail. Analyse de la faute lourdeLa cour a examiné si les comportements de Monsieur [R] constituaient une faute lourde, caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur. Bien que Monsieur [R] ait travaillé pour une société concurrente, la cour a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour établir une intention de nuire. Répétition de l’induConcernant la demande de répétition de l’indu, la cour a noté que le paiement des salaires suppose une prestation de travail. Il n’a pas été prouvé que Monsieur [R] n’était pas à la disposition de son employeur, et la société n’a pas démontré l’absence de toute contrepartie au paiement des salaires. Décision finale de la CourLa cour a infirmé le jugement du Conseil de Prud’hommes, rejetant les demandes de la société The Truck Company France pour le remboursement des salaires, charges et frais de déplacement. La société a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?La rétention administrative des étrangers est régie par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Selon l’article L. 743-1 du CESEDA, la rétention administrative peut être ordonnée pour une durée maximale de 45 jours, renouvelable dans certaines conditions. L’article L. 743-23 précise que, en cas d’appel manifestement irrecevable, celui-ci peut être rejeté sans convocation préalable des parties. Il est également stipulé que le juge doit vérifier la légalité de la rétention et s’assurer que les conditions de prolongation sont respectées. Ainsi, la prolongation de la rétention doit être justifiée par des éléments concrets, tels que l’impossibilité d’exécuter l’éloignement dans le délai initialement imparti. Il est essentiel que le magistrat examine les circonstances de fait et de droit qui pourraient justifier une prolongation, conformément à l’article L. 742-5, qui impose une vérification des demandes d’asile en cours. En résumé, la prolongation de la rétention administrative doit être fondée sur des éléments tangibles et respecter les dispositions légales en vigueur. Quels sont les droits de l’étranger en matière de recours contre la rétention administrative ?Les droits de l’étranger en matière de recours contre la rétention administrative sont encadrés par le CESEDA, notamment par les articles L. 743-1 et suivants. L’article L. 743-1 stipule que l’étranger a le droit de contester la légalité de sa rétention devant le juge des libertés et de la détention. Il peut également faire appel des décisions rendues par ce juge, conformément à l’article R. 743-19, qui prévoit la notification des ordonnances. L’article R. 743-11 précise que la déclaration d’appel doit être motivée, ce qui signifie que l’étranger doit exposer les raisons pour lesquelles il conteste la décision de rétention. En cas d’irrecevabilité de l’appel, comme mentionné dans l’arrêt, le juge peut le rejeter sans audience, ce qui souligne l’importance d’une motivation adéquate. De plus, l’article L. 742-5 impose à l’administration de vérifier les demandes d’asile, ce qui constitue un droit supplémentaire pour l’étranger, lui permettant de contester la légalité de sa rétention en raison d’une demande d’asile en cours. En conclusion, l’étranger dispose de plusieurs voies de recours pour contester la rétention administrative, mais il doit respecter les exigences de motivation et de procédure prévues par la loi. Quelles sont les conséquences d’une déclaration d’appel irrecevable en matière de rétention administrative ?Lorsqu’une déclaration d’appel est jugée irrecevable, les conséquences sont significatives pour l’étranger concerné. Selon l’article L. 743-23 du CESEDA, un appel manifestement irrecevable peut être rejeté sans convocation préalable des parties. Cela signifie que l’étranger ne pourra pas bénéficier d’une audience pour défendre ses arguments, ce qui limite ses possibilités de contestation. En outre, l’irrecevabilité de l’appel entraîne le maintien de la décision de rétention administrative, ce qui peut prolonger la privation de liberté de l’étranger. L’article R. 743-11 précise que la déclaration d’appel doit être motivée, et l’absence de motivation adéquate peut conduire à cette irrecevabilité. De plus, les autres moyens de contestation, tels que les erreurs de droit ou d’appréciation, doivent être invoqués dans le délai d’appel, faute de quoi ils seront également considérés comme irrecevables. Ainsi, l’irrecevabilité d’un appel peut avoir des conséquences graves, notamment le maintien de la rétention et l’impossibilité de faire valoir ses droits devant le juge. En résumé, une déclaration d’appel irrecevable entraîne le rejet de la contestation et le maintien de la situation de rétention, soulignant l’importance d’une procédure rigoureuse et d’une motivation adéquate. |
8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°06
N° RG 24/00969 –
N° Portalis DBVL-V-B7I-UQX3
M. [I] [R]
C/
S.A. THE TRUCK COMPANY FRANCE
Sur appel du jugement du CPH de MORLAIX du – RG : 17/00040
Sur renvoi de cassation :
Infirmation
Copie exécutoire délivrée
le : 09-01-2025
à :
-Me Nathalie VALLEE
-Me Jocelyn ROBIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 JANVIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Novembre 2024
En présence de Madame [G] [X], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
APPELANT sur renvoi de cassation du jugement du CPH de Morlaix du 20/04/2018 :
Monsieur [I] [R]
né le 02 Novembre 1967 à [Localité 5] (17)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Anaelle LANGUIL substituant à l’audience Me Nathalie VALLEE de la SCP VALLEE-LANGUIL, Avocats au Barreau de ROUEN
INTIMÉE sur appel du jugement du CPH de Morlaix du 20/04/2018 après renvoi de cassation :
La S.A. THE TRUCK COMPANY FRANCE (anciennement dénommée TURBOS-[H]-[W].FR) prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jocelyn ROBIN de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Avocat au Barreau de BREST
Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 20 avril 2015, Monsieur [I] [R] a été embauché par la S.A Turbos-[H]-[W] (devenue The Truck Company France) en qualité de technico-commercial, statut cadre, moyennant une rémunération mensuelle de 3 975, 44 €
La société emploie habituellement plus de 11 salariés et a pour activité la construction, la location et la commercialisation de semi-remorques frigorifiques et de chambres froides. La convention collective applicable est celle de la métallurgie.
Le 25 mars 2016, M. [R] a informé son employeur de sa volonté de démissionner.
Exposant avoir découvert depuis que M. [R] avait travaillé au sein d’une société concurrente depuis le 10 janvier 2015, soit pendant la période d’exécution du contrat de travail précité, la S.A Turbos-[H]-[W].Fr a saisi le Conseil de Prud’hommes de Morlaix afin de solliciter le remboursement des salaires d’avril 2015 à avril 2016, ainsi que des charges afférentes aux salaires et des remboursements de frais réglés à Monsieur [R].
Par jugement en date du 20 avril 2018, le Conseil de prud’hommes de Morlaix, retenant l’existence d’une faute contractuelle du salarié occasionnant un préjudice à l’employeur, a jugé que Monsieur [I] [R] avait sciemment perçu un salaire qu’il savait ne pas être dû, et l’a condamné à payer à la Société Turbos-[H]-[W] les sommes suivantes’:
– 33 810,85 € à titre de remboursement des salaires d’avril 2015 à mars 2016,
– 34 309,78 € à titre de remboursement des charges salariales,
– 8 577,41 € à titre des frais de déplacement payés à Monsieur [I] [R],
– 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté Monsieur [I] [R] de sa demande reconventionnelle de 3 000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– Condamné Monsieur [I] [R] aux entiers dépens et y compris en cas d’exécution forcée les éventuels honoraires et frais d’huissier.
Monsieur [I] [R] a interjeté appel le 9 mai 2018.
Par arrêt du 3 juin 2021, la 7ème Chambre de la Cour d’appel de RENNES,a infirmé le jugement, et statuant à nouveau, la cour a débouté la Société Turbo-[H]-[W] devenue la société The Truck Company France de l’ensemble de ses demandes, débouté Monsieur [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et condamné la Société Turbo-[H]-[W] devenue la société The Truck Company France aux dépens de 1ère instance et d’appel.
Elle a considéré que ‘c’est à bon droit que le salarié fait valoir au soutien de son appel que seule la faute lourde peut engager la responsabilité contractuelle du salarié, et que le code du travail ne prévoit pas de sanction de type restitution des salaires dans l’hypothèse où le salarié manquerait à ses obligations tirées du contrat de travail.
Or, en l’espèce, l’employeur n’invoque à aucun moment la faute lourde du salarié, caractérisée par l’intention de nuire, de sorte que le fondement de la violation des obligations contractuelles ne peut faire prospérer son action, pas plus que le paiement par erreur obligeant à restitution de l’indu, compte tenu du pouvoir de direction dont dispose l’employeur’.
La société The Truck Company France a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 24 mai 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a :
– cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 3 juin 2021 par la Cour d’appel de Rennes.
– remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyés devant la Cour d’appel de Rennes autrement composée.
– condamné Monsieur [R] aux dépens.
– Rejeté les demandes formées sur le fondement de l’larticle 700 du code de procédure civile.
Aux motifs que : ‘ Pour débouter l’employeur de ses demandes en remboursement par le salarié des salaires qu’il avait perçus d’avril 2015 à mars 2016, des charges sociales afférentes et des sommes versées au titre de frais de déplacement, l’arrêt retient que le paiement par erreur obligeant à restitution de l’indu ne peut faire prospérer cette action, compte tenu du pouvoir de direction dont dispose l’employeur. En se déterminant ainsi, par un motif insuffisant à caractériser un obstacle à la demande en répétition de l’indu, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.’
Par déclaration du 16 février 2024, M. [I] [R] a saisi la cour d’appel sur renvoi après cassation.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 octobre 2024, suivant lesquells Monsieur [I] [R] sollicite de la cour de:
– Juger recevable et bien-fondé Monsieur [I] [R] en ses demandes,
Y ajoutant, Vu l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 24 mai 2023, sous le numéro de pourvoi P 21-20.382,
– Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Morlaix en date du 20 avril 2018, et statuant à nouveau, débouter la societe The Truck Company France de toutes ses demandes fins et conclusions,
– Rejeter toute demandes, fins et conclusions contraires de la société The Truck Company France,
– La condamner par ailleurs au paiement d’une indemnité d’un montant de 3.000,00 € et ce par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 17 octobre 2024, suivant lesquelles la société The Truck Company France sollicite de la cour de :
– Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Morlaix du 20 avril 2018,
– Débouter Monsieur [I] [R] des prétentions ressortant du dispositif de ses écritures en appel et en ce qu’il sollicite en ces termes de la Cour de voir’:
‘- Juger recevable et bien-fondé Monsieur [I] [R] en ses demandes,
Y ajoutant, Vu l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 24 mai 2023, sous le numéro de pourvoi P21-20.382,
– Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Morlaix en date du 20 avril 2018, et statuant à nouveau, débouter la société The Truck Company France de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– La condamner par ailleurs au paiement d’une indemnité d’un montant de 3.000,00€ et ce par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.’»
– Dire et Juger à titre principal, qu’en raison de la faute lourde caractérisée commise par Monsieur [I] [R] , de l’engagement de sa responsabilité contractuelle et du préjudice subi par la société The Truck Company France, du lien de causalité, il convient donc une fois encore de confirmer la condamnation de Monsieur [R] à indemniser le préjudice de son ancien employeur à hauteur de la somme de 76 698,04 euros,
– A titre Subsidiaire et sur le fondement des articles 1302 et suivants du Code civil et de la restitution de l’indu, Condamner de ce chef Monsieur [I] [R] à payer la somme de 76 698,04 euros à la société The Truck Company France,
A titre principal ou à titre subsidiaire
– Condamner Monsieur [I] [R] à verser à la société The Truck Company France la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Le Condamner aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 octobre 2024.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
Il est justifié par le PV de délibération de l’AG extraordinaire du 15 février 2020 que la société Turbos-[H]-[W].Fr a changé de dénomination pour ‘The Truck Company France’ à compter de cette date.
– sur l’existence d’une faute lourde
Pour confirmation du jugement du conseil de prud’hommes de Morlaix, la société The Truck Company France entend voir engager la responsabilité civile contractuelle du salarié au motif de la faute lourde commise par celui-ci.
Il est de principe que la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, et il appartient ainsi à la cour de rechercher si les faits invoqués par l’employeur sont constitutifs d’une faute lourde susceptible d’entraîner la responsabilité pécuniaire du salarié.
La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.
Le manquement à l’obligation de loyauté du salarié ne suffit pas en tant que tel à caractériser une intention de nuire à l’employeur.
De même les conséquences dommageables de la faute commise sont étrangères à la caractérisation de l’intention de nuire.
En l’espèce, l’employeur reproche à Monsieur [R] d’avoir adopté intentionnellement des comportements successifs gravement frauduleux visant à créer fictivement une relation de travail qu’il savait ne pas avoir à exécuter, et ce afin de s’attribuer une rémunération sans contrepartie. Il ajoute n’en avoir eu connaissance que postérieurement à la démission du salarié.
Monsieur [R] conteste l’absence de toute prestation de travail de sa part pour le compte de la société The Truck Company France, laquelle n’a pas mis en place de procédure de licenciement à son égard, en expliquant qu’il s’est toujours tenu à la disposition de son employeur. Il ajoute que la société The Truck Company France ne rapporte pas la preuve de son préjudice, les relations de travail étant régies par deux conventions collectives distinctes et dès lors qu’il n’est pas établi l’existence de pratiques à l’origine d’une ‘confusion’ entre les deux entreprises.
Il résulte des termes du contrat de travail à durée indéterminée signé en date du 20 avril 2015 entre Monsieur [I] [R] et la société Turbo-[H]-[W] que ‘Monsieur [R] déclare formellement n’avoir aucun lien actuellement avec aucune autre entreprise et être libre de tout engagement en vigueur avec son précédent employeur, toute fausse déclaration sur ce point étant de nature à mettre en jeu sa responsabilité’.
L’article 9 du contrat (‘non concurrence pendant le contrat’) précise également que ‘Mr [R] s’interdit de se livrer, pendant la durée du présent contrat, à un quelconque acte de concurrence directe ou indirecte au détriment de la société Turbo [H] [W].Fr’.
Il s’agit ainsi d’un engagement contractuel de non-concurrence de la part du salarié.
Moins d’un an plus tard, par courrier du 25 mars 2016, Monsieur [R] a transmis sa démission en expliquant ‘je n’ai pas réussi à obtenir de bons résultats commerciaux, j’ai donc décider de donner une nouvelle orientation à ma carrière’.
Afin de caractériser les manquements fautifs de Monsieur [R], l’employeur verse aux débats le contrat de travail à durée indéterminée régularisé le 16 janvier 2015 entre Monsieur [I] [R] et la SAS [N] Equipement en qualité d’attaché commercial, moyennant un salaire de 3100 € bruts.
Il n’est pas formellement discuté que pendant toute la durée de son contrat avec la société The Truck Company France, soit du 20 avril 2015 au 31 mars 2016, Monsieur [I] [R] était également lié à une société tiers par un contrat de travail, lui permettant de cumuler deux rémunérations fixes (soit 3 100 € pour la société [N] Equipement et 3 975,44 € bruts pour la société The Truck Company France), outre de possibles commissions ou rémunérations variables.
De tels agissements ne permettent toutefois pas d’établir la faute lourde de Monsieur [R], seule à même d’engager sa responsabilité, et qui nécessite la démonstration de sa volonté de nuire et de porter préjudice à l’employeur, les conséquences dommageables pour ce dernier étant étrangères à cette appréciation.
Monsieur [R] conteste d’abord le fait que les sociétés exerçaient des activités concurrentes.
Selon l’extrait KBIS de la société [N] Equipement versé aux débats, cette société a pour activités ‘la carrosserie de toute nature et sous toutes ses formes, le négoce de tous véhicules neuf et d’occasion, toutes locations de véhicules, l’achat et la vente de toutes fournitures et tous accessoires autos, toutes réparations, la commercialisation, la représentation et l’exploitation de toute production, achat, vente, représentation, commission, agence, courtage de tous produits manufacturés et matériaux et toutes opérations s’y rattachant’.
La société The Truck Company France, pour sa part, exerce l’activité de ‘construction, réparation, maintenance de véhicules de transport, commerce, location de véhicules de transports, neufs ou d’occasion’.
Les deux sociétés exercent donc, au moins pour partie, une activité concurrente, en ce qui concerne le commerce et la location de véhicules neufs ou d’occasion, (ainsi que la réparation et la maintenance de véhicules de transport).
Monsieur [L] [N], dirigeant de la société [N] Equipement, atteste que ‘la gamme des produits de la carrosserie [W] sont pour la plupart (>70%) identiques à ceux de mon entreprise. En 2015, Monsieur [I] [R] a enregistré plus de 30 commandes pour mon entreprise. En 2016, Monsieur [I] [R] a enregistré plus de 60 commandes pour mon entreprise. En comparant la liste des clients consultés sous l’enseigne [W] je me suis aperçu que beaucoup l’avaient été également sous l’enseigne [N]’.
Toutefois, cette seule attestation rédigée en termes généraux et peu circonstanciée ne suffit pas à établir la réalité d’actes anticoncurrenciels et préjudiciables à la société Truck Company France (anciennement dénommée [W]) qui auraient été commis par Monsieur [R] pendant l’exécution de son contrat de travail.
La société Truck Company France affirme sans le démontrer que ‘Monsieur [R] n’a quasiment réalisé aucune affaire alors même qu’il était envisagé un objectif de 50 véhicules’.
A ce titre, il n’est en effet pas justifié de ce que l »offre de prix pour 15 plateaux Heavy Duty’ transmise par Monsieur [R] à la société Transport [S] (pièce 31), laquelle ne comporte aucune date, ait ensuite donné lieu à la conclusion d’un contrat au profit, non de la société Truck Company France, mais au profit de la société [N] Equipement.
Il en est de même des pièces 27 et 28 produites par l’employeur, relatives à des listes de clients démarchés par Monsieur [R] sans suite effective (avec les commentaires de ce dernier) , lesquelles ne permettent pas davantage de conforter les dires de l’intimée affirmant que Monsieur [R] ‘donnait l’illusion’ de prospecter des clients, et que les affaires ainsi énumérées se sont finalement concrétisées au bénéfice de la société [N].
La société Truck Company France ne transmet en outre aucune autre pièce de nature à caractériser que M. [R] ait sciemment détourné une partie de sa clientèle au profit de la société [N] Equipement ou à son profit personnel, ou qu’il ait débauché une partie du personnel de la société au profit d’un tiers ou à son profit personnel, ou encore volontairement procédé à des ventes à perte.
Il ne ressort pas des pièces produites le fait que Monsieur [R] ait sciemment ou intentionnellement empêché la conclusion de contrats au bénéfice de la société Truck Company France.
Même si l’absence de commandes passées résulte de la lecture des bulletins de salaire versés aux débats, qui ne font état d’aucune commission versée au salarié, il n’est pour autant justifié d’aucun courrier ou rappel à l’ordre en lien avec une possible insuffisance professionnelle de l’intéressé sur le plan des résultats.
Il n’est pas davantage rapporté la preuve de ce que Monsieur [R] ‘donnait l’apparence d’une prospection commerciale’.
A cet égard, les pièces 23 à 25 versées aux débats par l’employeur, relatives à des ‘offres de prix’ pour deux semi remorques (pièce 23) ou ‘bons de commande’ de chassis (pièce 24), établis par Monsieur [R] pour le compte de la société [W], sont sans incidence sur la caractérisation d’une faute lourde du salarié, dès lors que ces pièces ne permettent pas de caractériser l’absence de toute activité commerciale de sa part et d’établir qu’il a cherché à agir à l’encontre des intérêts de son employeur (notamment en détournant la clientèle à son profit ou au profit d’un tiers, ou en procédant à des ventes à perte).
Ainsi, en définitive, si Monsieur [R], en s’engageant professionnellement pour deux sociétés dont les activités sont au moins partiellement concurrentielles en violation de la clause d’exclusivité et de non-concurrence figurant dans son contrat de travail, a commis des faits constitutifs d’une déloyauté vis à vis de son employeur, il n’est pas pour autant rapporté la preuve de l’accomplissement par ce dernier d’actes spécifiques de concurrence déloyale au détriment de la société Truck Company France, de sorte que ces faits ne suffisent pas à caractériser l’intention du salarié de nuire aux intérêts de son employeur.
– sur la répétition de l’indu :
Faisant valoir la fraude du salarié, l’employeur considère qu’en l’absence de toute prestation de travail fournie par Monsieur [R], la rémunération et les charges sociales qui lui ont été payées ainsi que les frais qui lui ont été remboursés correspondent à une situation fictive et inexistante, ajoutant qu’en l’absence de toute contrepartie, les salaires lui ont été payés de façon totalement indue .
Monsieur [R] conteste le fait d’avoir travaillé fictivement pour la société The Truck Company France, et précise qu’admettre le fondement de la répétition de l’indu reviendrait à considérer l’absence de cause au contrat de travail ayant été conclu entre les parties ; qu’il n’est pas davantage démontré l’absence de toute contrepartie au paiement par l’employeur des salaires et charges ; qu’enfin, il ne s’agit pas d’un paiement réalisé par erreur. Monsieur [R] rappelle en outre qu’en cas de manquements du salarié à ses obligations, il appartenait à l’employeur de procéder à son licenciement, seule sanction applicable.
Le paiement du salaire constitue la contrepartie de la prestation de travail, de sorte qu’ aucun salaire n’est, en principe, dû lorsque le travail n’a pas été accompli.
Toutefois, le salarié qui se tient à la disposition de son employeur et qui ne refuse pas d’exécuter son travail a droit au paiement de son salaire, (peu important que l’employeur ne lui ait pas fourni de tâches).
Conformément à l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette, ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition.
Conformément à l’article 1302-1 du Code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.
Il résulte de ces textes que ce qui a été payé indûment est sujet à répétition sans que le demandeur soit tenu de démontrer son erreur ou son absence de faute.
C’est au demandeur en restitution des sommes qu’il prétend avoir indûment payées qu’incombe de prouver le caractère indu du paiement.
Il appartient donc à la société intimée, qui considère que les salaires ont été indûment versés au salarié, de rapporter la preuve de l’absence de toute contrepartie à ces derniers, à savoir l’absence de toute prestation de travail.
En l’occurrence, Il n’est pas établi que Monsieur [R] ne se tenait pas à la disposition de son employeur et surtout qu’il n’a fourni aucune prestation de travail pour ce dernier pendant l’exécution de son contrat, soit du 20 avril 2015 au 25 mars 2016. Le seul fait qu’il se trouvait engagé en même temps avec une société tiers dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ne suffit pas à caractériser l’absence de toute prestation de travail pour le compte de la société Turbos-[H] [W] devenue The Truck Company France.
La société The Truck Company France affirme par ailleurs sans en justifier que Monsieur [R] ‘faisait semblant en fournissant quelques rapports’ et ce afin de ‘tromper son employeur’.
C’est enfin à juste titre que le salarié indique que le manquement à son obligation de loyauté ou à la clause d’exclusivité ou de non concurrence figurant à l’article 9 de son contrat de travail ne pouvait être sanctionné que par l’engagement d’une procédure de licenciement à son encontre, avec les conséquences de droit.
En définitive, par voie d’infirmation du jugement entrepris, la société The Truck Company France doit être déboutée de ses demandes en paiement formées à l’encontre de Monsieur [I] [R].
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Le jugement sera infirmé de ce chef.
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société The Truck Company France, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
L’équité commande de rejeter les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande de dommages-intérêts pour faute lourde.
Rejette la demande de remboursement de salaires, charges salariales et frais de déplacement.
Rejette la demande formée par Monsieur [I] [R] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SA The Truck Company France aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
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