Rétention administrative et garanties de représentation : enjeux et implications juridiques.

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Rétention administrative et garanties de représentation : enjeux et implications juridiques.

L’Essentiel : Monsieur X, né le 2 septembre 2000 au Maroc, a été placé en rétention administrative après une décision du préfet des Yvelines le 9 novembre 2023. Contestant cette mesure, il a soulevé des arguments concernant le manque de motivation de la décision et l’absence d’horodatage. Malgré ses affirmations sur un logement et un emploi, les preuves fournies n’ont pas été jugées suffisantes. Le juge a confirmé la prolongation de sa rétention, considérant qu’il représentait une menace pour l’ordre public. L’ordonnance a été notifiée, permettant un éventuel pourvoi en cassation dans les deux mois.

Identité de l’Appelant

Monsieur X, se disant [O] [L] alias [C] [F], est né le 2 septembre 2000 à [Localité 1] au Maroc. Il est de nationalité marocaine et a été retenu au centre de rétention d'[Localité 4]. Il est assisté par Maître Camille LACOSTE, avocat au barreau de Pau, et par un interprète assermenté en langue arabe.

Décisions Administratives

Le 9 novembre 2023, le préfet des Yvelines a pris une décision d’obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d’une interdiction de retour d’une durée d’un an. Cette décision a été notifiée le même jour. Le 2 janvier 2025, le préfet de la Seine Maritime a prolongé cette interdiction de retour pour deux ans et a ordonné le placement de [O] [L] alias [C] [F] en rétention administrative.

Contestation de la Rétention

Le 3 janvier 2025, une requête a été déposée pour contester le placement en rétention. Le 6 janvier 2025, le juge du tribunal judiciaire de Bayonne a statué sur cette contestation, déclarant recevable la requête de [O] [L] alias [C] [F] et ordonnant la prolongation de sa rétention pour une durée de vingt-six jours.

Arguments de l’Appelant

Dans sa déclaration d’appel reçue le 7 janvier 2025, [O] [L] alias [C] [F] a soulevé trois moyens : le défaut de motivation de la décision sur sa situation personnelle, l’absence d’horodatage de la décision de placement en rétention, et son souhait d’être renvoyé en Espagne. Il a demandé l’infirmation de l’ordonnance.

Recevabilité de l’Appel

L’appel a été jugé recevable, ayant été formé dans le délai prévu par la loi. L’examen des pièces a révélé que la décision de placement en rétention avait été notifiée durant la garde à vue de l’appelant, ce qui a permis de conclure qu’il n’y avait pas eu d’interruption entre les deux mesures privatives de liberté.

Situation Personnelle de l’Appelant

[O] [L] alias [C] [F] a affirmé disposer d’un logement à [Localité 5] et d’un emploi à [Localité 3]. Cependant, les documents fournis, tels que le contrat de bail et les fiches de paie, n’ont pas pu établir de manière concluante sa situation de logement et d’emploi, ce qui a conduit à la conclusion qu’il ne pouvait pas être assigné à résidence.

Motivation du Préfet

La motivation du préfet pour le placement en rétention a été jugée suffisante, prenant en compte l’absence de garanties de représentation de l’appelant et son état de vulnérabilité. Il a été noté que l’appelant représentait une menace pour l’ordre public en raison des faits pour lesquels il avait été placé en garde à vue.

Conclusion de l’Ordonnance

L’ordonnance a été confirmée, déclarant l’appel recevable en la forme et maintenant la décision de prolongation de la rétention. La présente ordonnance sera notifiée à l’appelant, à son conseil, et à la préfecture de la Seine Maritime. Un pourvoi en cassation peut être formé dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la conséquence de l’absence de conclusions dans le cadre d’un appel ?

L’absence de conclusions dans le délai imparti entraîne la caducité de la déclaration d’appel, conformément à l’article 908 du Code de procédure civile.

Cet article stipule que :

« L’appelant doit conclure dans un délai de trois mois à compter de l’enregistrement de l’appel. À défaut, la déclaration d’appel est déclarée caduque. »

Ainsi, dans le cas présent, l’appelant n’ayant pas conclu dans le délai imparti, la cour a prononcé la caducité de sa déclaration d’appel.

Il est important de noter que cette règle vise à garantir la célérité des procédures judiciaires et à éviter les abus de droit.

En effet, la caducité permet de préserver l’ordre public judiciaire en évitant que des affaires restent en suspens indéfiniment.

Quelles sont les voies de recours contre l’ordonnance prononçant la caducité de l’appel ?

L’ordonnance prononçant la caducité de la déclaration d’appel peut faire l’objet d’un déféré à la cour dans un délai de 15 jours à compter de sa date.

Cette possibilité est prévue par l’article 909 du Code de procédure civile, qui dispose que :

« L’ordonnance du juge de la mise en état peut être déférée à la cour d’appel dans un délai de quinze jours à compter de sa notification. »

Il est donc essentiel pour l’appelant de respecter ce délai s’il souhaite contester la décision de caducité.

Le déféré permet à la cour d’examiner la légalité de l’ordonnance et de statuer sur la situation de l’appelant.

En cas de succès, cela pourrait permettre la réintégration de l’appel dans le cours normal de la procédure.

Qui supporte les dépens en cas de caducité de l’appel ?

Conformément à la décision rendue, les dépens sont laissés à la charge de l’appelant.

L’article 696 du Code de procédure civile précise que :

« Les dépens comprennent les frais de justice exposés par les parties pour la conduite de l’instance. »

Dans le cadre de la caducité de l’appel, il est courant que la partie qui a initié la procédure, ici l’appelant, soit tenue de supporter les frais.

Cela reflète le principe selon lequel la partie qui cause un retard ou un désagrément dans la procédure doit en assumer les conséquences financières.

Ainsi, l’appelant devra s’acquitter des dépens, ce qui peut inclure les frais d’avocat et autres frais liés à la procédure d’appel.

N°25/38

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D’APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

ORDONNANCE DU huit Janvier deux mille vingt cinq

Numéro d’inscription au répertoire général N° RG 25/00032 – N° Portalis DBVV-V-B7J-JBWM

Décision déférée ordonnance rendue le 06 JANVIER 2025 par le juge du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Véronique FRANCOIS, Vice-Présidente placée, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de Pau en date du 11 décembre 2024, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

APPELANT

Monsieur X SE DISANT [O] [L] ALIAS [C] [F] né le 02/08/2002

né le 02 Septembre 2000 à [Localité 1]

de nationalité Marocaine

Retenu au centre de rétention d'[Localité 4]

Comparant et assisté de Maître Camille LACOSTE, avocat au barreau de Pau et de Monsieur [V], interprète assermenté en langue arabe

INTIMES :

LE PREFET DE LA SEINE MARITIME, avisé, absent, qui a transmis un mémoire

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l’audience,

ORDONNANCE :

– réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

[O] [L] né le 2 septembre 2000 à [Localité 1] au Maroc alias [C] [F] né le 2 août 2022 à [Localité 1] au Maroc est entré irrégulièrement sur le territoire français.

Le 9 novembre 2023, le préfet des Yvelines a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée d’une année, qui lui a été notifiée le même jour.

Le 2 janvier 2025, le préfet de la Seine Maritime a prolongé son interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans à compter de la notification du dudit arrêté qui lui a été notifié le même jour.

Par décision en date du 2 janvier 2025, notifiée le même jour, l’autorité administrative a ordonné le placement de [O] [L] alias [C] [F] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et saisi, par requête en date du 3 janvier 2025, le juge du tribunal judiciaire de Bayonne d’une demande tendant à la prolongation de la rétention.

Selon requête enregistrée le 4 janvier 2025, [O] [L] alias [C] [F] a contesté la décision de placement en rétention.

Selon ordonnance du 6 janvier 2025, notifiée à [O] [L] alias [C] [F] à 12h45, le juge du tribunal judiciaire de Bayonne a :

– ordonné la jonction du dossier RG 25/00020 au dossier RG 25/00021 N° Portalis DBZ7-W-B7J-FU5M statuant une seule et même ordonnance

– déclaré recevable la requête de [O] [L] alias [C] [F] en contestation de son placement en rétention

Déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le préfet de la Seine Maritime

– dit n’y avoir lieu à assignation à résidence

– Ordonné la prolongation de la rétention de [O] [L] alias [C] [F] pour une durée de vingt-six jours à l’issue du délai de 96 heures de la rétention.

Selon déclaration d’appel motivée formée par [O] [L] alias [C] [F] reçue le 7 janvier à 11h28 ; [O] [L] alias [C] [F] sollicite l’infirmation de l’ordonnance.

Le préfet de la Seine Maritime a fait valoir ses observations qui ont été communiquées à l’ensemble des parties. Il a soutenu que l’heure de notification de l’arrêté de placement en rétention pouvait se déduire avec certitude de la procédure et qu’il avait communiqué une demande de réadmission autorités espagnoles.

A l’appui de son appel, [O] [L] alias [C] [F] fait valoir trois moyens:

défaut de motivation de la décision sur sa situation personnelle

l’absence d’horodatage de la décision de placement en rétention ne permettant pas au juge de contrôler la chronologie de la chaîne de privation de liberté

son souhait d’être renvoyé en Espagne.

Il demande en conséquence l’infirmation de l’ordonnance entreprise.

A l’audience, le conseil de [O] [L] alias [C] [F] a soutenu ces mêmes moyens.

[O] [L] alias [C] [F] a été entendu en ses explications.

Sur ce :

En la forme, l’appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l’article R743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Sur le fond, l’examen de la procédure et des pièces communiquées par l’appelant fait apparaître les éléments suivants :

Sur la contestation de la décision de placement en rétention par [O] [L] alias [C] [F] :

Sur l’absence d’horodatage

[O] [L] alias [C] [F] soutient in limine litis que l’absence d’horodatage de la notification de l’arrêté de placement en rétention justifie l’annulation de la procédure et sa remise en liberté.

En vertu de l’article L. 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l’étranger dont l’effectivité n’a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.

En l’espèce, il résulte de la procédure que [O] [L] alias [C] [F] a été placé en rétention administrative dans le prolongement de sa garde à vue qui a pris fin le 2 janvier 2025 à 10h30. L’officier de police, sur instruction du bureau des éloignements, lui a notifié « durant le temps de sa garde à vue » simultanément l’arrêté prolongeant l’interdiction de retour, l’arrêté de placement en rétention administrative et la notification de ses droits. L’arrêté de retour comporte une heure précise de notification à 10h25. Il se déduit de ces éléments que l’arrêté de placement en rétention administrative a été également notifié à [O] [L] alias [C] [F] avant la fin de sa mesure de garde à vue et que sa mesure de rétention administrative a débuté instantanément à la levée de garde à vue sans qu’il y ait d’interruption entre les deux mesures privatives de liberté.

Il n’est ainsi pas démontré en quoi l’absence d’horodatage de l’arrêté de placement en rétention a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l’étranger.

Ce moyen sera donc rejeté

Sur la situation personnelle

[O] [L] alias [C] [F] soutient disposer d’un logement à [Localité 5] et d’un travail à [Localité 3].

Il produit un contrat de bail sur lequel n’apparaît que la signature électronique du bailleur (la signature n’est pas manuscrite) sans qu’il soit possible de rattacher cette signature à ce dernier. La même signature est reproduite sur une quittance de loyer qui a été établie par ordinateur, tout comme le bail. La signature de [O] [L] alias [C] [F] n’apparaît sur aucun des documents. Par ailleurs, [O] [L] alias [C] [F] produit les conditions générales de trois contrats d’électricité de trois fournisseurs d’électricité différents soit TOTAL ENERGIE, ENDIS et GRDF.

S’il affirme avoir un contrat de travail, il n’en fournit pas la copie. Il ne produit que la copie d’un livret d’accueil. Par ailleurs, les fiche de paie produites font apparaître un employeur situé au [Localité 3] soit à 145 km du lieu où [O] [L] alias [C] [F] dit habité. Enfin la dernière fiche de paie produite indique que [O] [L] alias [C] [F] habite [Localité 2].

Au regard de ses éléments, il n’est pas établi que [O] [L] alias [C] [F] dispose d’un logement et donc ne peut être assigné à résidence.

Sur la requête en prolongation du préfet de Seine Maritime :

Aux termes de l’article L. 741-3 du CESEDA : Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.

La motivation du préfet indique de manière suffisamment caractérisée par les éléments de l’espèce les circonstances de fait qui ont motivé sa décision de placement en rétention.

Elle prend en compte la situation de [O] [L] alias [C] [F], et son absence de garantie de représentation  et son état de vulnérabilité ou du handicap.

En effet, il est relevé que fait que l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes propres à prévenir le risque qu’il ne se soustraie à la mesure et qu’ présente une menace pour l’ordre public au regard des faits pour lesquels il a été placé en garde à vue, soit des violences sur une femme avec laquelle il se déclare en couple.

Cette motivation ne fait pas état de l’ensemble de la situation de fait de [O] [L] alias [C] [F], mais retient les éléments utiles permettant de comprendre la position retenue par l’administration.

Il est justifié au dossier de la préfecture que un premier routing a été sollicité et que la première disponibilité a été fixée au 10 janvier 2025.

Dès lors, l’administration justifie des diligences accomplies nécessaires à l’éloignement de l’étranger dès le placement en rétention .

Dès-lors, le maintien en rétention de [O] [L] alias [C] [F] se justifie et il convient de confirmer l’ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons l’appel recevable en la forme.

Confirmons l’ordonnance entreprise

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l’étranger, à son conseil, à la préfecture de la Seine Maritime.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d’un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l’intermédiaire d’un Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le huit Janvier deux mille vingt cinq à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Véronique FRANCOIS

Reçu notification de la présente par remise d’une copie

ce jour 08 Janvier 2025

Monsieur X SE DISANT [O] [L] ALIAS [C] [F] né le 02/08/2002, par mail au centre de rétention d'[Localité 4]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Camille LACOSTE, par mail,

Monsieur le Préfet de la Seine Maritime, par mail


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