L’Essentiel : M. [C] [U], de nationalité algérienne, a été placé en rétention administrative le 23 octobre 2024, suite à une obligation de quitter le territoire français. Le 7 janvier 2025, il a interjeté appel de la prolongation de sa rétention, soutenant que les critères légaux n’étaient pas remplis. Lors de l’audience, la cour a examiné les arguments des deux parties. Elle a noté l’absence de condamnation pénale définitive et a conclu qu’aucun critère de prolongation n’était établi. En conséquence, l’ordonnance de prolongation a été infirmée, et M. [C] [U] a été informé de son obligation de quitter le territoire.
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Contexte de l’affaireM. [C] [U], de nationalité algérienne, né le 28 avril 1985, a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral le 23 octobre 2024, suite à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) émise le même jour. Cette mesure a été prolongée à plusieurs reprises, la dernière étant ordonnée le 6 janvier 2025, pour une durée maximale de 15 jours. Appel de M. [C] [U]Le 7 janvier 2025, M. [C] [U] a interjeté appel de la décision de prolongation de sa rétention, arguant que les critères de l’article 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’étaient pas remplis. Il a été assisté par son avocat, Me Céline Vandecasteele, lors de l’audience. Arguments des partiesLors de l’audience, M. [C] [U] a demandé l’infirmation de l’ordonnance de prolongation, tandis que le conseil du préfet de police a plaidé pour sa confirmation. La cour a examiné les diligences de l’administration pour justifier le maintien en rétention de M. [C] [U]. Critères de prolongation de la rétentionSelon l’article L.742-5, la prolongation de la rétention peut être justifiée par des critères spécifiques, tels que l’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement ou des problèmes liés à la délivrance de documents de voyage par le consulat. La cour a noté que l’administration devait établir l’un de ces critères pour justifier la prolongation. Évaluation de la menace à l’ordre publicLa cour a souligné que la menace à l’ordre public, qui peut justifier une prolongation, doit être fondée sur des éléments objectifs et démontrés. En l’espèce, bien que M. [C] [U] ait été signalé, aucune condamnation pénale définitive n’a été établie, et la garde à vue précédente s’est soldée par un classement sans suite. Décision de la courLa cour a conclu qu’aucun des critères de prolongation n’était établi, et qu’aucune obstruction n’avait été démontrée. Par conséquent, elle a infirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention et a rejeté la requête du préfet. M. [C] [U] a été informé de son obligation de quitter le territoire français, sans maintien en rétention administrative. |
Q/R juridiques soulevées :
Quels sont les critères de prolongation de la rétention administrative selon l’article L.742-5 du CESEDA ?L’article L.742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L.742-4, lorsque l’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ; 2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement : a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L.631-3 ; b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3 ; 3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours. Il est important de noter que les critères énoncés ne sont pas cumulatifs, ce qui signifie qu’il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention. Quelles sont les obligations de l’administration en matière de diligence pour le retour de l’étranger ?Selon l’article L.741-3 du CESEDA, il appartient au magistrat du siège de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. Cela requiert, dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour. Cependant, il est important de souligner que l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, comme l’indique la jurisprudence (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165). Ainsi, le juge ne saurait imposer à l’administration la réalisation d’actes sans véritable effectivité. Cela signifie que l’administration doit démontrer qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour faciliter le retour de l’étranger, mais elle ne peut pas être tenue responsable des délais ou des refus des autorités consulaires. Comment la menace pour l’ordre public est-elle appréciée dans le cadre de la rétention administrative ?La menace pour l’ordre public, qui peut être mobilisée par l’administration lors des prolongations de la mesure de rétention, doit faire l’objet d’une appréciation in concreto. Cela signifie qu’il faut examiner un faisceau d’indices permettant d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé. La jurisprudence a précisé que la commission d’une infraction pénale n’est pas, à elle seule, suffisante pour établir que le comportement de l’intéressé présente une menace pour l’ordre public (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X. ; CE, 12 février 2014, ministre de l’intérieur, n° 365644). L’appréciation de cette menace doit également prendre en compte les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l’intérieur). En l’espèce, la cour a constaté qu’aucun élément ne justifiait une menace à l’ordre public, car bien que Monsieur [C] [U] ait fait l’objet de plusieurs signalements, il n’y avait pas de condamnation définitive pour des faits de nature pénale. Quelles sont les conséquences d’une décision de prolongation de la rétention administrative ?Lorsqu’une décision de prolongation de la rétention administrative est ordonnée, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours. Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° de l’article L.742-5 survient au cours de cette prolongation, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. Cependant, la durée maximale de la rétention ne doit pas excéder quatre-vingt-dix jours. Il est également important de rappeler que si le juge ne trouve pas de justification pour la prolongation, comme cela a été le cas dans l’affaire de Monsieur [C] [U], la décision de prolongation peut être infirmée, et l’étranger peut être libéré de la rétention administrative. Dans ce cas précis, la cour a infirmé l’ordonnance de prolongation, constatant qu’aucun des critères de l’article L.742-5 n’était établi, et a ordonné la remise immédiate de Monsieur [C] [U] au procureur général. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 08 JANVIER 2025
(1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/00095 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKSJO
Décision déférée : ordonnance rendue le 06 janvier 2025, à 13h52, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Roxanne Therasse, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
M. [C] [U]
né le 28 avril 1985 à [Localité 1], de nationalité algérienne
RETENU au centre de rétention : [2]
assisté de Me Céline Vandecasteele avocat de permanence, avocat au barreau de Paris
INTIMÉ :
LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Ludivine Floret, du cabinet Tomasi, avocat au barreau de Lyon
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience
ORDONNANCE :
– contradictoire
– prononcée en audience publique
– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;
– Vu l’ordonnance du 06 janvier 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris ordonnant la prolongation du maintien de M. [C] [U] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 15 jours, soit jusqu’au 21 janvier 2025 ;
– Vu l’appel motivé interjeté le 07 janvier 2025, à 11h33, par M. [C] [U] ;
– Après avoir entendu les observations :
– de M. [C] [U], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;
– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;
Monsieur [C] [U], né le 28 avril 1985 à [Localité 1] (Algérie) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 23 octobre 2024, sur la base d’une OQTF du même jour.
La mesure a été prolongée pour la quatrième fois par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris le 06 janvier 2025.
Monsieur [C] [U] a interjeté appel de cette décision au motif, selon lui, que les critères de l’article 742-5 du ceseda ne seraient pas remplis.
Réponse de la cour :
S’il appartient au magistrat du siège, en application de l’article L. 741-3 du même code, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour, en revanche, l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165) et le juge ne saurait imposer à l’administration la réalisation d’acte sans véritable effectivité.
En application de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 janvier 2024 :
« A titre exceptionnel, le magistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »
Les critères énoncés ci-dessus n’étant pas cumulatifs, il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention.
Pour l’application du dernier alinéa de l’article précité à la requête en quatrième prolongation, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, il appartient à l’administration de caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public établie dans les 15 jours qui précèdent la saisine du juge.
S’agissant de la menace à l’ordre public, critère pouvant être mobilisé par l’administration à l’occasion des troisième et quatrième prolongations de la mesure de rétention elle impose, compte tenu du caractère dérogatoire et exceptionnel de ces ultimes prolongations, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l’administration. Elle a pour objectif manifeste de prévenir, pour l’avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.
La menace pour l’ordre public doit faire l’objet d’une appréciation in concreto, au regard d’un faisceau d’indices permettant, ou non, d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé.
La commission d’une infraction pénale n’est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X., A ; CE, 12 février 2014, ministre de l’intérieur, n° 365644, A).
L’appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B).
En l’espèce, si les autorités consulaires algériennes ont été saisies dès le placement en rétention administrative de Monsieur [C] [U], son audition consulaire n’est, en l’état, prévue que le 15 janvier 2025, soit une semaine avant la fin de la mesure de rétention administrative ; que dans ces conditions il ne peut être considéré que l’administration établit être en mesure de disposer de documents de voyage à bref délai.
La préfecture n’allègue ni ne démontre un acte d’obstruction volontaire de la part de Monsieur [C] [U] au cours des quinze derniers jours.
Enfin, s’agissant de la menace à l’ordre public, elle n’est établie par aucune pièce de la procédure dès lors que si Monsieur [C] [U] a fait l’objet de plusieurs signalements au FAED, il n’est justifié d’aucune condamnation définitive pour des faits de nature pénale et la mesure de garde à vue ayant immédiatement précédé son placement en rétention administrative s’est soldée par un classement sans suite.
La cour observe, par ailleurs, que l’administration s’abstient de la production d’un bulletin n°2 du casier judiciaire alors même qu’elle a la possibilité d’en solliciter un en application des article 776 et R.79-1° du code de procédure pénale, pièce qui serait de nature à établir avec certitude les antécédents pénaux du retenu, et donc à apprécier la menace à l’ordre public alléguée.
En définitive, aucun de critères de l’article 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’étant établi, aucune obstruction n’étant démontrée, c’est à tort que le premier juge à fait droit à la demande de quatrième prolongation. La décision sera donc infirmée et la requête de la préfecture rejetée.
INFIRMONS l’ordonnance,
STATUANT À NOUVEAU,
REJETONS la requête
DISONS n’y avoir lieu à maintien de M. [C] [U] en rétention administrative,
RAPPELONS à M. [C] [U] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 08 janvier 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L’intéressé L’avocat de l’intéressé
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