L’Essentiel : [N] [E] a été engagée le 17 avril 2008 par les Petites Soeurs des Pauvres en tant qu’accompagnante éducative et sociale. Elle a reçu un blâme en 2018 et une mise à pied en 2019, avant d’être licenciée pour faute grave le 12 mars 2021, suite à un comportement agressif envers une résidente. En réponse, elle a saisi le conseil de prud’hommes, qui a condamné la Congrégation à lui verser 28 000,70€ pour licenciement sans cause réelle. La Congrégation a interjeté appel, tandis que [N] [E] a demandé une augmentation des indemnités, invoquant un manquement à l’obligation de prévention des risques.
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Engagement et fonctions de la salariée[N] [E] a été engagée le 17 avril 2008 par l’établissement des Petites Soeurs des Pauvres, où elle a exercé en tant qu’accompagnante éducative et sociale, avec un salaire mensuel brut de 1 715,39€. Sanctions disciplinairesElle a reçu un blâme le 24 avril 2018, suivi d’une mise à pied le 5 avril 2019. Le 26 février 2021, elle a été convoquée à un entretien préalable pour un éventuel licenciement, qui a été fixé au 8 mars, et a été mise à pied à titre conservatoire. Licenciement pour faute graveLe 12 mars 2021, elle a été licenciée pour des motifs qualifiés de faute grave, notamment pour un comportement agressif envers une résidente, malgré les demandes de l’infirmière de quitter la chambre. Ce comportement a été jugé récurrent, avec des sanctions antérieures pour des faits similaires. Action en justiceLe 25 juin 2021, [N] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier, qui, par jugement du 18 novembre 2022, a condamné la Congrégation à lui verser plusieurs sommes, totalisant 28 000,70€, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Appel de la CongrégationLe 22 décembre 2022, la Congrégation a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et le rejet des prétentions de la salariée, tout en sollicitant une somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Appel incident de la salariéeDans ses conclusions du 5 mai 2023, [N] [E] a demandé d’infirmer partiellement le jugement et d’augmenter les montants des indemnités et dommages et intérêts, incluant des demandes pour manquement à l’obligation de prévention des risques. Obligation de prévention des risquesLa cour a examiné l’obligation de sécurité de l’employeur, notant que la Congrégation n’a pas justifié avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé de la salariée, ce qui a conduit à la confirmation d’une indemnité de 2 500€ pour manquement à cette obligation. Évaluation de la faute graveConcernant le licenciement, la cour a constaté que les faits reprochés à [N] [E] étaient établis et que son comportement agressif, en dépit des sanctions antérieures, constituait une faute grave justifiant son licenciement. Décision finale de la courLa cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes concernant les demandes liées à la rupture du contrat de travail, tout en confirmant le jugement pour le surplus et rejetant toute autre demande, condamnant la Congrégation aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la procédure à suivre pour la clôture de l’instruction selon le Code de procédure civile ?L’article 798 du Code de procédure civile stipule que « l’instruction est close lorsque le juge estime que toutes les pièces nécessaires à la solution du litige ont été produites ». Cela signifie que le juge a le pouvoir d’évaluer si l’ensemble des éléments de preuve et des arguments des parties ont été présentés de manière satisfaisante. En conséquence, une fois l’instruction close, le tribunal peut fixer une date d’audience pour plaider l’affaire. Il est important de noter que la clôture de l’instruction ne signifie pas que les parties ne peuvent plus soumettre de nouvelles preuves, mais cela doit être fait dans des conditions spécifiques, souvent avec l’accord du juge. Quelles sont les obligations des parties concernant le dépôt des dossiers de plaidoirie ?Selon les dispositions du Code de procédure civile, notamment l’article 800, « les parties doivent déposer leurs dossiers de plaidoirie au greffe de la chambre au moins quinze jours avant l’audience ». Cela permet au tribunal de préparer l’affaire de manière adéquate. Les dossiers de plaidoirie doivent inclure un exemplaire des dernières conclusions régulièrement signifiées, ainsi que les pièces présentées dans l’ordre du dernier bordereau de pièces. Cette exigence vise à garantir que toutes les informations pertinentes soient disponibles pour le juge avant l’audience, facilitant ainsi une décision éclairée. Quelles sont les conséquences d’un non-respect des délais de dépôt des dossiers de plaidoirie ?Le non-respect des délais de dépôt des dossiers de plaidoirie peut entraîner des conséquences significatives. En vertu de l’article 801 du Code de procédure civile, « le juge peut décider de ne pas tenir compte des conclusions ou des pièces qui n’ont pas été déposées dans les délais impartis ». Cela signifie que si une partie ne respecte pas le délai de quinze jours, elle risque de voir ses arguments ou preuves écartés lors de l’audience. Cette règle vise à assurer l’équité entre les parties et à éviter les surprises lors des plaidoiries, garantissant ainsi un procès équitable. Comment se déroule l’audience après la clôture de l’instruction ?L’article 802 du Code de procédure civile précise que « l’audience se déroule devant un juge unique, sauf disposition contraire ». Après la clôture de l’instruction, les parties sont invitées à plaider ou à s’en rapporter à leur dossier. Cela signifie qu’elles peuvent choisir de présenter oralement leurs arguments ou de laisser le tribunal se prononcer sur la base des documents déposés. L’audience est une étape cruciale où les parties peuvent exposer leurs positions et répondre aux questions du juge, ce qui peut influencer la décision finale. |
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 08 JANVIER 2025
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/06491 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PVAL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 18 NOVEMBRE 2022 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
N° RG F 21/00799
APPELANTE :
CONGRÉGATION LES PETITES SOEURS DES PAUVRES (PSDP), Siret n° 340 139 187 00017, prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me François PETIT de la SELAS FPF AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Nadia HANTALI, avocate au barreau de BORDEAUX
INTIMEE :
Madame [N] [E]
née le 18 Juin 1978 à Madagascar
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 23 Octobre 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Novembre 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
M. Jean-Jacques FRION, Conseiller
Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
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FAITS ET PROCÉDURE
[N] [E] a été engagée le 17 avril 2008 par l’établissement particulier des Petites Soeurs des Pauvres ‘[5]’. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions d’accompagnante éducative et sociale avec un salaire mensuel brut de base de 1 715,39€.
Elle a fait l’objet d’un blâme par lettre du 24 avril 2018 puis d’une mise à pied par lettre du 5 avril 2019.
Le 26 février 2021, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé au 8 mars suivant, et mise à pied simultanément à titre conservatoire.
Elle a été licenciée par lettre du 12 mars 2021 pour les motifs suivants, qualifiés de faute grave : ‘Lundi 22 février 2021 au matin, l’infirmière qui se trouve dans la chambre de Mme [D] pour faire son pansement entend parler fort dans la chambre voisine chez Mme [R].
Après avoir fini son soin, elle se rend dans la chambre pour voir ce qu’il s’y passe et vous voit parlant à Mme [R] d’une manière très véhémente : ‘Vous êtes chrétienne’ Ceci n’est pas un comportement chrétien’…
Vous lui expliquez que Mme [R] appelle sa soeur et lui dit que nous ne la traitons pas très bien. L’infirmière vous demande de prendre du recul et de sortir de la chambre…
Ceci à deux reprises mais sans réussir à vous faire accepter de sortir de la chambre… .
L’infirmière a dû prendre un long moment pour rassurer la résidente et l’assurer de nos bons soins.
Vous avez réitéré un comportement agressif en montant le ton et en rendant impossible tout échange constructif nécessaire à la résolution du problème…
Ce comportement n’est pas exceptionnel : vous avez déjà fait l’objet de sanctions disciplinaires pour des faits similaires…’
Le 25 juin 2021, estimant son licenciement injustifié, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier qui, par jugement en date du 18 novembre 2022, a condamné la CONGRÉGATION PETITES SOEURS DES PAUVRES à lui payer :
– la somme de 795,20€ à titre de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire ;
– la somme de 79,50€ à titre de congés payés sur salaire pendant la période de mise à pied conservatoire ;
– la somme de 4 555€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– la somme de 455€ à titre de congés payés sur préavis ;
– la somme de 7 282€ à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– la somme de 15 000€ brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– la somme de 960€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 22 décembre 2022, la CONGRÉGATION PETITES SOEURS DES PAUVRES a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions notifiées et enregistrées au greffe le 26 juin 2023, elle conclut à l’infirmation du jugement, au rejet des prétentions adverses et à l’octroi de la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées et enregistrées au greffe le 5 mai 2023, [N] [E], relevant appel incident, demande d’infirmer pour partie le jugement et de lui allouer :
– la somme de 795,20€ à titre de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire ;
– la somme de 79,50€ à titre de congés payés sur salaire pendant la période de mise à pied conservatoire ;
– la somme de 4 555€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– la somme de 455€ à titre de congés payés sur préavis ;
– la somme de 7 846€ à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– la somme de 25 000€ brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention des risques ;
– la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.
Sur l’obligation de prévention des risques :
Attendu qu’il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ce qui comprend notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ;
Que la salariée se prévaut d’un management autoritaire, notamment d’une multitude de sanctions disciplinaires injustifiées, des difficultés qu’elle a rencontrées dans le paiement de son salaire pendant son arrêt de travail, de difficultés d’organisation et de l’absence de formation ;
Attendu que [N] [E] ne demande pas l’annulation des sanctions disciplinaires dont elle a été l’objet ;
Que leur bien-fondé est d’ailleurs justifié par les différents documents produits par la Congrégation ;
Attendu, de même, que s’ils déplorent les difficultés rencontrées par la salariée dans ses relations humaines, les entretiens annuels de progrès reconnaissent la réalité de ses capacités professionnelles ;
Que la Congrégation s’est également attachée à tenir compte de son ‘fort caractère’ et que n’est qu’après l’avoir mise en garde et sanctionnée à plusieurs reprises qu’elle l’a licenciée ;
Qu’enfin, il est établi que le service comptable de la Congrégation a répondu en temps utiles à ses interrogations quant au paiement de ses indemnités journalières de maladie ;
Attendu toutefois qu’il est démontré par les entretiens annuels que [N] [E] n’avait plus suivi de formation à partir de 2017 ;
Que la Congrégation ne produit pas davantage d’élément susceptible d’apporter la preuve qu’elle aurait répondu aux inquiétudes qu’elle manifestait, relatives au manque d’écoute de la direction et à son manque de soutien et de confiance ;
Attendu qu’il en résulte que l’employeur, qui ne justifie pas d’avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, a méconnu l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ;
Attendu qu’au regard des éléments portées à l’appréciation de la cour et à défaut d’élément nouveau, il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes qui a correctement évalué à 2 500€ le montant des dommages et intérêts dû à la salariée pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ;
Sur le licenciement :
Attendu que la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ;
Que c’est à l’employeur et à lui seul d’apporter la preuve de la faute grave invoquée par lui pour justifier le licenciement ;
Attendu qu’en l’espèce, les faits reprochés à [N] [E] sont établis par l’attestation de Mme [G], infirmière de l’établissement ;
Qu’ainsi que l’invoque la lettre de licenciement, la salariée avait été précédemment sanctionnée pour des faits similaires tenant à son manque de courtoisie et à son comportement véhément par un blâme, le 24 avril 2018, puis par une mise à pied, par lettre du 5 avril 2019 ;
Que la CONGRÉGATION PETITES SOEURS DES PAUVRES produit également un message du service médical du 17 avril 2020 se plaignant de ‘l’agressivité’ de [N] [E] qui ‘ne veut rien entendre, parle plus fort que moi et s’en va’ ;
Attendu que les entretiens annuels de progrès 2018 et 2019 mettent systématiquement l’accent sur la nécessité pour la salariée de savoir contrôler ses émotions et le ton de sa voix ;
Que l’article 8 du contrat de travail rappelle la nécessité pour la salarié de ‘respecter la Charte des Droits et Libertés de la personne âgée dépendante dont elle reconnaît avoir pris connaissance (et d’avoir) un comportement calme et courtois avec les résidents et le personnel’ ;
Attendu que la méconnaissance par l’employeur de son obligation de sécurité ne présente aucun lien avec la faute invoquée ;
Attendu qu’il en résulte que le comportement agressif reproché à [N] [E], commis au préjudice d’une personne affaiblie et dépendante nécessitant calme, soins et apaisement, et qu’il a fallu ensuite ‘rassurer’, ajouté aux sanctions antérieures et doléances dont elle avait déjà fait l’objet, caractérise, en dépit des attestations produites en sa faveur, une faute grave privative du salaire pendant la mise à pied conservatoire et des indemnités de rupture ;
* * *
Attendu qu’enfin, l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel ;
LA COUR,
Infirmant le jugement et statuant à nouveau,
Rejette les demandes liées à la rupture du contrat de travail (salaire, indemnités de rupture, dommages et intérêts) ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la CONGRÉGATION PETITES SOEURS DES PAUVRES aux dépens.
La Greffière Le Président
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