L’Essentiel : Le 21 octobre 2016, M. [G] a subi un grave accident du travail en fendant du bois pour l’Earl [C], entraînant des blessures à sa main droite et un arrêt de travail jusqu’au 31 octobre 2017. Bien que l’employeur ait déclaré son embauche le même jour, M. [G] a affirmé avoir travaillé sans contrat depuis le 25 juillet 2016. En août 2017, il a saisi le conseil de prud’hommes pour réclamer des rappels de salaire et une indemnisation pour travail dissimulé. Le tribunal a reconnu l’Earl [C] coupable de manquements à l’obligation de sécurité et a ordonné des indemnités en faveur de M. [G].
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Accident du travail de M. [G]Le 21 octobre 2016, M. [G] a subi un grave accident du travail alors qu’il fendait du bois de chauffage pour l’Earl [C]. Cet accident a entraîné des blessures à sa main droite, le contraignant à un arrêt de travail prolongé jusqu’au 31 octobre 2017. Engagement et déclaration d’embaucheLe même jour, à 15h34, l’employeur a déclaré M. [G] embauché auprès de la MSA en tant qu’ouvrier agricole sous un contrat à durée déterminée saisonnier. Cependant, M. [G] a affirmé avoir été engagé sans contrat écrit ni déclaration auprès des organismes sociaux depuis le 25 juillet 2016, travaillant 40 heures par semaine et étant payé en espèces ou par chèques. Procédures judiciairesLe 3 août 2017, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Carcassonne pour réclamer des rappels de salaire et une indemnisation pour travail dissimulé et manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur. Le conseil a ordonné un sursis à statuer en attendant l’issue d’une procédure pénale. Jugement du tribunal correctionnelLe 12 février 2020, le tribunal correctionnel de Carcassonne a déclaré l’Earl [C] coupable de plusieurs infractions, notamment la mise à disposition d’équipements de travail non sécurisés et l’exécution d’un travail dissimulé entre le 25 juillet et le 21 octobre 2016. Décisions des prud’hommesLe 23 novembre 2021, le conseil de prud’hommes a déclaré M. [G] victime de travail dissimulé et a condamné l’Earl [C] à verser plusieurs indemnités, y compris pour la requalification de son contrat, le travail dissimulé, et le manquement à l’obligation de sécurité. L’employeur a été condamné à verser un total de 1 466,64 euros pour la requalification, 8 799,89 euros pour le travail dissimulé, et d’autres indemnités. Appel de l’employeurLe 2 décembre 2021, l’Earl [C] a interjeté appel de cette décision. Dans ses conclusions, l’employeur a demandé l’infirmation du jugement et a soutenu l’irrecevabilité des demandes de M. [G]. Demandes de M. [G]M. [G] a également formulé des demandes additionnelles, incluant la confirmation de la nullité de la rupture de son contrat de travail et des indemnités pour licenciement nul, ainsi que des montants révisés pour les indemnités de requalification et de travail dissimulé. Motivations du jugementLe tribunal a examiné la recevabilité des demandes additionnelles et a statué sur la prescription des actions. Il a confirmé que la rupture du contrat de travail était intervenue en raison de l’accident et a jugé que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité. Indemnisation et conclusions finalesLe tribunal a infirmé certaines décisions antérieures, notamment celles concernant la requalification du contrat, tout en confirmant d’autres, comme la nullité du licenciement. L’Earl [C] a été condamné à verser des indemnités pour licenciement nul, travail dissimulé, et congés payés, ainsi qu’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale dans le cadre d’un pourvoi en cassation ?L’article 567-1-1 du code de procédure pénale stipule que la Cour de cassation doit examiner la recevabilité du recours ainsi que les pièces de procédure avant de se prononcer sur le pourvoi. Cet article précise que la Cour ne peut admettre un pourvoi que s’il existe des moyens de nature à justifier son admission. Dans le cas présent, la Cour a constaté qu’il n’existait aucun moyen permettant l’admission du pourvoi, ce qui a conduit à la déclaration de non-admission. Ainsi, la décision de la Cour de cassation est fondée sur l’absence de moyens juridiques pertinents, conformément aux dispositions de l’article 567-1-1. Quelles sont les conséquences d’une déclaration de non-admission d’un pourvoi ?La déclaration de non-admission d’un pourvoi a pour effet de rendre définitive la décision contestée. Cela signifie que la décision de la juridiction inférieure reste en vigueur et ne peut plus être remise en cause par la Cour de cassation. En vertu de l’article 567-1-1, la Cour de cassation ne se prononce pas sur le fond de l’affaire, mais uniquement sur la recevabilité du pourvoi. Ainsi, la non-admission ne préjuge en rien de la légalité ou de la validité de la décision attaquée, mais confirme simplement qu’aucun moyen n’a été jugé recevable. Comment la Cour de cassation justifie-t-elle sa décision de non-admission ?La Cour de cassation justifie sa décision de non-admission en se basant sur l’examen des moyens soulevés par le pourvoi et des pièces de la procédure. Elle doit s’assurer que les arguments présentés sont suffisamment fondés pour justifier une révision de la décision antérieure. Dans le cas présent, la Cour a conclu qu’aucun des moyens avancés n’était de nature à permettre l’admission du pourvoi, ce qui est en conformité avec l’article 567-1-1. Cette démarche garantit que seuls les recours ayant un fondement juridique solide sont examinés, préservant ainsi l’efficacité et la rapidité de la justice. |
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 08 JANVIER 2025
Numéro d’inscription au répertoire général :
F N° RG 21/07009 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PHL5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 NOVEMBRE 2021
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE – N° RG F 21/00060
APPELANTE :
E.A.R.L [C]
Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social, sis
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Sébastien LEGUAY de la SELARL SEBASTIEN LEGUAY, substitué sur l’audience par Me Sarah FAIDI, avocats au barreau de CARCASSONNE
INTIME :
Monsieur [J] [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Chloe DEMERET, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat non plaidant
Ordonnance de clôture du 23 Septembre 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre
Madame Magali VENET, Conseillère
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
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FAITS ET PROCÉDURE
Le 21 octobre 2016 à 15h25, M. [G] a été victime d’un accident du travail alors qu’il travaillait à fendre du bois de chauffage pour l’ Earl [C]. Le salarié grièvement blessé à la main droite était placé continûment en arrêt de travail du 21 octobre 2016 au 31 octobre 2017.
Le 21 octobre 2016, à 15h34, l’employeur a procédé à sa déclaration d’embauche auprès de la MSA moyennant un ‘titre emploi simplifié agricole’, en qualité d’ouvrier agricole, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée ‘saisonnier’ pour des travaux de coupe de bois.
Exposant avoir été en réalité engagé, sans contrat écrit et sans être déclaré auprès des organismes sociaux, à compter du 25 juillet 2016 par l’Earl [C] et d’avoir ainsi travaillé du lundi au vendredi à raison de 8 heures par jour en étant rémunéré en espèces ou en chèques, M. [G] a saisi, le 3 août 2017, le conseil de prud’hommes de Carcassonne aux fins de solliciter des rappels de salaire pour la période du 25 juillet 2016 au 21 octobre 2016 et une indemnisation pour, d’une part, travail dissimulé et, d’autre part, manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Par jugement du 27 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Carcassonne a ordonné le sursis à statuer jusqu’à l’aboutissement de la procédure pénale parallèle et reservé les dépens.
Par jugement du 12 février 2020, le tribunal correctionnel de Carcassonne a déclaré l’entreprise [C] coupable des infractions suivantes :
– Mise à disposition à un travailleur d’un équipement de travail sans information ou formation,
– Mise à disposition à un travailleur d’un équipement de travail ne permettant pas de préserver sa sécurité,
– emploi de travailleur sans veiller à l’utilisation effective d’équipement de protection individuelle,
– Exécution d’un travail dissimulé commis du 25 juillet 2016 au 21 octobre 2016
– Blessures involontaires par personne morale avec incapacité n’excédant pas 3 mois causé par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence.
Le 17 février 2020, l’affaire a été réinscrite au rôle du 26 mai 2020 et le salarié a formulé des demandes additionnelles.
Par jugement du 26 mai 2020, le conseil de prud’hommes de Carcassonne a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de l’aboutissement de la procédure en cours devant le tribunal judiciaire de Carcassonne et, dans l’attente, a prononcé la radiation adminstrative du dossier.
Par jugement du 18 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne a jugé que l’accident du travail était la conséquence d’une faute inexcusable de l’employeur.
Par jugement du 23 novembre 2021, le conseil a statué comme suit :
Déclare recevable les demandes additionnelles de M. [G],
Dit qu’il a été victime de travail dissimulé,
Condamne l’Earl [C] à lui verser les sommes suivantes :
– 1 466,64 euros brut à titre d’indemnité de requalification du CDD en CDI,
– 8 799,89 euros brut à titre d’indemnité de travail dissimulé,
– 2 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour manquement de son obligation d’hygiène et de sécurité,
– 439,98 euros brut à titre d’indemnité de congés payés,
– 8 799,84 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement nul,
– 1 466,64 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 146,66 euros brut de congés payés y afférents,
Ordonne l’exécution provisoire du jugement pour le paiement des indemnités de congés payés, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et indemnité de requalification du CDD en CDI,
Déboute M. [G] de sa demande de dommages-intérêts de licenciement,
Déboute M. [G] de ses autres demandes d’exécution provisoire et les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne la société à verser au salarié la somme de 1 250 euros brut au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Dit que les sommes porteront intérêts à taux légal à compter de la notification du jugement,
Dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier devront être supportées par la société défenderesse.
Le 2 décembre 2021, l’ Earl [C] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 23 septembre 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 octobre 2024.
‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 20 avril 2022, la société [C] demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :
Constater l’irrecevabilité et la prescription des demandes de M. [G] relatives à la requalification et la rupture de son contrat de travail et l’en débouter avant tout examen au fond,
Débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes,
Laisser à chacune des parties la charge de ses frais et dépens.
‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 14 mars 2022, M. [G] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que ses demandes additionnelles ont un lien suffisant avec la demande initiale, en ce qu’il a condamné la société au paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé et pour manquement à l’obligation de sécurité, ainsi qu’à un rappel de congés payés, en ce qu’il a requalifié le CDD en CDI et en ce qu’il a condamné la société au paiement d’une indemnité à ce titre, mais de réformer de ces chefs les montants alloués et de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
– 1 727,17 euros au titre de l’indemnité de requalification,
– 10 363 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 504,80 euros nets à titre d’indemnité de congés payés.
M. [G] demande en outre à la cour de :
A titre principal,
Sur la rupture du contrat de travail :
Confirmer le jugement dont appel sur la nullité de la rupture du contrat à durée indéterminée,
Réformer le jugement et condamner la yy à lui payer la somme de 539,74 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement.
Confirmer le jugement sur la condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et réformer le jugement sur le quantum en condamnant l’Earl [C] à lui verser la somme de 1 727,17 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 172,71 euros bruts à titre de congés payés y afférents.
Confirmer le jugement dont appel sur la condamnation de l’Earl [C] au titre de l’indemnité pour licenciement nul et réformer le jugement sur le quantum en condamnant la société à lui verser la somme de 10 363,02 euros nets.
A titre subsidiaire :
Sur la continuité du contrat de travail, dire et juger que le contrat à durée indéterminée n’a pas été rompu du fait de la suspension de son contrat de travail pendant ses arrêts de travail pour accident du travail et qu’il est toujours en vigueur,
Sur le préjudice financier des indemnités journalières du fait de l’absence de déclaration de son emploi, réformer le jugement dont appel et condamner l’Earl [C] à lui payer la somme de 15 591,93 euros à titre de préjudice financier de perte d’indemnités journalières d’accident du travail.
Condamner la société à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Sur la recevabilité des demandes additionnelles :
L’article 70 du code de procédure civile énonce que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Les actions prud’homales initiées depuis le 1er août 2016 ne bénéficient plus du principe de l’unicité de l’instance.
En l’espèce, il est constant que M. [G] a saisi le 3 août 2017, le conseil de prud’hommes des demandes suivantes :
‘ 10 049,16 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
‘ 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du manquement de l’employeur à ses obligations de sécurité,
‘ 5 048 euros à titre de rappel de salaires sur la période du 25/07 au 21/10/2016 (pièce 8).
Par voie de conclusions signifiée en mai 2021, M. [G] a fait réinscrire son affaire devant la Conseil de Prud’hommes, en formulant diverses demandes additionnelles, soit :
‘ 1727,17 euros à titre d’indemnité de requalification de son contrat de travail de CDD en CDI,
‘ La nullité de la rupture de ce contrat,
‘ 539,74 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,
‘ 1 727,17 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 172,71 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
‘ 10 363,02 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
La société [C] fait valoir que les demandes additionnelles formées par le salarié le 1er juin 2021 sont irrecevables comme n’étant pas en lien avec les demandes originaires.
M. [G] demande à la cour d’écarter cette fin de non recevoir en plaidant notamment que les demandes litigieuses ne sont que des demandes accessoires et additionnelles de la demande principale de travail dissimulé, qui n’auraient pu exister indépendamment de la procédure initiale.
Aucun lien ne relie effectivement la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée avec les demandes en paiement formées initialement par le salarié. Cette demande sera donc déclarée irrecevable.
En revanche, la demande d’indemnité pour travail dissimulé imposant le constat préalable de la rupture du contrat de travail, il sera jugé que les demandes visant la rupture du contrat et portant sur les indemnités de rupture et l’indemnité pour licenciement nul se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir de ce chef.
Sur la prescription de l’action tendant à voir juger le licenciement nul :
La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l’action en paiement de dommages-intérêts en raison d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, est soumise à la prescription de l’article L. 1471-1 du code du travail se rapportant à la rupture du contrat de travail.
Selon ce texte, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. En vertu de l’article 40 II de ladite ordonnance, les dispositions réduisant à douze mois le délai de prescription de l’action portant sur la rupture du contrat de travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 23 septembre 2017, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l’espèce, se pose la question du point de départ de cette prescription.
Aux termes de ses conclusions, l’employeur soutient notamment « qu’il est important en tout état de cause et d’ores d’indiquer qu’aucune rupture n’est intervenue dudit contrat, l’intéressé, régulièrement déclaré et engagé sous contrat à durée déterminée, sans terme défini, ayant vu son contrat suspendu dès le 21 octobre 2016 par l’effet de son accident travail et jusqu’au 31 octobre 2017 selon son conseil ».
En l’absence de notification de la rupture, le délai de prescription n’a pas couru, de sorte que la fin de non recevoir tirée de la prescription sera rejetée.
Sur les dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et pour préjudice financier dû à la perte d’indemnités journalières :
Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
En vertu de ces textes, l’employeur est tenu à l’égard de son salarié d’une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d’information et de formation, mise en place d’une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l’état d’évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Toutefois, le salarié ne peut former devant la juridiction prud’homale, sous couvert d’une action en dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité, une demande pour obtenir l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale.
En l’espèce, c’est à bon droit que la société [C] conclut au débouté du salarié de ce chef, dès lors qu’il a d’ores et déjà été indemnisé des préjudices découlant de l’accident du travail dans le cadre de la procédure pour faute inexcusable qu’il a initiée devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a accueilli l’action de M. [G] de ce chef et en ce qu’il lui a allouée la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts de ce chef.
Pour le même motif, sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice financier résultant de la perte d’indemnités journalières sera rejetée en ce qu’elle porte sur l’indemnisation des conséquences de l’accident du travail, à savoir l’incidence professionnelle de l’accident sur la période d’incapacité, laquelle relève également de la compétence exclusive du Pôle social du tribunal judiciaire.
Sur la rupture :
Au soutien de son action, M. [G], qui rappelle avoir été en arrêt pour accident de travail du 21 octobre 2016 jusqu’au 31 octobre 2017, se prévaut du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Carcassonne en date du 17 décembre 2019 qui a déclaré l’entreprise [C] coupable pour exécution d’un travail dissimulé commis du 25 juillet 2016 au 21 octobre 2016. Considérant acquis le fait d’avoir été engagé en contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’Ouvrier agricole à compter du lundi 25 juillet 2016, l’intimé soutient que l’employeur a mis fin au contrat de travail à durée indéterminée dès le soir même de l’accident, sans respecter la procédure légale de licenciement et alors que même qu’il était en arrêt de travail en raison d’un accident de travail. Il fait valoir en toute hypothèse que la société [C] :
– qui a établi un bulletin de paie pour la journée du 21 octobre 2016 d’un montant de 16,38 euros pour les deux heures travaillées du jour de l’accident,
– qui n’a jamais ni produit de bulletin de paie pour la période du 21 au 30 octobre 2016 et pour aucun des mois suivants faisant apparaître les indemnités versées par la MSA et le maintien de salaire de l’employeur (obligatoire en cas d’accident de travail),
– qui lui a versé, sans aucun bulletin ni justificatif la somme totale de 4 000 euros, versements qui se sont arrêtés le jour où il a porté plainte contre la société,
– qui ne l’a pas convoqué à une visite de reprise, ni ne l’a invité à reprendre son poste au terme de son arrêt de travail,
a pris l’initiative de la rupture, la démission ne se présumant pas.
L’employeur pour sa part fait valoir que M. [G] n’a jamais réintégré l’entreprise, de sorte que le postulat de départ selon lequel il l’aurait licencié dès le soir venu, sans respecter aucun formalisme, est inventé de toutes pièces. L’appelant relève encore qu’aucune coorespondance ne lui a été adressée pour solliciter la mise en place d’une visite médicale de reprise, ou solliciter la réintégration à un poste que le salarié estimerait occuper en contrat à durée indéterminée de sorte que la situation de fait de la rupture caractérise une démission non équivoque du salarié. Il ajoute que ‘tout courrier de rupture était inutile en l’état de la fin contractuellement convenue de ce contrat à durée indéterminée au 21 octobre 2016 au soir et d’autre part, que c’est le salarié qui, au terme de la suspension de son contrat, s’il s’estimait en contrat à durée indéterminée, ne s’est pas représenté à son poste de travail’, ni n’a pris l’initiative d’une rupture aux torts de l’employeur’. Enfin, il considère qu’il est vain de vouloir ici plaider qu’une démission ne se présumerait pas et que l’employeur aurait dû solliciter un justificatif d’absence étant inopérant dès lors que l’argumentation du salarié signe ici une véritable prise d’acte, à rebours, pour tenter de battre monnaie.
L’employeur oppose à l’argumentation développée par le salarié selon laquelle il a été engagé à la fin du mois de juillet 2016 de manière dissimulée, sans formalisation d’un contrat écrit, le Titre Emploi Simplifié Agricole (TESA) à durée déterminée lequel prévoyait une durée minimale de 1 jour, sans précision de la date de fin de contrat, une durée contractuelle de 35 heures, moyennant un salaire horaire brut de 9,67 euros, le motif de recours étant le ‘contrat saisonnier pour les travaux de coupe bois’.
Il est de droit qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 1242-2, 3°, et L. 1242-7, 4°, du code du travail que le contrat de travail à durée déterminée conclu sans terme précis pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier a pour terme la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu.
Toutefois, il ressort des témoignages de MM. [O] et [Z], qui travaillaient pour une autre entreprise de M. [C], la société [C] TP, corroborés par ceux de MM. [X] et [K], que M. [G] a travaillé en qualité d’ouvrier au travail de fendage des bûches de juillet 2016 au jour de son accident du travail. Ces témoins ont confirmé leurs dires dans le cadre de l’enquête de gendarmerie.
Mme [K] [W], compagne du salarié, a confirmé ce fait lors de l’enquête de gendarmerie et a pu remettre deux chèques émis sur le compte de M. [I] [C], de 380 euros en date du 4 août 2016 et de 150 euros en date du 2 septembre 2016 en précisant que le reste du temps l’employeur remettait à son conjoint le salaire de 80 euros par jour en espèces.
Dès lors qu’il est ainsi établi que dès avant le contrat de travail à durée déterminée saisonnier conclu, le salarié était engagé sans contrat écrit, le TESA signé par le salarié est privé d’effet, conformément à la règle selon laquelle contrat de travail à durée déterminée sur contrat de travail à durée indéterminée ne vaut.
Les parties s’accordent pour considérer que la rupture de la relation contractuelle est advenue, le soir même de l’accident du travail selon le salarié, à l’issue de la suspension du contrat de travail selon l’employeur, chacun imputant celle-ci à son contradicteur de sorte qu’il appartient au juge de déterminer la date et l’imputation de celle-ci.
Rappel fait que l’employeur a fait signer au salarié un Titre Emploi Simplifié Agricole non conforme à la réalité de la relation contractuelle, lequel est régi par l’article L. 712-1 du code rural et de la pêche maritime, qui dispose notamment que ‘Par dérogation à l’article L. 143-2 du code du travail, lorsqu’il est fait usage de ce titre, pour des travaux saisonniers, les salariés sont rémunérés à l’issue de chaque campagne saisonnière et au moins une fois par mois’, le fait d’avoir délivré au salarié pour tout bulletin de paie qu’un seul bulletin visant la ‘période du 21 au 21 octobre 2016″ (pièce salarié n°8), soit la seule journée au cours de laquelle l’accident du travail est survenu, et l’absence de toute démarche entreprise officiellement par l’ Earl [C] vis-à-vis du salarié postérieurement à cette journée, ne serait-ce que pour faire bénéficier à l’intéressé du suivi par la médecine du travail conduisent à considérer que l’employeur a implicitement mais nécessairement pris l’initiative de rompre le contrat dès le 21 octobre 2016 comme le soutient à bon droit le salarié.
La rupture étant intervenue au cours d’une période de suspension consécutive à un accident du travail pour accident du travail, elle produit les effets d’un licenciement nul.
Alors que le salarié indique qu’il était employé depuis le mois de juillet à raison de 8 heures par jour et 40 heures par semaine, réclamation suffisamment précise pour permettre à l’employeur, à qui il appartient de contrôler les horaires de ses salariés, de répondre sur la durée de travail accomplie par l’intéressé, l’appelant ne fournit aucun élément de nature à confirmer l’horaire hebdomadaire de 35 heures mentionné sur le TESA. Par suite, il sera retenu que le salarié était en droit de percevoir un salaire mensuel brut de 1 727,17 euros, conformément au décompte détaillée figurant dans ses conclusions.
L’indemnisation à laquelle le salarié est bien fondé de prétendre tenant son ancienneté et de son salaire ainsi reconstitué sera réformée comme suit : Au jour de la rupture, le salarié détenant une ancienneté inférieure à 3 mois, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société au paiement des sommes de 1 466,64 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 146,66 euros brut de congés payés y afférents. Pour le même motif, le salarié n’est pas fondé en sa demande en paiement d’une indemnité de licenciement.
Le montant de l’indemnité pour licenciement nul, dont le montant ne peut être inférieur au salaire des six derniers mois, sera majoré à hauteur de 10 363,02 euros.
Sur le travail dissimulé :
La société appelante plaide que la cour dispose d’un pouvoir souverain dans l’appréciation des faits indépendamment de la décision pénale rendue et l’invite à se reporter à la lecture du procès-verbal de constat d’infraction rédigée par la Dirrecte en date du 31 mai 2017 dans le cadre de l’accident de travail intervenu pour constater, d’une part, que M. [G] n’a, à aucun moment dans le cadre de ce procès-verbal, évoqué un emploi préalable à la journée du 18 octobre 2016 et, d’autre part, qu’il est établi que l’employeur avait bien dans la matinée joint son expert-comptable en la personne de son préposé M. [Z] pour voir procéder à la déclaration préalable à l’embauche du salarié ; cette déclaration ayant été fait en début d’après-midi.
Selon l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L. 8221-5 dispose notamment que, ‘est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur […] de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales ou de
l’administration fiscale en vertu des dispositions légales’.
Aux termes de l’article 1351, devenu 1355 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’entre ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Or, en l’espèce, par jugement définitif, le tribunal correctionnel de Carcassonne a condamné notamment la société [C] du chef de travail dissimulé pour la période du 25 juillet au 21 octobre 2016. Au constat de cette décision, la demande en paiement de l’indemnité de travail dissimulé par application de ces textes est justifiée.
Compte tenu du salaire mensuel brut reconstitué de l’intimé, le montant de l’indemnité allouée sera majorée à concurrence de 10 363 euros.
Sur l’indemnité de congés payés :
Il suit de ce qui précède que M. [G] a effectivement travaillé du 25 juillet au 21 octobre 2016. Faute pour l’employeur de justifier s’être libéré de son obligation au paiement des congés payés auxquels ouvrait droit la relation salariée, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement d’une somme de ce chef, laquelle sera portée, compte tenu du salaire reconstitué, à 504,80 euros.
La cour,
I – Infirme le jugement en ce qu’il a déclaré recevable la demande additionnelle formée par M.[G] tendant à la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en ce qu’il a condamné la société [C] à verser à M. [G] la somme de 1 466,64 euros brut à titre d’indemnité de requalification du CDD en CDI,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déclare irrecevables les demandes en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de l’indemnité de requalification,
II – Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société [C] à verser à M. Martinez Molina une somme au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Rejette la demande de M. [G] en paiement de la somme de 5 000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité et de celle de 15 591, 93 euros au titre du préjudice financier de perte d’indemnités journalières d’accident du travail,
III – Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré recevables les demandes en contestation de la rupture et en paiement des indemnités de rupture et d’une indemnité pour licenciement nul,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes portant sur la rupture du contrat de travail,
IV – Confirme le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement nul, mais le réformant sur l’indemnisation et y ajoutant,
Fixe la date de la rupture du contrat de travail au 21 octobre 2016,
Condamne la société [C] à verser à M. Martinez Molina les sommes suivantes :
– 10 363,02 euros d’indemnité pour licenciement nul,
– 10 363 euros d’indemnité pour travail dissimulé,
– 504,80 euros bruts d’indemnité compensatrice de congés payés,
Déboute M. [G] de ses demandes en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité légale de licenciement.
Condamne la société [C] à verser à M. [G] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Mme Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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