L’Essentiel : La société ADECCO FRANCE a été réorganisée en cinq établissements distincts, entraînant des élections professionnelles. Mme [O] [S], secrétaire générale du syndicat SOLIDAIRES INTERIM, conteste sa démission et son absence sur les listes électorales. Le 27 novembre 2024, ADECCO a demandé la nullité de sa candidature, arguant que le délai de contestation de trois jours n’avait pas été respecté. Lors de l’audience du 13 décembre, le tribunal a constaté que Mme [S] n’avait pas fourni de justificatifs médicaux valables pour son incapacité à agir dans les délais. Sa candidature a donc été déclarée nulle, rejetant toutes ses demandes.
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Contexte de l’affaireLa société ADECCO FRANCE, spécialisée dans le travail temporaire, a été réorganisée en cinq établissements distincts suite à un accord conclu en décembre 2023. Un jugement du tribunal judiciaire de Lyon a fixé la répartition des sièges au sein des différents collèges en septembre 2024. Par la suite, un jugement a déclaré nulles les requêtes du syndicat SOLIDAIRES INTERIM demandant le report des élections professionnelles en raison d’un litige personnel. Litige concernant Mme [O] [S]Mme [O] [S], secrétaire générale du syndicat SOLIDAIRES INTERIM, conteste la décision de la société ADECCO de la démettre de ses mandats syndicaux, arguant qu’elle n’est pas démissionnaire malgré ses problèmes de santé. Plusieurs litiges sont en cours devant les conseils des prud’hommes de Lyon et de Paris. ADECCO a fixé un calendrier pour les élections professionnelles, mais Mme [S] ne figure pas sur les listes électorales publiées. Demande de nullité de la candidatureLe 27 novembre 2024, ADECCO a saisi le tribunal pour faire constater la nullité de la candidature de Mme [S] aux élections professionnelles, en raison de son absence sur les listes électorales. Le tribunal a été informé que les contestations relatives à l’électorat devaient être faites dans un délai de trois jours après la publication des listes, ce qui n’a pas été respecté par Mme [S]. Audience et arguments des partiesLors de l’audience du 13 décembre 2024, ADECCO a soutenu sa demande de nullité, tandis que Mme [S] a demandé le rejet de cette demande, affirmant avoir été inscrite sur une liste provisoire. Elle a également évoqué des problèmes de santé qui l’ont empêchée de contester dans les délais impartis. Elle a demandé à être déclarée électrice et éligible pour les élections. Décision du tribunalLe tribunal a statué que le délai de contestation de trois jours était expiré et que Mme [S] n’avait pas fourni de justificatifs médicaux suffisants pour justifier son incapacité à agir dans ce délai. Il a également noté que d’autres représentants du syndicat auraient pu contester la liste. En conséquence, le tribunal a déclaré nulle la candidature de Mme [S] et a rejeté toutes ses demandes, y compris celles du syndicat SOLIDAIRES INTERIM. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée des articles L.2314-18 à L.2314-20 du Code du travail concernant l’électorat et l’éligibilité aux élections professionnelles ?Les articles L.2314-18 à L.2314-20 du Code du travail établissent les conditions d’électorat et d’éligibilité pour les élections professionnelles. L’article L.2314-18 précise que « tout salarié de l’entreprise, âgé de dix-huit ans révolus, ayant au moins trois mois d’ancienneté dans l’entreprise, a le droit de vote ». L’article L.2314-19 stipule que « pour être candidat aux élections, il faut être électeur dans l’établissement où se déroule l’élection ». Ainsi, le défaut d’inscription sur la liste électorale prive le salarié de la qualité d’électeur, ce qui entraîne automatiquement l’inéligibilité. L’article L.2314-20 renforce cette notion en indiquant que « la qualité d’électeur est appréciée au regard des listes électorales publiées dans le cadre de l’organisation des élections professionnelles ». En conséquence, si un salarié n’est pas inscrit sur la liste électorale, il ne peut pas être candidat, comme cela a été décidé dans le jugement concernant Mme [O] [S]. Quelles sont les conséquences du non-respect du délai de contestation prévu par l’article R.2314-24 du Code du travail ?L’article R.2314-24 du Code du travail stipule que « les contestations relatives à l’électorat doivent être portées devant le tribunal judiciaire dans un délai de trois jours après la publication de la liste électorale ». Ce délai commence à courir le lendemain de la publication, conformément à l’article 641 du Code de procédure civile. Dans le cas présent, la liste électorale a été publiée le 19 novembre 2024, ce qui signifie que le délai de contestation expirait le 22 novembre 2024 à 24 heures. Le tribunal a constaté qu’aucune contestation n’a été soumise dans ce délai, ce qui a conduit à la conclusion que les listes étaient purgées de tout vice. Le non-respect de ce délai entraîne donc la forclusion de toute contestation, rendant impossible la reconnaissance de l’électorat de Mme [S]. Ainsi, le tribunal a rejeté sa demande, confirmant que le formalisme de la saisine était simple et que d’autres représentants du syndicat auraient pu agir en son nom. Comment le tribunal a-t-il évalué les circonstances particulières invoquées par Mme [S] ?Le tribunal a examiné les circonstances particulières invoquées par Mme [S], notamment son malaise survenu après la publication de la liste électorale. Cependant, il a noté qu’elle n’a pas produit de justificatifs médicaux attestant d’une incapacité à agir dans le délai imparti. Le tribunal a également souligné que Mme [S] appartenait à un syndicat, ce qui lui permettait de bénéficier de la représentation d’autres membres pour contester la liste électorale. Il a été précisé que la procédure de contestation était simple, ne nécessitant pas la constitution d’un avocat, et qu’une requête pouvait être déposée par un autre représentant. En conséquence, le tribunal a conclu qu’aucun élément ne justifiait une souplesse dans l’appréciation du délai réglementaire, et a donc rejeté la demande de Mme [S]. Ainsi, malgré les circonstances personnelles, le non-respect du délai a conduit à la nullité de sa candidature. Quelles sont les implications de la décision du tribunal sur les élections professionnelles à venir ?La décision du tribunal a des implications directes sur les élections professionnelles à venir, notamment le premier tour fixé au 8 janvier 2025. En déclarant nulle la candidature de Mme [O] [S], le tribunal a confirmé que celle-ci ne pouvait pas participer aux élections en tant que candidate. Cela signifie que le syndicat SOLIDAIRES INTERIM ne pourra pas compter sur sa représentation pour ces élections, ce qui pourrait affecter la dynamique électorale au sein de l’établissement. De plus, le tribunal a rejeté toutes les demandes de Mme [S] et du syndicat, ce qui renforce la position de la société ADECCO dans le cadre de l’organisation des élections. La décision souligne également l’importance du respect des délais et des procédures dans le cadre des élections professionnelles, rappelant aux syndicats et aux salariés l’importance de la vigilance dans ces démarches. En somme, cette décision a des conséquences significatives sur la représentation syndicale et l’organisation des élections au sein de la société ADECCO. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL
CONTENTIEUX DES ELECTIONS PROFESSIONNELLES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
DÉBATS :
PRONONCE :
NUMÉRO RG :
AFFAIRE :
7 Janvier 2025
Albane OLIVARI, présidente
assistée lors des débats et du prononcé du jugement par Doriane SWIERC, Greffiere
jugement contradictoire, rendu en dernier ressort, le 7 Janvier 2025 par le même magistrat
N° RG 24/03678 – N° Portalis DB2H-W-B7I-2CUO
Société ADECCO FRANCE C/ Société SYNDICAT SOLIDAIRES INTERIM, Madame [O] [S]
DEMANDERESSE
Société ADECCO FRANCE,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Lionel HERSCOVICI, avocat au barreau de PARIS,
DÉFENDERESSES
SYNDICAT SOLIDAIRES INTERIM,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
[Localité 4]
non comparant, ni représenté
Madame [O] [S]
née le 13 Mars 1961 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 6]
[Localité 5]
comparante en personne
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
Société ADECCO FRANCE
Société SYNDICAT SOLIDAIRES INTERIM
[O] [S]
Me Lionel HERSCOVICI, (Paris)
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
Société ADECCO FRANCE
Me Lionel HERSCOVICI, (Paris)
Une copie certifiée conforme au dossier
La société ADECCO, entreprise de travail temporaire développant son activité sur l’ensemble du territoire national, est depuis l’accord unanime conclu le 22 décembre 2023, découpée en cinq établissements distincts, parmi lesquels la direction opérationnelle [Localité 8]/Ile de France.
La répartition des sièges au sein des différents collèges a été fixée par jugement du tribunal judiciaire de Lyon en date du 13 septembre 2024.
Un jugement ultérieur rendu le 29 novembre 2024 déclarait nulles les requêtes présentées par le syndicat SOLIDAIRES INTERIM, sollicitant le report des élections professionnelles dans l’attente de la résolution du litige personnel opposant sa secrétaire à la société ADECCO.
Mme [S] conteste en effet la décision de son employeur de l’avoir démise de ses mandats syndicaux, ce dernier estimant qu’elle serait démissionnaire, elle arguant qu’en dépit de ses problèmes de santé, elle réclamerait de se voir attribuer des missions. Plusieurs litiges sont actuellement pendant à cet égard, respectivement devant le conseil des prud’hommes de Lyon et le conseil des prud’hommes de Paris.
La société ADECCO a, par décision unilatérale n’ayant fait l’objet d’aucune contestation, fixé un calendrier en vue de l’organisation des prochaines élections. Il a ainsi été prévu que l’affichage des listes électorales serait effectué le 19 novembre 2024, et que le dépôt des candidatures en vue du premier tour interviendrait le 26 novembre 2024.
Alors qu’elle n’était pas inscrite sur les listes électorales communiquées le 19 novembre 2024 à l’ensemble des organisations syndicales, Mme [S], secrétaire générale du syndicat SOLIDAIRES INTERIM, figure sur la liste de candidats dudit syndicat pour l’établissement CSE d’Ile de France, transmise le 26 novembre 2024 à ADECCO.
Par requête du 27 novembre 2024, reçue le 3 décembre 2024, la société ADECCO a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon statuant en matière d’élections professionnelles, en vue de faire constater la nullité de la candidature de Mme [S] à ces élections.
Elle rappelle les dispositions des articles L.2314-18 à L.2314-20 du code de travail, dont elle déduit qu’il convient d’être reconnu électeur pour être candidat aux élections professionnelles, rappelant que la qualité d’électeur est appréciée au regard des listes électorales publiées dans le cadre de l’organisation des élections professionnelles.
Elle poursuit en exposant que ces listes peuvent être contestées, dans le délai de 3 jours s’il s’agit d’une contestation portant sur l’électorat, ce délai prévu par l’article R2314-24 du code du travail étant prescrit à peine de forclusion. Dans la mesure où aucune contestation n’a été élevée dans les trois jours suivant l’affichage des listes, le 19 novembre 2024, ADECCO estime qu’elles sont purgées de tout vice. Mme [S] n’y apparaissant pas, elle ne saurait être désignée candidate pour le premier tour des élections au CSE.
A l’audience de plaidoiries du 13 décembre 2024, ADECCO a soutenu oralement sa demande de nullité de la candidature de Mme [O] [S] sur la liste du syndicat SOLIDAIRE INTERIM pour l’établissement Ile de France de la société ADECCO, et précisé que le premier tour des élections était fixé au mercredi 8 janvier 2025.
Mme [S], agissant tant en son nom personnel qu’es qualité de représentante du syndicat SOLIDAIRES INTERIM, a sollicité le rejet de la demande adverse.
Tout en rappelant l’historique du contentieux l’opposant à la société ADECCO, qui la conduit à réfuter le fait de ne pas être inscrite sur les listes électorales, elle demande qu’il ne lui soit pas tenu rigueur de ne pas avoir respecté le délai de trois jours imposé par la réglementation pour saisir le tribunal d’une contestation. Après avoir évoqué certaines récriminations autour de candidats qui n’auraient selon elle pas dû être désignés, et d’autres dont la candidature aurait été injustement écartée, elle insiste sur le fait que la société ADECCO s’acharnerait à son encontre, en raison de son inverstissement syndical considérable en faveur des salariés.
Au soutien de sa demande, elle expose plus précisément que le 4 novembre 2024, lors de la communication de la liste provisoire transmise en amont par l’employeur, en vue de procéder à diverses corrections avant la publication de la liste définitive, elle apparaissait en tant qu’électrice. Dès lors, quand elle a pris connaissance de la liste publiée le 19 novembre 2024, sur laquelle elle n’apparaît finalement pas, elle a fait un malaise au sein des locaux d’ADECCO, ayant nécessité son transport à l’hôpital par les pompiers. N’ayant pu rentrer à Paris que le lendemain, le temps d’accomplir les diligences qui auraient permis de saisir le tribunal, le délai était expiré. Elle sollicite donc qu’il soit tenu compte de ces circonstances particulières pour accueillir sa demande, tendant à être déclarée électrice et éligible pour les élections à venir de la société ADECCO. Elle rappelle son ancienneté au sein d’ADECCO. Elle demande également au tribunal de débouter ADECCO de toute autre demande, de déclarer sa candidature régulière pour l’établissement Ile de France, et de condamner la requérante à verser 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La décision a été mise en délibéré au 7 janvier 2025.
L’article R2314-24 du code du travail dispose que les contestations relatives à l’électorat doivent être portées devant le tribunal judiciaire, leur recevabilité étant conditionnée par le délai de trois jours après la publication de la liste électorale.
Le délai de trois jours commence à courir le lendemain de la publication, ainsi qu’en dispose le code de procédure civile dans son article 641.
La liste électorale litigieuse ayant en l’espèce été publiée le 19 novembre 2024, le délai de contestation expirait le vendredi 22 novembre à 24 heures. Quand bien même serait retenue la date du 22 novembre pour la publication de la liste, dans la mesure où des modifications ont été apportées, le délai pour saisir le tribunal expirait le lundi 25 novembre 2024.
Mme [S] atteste avoir dû être évacuée par les pompiers, ce dont il résulte qu’il n’était pas réaliste d’envisager un recours contentieux dès le 19 novembre 2024.
Elle ne produit pas d’autres justificatifs médicaux contre-indiquant une quelconque activité suite à l’intervention des secours, elle n’a pas été hospitalisée et indique avoir pu regagner son domicile à [Localité 8].
Le tribunal souligne en outre que Mme [S] appartient à un syndicat, qu’elle n’est pas seule à être en mesure de représenter, de sorte que la contestation pouvait être formalisée par un autre représentant du syndicat dans le délai requis par la réglementation.
Le formalisme de la saisine du tribunal est en la matière simple, puisque l’envoi ou le dépôt d’une requête suffit, et que la constitution d’un avocat n’est pas obligatoire.
Force est de constater qu’aucune contestation, même sommaire, n’a été soumise au tribunal, ni dans ce délai, ni même ultérieurement, le débat ne surgissant qu’à l’aune de la présente requête à l’initiative d’ADECCO.
Aucun élément ne justifie donc en l’espèce de s’interroger sur le fait de savoir si une quelconque souplesse pourrait être apportée à l’appréciation du délai réglementaire, comme le sollicite Mme [S].
Les listes doivent donc en l’espèce être considérées comme purgées de tout vice.
Dès lors, il apparaît que Mme [S] ne peut à ce jour être considérée comme étant électrice pour les prochaines élections du CSE de l’établissement Ile de France de la société ADECCO.
Or, en application des articles L.2314-18 à L.2314-20 du code de travail, le défaut d’inscription sur la liste électorale de l’établissement où se déroule l’élection prive le salarié concerné de la qualité d’électeur, qui est l’une des conditions de l’éligibilité.
Le législateur et la jurisprudence ne distinguent pas entre éligibilité et candidature, qui sont intrinsèquement liées.
Il s’ensuit que le salarié qui n’est pas inscrit sur les listes électorales en tant qu’électeur ne peut valablement être candidat.
Les listes électorales pour les élections du CSE de l’établissement Ile de France de la société ADECCO ne mentionnant pas Mme [S], celle-ci ne peut être valablement désignée candidate par le syndicat SOLIDAIRES INTERIM.
La société ADECCO sera donc reçue dans sa requête, tandis que les demandes de Mme [S] ne pourront qu’être rejetées, y compris sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
DECLARE nulle la candidature de Mme [O] [S] sur la liste du syndicat SOLIDAIRES INTERIM en vue des élections du CSE de l’établissement Ile de France de la société ADECCO, dont le premier tour est fixé au 8 janvier 2025.
REJETTE l’ensemble des demandes de Mme [O] [S] et du syndicat SOLIDAIRES INTERIM.
RAPPELLE que la procédure est sans frais.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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