Prolongation de la rétention : enjeux de communication et de légalité des interpellations.

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Prolongation de la rétention : enjeux de communication et de légalité des interpellations.

L’Essentiel : Le 03 janvier 2025, l’autorité administrative a placé Monsieur [Y] [H], citoyen iranien, en rétention. Le 06 janvier, une demande de prolongation de vingt-six jours a été soumise au tribunal judiciaire de Lille. Le conseil de Monsieur [Y] [H] a contesté cette prolongation, évoquant le non-respect du droit de communication et l’irrégularité de son interpellation. L’administration a répondu qu’un téléphone était disponible sur demande et que l’interpellation était justifiée par des comportements inappropriés. Le tribunal a finalement accepté la prolongation, considérant que Monsieur [Y] [H] ne présentait pas de garanties de représentation.

Décision de rétention

Le 03 janvier 2025, l’autorité administrative a décidé de placer Monsieur [Y] [H], un citoyen iranien né en 1983, en rétention dans des locaux non pénitentiaires. Cette décision a été notifiée le même jour à 10 heures 45.

Demande de prolongation de rétention

Le 06 janvier 2025, l’autorité administrative a saisi le tribunal judiciaire de Lille pour demander une prolongation de la rétention de Monsieur [Y] [H] pour une durée de vingt-six jours.

Arguments du conseil de Monsieur [Y] [H]

Le conseil de Monsieur [Y] [H] a contesté la prolongation en avançant deux arguments principaux : le non-respect du droit de communication en rétention, en raison de l’absence de téléphone et d’accès aux cabines téléphoniques, et l’irrégularité de son interpellation, qui aurait eu lieu sans soupçon de commission d’infraction.

Réponse de l’administration

Le représentant de l’administration a affirmé qu’un téléphone portable était disponible sur demande et a précisé que Monsieur [Y] [H] n’avait pas fait cette demande. Concernant l’interpellation, il a expliqué que les policiers avaient agi après avoir constaté des incivilités et l’absence de papiers de l’intéressé.

Évaluation du droit de communication

L’article R744-16 du CESEDA stipule que chaque étranger en rétention doit pouvoir communiquer avec des personnes de son choix. Bien qu’il n’y ait pas de preuve que Monsieur [Y] [H] ait eu accès à un téléphone lors de son transport, il n’a pas été démontré qu’il n’avait pas la possibilité de communiquer depuis le centre de rétention.

Évaluation de l’interpellation

L’interpellation de Monsieur [Y] [H] a été effectuée sur la base de l’article L813-1 du CESEDA, et non de l’article 78-2 du code de procédure pénale. Les policiers ont agi après avoir constaté des comportements inappropriés et l’absence de documents légaux, ce qui a justifié l’interpellation.

Prolongation de la rétention

Une demande de laissez-passer consulaire a été faite le 04 janvier 2025. Étant donné que Monsieur [Y] [H] ne présentait pas de garanties de représentation, la prolongation de sa rétention a été jugée justifiée.

Décision finale

Le tribunal a déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention et a ordonné la prolongation de celle-ci pour une durée de vingt-six jours à compter du 07 janvier 2025 à 10h45.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le droit de communiquer en rétention administrative ?

L’article R744-16 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que :

“Dès son arrivée au lieu de rétention, chaque étranger est mis en mesure de communiquer avec toute personne de son choix, avec les autorités consulaires du pays dont il déclare avoir la nationalité et avec son avocat s’il en a un, ou, s’il n’en a pas, avec la permanence du barreau du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention.”

Dans le cas de Monsieur [Y] [H], il est mentionné qu’il n’a pas eu accès à un téléphone portable ou à des cabines téléphoniques. Cependant, l’administration a indiqué qu’un téléphone portable était disponible sur demande.

Il est donc essentiel de noter que l’absence de preuve que Monsieur [Y] [H] a effectivement demandé un téléphone ne constitue pas une violation de son droit de communiquer.

Ainsi, bien que l’intéressé ait signalé des difficultés à communiquer, les éléments de la procédure ne démontrent pas une impossibilité totale de communication, ce qui conduit à rejeter ce moyen.

Quelles sont les conditions de l’interpellation selon l’article 78-2 du Code de procédure pénale ?

L’article 78-2 du Code de procédure pénale précise que :

“Les officiers de police judiciaire peuvent procéder à un contrôle d’identité lorsque des raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis ou s’apprête à commettre une infraction.”

Dans le cas présent, Monsieur [Y] [H] a été interpellé sur le fondement de l’article L813-1 du CESEDA, qui concerne la rétention administrative des étrangers en situation irrégulière.

Le contrôle d’identité a été effectué en raison de la présence d’un individu qui vidait les poubelles et ne respectait pas les demandes des agents de sécurité.

Les policiers, après avoir constaté l’absence de papiers, ont donc agi conformément à la loi.

Ainsi, l’interpellation de Monsieur [Y] [H] ne présente pas d’irrégularité, car elle était justifiée par des éléments concrets et des soupçons légitimes.

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L551-1 du CESEDA, qui stipule que :

“L’étranger peut être retenu dans un centre de rétention administrative pour une durée maximale de 45 jours, renouvelable dans les conditions prévues par le présent code.”

Dans le cas de Monsieur [Y] [H], une demande de prolongation a été formulée en raison de l’absence de garanties de représentation effectives.

La situation de l’intéressé, qui n’a pas pu justifier de son droit de séjour ou de circulation, justifie la prolongation de la mesure de rétention.

Ainsi, la décision de prolonger la rétention pour une durée de vingt-six jours a été prise conformément aux dispositions légales en vigueur, et la requête de l’administration a été acceptée.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
___________________

Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judicaire

NOTE D’AUDIENCE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Audience publique

DATE D’AUDIENCE : 07 Janvier 2025

DOSSIER : N° RG 25/00029 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZDWO – M. LE PREFET DU NORD / M. [Y] [H]

MAGISTRAT : Coralie COUSTY

GREFFIER : Louise DIANA

DEMANDEUR :
M. LE PREFET DU NORD
Représenté par M. [E]

DEFENDEUR :
M. [Y] [H]
Assisté de Maître Luc BASILI, avocat commis d’office,
En présence de M. [S] [T], interprète en langue farsi,
__________________________________________________________________________

DEROULEMENT DES DEBATS

L’intéressé déclare : “Je m’appelle [M] [H]. Je suis né en avril 1983.”

Le représentant de l’administration, entendu en ses observations ;

L’avocat soulève les moyens suivants : – non respect du droit de communiquer en rétention, pas d’accès aux cabines, monsieur n’a pas les pouvoirs de demander un procès-verbal, à part le dire en audience il n’a pas d’autres moyens ; – les soupçons d’infraction ne son pas caractérisés, on ne s’intéresse que au fait qu’il était étranger ;

Le représentant de l’administration répond à l’avocat ;

L’intéressé entendu en dernier déclare : “je n’ai rien à ajouter. Je n’ai pas demandé de téléphone. La poubelle je l’ai renversé ”.

DÉCISION

Sur la demande de maintien en rétention :
o RECEVABLE o IRRECEVABLE
o MAINTIEN o REJET o ASSIGNATION A RÉSIDENCE

Le greffier Le magistrat délégué

Louise DIANA Coralie COUSTY
COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
──────────
LE MAGISTRAT DELEGUE
────

Dossier n° N° RG 25/00029 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZDWO

ORDONNANCE STATUANT SUR LA PROLONGATION D’UNE MESURE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Nous, Coralie COUSTY,, magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire de LILLE, assisté de Louise DIANA, greffier ;

Vu les articles suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :
– L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20
– L. 741-1, L.741-4, L.741-5, L.741-7, L.744-1, L.751-9, L.751-10
– L. 743-14, L.743-15, L.743-17
– L. 743-19, L. 743-25
– R. 741-3
– R.742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 03/01/2025 par M. LE PREFET DU NORD;

Vu la requête en prolongation de l’autorité administrative en date du 06/01/2025 reçue et enregistrée le 06/01/2025 à 11h13 (cf. Timbre du greffe) tendant à la prolongation de la rétention de M. [Y] [H] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours ;

Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article
L. 744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;

PARTIES

AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION

M. LE PREFET DU NORD
préalablement avisé, représenté par Monsieur [E], représentant de l’administration

PERSONNE RETENUE

M. [Y] [H]
né le 01 Janvier 1983 à [Localité 1] (IRAN)
de nationalité Iranienne
actuellement maintenu en rétention administrative
préalablement avisé et présent à l’audience,
assisté de Maître Luc BASILI, avocat commis d’office,
En présence de M. [S] [T], interprète en langue farsi,

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, préalablement avisé, n’est pas présent à l’audience.

DÉROULEMENT DES DÉBATS

A l’audience publique, le magistrat délégué a procédé au rappel de l’identité des parties ;

Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;

L’intéressé a été entendu en ses explications ;

Le représentant du préfet a été entendu en ses observations ;

L’avocat a été entendu en sa plaidoirie ;

Le représentant du préfet ayant répondu à l’avocat ;

L’étranger ayant eu la parole en dernier ;

EXPOSE DU LITIGE

Par décision en date du 03 janvier 2025, notifiée le même jour à 10 heures 45, l’autorité administrative a ordonné le placement de Monsieur [Y] [H], né le 1er janvier 1983 à [Localité 1] (IRAN), de nationalité iranienne, en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Par requête en date du 06 janvier 2025, reçue le même jour à 11 heures 13, l’autorité administrative a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de LILLE aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours.

Le conseil de Monsieur [Y] [H] sollicite le rejet de la prolongation de la rétention sur les moyens suivants :

-le non respect du droit de communiquer en rétention, en l’absence de prêt de téléphone et d’accès aux cabines téléphoniques, l’intéressé ne peut pas établir de procès-verbal pour prouver sa demande
-l’irrégularité de l’interpellation de l’intéressé, en l’absence de soupçon de commission d’infraction et l’intéressé n’a d’ailleurs pas été interrogé sur une quelconque infraction, en violation de l’article 78-2 du code de procédure pénale

Le représentant de l’administration indique qu’un téléphone portable est à disposition sur demande. Aucun élément ne permet de savoir que l’intéressé a fait cette demande. Sur l’infraction, les policiers sont requis pour quelqu’un qui commettrait des incivilités et une fois sur place, ils procèdent à un contrôle d’identité qui leur a révélé l’absence de papiers. Il revient sur la situation administrative de l’intéressé.

Monsieur [Y] [H] indique s’appeler [M] et être né le 23 avril 1983. Il ne souhaite rien ajouter. Il reconnaît avoir renversé la poubelle. Il n’a pas demandé de téléphone.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le non respect du droit de communiquer en rétention, en l’absence de prêt de téléphone et d’accès aux cabines téléphoniques

L’article R744-16 du CESEDA dispose que “dès son arrivée au lieu de rétention, chaque étranger est mis en mesure de communiquer avec toute personne de son choix, avec les autorités consulaires du pays dont il déclare avoir la nationalité et avec son avocat s’il en a un, ou, s’il n’en a pas, avec la permanence du barreau du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention”.

Il ne ressort effectivement pas de la procédure qu’un téléphone ait été prêté à l’intéressé pendant son transport vers le centre de rétention mais aucun autre élément n’établit l’impossibilité de communiquer depuis le centre de rétention, lequel dispose de cabines téléphoniques et est en capacité de prêter également des téléphones portables.

Ce moyen sera donc rejeté.

Sur l’irrégularité de l’interpellation de l’intéressé, en l’absence de soupçon de commission d’infraction

Il résulte du procès-verbal d’interpellation que Monsieur [Y] [H] a été interpellé sur le fondement de l’article L813-1 du CESEDA et non sur le fondement de l’article 78-2 du code de procédure pénale. Le contrôle d’identité a été en revanche fondé sur cet article en l’état des premiers renseignements des policiers sur la présence d’un individu qui vidait les poubelles au sein de la gare et n’obtempérait pas aux demandes des agents de sécurité ferroviaire. Sur place, les policiers ont vérifié l’identité de l’intéressé, constaté l’absence de justification du droit de séjour ou de circulation et ont donc interpellé et placé en retenue Monsieur [Y] [H], de sorte qu’aucune irrégularité n’a été commise.

Ce moyen sera donc rejeté.

Sur la prolongation de la mesure de rétention

Une demande de routing a été effectuée le 03 janvier 2025 ainsi qu’une demande de laissez-passer consulaire le 04 janvier 2025. La situation de l’intéressé, sans garanties de représentation effectives, justifie la prolongation de la mesure de rétention. Il sera donc fait droit à la requête de l’administration.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

DÉCLARONS recevable la requête en prolongation de la rétention administrative ;

ORDONNONS LA PROLONGATION DE LA RETENTION de M. [Y] [H] pour une durée de vingt-six jours à compter du 07/01/2025 à 10h45.

Fait à LILLE, le 07 Janvier 2025

Notifié ce jour à h mn

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES

DOSSIER : N° RG 25/00029 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZDWO –
M. LE PREFET DU NORD / M. [Y] [H]
DATE DE L’ORDONNANCE : 07 Janvier 2025

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance aux parties, qui en émargeant ci-après, attestent en avoir reçu copie et les avisons de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; les informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 3]); leur indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.

Information est donnée à M. [Y] [H] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence. Durant cette période, l’intéressé peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

Traduction orale faite par l’interprète.

LE REPRESENTANT DU PRÉFET L’INTERESSE
par mail ce jour Par visoconférence

L’INTERPRETE LE GREFFIER

L’AVOCAT
par mail ce jour

______________________________________________________________________________

RÉCÉPISSÉ

M. [Y] [H]

retenu au Centre de Rétention de [Localité 2]

reconnait avoir reçu notification de ladite ordonnance en date du 07 Janvier 2025

date de remise de l’ordonnance :
le :

signature de l’intéressé


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