L’Essentiel : Monsieur [J] [E] et Madame [I] [W] ont donné à bail un logement à Madame [O] [P] à partir du 28 juin 2023. En raison de problèmes de paiement, le bail a été résilié par un jugement du 2 avril 2024, entraînant une expulsion. Madame [P] a demandé un délai de trois ans pour quitter les lieux, invoquant des difficultés financières. Les époux [E] ont contesté cette demande, soulignant l’absence de recherches concrètes pour un nouveau logement. Le juge a accordé l’aide juridictionnelle à Madame [P], mais a rejeté sa demande de délai, considérant qu’elle n’avait pas prouvé l’impossibilité de se reloger.
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Contexte du litigeMonsieur [J] [E] et Madame [I] [W] ont donné à bail un logement à Madame [O] [P] à compter du 28 juin 2023. Suite à des problèmes de paiement, le juge des contentieux de la protection a prononcé la résiliation du bail et ordonné l’expulsion de la locataire par jugement du 2 avril 2024, signifié le 19 avril 2024. Les époux [E] ont ensuite délivré un commandement de quitter les lieux le 22 mai 2024. Demande de délai de relogementLe 3 juin 2024, Madame [P] a saisi le juge de l’exécution pour obtenir un délai afin de quitter le logement. Lors de l’audience du 26 novembre 2024, elle a demandé un délai de trois ans, l’aide juridictionnelle provisoire, et que chaque partie conserve la charge de ses frais. Elle a justifié sa demande par des difficultés financières, ayant récemment réglé sa dette, et a exprimé des efforts pour se reloger. Arguments des époux [E]Les époux [E] ont contesté la demande de Madame [P], arguant qu’elle n’avait pas démontré de réelles recherches pour un nouveau logement et que son maintien dans les lieux risquait d’entraîner de nouveaux impayés. Ils ont également souligné qu’elle avait déjà bénéficié de délais pour quitter les lieux. Décision du jugeLe juge a accordé à Madame [P] l’aide juridictionnelle provisoire, mais a rejeté sa demande de délai pour quitter les lieux. Il a noté que, bien qu’elle ait effectué des recherches, elle n’avait pas prouvé l’impossibilité de se reloger dans des conditions normales. Le juge a également décidé que chaque partie conserverait la charge de ses dépens, sans application de l’article 700 du Code de procédure civile. Conclusion de la décisionLe jugement a été rendu public, statuant en premier ressort, et a été signé par le juge de l’exécution et le greffier. La décision est exécutoire de plein droit, sans effet suspensif pour l’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour obtenir un délai pour quitter les lieux selon l’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution ?L’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que « le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation ». Cela signifie que le juge a la possibilité d’accorder des délais pour quitter les lieux si l’occupant peut démontrer que son relogement ne peut pas se faire dans des conditions normales. Il est important de noter que l’occupant n’a pas besoin de prouver qu’il a un titre légal pour occuper les lieux, ce qui est une protection pour les personnes en situation précaire. Comment le juge évalue-t-il la durée des délais accordés selon l’article L. 412-4 ?L’article L. 412-4 du même code précise que : « La durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés ». Ainsi, le juge doit prendre en considération plusieurs facteurs, y compris la situation personnelle de l’occupant et du propriétaire, pour déterminer la durée appropriée du délai. Quelles sont les implications de la trêve hivernale sur les expulsions ?La trêve hivernale, qui s’applique en France, suspend toute mesure d’expulsion jusqu’au 31 mars de chaque année. Cela signifie que, durant cette période, les locataires ne peuvent pas être expulsés de leur logement, même si une décision de justice a été rendue en ce sens. Cette mesure vise à protéger les occupants vulnérables pendant les mois d’hiver, lorsque les conditions climatiques peuvent rendre le relogement difficile. Il est donc crucial pour les juges de prendre en compte cette trêve lors de l’examen des demandes de délais pour quitter les lieux, car elle peut influencer la capacité de l’occupant à se reloger. Quels sont les critères que le juge doit considérer pour accorder un délai de relogement ?Le juge doit évaluer plusieurs critères pour accorder un délai de relogement, comme le stipule l’article L. 412-4. Parmi ces critères, on trouve : – La bonne ou mauvaise volonté de l’occupant dans l’exécution de ses obligations. – Les situations respectives du propriétaire et de l’occupant, y compris l’âge, l’état de santé, et la situation financière. – Les diligences que l’occupant a justifiées pour son relogement. – Le droit à un logement décent et indépendant. – Les délais liés aux recours engagés selon les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation. Ces éléments permettent au juge de faire un équilibre entre les droits du propriétaire et ceux de l’occupant, tout en respectant le principe de dignité humaine. Quelles sont les conséquences de la décision du juge concernant les frais et dépens ?La décision du juge stipule que chacune des parties conservera la charge de ses dépens, ce qui signifie que chaque partie est responsable de ses propres frais juridiques. Cela est conforme à l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge de condamner une partie à payer à l’autre une somme au titre des frais exposés. Cependant, dans ce cas précis, le juge a décidé de ne pas faire application de cet article, ce qui peut être interprété comme une volonté de ne pas alourdir la situation financière de l’occupante, Madame [P], qui se trouve déjà dans une situation précaire. Cette décision souligne l’importance de l’équité dans le traitement des litiges, surtout dans des affaires impliquant des personnes vulnérables. |
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 07 Janvier 2025
DOSSIER N° RG 24/04823 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZHUF
Minute n° 25/ 04
DEMANDEUR
Madame [O] [P]
née le 21 Septembre 1997 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Dorine DUPOURQUE, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEURS
Monsieur [J] [E]
né le 20 Juin 1967 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 1]
Madame [I] [W] épouse [E]
née le 06 Décembre 1977 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 1]
représentés par Maître Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE – MAILLOT – BLATT – LABEYRIE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 26 Novembre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 07 Janvier 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 07 janvier 2025
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
Par acte à effet au 28 juin 2023, Monsieur [J] [E] et Madame [I] [W] épouse [E] ont donné à bail à Madame [O] [P] un logement sis à [Localité 3] (33).
Par jugement en date du 2 avril 2024, le juge des contentieux de la protection a prononcé la résiliation du bail et ordonné l’expulsion de la locataire. Cette décision a été signifiée à Madame [P] par acte du 19 avril 2024. Par acte du 22 mai 2024, les époux [E] ont fait délivrer un commandement de quitter les lieux.
Par requête en date du 3 juin 2024 reçue le 10 juin 2024, Madame [P] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin d’obtenir un délai pour quitter les lieux.
A l’audience du 26 novembre 2024, elle sollicite un délai de trois ans pour quitter les lieux, l’aide juridictionnelle provisoire et que chacune des parties conserve la charge de ses frais et dépens.
Au soutien de sa demande, elle fait valoir qu’elle a été défaillante dans le paiement du dépôt de garantie et de divers frais mais pas dans le paiement des loyers courants, alors qu’elle ne perçoit que les allocations chômage. Elle précise avoir désormais acquitté sa dette et espérer obtenir une décision favorable de la cour d’appel qu’elle a saisi d’un recours contre la décision rendue à son encontre. Elle indique enfin avoir sollicité diverses agences pour pouvoir se reloger et formé une demande auprès du DALO sans succès. Elle souligne enfin que les défendeurs bénéficient d’une situation stable et ne sont pas mis en difficulté dans la mesure où elle acquitte régulièrement les sommes dues au titre de l’indemnité d’occupation.
A l’audience du 26 novembre 2024, les époux [E] concluent au rejet de la demande et à la condamnation de la demanderesse aux dépens outre le paiement d’une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Les défendeurs font valoir que Madame [P] ne justifie pas de réelles recherches d’un nouveau logement, ces démarches ayant en tout état de cause été tardivement mises en œuvre. Ils soulignent que son maintien dans les lieux favoriserait le risque de nouveaux impayés alors qu’elle indique elle-même que les indemnités d’occupation actuelles sont disproportionnées à l’égard de ses revenus. Ils soutiennent enfin qu’elle a bénéficié de larges délais de fait.
Le délibéré a été fixé au 7 janvier 2025.
L’aide juridictionnelle provisoire sera allouée à Madame [P].
Sur la demande de délais pour quitter les lieux
Au visa de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, « Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le
relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation (…) ».
L’article L. 412-4 du même code précise que : « La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés ».
Il résulte de la combinaison de ces textes qu’il appartient au juge, en considération de ces dispositions, d’octroyer ou non des délais dans le respect du droit de propriété dont le caractère est absolu et du principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité humaine, de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accès à un logement décent, du droit à la vie privée et familiale, au domicile, dans le cadre d’un nécessaire contrôle de proportionnalité, ayant pour finalité d’établir un juste équilibre entre deux revendications contraires, celle du propriétaire et celle de l’occupant sans droit ni titre.
En l’espèce, Madame [P] justifie du dépôt de plusieurs candidatures pour des offres d’emploi diverses. Elle produit 8 messages d’agences immobilières lui indiquant que son dossier de locataire n’a pas été retenu ou que le bien visé était déjà loué, ainsi qu’un message du CCAS de [Localité 3] indiquant avoir transmis son dossier DALO. Elle justifie de la perception de l’allocation de retour à l’emploi pour environ 850 euros mensuels jusqu’en juillet 2024 et des paiements réalisés auprès des bailleurs.
Madame [P] bénéficie actuellement de la trêve hivernale suspendant toute mesure d’expulsion jusqu’au 31 mars 2024. Sa situation et ses revenus actuels ne lui permettent en tout état de cause pas de se maintenir dans les lieux loués au regard du coût du loyer. Si elle justifie de recherches dans le parc privé, les logements visés requérant le paiement d’un loyer égal ou supérieur à l’actuel, aucune demande de logement social n’est produite alors que cette solution apparait plus indiquée au vu de sa situation financière. Ainsi, Madame [P] ne démontre pas l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de se reloger à des conditions normales à l’échéance du mois d’avril 2024.
Elle sera donc déboutée de ses demandes.
Sur les demandes annexes
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens et l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le Juge de l’Exécution, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort,
ALLOUE à Madame [O] [P] le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire,
REJETTE toutes les demandes de Madame [O] [P],
REJETTE la demande de Monsieur [J] [E] et Madame [I] [W] épouse [E] fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile,
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit, le délai d’appel et l’appel lui-même n’ayant pas d’effet suspensif par application des dispositions de l’article R. 121- 21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,
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