Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/02063
Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/02063

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Sanction disciplinaire et respect des procédures internes : enjeux et conséquences pour l’employeur et le salarié.

Résumé

Contexte de l’affaire

La société Flo Gestion, immatriculée au RCS de Nanterre, est une société en nom collectif spécialisée dans la gestion du personnel pour des établissements de restauration. Elle emploie plus de 11 salariés, dont Mme [U] [M], engagée en tant que gestionnaire de paie et administration du personnel depuis le 25 août 2008.

Sanction disciplinaire

Le 28 juin 2011, la société a convoqué Mme [L] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, qui a abouti à une mise à pied de quatre jours le 29 juillet 2011. Cette sanction était justifiée par des erreurs dans la gestion de la paie, notamment l’envoi d’indemnités à un salarié alors qu’il n’y avait pas droit, ainsi que des déclarations mensongères dans un courrier adressé à ce même salarié.

Demande de régularisation

En réponse à la mise à pied, Mme [L] a demandé la régularisation de sa situation concernant ses jours de travail et a soulevé des allégations de disparité de traitement en matière d’augmentation salariale. Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour contester la sanction et demander des rappels de salaires ainsi que des dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 25 mai 2022, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [L] de toutes ses demandes, confirmant la légitimité de la sanction disciplinaire et la non-viabilité de ses autres prétentions. Mme [L] a ensuite interjeté appel de ce jugement.

Appel et demandes de Mme [L]

Dans ses conclusions d’appel, Mme [L] a demandé l’infirmation du jugement et la reconnaissance de ses demandes, incluant l’annulation de la mise à pied, des rappels de salaires, et des dommages-intérêts pour harcèlement moral. Elle a également sollicité des sommes précises pour divers éléments de rémunération.

Réponse de la société Flo Gestion

La société Flo Gestion a contesté les demandes de Mme [L], arguant que la sanction était justifiée et proportionnée, et a demandé la confirmation du jugement de première instance. Elle a également demandé à ce que Mme [L] soit condamnée à payer des frais.

Motifs de la décision de la cour

La cour a examiné la demande d’annulation de la mise à pied, concluant que les faits reprochés à Mme [L] étaient établis et justifiaient la sanction. Concernant les demandes de rappel de salaire et d’indemnités, la cour a noté que Mme [L] n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour justifier ses allégations d’inégalité de traitement, sauf pour certaines demandes spécifiques qui ont été reconnues.

Décision finale de la cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qui concerne certaines demandes de Mme [L] pour lesquelles elle a été partiellement accueillie. La société Flo Gestion a été condamnée à verser des sommes spécifiques à Mme [L] pour des jours de récupération et des rappels de salaire, tout en déboutant les parties de leurs autres demandes.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JANVIER 2025

N° RG 22/02063 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJBW

AFFAIRE :

[U] [M] épouse [L]

C/

S.N.C. FLO GESTION

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 25 Mai 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 14/01875

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER

Me Martine DUPUIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [U] [M] épouse [L]

née le 27 Octobre 1971 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 428

Plaidant : Me Juliette PAPPO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1094

APPELANTE

****************

S.N.C. FLO GESTION

N° SIRET : 325 231 272

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Plaidant: Me Patrick TABET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0681

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Flo Gestion est une société en nom collectif (SNC) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Nanterre sous le n° 325 231 272.

La société Flo Gestion a pour activité l’exécution de prestations de gestion du personnel pour le compte d’établissements de restauration.

Elle emploie plus de 11 salariés.

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 juillet 2008, Mme [U] [M], épouse [L], a été engagée par la société Flo Gestion en qualité de gestionnaire de paie et administration du personnel, statut cadre, niveau V, échelon 1, à compter du 25 août 2008.

Au dernier état de la relation de travail, Mme [L] exerçait ses fonctions dans le cadre d’une convention de forfait annuel de 218 jours, en contrepartie d’une rémunération moyenne brute de

3 050 euros par mois.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 juin 2011, la société Flo Gestion a convoqué Mme [L] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, prévu le 5 juillet 2011.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 29 juillet 2011, la société Flo Gestion a notifié à Mme [L] sa mise à pied à titre disciplinaire, en ces termes :

« Madame,

Suite à votre entretien du 5 juillet 2011, auquel vous étiez régulièrement convoquée et après réexamen de votre dossier, nous vous informons que nous avons décidé de vous notifier une mise à pied disciplinaire de quatre jours pour le motif suivant :

Vous n’avez pas respecté les consignes relatives à la procédure paie et avez adressé à l’un de nos collaborateurs un courrier faisant mention de propos mensongers.

En effet, le Lundi 16 mai 2011, à 17h42, Madame [N] [V], Chargée des ressources humaines, vous a adressé par email la feuille de sortie de Monsieur [R] [E], faisant suite à une prise d’acte de rupture aux tords de l’employeur, en vous informant scrupuleusement de la sensibilité du dossier.

Le même jour, à 17h 47, Madame [J] [P], Responsable Ressources Humaines, vous a une nouvelle fois fait part du caractère sensible du dossier ainsi que de l’urgence, quant à son traitement.

Le mercredi 18 mai 2011, à 10h55, vous avez informé Mme [V] et Mme. [P], que le solde tout compte de Monsieur [E] partait ce jour en recommandé.

Alors que la feuille de sortie de cette personne indiquait clairement que la rupture de son contrat de travail ne donnait droit à aucune indemnité, vous avez adressé à M [E], la somme de 1719,90 euros brut au titre de ses indemnités de préavis.

Vous rendant compte de votre erreur et sans en avertir vos responsables hiérarchiques, vous avez décidé de votre propre chef d’adresser le Mercredi 8 juin 2011 à Monsieur [E], une lettre recommandée lui faisant part du trop perçu qu’il avait reçu au titre de son solde tout compte.

Dans ledit courrier vous indiquez :  » Nous vous serions gré de bien vouloir régulariser au plus vite votre situation en prenant contact auprès de nos services et en nous établissant un chèque de 1329,24 euros, à l’ordre du Bistrot Romain … »  » Dans un délais de quinze jours après réception du présent courrier, votre dossier sera transmis à notre société de recouvrement qui entraînera des frais supplémentaires à votre charge. Dès lors aucune régularisation ne pourra être faite auprès de nos services, la liquidation du litige se fera avec la société de recouvrement.  ».

Ainsi, vous faîtes référence dans votre courrier à notre collaboration avec une société de recouvrement pour la résolution de nos litiges.

Or, dans les faits, le Groupe FLO ne fait appel à aucune société de ce genre.

Par conséquent, il s’avère clairement que vous avez au nom et pour le compte de notre société avancé des propos désuets de toute véracité.

Ce comportement est intolérable.

Vous êtes tenue dans le cadre de vos fonctions de veiller au respect de la bonne procédure paie, et plus particulièrement lorsqu’il s`agit d’un dossier sur lequel il vous a été demandé à plusieurs reprises de traiter avec précaution.

Vous auriez dû, notamment, être plus attentive quant aux mentions portées sur la feuille de sortie de l’intéressé, indiquant que la rupture de son contrat de travail était privative de toute indemnité.

Il s’avère également, qu’après vérifications, la somme étant due par le collaborateur au titre de son trop perçu, ne correspond pas à 1329,24 euros comme mentionné dans votre courrier du 8 juin 2011, mais bien à 1462,15 euros.

Outre vos erreurs concernant le respect de la procédure paie, il est inadmissible que vous ayez adressé à un de nos collaborateurs un courrier mentionnant de fausses déclarations.

Tout porte à croire que vous avez agi de sorte à ce que, sous la contrainte d’une société de recouvrement, notre collaborateur puisse régler le trop perçu plus rapidement.

De plus, vous n’êtes pas sans savoir que le fait de tromper une personne physique, par l’emploi de man’uvres frauduleuses et de la déterminer ainsi à son préjudice à remettre des fonds, des valeurs ou biens quelconques est puni pénalement par la loi.

En plus de vous exposer à des sanctions pénales, vous auriez pu engagé notre société sur le terrain judiciaire en proférant de tels mensonges.

Compte tenu des faits précités, nous vous notifions donc une mise à pied à titre disciplinaire de 4 jours qui se déroulera du 8 au 11 août 2011, journées pendant lesquelles vous ne serez pas rémunérée.

Nous ne pourrons pas permettre que de tels écarts comportementaux se reproduisent au sein de notre société et de ce fait nous vous demandons d’adopter très rapidement une attitude plus conforme aux règles de l’entreprise car, dans le cas contraire, nous serions contraints de prendre une sanction plus grave à votre encontre. »

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er juillet 2011, Mme [L] a sollicité de son employeur la régularisation de sa situation au regard du décompte de ses jours de travail sur l’année et d’une disparité de traitement alléguée en matière d’augmentation salariale.

Par requête introductive reçue au greffe le 20 janvier 2012, Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre de diverses demandes tendant à ce que la sanction disciplinaire prononcée le 29 juillet 2011 soit annulée, et à ce que la société Flo Gestion soit condamnée au versement de diverses sommes à titre de rappel de salaires et de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Par jugement rendu en formation de départage le 25 mai 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– débouté Mme [U] [L] de toutes ses demandes ;

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement ;

– dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais irrépétibles ;

– condamné Mme [U] [L] aux dépens.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 29 juin 2022, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 23 octobre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 30 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [L], appelante, demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes en ce qu’il a débouté Mme [L] de toutes ses demandes ;

Statuant de nouveau, Mme [L] sollicite de la cour d’appel de céans de :

– déclarer Mme [U] [L] recevable et bien fondée en ses demandes ;

En conséquence :

– annuler la mise à pied disciplinaire prononcée à l’encontre de Mme [U] [L] par courrier en date du 29 juillet 2011 ;

– condamner la société Flo Gestion à verser à Mme [U] [L] les sommes suivantes :

* 44 500 euros à titre de rappel de salaire sur le fondement du principe « à travail égal salaire égal » ;

* 4 450 euros au titre des congés payés afférents ;

* 2 000 euros au titre de la prime 2011 ;

* 36 334,57 euros au titre de la rémunération des jours de récupération correspondant au dépassement du forfait annuel (RFO) ;

* 695,30 euros correspondant aux cinq journées de RTT indûment décomptées ;

* 2 778,70 euros à titre de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel ;

* 277,87 euros au titre des congés payés afférents ;

* 193,61 euros au titre de la garantie minimale de points (mai à décembre 2013) ;

* 562,99 euros au titre du rappel de salaire correspondant à l’annulation de la mise à pied disciplinaire ;

* 56,23 euros au titre des congés payés afférents ;

* 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* intérêts au taux légal.

– condamner la société Flo Gestion aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 28 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Flo Gestion, intimée, demande à la cour de :

– déclarer l’appel de Mme [L] mal fondé ;

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Nanterre du 25 mai 2022 ;

– débouter Mme [U] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner Mme [U] [L] à payer à la société Flo Gestion la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [U] [L] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 25 mai 2022, sauf en ce qu’il a débouté Mme [L] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de RTT, de l’indemnisation des jours de récupération au titre du dépassement du forfait annuel, et de rappel de salaire au regard du minimum conventionnel pour les années 2014 et 2015, et au titre des dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

CONDAMNE la société Flo Gestion SNC à verser à Mme [L] les sommes de :

– 695,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de RTT,

– 1 548,25 euros au titre de la rémunération des jours de récupération au titre du dépassement du forfait annuel,

– 137,76 euros à titre de rappel de salaire au regard du minimum conventionnel pour les années 2014 et 2015, outre 13,77 euros de congés payés afférents,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

DIT que chacune des parties supportera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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