Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Licenciement pour faute grave : enjeux de preuve et de qualification juridique des comportements au travail.
→ RésuméPrésentation de la société CiderLa société Cider est une SARL immatriculée au RCS de Versailles, spécialisée dans l’étude, la réalisation, la vente et la réparation de produits électroniques et informatiques, ainsi que la maintenance de matériels électroniques et électromécaniques industriels. Elle emploie moins de 11 salariés. Engagement de M. [G] [F]M. [G] [F] a été engagé par la société Cider en tant que menuisier par contrat à durée indéterminée à partir du 3 novembre 2005. À la fin de sa relation contractuelle, il travaillait dans l’atelier de [Localité 3] et percevait une rémunération brute mensuelle de 2 878,20 euros, régie par la convention collective nationale de la métallurgie. Procédure de licenciementLe 30 mars 2020, la société Cider a convoqué M. [G] [F] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 7 avril 2020. Le 10 avril 2020, M. [F] a été licencié pour faute grave, en raison d’un comportement agressif envers un collègue, d’injures publiques sur Facebook et d’une absence injustifiée. Demande de M. [G] [F]M. [G] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy le 10 février 2021, demandant que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse. Le jugement du 21 mars 2022 a déclaré le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse, mais non motivé par une faute grave. Jugement du conseil de prud’hommesLe conseil de prud’hommes a condamné la société Cider à verser à M. [G] [F] plusieurs indemnités, totalisant 11 436 euros pour l’indemnité de licenciement, 5 756,40 euros pour le préavis, et d’autres sommes pour les congés payés et le rappel de salaire. La société Cider a été déboutée de sa demande reconventionnelle. Appel de la société CiderLa société Cider a interjeté appel le 8 avril 2022, demandant l’infirmation du jugement et la requalification du licenciement de M. [F] en licenciement pour faute grave, entraînant la perte de ses indemnités. Arguments de M. [G] [F]M. [G] [F] a demandé à la cour de confirmer le jugement de première instance, arguant que son licenciement n’était pas justifié. Il a également sollicité des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour défaut de formation. Recevabilité de l’appel incidentLa cour a jugé recevable l’appel incident de M. [G] [F], considérant que ses conclusions contenaient une demande d’infirmation du jugement initial. Demande de dommages-intérêts pour défaut de formationM. [G] [F] a réclamé 7 000 euros pour préjudice lié à l’absence de formation, mais la cour a infirmé cette demande, constatant qu’il n’avait pas prouvé le préjudice subi. Analyse du licenciementLa cour a examiné les griefs invoqués par la société Cider, notamment le comportement agressif de M. [F], ses injures sur Facebook et son absence injustifiée. Elle a conclu que ces faits constituaient une faute grave justifiant le licenciement. Décision finale de la courLa cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant le licenciement de M. [F] justifié pour faute grave. Elle a débouté M. [F] de toutes ses demandes et l’a condamné à verser 1 000 euros à la société Cider au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-3
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JANVIER 2025
N° RG 22/01161 –
N° Portalis DBV3-V-B7G-VECN
AFFAIRE :
S.A.R.L. CIDER
C/
[G] [F]
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 21 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de POISSY
N° Section : I
N° RG : 21/00057
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Béatrice BONACORSI
Me Typhanie BOURDOT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.R.L. CIDER
N° SIRET : 442 511 747
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Béatrice BONACORSI, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 66
APPELANTE
****************
Monsieur [G] [F]
né le 26 Janvier 1982 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Typhanie BOURDOT de la SELARL MBD AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 644
Plaidant : Me Aurélie COSTA, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Mme Florence SCHARRE, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
FAITS ET PROCÉDURE
La société Cider est une société à responsabilité limitée (SARL) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Versailles sous le n° 442 511 747, elle a pour activité l’étude, la réalisation, la vente et la réparation de produits électroniques et informatiques, ainsi que la maintenance de matériels électroniques et électromécaniques industriels et emploie moins de 11 salariés.
Par contrat à durée indéterminée, M. [G] [F] a été engagé par la société Cider en qualité de menuisier, à compter du 3 novembre 2005.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [G] [F] exerçait ses fonctions au sein de l’atelier de [Localité 3] et percevait une rémunération moyenne brute de 2 878,20 euros par mois.
Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale de la métallurgie.
Par courrier remis en main propre le 30 mars 2020, la société Cider a convoqué M. [G] [F] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s’est tenu le 7 avril 2020.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10 avril 2020, la société Cider a notifié à M. [F] son licenciement pour faute grave, en ces termes :
« Le 16 mars dernier vous avez eu un comportement agressif et violent verbalement à l’encontre de M.[R], votre collègue de travail, sur les lieux de l’entreprise et pendant le temps de travail, en présence d’un client. Vous l’avez menacé de vous en prendre à lui physiquement, l’incitant à sortir de l’enceinte de la société pour lui »régler son compte, le casser, le démolir et le réduire en morceaux » selon vos propres termes, ce qui est inadmissible.
Le 19 mars 2020, j’ai constaté que vous aviez posté le 17 mars précédent un message sur votre page publique Facebook, accessible à tous, m’incriminant directement et me traitant de »patron véreux » car l’activité continuait au sein de l’entreprise, avec les précautions préconisées par le gouvernement.
Ces injures publiques et gratuites à mon égard ne sont pas tolérables.
Vous avez été en arrêt de travail du 16 au 20 mars mais n’avez pas repris votre poste le 23 mars 2020, sans explication ni justification. Vous êtes donc en absence injustifiée depuis le 23 mars jusqu’au 30 mars 2020, date de la notification de votre mise à pied conservatoire.
Cette conduite met en cause la bonne marche du service, l’image de l’entreprise et de son dirigeant.
Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 7 avril 2020 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons en conséquence de vous licencier pour faute grave à la date du présent courrier. ».
Par requête introductive reçue au greffe le 10 février 2021, M. [G] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute grave soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement rendu le 21 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Poissy a :
– dit que le licenciement de M. [G] [F] est justifié par une cause réelle et sérieuse et n’est pas motivé par une faute grave ;
– fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 2 878,20 euros ;
– condamné la société Cider à verser à M. [G] [F] avec intérêts légaux à compter du 19 février 2021, date de réception de la convocation pour le bureau de conciliation par la partie défenderesse, les sommes suivantes :
* 11 436 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
* 5 756,40 euros au titre de l’indemnité de préavis ;
* 575,40 euros au titre des congés payés y afférents ;
* 777,10 euros à titre de rappel de salaire ;
* 77,71 euros au titre des congés payés y afférents.
– rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l’article R. 1454-14 alinéa 2 du code du travail ;
– condamné la société Cider à verser à M. [G] [F] la somme de :
* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– débouté M. [G] [F] du surplus de ses demandes ;
– débouté la société Cider de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Cider aux entiers dépens.
Par déclaration d’appel reçue au greffe le 8 avril 2022, la société Cider a interjeté appel de ce jugement.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 6 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Cider, appelante et intimée à titre incident, demande à la cour de :
– recevoir l’appel de la société Cider et le dire bien fondé ;
– déclarer irrecevable l’appel incident de M. [F] concernant ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour défaut de formation, conformément aux dispositions des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
* dit que le licenciement de M. [G] [F] est justifié par une cause réelle et sérieuse et n’est pas motivé par une faute grave ;
* condamné la société Cider à verser à M. [G] [F] les sommes suivantes :
¿ 11 436 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
¿ 5 756,40 euros au titre de l’indemnité de préavis,
¿ 575,40 euros au titre des congés payés y afférents,
¿ 777,10 euros à titre de rappel de salaire,
¿ 77,71 euros au titre des congés payés y afférents,
¿ 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
* débouté la société Cider de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la société Cider aux entiers dépens ;
Statuant de nouveau,
– juger que le licenciement de M. [F] est fondé sur des fautes graves, privatives des indemnités légales au titre du licenciement, préavis et accessoires ;
– débouter M. [F] de ses demandes ;
– condamner M. [F] à rembourser à la société Cider la somme de 16 118,89 euros réglée en exécution des causes du jugement infirmé ;
– condamner M. [F] à restituer le bulletin de salaire y afférent ;
– condamner M. [F] à payer à la société Cider au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 euros à la société Cider, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 14 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [G] [F], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour de :
A titre principal :
– confirmer le jugement de première instance sauf en ce qu’il a jugé le licenciement de M. [F] pourvu d’une cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau ;
– juger de l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement de M. [F] ;
– requalifier le licenciement de M. [F] en licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
En conséquence, y ajoutant :
– condamner la société Cider au paiement des sommes suivantes :
* 34 538,40 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
A titre subsidiaire :
– confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause :
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné la société Cider au paiement de 777,10 euros au titre du rappel de salaire et 77,71 euros au titre des congés payés y afférents et 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la première instance ;
Y ajoutant :
– condamner la société Cider au paiement des sommes suivantes :
* 7 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l’absence de formation ;
* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
– débouter la société Cider de l’ensemble de ses demandes.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:
DIT l’appel incident de M. [F] recevable ;
INFIRME le jugement du conseil des prud’hommes de Poissy du 21 mars 2022,
Statuant de nouveau ;
DIT que le licenciement pour faute grave M. [F] justifié ;
DÉBOUTE le salarié de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ou salariales ;
CONDAMNE M. [F] à verser à la société Cider la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [F] aux dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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