Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/01146
Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/01146

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Conflit sur la légitimité d’une rupture contractuelle en raison d’allégations de harcèlement et de violation de la confidentialité.

Résumé

Contexte de l’affaire

La société Vulco Truck Services, immatriculée au RCS de Nanterre, est spécialisée dans les prestations de services pour le transport par véhicules terrestres à moteur. M. [W] [C] a été engagé en tant que technicien monteur pneumatique poids lourds par contrat à durée indéterminée à partir du 18 novembre 2019, avec un salaire brut mensuel de 1 923,21 euros. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile.

Modification d’affectation et opposition

Le 28 septembre 2020, la société a notifié à M. [C] son affectation à un autre établissement à partir du 5 octobre 2020. M. [C] a exprimé son opposition à ce changement par courriel le 29 septembre 2020 et a dénoncé ses conditions de travail dans un autre courriel le 6 octobre 2020. Il a ensuite été placé en arrêt de travail pour maladie à partir du 8 octobre 2020.

Mise à pied et licenciement

Le 13 octobre 2020, la société a notifié à M. [C] une mise à pied conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable au licenciement. Le 9 novembre 2020, il a été licencié pour faute grave, en raison de la violation de son obligation de confidentialité et de la diffusion d’informations jugées calomnieuses sur l’organisation de l’entreprise.

Procédure judiciaire

M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise le 8 février 2021, demandant la nullité de son licenciement. Le jugement du 16 mars 2022 a confirmé la justification du licenciement pour faute grave et a débouté M. [C] de ses demandes. M. [C] a interjeté appel de cette décision le 8 avril 2022.

Arguments de M. [C] et de la société

M. [C] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de condamner la société à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse. La société Vulco Truck Services a demandé la confirmation du jugement initial, soutenant que le licenciement était fondé sur des faits objectifs et vérifiables.

Analyse du harcèlement moral

M. [C] a invoqué un harcèlement moral, affirmant que son licenciement était lié à ses dénonciations concernant ses conditions de travail. La cour a constaté que M. [C] n’avait pas prouvé l’existence d’un harcèlement moral ni établi un lien de causalité entre ses dénonciations et son licenciement.

Justification du licenciement pour faute grave

La cour a confirmé que le licenciement pour faute grave était justifié, en raison de la violation de l’obligation de confidentialité par M. [C] et de ses propos injurieux et diffamatoires dans le courriel adressé à une tierce personne. Les éléments fournis par la société ont démontré un manquement aux obligations contractuelles de M. [C].

Conclusion de la cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant les demandes de M. [C] et le condamnant à verser des frais à la société Vulco Truck Services. Les demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ont également été rejetées, la cour n’ayant pas trouvé de preuve de préjudice.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JANVIER 2025

N° RG 22/01146 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VD5S

AFFAIRE :

[W] [C]

C/

S.A.S. VULCO TRUCK SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 16 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : C

N° RG : 21/00080

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Célia DIEDISHEIM

Me Samia MSADAK

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [W] [C]

né le 14 Août 1991 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Célia DIEDISHEIM, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 15

APPELANT

****************

S.A.S. VULCO TRUCK SERVICES

N° SIRET : 535 287 270

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentant : Me Samia MSADAK, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Vulco Truck Services est une société par actions simplifiée (SAS) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Nanterre sous le n° 535 287 270. Elle a pour activité la réalisation de prestations de services, de dépannage et de maintenance pour tous systèmes de transport par véhicules terrestres à moteur et emploie plus de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée en date du 14 novembre 2019, M. [W] [C] a été engagé par la société Vulco Truck Services en qualité de technicien monteur pneumatique poids lourds, statut ouvrier, à compter du 18 novembre 2019.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [C] exerçait ses fonctions au sein de l’établissement de [Localité 5], en Seine-et-Marne et percevait un salaire moyen mensuel brut de 1 923,21 euros.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes.

Par lettre remise en main propre contre émargement en date du 28 septembre 2020, la société Vulco Truck Services a notifié à M. [C] son affectation au sein de l’établissement de [Localité 6] à compter du 5 octobre 2020.

Par courriels daté du 29 septembre 2020, M. [C] a informé la société Vulco Truck Services de son opposition à ce changement d’affectation.

Par courriel daté du 6 octobre 2020 et adressé à une salariée de la société Vulco Développement,

M. [C] a dénoncé ses conditions de travail.

A compter du 8 octobre 2020, M. [C] a été placé en arrêt de travail pour cause de maladie.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 octobre 2020, la société Vulco Truck Services a notifié à M. [C] sa mise à pied à titre conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, initialement prévu le 27 octobre et repoussé au 4 novembre 2020.

M. [C] a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire qui lui a été notifiée le 16 octobre 2020.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 novembre 2020, la société Vulco Truck Services a notifié à M. [C] son licenciement pour faute grave, en ces termes :

« Nous vous avons convoqué à en entretien préalable en date du mercredi 4 novembre 2020 auquel vous ne vous êtes pas présenté.

En préambule, nous vous rappelons que vous occupez depuis votre embauche le 18 novembre 2019 le poste de Technicien monteur pneumatiques poids lourds pour le secteur de [Localité 5].

Vous êtes ainsi recruté pour gérer l’un des plus gros secteurs de Vulco Truck Services et êtes à ce titre chargé de :

Veiller à sa sécurité ainsi qu’à celle de ses collègues de travail ou de toute personne présente sur le lieu de travail en utilisant les dispositifs de sécurité aussi bien individuels que collectifs mis à sa disposition mais également de respecter les règles de sécurité lors des interventions professionnelles hors atelier et notamment chez le client,

Assurer le dépannage et l’entretien de pneumatiques PL,

Contribuer au développement du CA auprès des clients par le conseil,

Effectuer son travail dans les règles de l’art en veillant à ce que toutes interventions sur les véhicules soient réalisées suivant les normes du constructeur,

Veiller au bon usage du matériel et outillage qu’il utilise,

Assurer la propreté de l’agence, des véhicules et de l’outillage, utiliser le matériel de protection des véhicules des clients (housses, volant, siège’).

Assurer le rangement du stock,

Assurer les livraisons,

Se conformer aux procédures verbales ou écrites,

Signaler à son responsable d’agence tous les dysfonctionnements de l’agence,

D’une façon générale, prendre toutes les dispositions nécessaires dans le cadre des relations de travail pour mener à bien les missions qui lui sont confiées et participer au bon fonctionnement de l’agence.

Nous souhaitons également vous rappeler que, en application de l’article 2 de votre contrat de travail signé en date du 19 novembre 2019, et également afin de répondre aux sollicitations et aux contraintes de l’agence de [Localité 6], vous avez été transféré provisoirement sur cette agence entre le 5 octobre 2020 et le 6 novembre 2020 ;

Nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour comportement créant un trouble caractérisé au sein de l’entreprise pour les raisons suivantes :

Nous souhaitons tout d’abord vous rappeler par la présente lettre l’article 10 -confidentialité secret professionnel- de votre contrat de travail qui indique ‘Monsieur [W] [C] s’engage, tant pendant la durée du présent contrat, qu’après sa cessation, à observer la discrétion la plus absolue sur les informations de toute nature concernant le fonctionnement de la Société, son activité et ses clients. Il s’engage à ne communiquer à des tiers aucune indication sur les travaux, procédés, méthodes qui seront portés à sa connaissance et à ne divulguer, en aucune façon, les indications qu’il pourrait recueillir du fait de ses fonctions sur tout ce qui touche à l’organisation de l’entreprise et à ses relations commerciales. Toute infraction aux présentes dispositions pourra non seulement engager la responsabilité contractuelle de Monsieur [W] [C] et justifier son licenciement pour faute grave, mais également donner lieu, le cas échéant, à des poursuites judiciaires’.

Le mercredi 7 octobre 2020, il nous a en effet été communiqué par la société tierce Vulco Développement le fait que vous leur aviez communiqué dans un mail à leur destination en date du mardi 6 octobre 2020 à 17h50 des informations calomnieuses et mensongères concernant l’organisation de notre Société.

Cette conduite était inacceptable, et considérant les éléments indiqués dans les précédents paragraphes de la présente lettre, il apparaît donc clairement que vous n’avez pas respecté les obligations découlant de votre contrat de travail rendant l’exécution de dernier défectueuse.

Cette conduite de votre part met également en cause la bonne marche de l’entreprise et nous amène à prendre la présente décision de licenciement pour faute grave, votre maintien dans l’entreprise est impossible.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement. 

Vous avez fait par ailleurs l’objet d’une mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée dans un courrier recommandé du 16 octobre 2020. Dès lors, la période non travaillée du 16 octobre au 9 novembre 2020 ne sera pas rémunérée.».

Par requête introductive reçue au greffe le 8 février 2021, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute grave soit jugé comme étant nul, ou à défaut, sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 16 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise a :

– dit que la moyenne de salaire de M. [W] [C] est de 1 923,21 euros ;

– dit que le licenciement pour faute grave de M. [W] [C] est justifié ;

En conséquence,

– débouté M. [W] [C] de sa demande au titre de la nullité du licenciement et de toutes ses autres demandes ;

– débouté la société Vulco Truck Services de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;

– mis les dépens éventuels de la présente instance à la charge de M. [W] [C] en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 8 avril 2022, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 6 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [C], appelant, demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 16 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [C] reposait sur une faute grave et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes ;

Et statuant à nouveau,

– condamner la société Vulco Truck Services à verser à M. [C] les sommes suivantes :

A titre principal,

* 12 965,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire,

* 2 160,85 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 2 160,85 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

En tout état de cause,

* 495,19 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

* 2 160,85 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

* 216,08 euros au titre des congés payés afférents ;

* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner la société Vulco Truck Services aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 3 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Vulco Truck Services, intimée, demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 16 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise en ce qu’il a jugé le licenciement de M. [C] fondé sur une faute grave ;

– confirmer le jugement rendu le 16 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande au titre de la nullité du licenciement et de toutes ses autres demandes ;

En conséquence,

– condamner M. [C] à verser à la société Vulco Truck Services la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de première instance et d’appel ;

– condamner M. [C] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy Pontoise du 16 mars 2022 en la totalité de ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [C] à verser à la société Vulco Truck Services la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE M. [C] aux dépens en cause d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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