Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/01133
Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/01133

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Responsabilité et conformité des directives sanitaires en milieu professionnel durant une crise épidémique

Résumé

Contexte de l’affaire

La société LNA Retraite, spécialisée dans la gestion d’établissements pour personnes âgées et handicapées, a engagé Mme [A] [R] en tant que directrice d’établissement en mars 2004. Au cours de sa carrière, elle a signé plusieurs avenants concernant l’intéressement et a perçu une rémunération mensuelle brute de 6 018,86 euros. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale de l’hospitalisation privée.

Dispense d’activité et licenciement

En mars 2020, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, LNA Retraite a notifié à Mme [R] une dispense d’activité immédiate, tout en maintenant sa rémunération. Cette décision a été suivie d’une convocation à un entretien préalable au licenciement, qui a eu lieu en mai 2020. Le 20 mai 2020, Mme [R] a été licenciée pour faute grave, en raison de son opposition aux directives sanitaires mises en place par la direction pour protéger les résidents et le personnel.

Motifs du licenciement

Le licenciement a été justifié par plusieurs manquements de Mme [R] aux consignes de sécurité, notamment le non-respect des mesures d’hygiène et de sécurité imposées par la direction. Des incidents spécifiques ont été rapportés, tels que l’absence de mise en place d’un registre d’entrées et sorties, le refus d’appliquer des mesures de confinement, et le non-port de masques par les visiteurs, malgré des directives claires de la direction.

Procédure judiciaire

Mme [R] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, arguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse. Le jugement rendu en mars 2022 a confirmé la légitimité du licenciement pour faute grave, tout en fixant son salaire de référence. Mme [R] a ensuite interjeté appel de cette décision.

Arguments des parties en appel

Dans ses conclusions, Mme [R] a demandé la confirmation de certains aspects du jugement tout en contestant le caractère de faute grave de son licenciement. Elle a également sollicité des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. De son côté, LNA Retraite a soutenu que le licenciement était justifié par des faits d’insubordination et a demandé la confirmation du jugement initial.

Décision de la cour

La cour a confirmé que le licenciement de Mme [R] était fondé sur une faute grave, en raison de son comportement insubordonné et de son refus persistant de suivre les directives de sécurité. Elle a également accordé des dommages et intérêts à Mme [R] pour l’exécution déloyale de son contrat de travail, tout en rejetant ses autres demandes. La cour a statué que la société LNA Retraite devait supporter les dépens de la procédure.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JANVIER 2025

N° RG 22/01133 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VDYH

AFFAIRE :

[A] [R]

C/

S.A.S. LNA RETRAITE

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 10 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F 20/01009

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Camille BRES

Me Charles PHILIP

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [A] [R]

née le 31 Octobre 1969 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Camille BRES de la SELAS ærige, avocat au barreau de PARIS

Substitué : Me Laura DENNIS, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. LNA RETRAITE

N° SIRET : 529 26 4 0 61

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Charles PHILIP de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES, vestiaire : 57

Substitué : Me Karine BARBEOC’H, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société LNA Retraite est une société par actions simplifiée (SAS) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Nantes sous le n° 529 264 061. Elle a pour activités la gestion et l’exploitation de maisons de retraite, de résidences médicalisées et de centres pour personnes handicapées et emploie plus de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée, Mme [A] [R] a été engagée par la société Arcade de [Localité 7], aux droits de laquelle vient la société LNA Retraite, en qualité de directrice d’établissement, statut cadre C, coefficient 455, à compter du 1er mars 2004. Au cours de la relation de travail, Mme [R] signait les 15 avril 2005 et 22 janvier 2010, deux avenants relatifs à l’intéressement.

Au dernier état de la relation de travail, Mme [R] exerçait ses fonctions au sein de la résidence médicalisée Arcade de [Localité 7], située à [Localité 7] et percevait une rémunération moyenne brute de 6 018,86 euros par mois.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale de l’hospitalisation privée.

Par courriel daté du 16 mars 2020, la société LNA Retraite a notifié à Mme [R] sa dispense d’activité, à effet immédiat, assortie d’un maintien de sa rémunération, en ces termes :

« Comme nous vous l’avons récemment exprimé, nous nous interrogeons sur la situation actuelle au sein de la Résidence Arcade de [Localité 7], dans ce contexte exceptionnel d’épidémie liée au coronavirus COVID 19.

Dans un souci de protection générale de la santé et sécurité au sein de l’établissement, nous vous informons que vous êtes temporairement dispensée d’exercer votre fonction de Directrice au sein de l’établissement, ce pour une durée indéterminée.

Cette mesure de prévention prend effet dès ce mardi soir. Vous continuerez de percevoir votre rémunération habituelle aux échéances habituelles.

Du fait de cette dispense, votre délégation de responsabilité se trouve suspendue dès aujourd’hui. Et vous n’avez plus à accéder à l’établissement. Vos accès à distance seront également interrompus.

Nous reviendrons vers vous en temps voulu. »

Par courriel daté du 23 avril 2020, la société LNA Retraite a convoqué Mme [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s’est physiquement tenu le 13 mai 2020.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 mai 2020, la société LNA Retraite a notifié à Mme [R] son licenciement pour faute grave, en ces termes :

« Nous faisons suite in l’entretien préalable qui s’est tenu le 13 mai dernier, au cours duquel vous étiez

assistée de Monsieur [P] [E].

Nous vous avons expliqué, lors de cet entretien, les raisons qui nous ont conduits à envisager la rupture de votre contrat de travail, et avons recueilli vos explications.

Vos brèves observations n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits et ont au contraire

confirmé votre posture d’opposition à nos directives d’hygiène et sécurité.

Nous sommes aujourd’hui contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute

grave.

Nous vous rappelons ci-après les motifs qui, compte tenu de leur gravité au regard de votre fonction

et niveau de responsabilité en tant que Directrice d’établissement, rendant impossible la poursuite

de votre contrat de travail, nous ont contraints à prendre une telle décision :

– La crise sanitaire sans précédent à laquelle nous sommes confrontés du fait de l’épidémie de COVID

19 nous a contraint à prendre des mesures d’hygiène et de sécurité renforcées depuis le 27 février2020, a’n de préserver la santé et la sécurité de nos salariés et de nos résidents, personnes âgées fragiles et dépendantes particulièrement vulnérables face aux virus.

Nous vous rappelons qu’en votre qualité que Directrice de la Résidence Arcade de [Localité 7] (maison

de retraite médicalisée), vous êtes garante de la mise en ‘uvre, au sein de l’établissement, des décisions prises par Ia Direction du Groupe.

Il s’agit d’une des missions premières et essentielles de Directeur, telle que visée dans votre définition de fonction, qui mentionne également votre ‘responsabilité forte’ dans la prévention des risques dans toutes leurs dimensions, outre dans votre délégation de pouvoirs.

Nous n’avons pu que déplorer, dans ce contexte épidémique, votre posture d’opposition profonde, confortée lors de l’entretien préalable, a nos directives d’hygiène et sécurité que vous n’avez eu de cesse de refuser de mettre en place au sein de l’établissement, malgré nos multiples injonctions,

Ainsi, à titre d’illustration :

* Le 27/02/2020, [M] [L], Directeur Médical et Qualité du Groupe, vous a envoyé, comme à l’ensemble des directions du Groupe, par mail, la conduite à tenir, prévoyant notamment :

‘4. Contrôler la mise à disposition à l’accueil des mesures barrières habituelles :

-(..)Tenir un registre des entrées et sorties.

(…) 8. Rappel des précautions standards aux équipes et faire une formation sur les précautions complémentaires (‘air’ et ‘contact’) et des dispositions pour la mise en ‘uvre des mesures d’isolement (restauration, activités, distribution des médicaments, désinfection)’

Le Directeur médical et qualité a complété ce mail le 29/02 en imposant en particulier ‘d’éviter la poignée de main et embrassades pour se saluer’.

Or, lors d’une visite le 03/03/2020, [I] [K], Directeur d’Exploitation en charge de votre établissement, a eu la stupeur de constater que :

– Le registre spécifique d’entrée et sortie des visiteurs et des salariés que nous avions imposé de tenir n’était pas mis en place, ce que vous avez reconnu lors de l’entretien préalable ;

– Vous vous opposiez plus largement aux consignes de contrôle des entrées et sorties transmises le 27/02/2020 ;

– Vous vous opposiez aux mesures de con’nement strictes décidées par votre Directeur d’exploitation en lien avec le Directeur Médical et Qualité pour les autres établissements des départements 94 et 91, à tel point qu’il est forcé de vous répéter à plusieurs reprises que cette décision ne vous appartiendrait pas si elle venait à être mise en ‘uvre à Arcade.

– Vous avez tourné en dérision le refus de votre Directeur d’exploitation de serrer la main au Médecin coordonnateur en votre présence, en application des mesures de distanciation sociale édictées tant au sein de notre Groupe que par le Gouvernement.

Consterné par votre attitude, ce dernier vous a enjoint ce jour-là, de vous conformer immédiatement aux directives imposées, compte tenu des enjeux humains et sanitaires.

Vous n’avez pas pris la mesure de cette consigne, bien au contraire.

* Le 06/03/2020, dans un souci de protection de la santé des collaborateurs et des résidents, la Direction Générale a décidé le confinement strict de tous les établissements du Groupe.

Vous en avez été informée le jour même à deux reprises :

– Le matin, par mail de votre Directeur d’exploitation vous annonçant des consignes à venir et vous précisant expressément que les décisions du Groupe primaient sur les recommandations diverses d’autres instances ;

– Puis en début d’après-midi, par mail de la Cellule de crise adressé à l’ensemble des directions, en imposant en particulier les mesures de prévention et de protection suivantes :

– Port du masque chirurgical systématique pour tous les extérieurs (professionnels et visiteurs) ;

– Rappel de tenir le registre d’entrées et sorties pour les collaborateurs, tout comme les visiteurs (professionnels de santé, prestataires, familles…), avec questionnement sur les symptômes possibles ;

– Interdiction stricte des entrées ‘sauf cas exceptionnel : exemple fin de vie’. Ce mail était accompagné d’un Mode opératoire définissant la communication précise à adresser aux familles en ce sens : ‘Ainsi à partir d’aujourd’hui et jusqu’a la fin du stade 2 et/ou 3, l’entrée de l’établissement sera fermée au public (familles, proches inclus) : Restriction des visites auprès des résidents, sauf situation exceptionnelle (évaluation du bénéfice/risque tel que la fin de vie)’.

Vous avez, ostensiblement, passé outre ces consignes. Vous avez, en effet, contrairement à notre décision de procéder à un confinement strict de tous les établissements, indiqué le même jour en début de soirée, par mail, aux familles des résidents, que l’établissement se trouvait en ‘pré-confinement’ et que les visites se déroulaient de 14h à 18h.

Alors même que nous avions interdit strictement les visites sauf cas exceptionnel de ‘n de vie, dans le cadre d’un confinement total de l’établissement, selon une communication précise, vous avez indiqué aux familles que celles-ci se poursuivaient l’après-midi, selon votre propre communication !

Votre Directeur d’exploitation vous a appelé dès le lendemain matin pour vous demander de rectifier cette situation en vous conformant aux consignes édictées.

Contre toute attente, vous n’avez pas hésité à lui opposer lors de votre échange un refus, le contraignant à devoir vous enjoindre dès le jour même, par écrit, d’appliquer les mesures précisées dans le mail du 6 mars.

Vous ne vous êtes pas plus conformée à cette injonction.

Vous avez écrit aux familles des résidents deux jours après, le 09/03/2020 au matin, que ‘ les visites sont fortement déconseillées sauf cas exceptionnels déterminés par la direction de l’établissement en lien avec l’Agence Régionale de Santé’, tout en conservant la référence à des horaires de visite permanents entre 14h et 18h…

Face à votre refus persistant, inexplicable et dangereux, d’appliquer strictement les mesures du Groupe, votre Directeur d’exploitation a de nouveau été contraint de vous mettre en demeure, par mail le jour même, de ‘mettre en place et de communiquer aux familles les mesures telles qu’elles ont été définies’.

Vous avez poursuivi votre posture d’opposition en n’appliquant toujours pas les consignes données malgré cette nouvelle injonction.

Quelques jours après, le 11/03/2020, le Gouvernement a imposé le con’nement des EHPAD, con’rmant ainsi nos consignes précédentes et en particulier le bien-fondé de notre décision en amont d’interdiction stricte des visites a’n de préserver la santé de nos résidents et salariés, la seule dérogation possible étant, comme nous l’avions prescrit, ‘ la situation de soin terminal sur avis médical’.

Ce n’est qu’à la suite de cette annonce gouvernementale que vous avez daigné mettre en ‘uvre les mesures que nous vous imposions depuis le 6/03.

Plus grave encore, ce n’est qu’à compter du lendemain, le 12/03, que nous apprenons par un kinésithérapeute de l’établissement que le port du masque vient d’être mis en ‘uvre pour les professionnels extérieurs seulement depuis le matin même !

C’est ainsi avec 6 jours de retard, et seulement après diffusion par le Gouvernement et l’Agence régionale de Santé des consignes urgentes que nous avions déjà édictées en amont, que vous avez commencé à les appliquer.

Il s’avère de surcroît qu’il s’agissait d’un seul ‘commencement’ partiel d’application.

* Le 17/03/2020, votre Directeur d’Exploitation, [I] [K], a en effet notamment constaté avec inquiétude en se présentant à 8 heures dans l’établissement :

– L’absence de contrôle physique par une personne désignée à l’entrée des collaborateurs,

– L’absence de questionnement des collaborateurs à la prise de poste par une personne désignée (chef de service…),

– L’absence persistante du registre d’entrée et sortie des collaborateurs, l’état d’émargement habituel ne se substituant pas à ce registre spéci’que prescrit par la Direction Médicale et Qualité,

– La méconnaissance des gestes barrières par les collaborateurs : moins d’un collaborateur sur deux se lavait les mains à l’entrée de l’établissement, le port du masque dès l’entrée de l’établissement était très variable, les règles de distanciation sociale n’étaient pas appliquées,

– La mise en ‘uvre effective depuis seulement le 7/03 d’un contrôle des entrées des visiteurs et du registre visiteurs imposes, soit avec 9 jours de retard au regard de notre consigne du 27/02,

– L’arrêt tardif des visites des familles, stoppées seulement après l’annonce du Gouvernement le réalisée le 11 mars, avec plusieurs jours de retard par rapport à nos consignes du 6 mars,

– La méconnaissance des soignants concernant la mise en ‘uvre des mesures d’isolement en chambre en cas de suspicion de maladie virale, aucune formation n’ayant été faite sur ce sujet malgré notre consigne du 27/02.

Vous avez ainsi refusé, de manière persistante, malgré trois injonctions successives de votre hiérarchie, de mettre en ‘uvre les directives d’hygiènes et de prévention que nous avions imposées, dans un contexte de crise sanitaire majeure, alors même que vous saviez que l’épidémie commençait à toucher les établissements des départements voisins.

Un tel comportement d’insubordination, qui s’inscrit dans la droite ligne de la posture d’opposition aux décisions stratégiques du Groupe que nous avions constaté les semaines précédentes à l’occasion du déploiement de la Pharmacie à usage interne, est parfaitement inadmissible dans ce contexte, au regard des enjeux sanitaires et humains auxquels nous étions confrontés.

Il est d’autant plus inacceptable compte tenu de votre fonction de Directrice et de votre niveau de responsabilités, tout particulièrement au regard de la délégation de pouvoirs que vous avez régularisée début janvier 2016, au sein de laquelle vous vous êtes engagée à respecter et faire

respecter la réglementation en vigueur en matière d’hygiène et de sécurité.

Votre comportement inexplicable a mis en danger la santé de nos collaborateurs et des résidents.

Il caractérise non seulement un manquement aux obligations élémentaires du contrat de travail, et en particulier d’exécution loyale et de bonne foi du contrat, mais encore à vos missions et responsabilités essentielles de Directrice.

Nous vous rappelons que nous avons dû prendre des décisions fortes mais dans le seul souci permanent de la protection de la santé des salariés travaillant au sein des établissements et des résidents, personnes âgées, dépendantes et à la santé fragile.

C’est la raison pour laquelle nous avons été amenés à prendre des mesures plus strictes que celles émises par le Gouvernement, dont la décision de confinement strict des établissements dès le 06/03/2020.

Il s’agissait de décisions ré’échies et proportionnées face à notre inquiétude bien légitime de risque de propagation du virus dans nos établissements et à plus forte raison dans les établissements situés en région parisienne.

Nous n’avons finalement été que précurseurs, le Gouvernement ayant décidé un confirment total et strict des maisons de retraite quelques jours plus tard seulement, à compter du 11/03/2020, puis un confinement de l’ensemble de la population le 16/03/2020.

Vous n’avez, hélas, pas pris en considération nos injonctions.

L’accumulation de ces graves faits fautifs et leur incidence sur le bon fonctionnement de notre entreprise, rendent impossible votre maintien dans l’entreprise, nous contraignant à procéder à votre licenciement pour faute grave à effet immédiat.

Nous vous adresserons prochainement votre attestation Pole Emploi, certi’cat de travail et solde de tout compte ainsi que les documents sur la portabilité des droits santé et prévoyance, dont vous pouvez béné’cier pendant une durée maximale de douze mois.

Nous vous délions de votre clause de non concurrence prévue à l’article 14 de votre contrat de travail.

Nous vous rappelons par ailleurs qu’il vous appartient de procéder à la restitution de l’ensemble des

matériels appartenant à l’entreprise qui ont été mis à votre disposition pour les besoins de votre activité professionnelle dont vous seriez encore en possession.

Vous restez en outre tenue à votre obligation de confidentialité contractuelle. ».

Par requête introductive reçue au greffe le 7 août 2020, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute grave soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 10 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a:

– dit que le licenciement de Mme [A] [R] est un licenciement pour cause réelle et sérieuse et que le contrat de travail a été exécuté loyalement ;

– fixé le salaire de référence à 6 018,86 euros bruts ;

– débouté Mme [A] [R] de l’ensemble de ses demandes ;

– rejeté la demande de la société LNA Retraite au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé à Mme [A] [R] la charge des éventuels dépens.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 7 avril 2022, Mme [R] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 25 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [R], appelante, demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :

* fixé la rémunération mensuelle moyenne à 6 018,86 euros bruts ;

* rejeté la demande de la société LNA Retraite au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– infirmer le jugement pour le surplus.

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

– constater l’omission de statuer du conseil de prud’hommes sur le moyen tiré de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en raison du délai entre la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure de licenciement et, par conséquent, de la requalification de la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire ;

– juger le licenciement de Mme [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner, en conséquence, la société LNA Retraite à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

* 81 254,61 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 18 056,58 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis ;

* 1 805,65 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 77 743,60 euros nets à titre d’indemnité de licenciement ;

A titre subsidiaire :

– constater l’absence de faute grave ;

– requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société LNA Retraite à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

* 18 056,58 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis ;

* 1 805,65 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 77 743,60 euros nets à titre d’indemnité de licenciement ;

En tout état de cause :

– condamner la société LNA Retraite à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

* 18 056,58 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié aux circonstances du licenciement (3 mois de salaire) ;

* 12 037,72 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et augmentation sans contrepartie et unilatérale du nombre de jours de travail (2 mois de salaire) ;

* 6 018,86 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la clause de non-concurrence invalide (1 mois de salaire) ;

– faire produire aux sommes à caractère salarial les intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation et aux sommes à caractère indemnitaire les intérêts au taux légal à compter de la décision d’appel ;

– condamner la société LNA Retraite à verser à Mme [R] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société aux dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 26 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société LNA Retraite, intimée, demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 10 mars 2022 ;

Ainsi,

1. Sur le licenciement pour faute grave notifié à Mme [A] [R] :

– dire et juger bien-fondé le licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de Mme [A] [R] ;

– débouter Mme [A] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouter Mme [A] [R] de sa demande d’indemnité de licenciement, d’indemnité de préavis et de congés payés afférents ;

– débouter Mme [A] [R] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié aux circonstances vexatoires du licenciement.

2. Sur les demandes au titre de l’exécution prétendument déloyale du contrat :

– débouter Mme [A] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail au titre de sa convention de forfait-jours ;

– débouter Mme [A] [R] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait d’une clause de non-concurrence invalide.

3. En tout état de cause :

– débouter Mme [A] [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [A] [R] à verser à la société LNA Retraite une indemnité d’un montant de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [A] [R] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt CONTRADICTOIRE, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt du 10 mars 2022 sauf en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et en ce qui concerne les dommages et intérêts en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail et les dépens ;

Y ajoutant,

DÉCLARE le licenciement de Mme [R] fondé sur une faute grave ;

Statuant sur ces chefs de jugement,

CONDAMNE la société LNA Retraite à verser à Mme [R] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la société LNA Retraite aux dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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