Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/01144
Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/01144

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Cumul de mandats et qualification du lien de subordination : enjeux et implications.

Résumé

Présentation de la société Alès Groupe

La société Alès Groupe est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, immatriculée au RCS de Paris. Elle se spécialise dans les prestations de services et conseils en gestion, administration, ingénierie financière et management, principalement pour des sociétés du secteur cosmétique. Avec plus de 700 employés en France, elle a connu des difficultés financières entraînant une procédure de redressement judiciaire.

Engagement de M. [W] [C]

M. [W] [C] a été engagé par la société [H] Groupe, successeur des Laboratoires Phytosolba, en tant qu’assistant marketing en 1999. Après une mission aux États-Unis, il a été promu attaché auprès de la direction générale en 2007, puis chef de cabinet en 2008, et enfin conseiller du président en 2009, fonction qu’il a exercée jusqu’en janvier 2021.

Procédures judiciaires et licenciement

Le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire pour Alès Groupe en juillet 2020, suivie d’un plan de cession des actifs en septembre 2020. M. [W] [C] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement en octobre 2020, et a reçu une notification de licenciement pour motif économique. Cependant, l’AGS n’a pas versé les créances salariales demandées par M. [W] [C].

Demande de requalification de la relation contractuelle

En mai 2021, M. [W] [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Argenteuil pour faire requalifier sa relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et obtenir des indemnités de rupture. Le jugement du 29 mars 2022 a débouté M. [W] [C] de ses demandes, affirmant qu’il n’était pas lié par un contrat de travail avec la société [H] Groupe.

Appel et arguments des parties

M. [W] [C] a interjeté appel du jugement, demandant la reconnaissance de son contrat de travail et le paiement de diverses indemnités. La société BTSG, mandataire-liquidateur, a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que M. [W] [C] n’avait pas établi de lien de subordination. L’AGS a également soutenu que M. [W] [C] n’était pas salarié de la société.

Critères de cumul mandat social et contrat de travail

La cour a examiné les critères nécessaires pour établir un cumul entre un mandat social et un contrat de travail, notamment l’existence de fonctions techniques distinctes, une rémunération spécifique et un lien de subordination. M. [W] [C] a été incapable de prouver qu’il remplissait ces critères, étant donné ses fonctions de dirigeant au sein de la société.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, concluant qu’aucun des critères pour reconnaître un cumul entre mandat social et contrat de travail n’était établi. En conséquence, toutes les demandes de M. [W] [C] relatives à son statut de salarié ont été rejetées. Les dépens ont été mis à sa charge.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JANVIER 2025

N° RG 22/01144 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VD5G

AFFAIRE :

[W] [C]

C/

AGS CGEA [Localité 8]

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 22 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARGENTEUIL

N° Section : E

N° RG : F21/00140

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean-claude CHEVILLER

Me Sophie CORMARY

Me Francine TOUCHARD VONTRAT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [W] [C]

né le 07 Octobre 1977 à [Localité 7] (04)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0945

Plaidant : Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0619

APPELANT

****************

AGS CGEA [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

Société BTSG Prise en la personne de Maître [R] [U], Mandataire Judiciaire de la société [H] GROUPE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Francine TOUCHARD VONTRAT de la SELEURL FTO AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0838

Substitué : Me Marie-Clémence BIENVENU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

FAITS ET PROCÉDURE

La société Alès Groupe est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance (SA) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris sous le n° 399 636 323. Elle a pour activité l’exécution de prestations de services et conseils en matière de gestion d’administration, d’organisation, d’ingénierie financière et de management des entreprises au profit des sociétés avec lesquelles elle a des liens en capital et qui relèvent du secteur de la cosmétologie (industrie chimique).

Elle emploie plus de 700 salariés en France.

Par contrat à durée indéterminée du 1er septembre 1999, M. [W] [C] a été engagé par la société [H] Groupe, venant aux droits de la société Laboratoires Phytosolba, en qualité d’assistant marketing, statut agent de maîtrise, coefficient 225.

A son retour en France après une mission qu’il a exercé aux Etats Unis de septembre 1999 à décembre 2006, un avenant a été régularisé le 1er mai 2007 attribuant à M. [W] [C] la fonction d’attaché auprès de la direction générale, moyennant un salaire de 2 900 euros bruts mensuels.

Le 1er novembre 2008, M. [W] [C] s’est vu attribuer la fonction de chef de cabinet.

Par courrier et à compter du 1er juillet 2009, M. [W] [C] a exercé les fonctions de conseiller du président jusqu’au 24 janvier 2021.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des industries chimiques.

Par jugement rendu le 9 juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Alès Groupe et a désigné Maître [K] en qualité d’administrateur et la société BTSG en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement rendu le 24 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de cession des actifs de la société Alès Groupe au profit de la société Impala et a autorisé le licenciement pour motif économique des cinq salariés appartenant à la catégorie « Direction générale Alès », dont l’emploi devait être supprimé.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 7 octobre 2020, l’administrateur judiciaire de la société [H] Groupe, a convoqué M. [W] [C] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, qui s’est tenu le 19 octobre 2020.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 octobre 2020, l’administrateur judiciaire a notifié à M. [W] [C] son licenciement pour motif économique, à titre conservatoire sous réserve de la reconnaissance de sa qualité de salarié.

Par la suite, l’AGS n’a pas procédé au versement des créances salariales sollicitées par M. [W] [C].

Par jugement rendu le 28 octobre 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire de la société Alès Groupe et a désigné la société BTSG en qualité de mandataire-liquidateur.

Par requête introductive reçue au greffe le 7 mai 2021, M. [W] [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Argenteuil d’une demande tendant à ce que sa relation contractuelle soit requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée et à obtenir le paiement de diverses indemnités de rupture au titre de son licenciement pour motif économique.

Par jugement rendu le 29 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes d’Argenteuil a :

– dit que M. [W] [C] ne peut prétendre être lié à la société [H] Groupe par un contrat de travail ;

En conséquence,

– débouté M. [W] [C] de l’ensemble de ses demandes ;

– dit que l’action initiée par M. [W] [C] est manifestement abusive et qu’il sera condamné à une amende civile de 3 000 euros qui sera recouvrée par le Trésor public ;

– mis les dépens à la charge de M. [W] [C].

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 7 avril 2022, M. [W] [C] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 4 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [W] [C], appelant, demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Argenteuil n° RG F21/00140 en date du 29 mars 2022 en ce qu’il a :

* dit que M. [W] [C] ne peut prétendre être lié à la société [H] Groupe par un contrat de travail ;

* débouté M. [W] [C] de l’ensemble de ses demandes ;

* dit que l’action initiée par M. [W] [C] est manifestement abusive et l’a condamné à une amende civile de 3 000 euros (trois-mille euros) qui sera recouvrée par le trésor public ;

* mis les dépens à la charge de M. [W] [C].

Et statuant à nouveau sur l’ensemble des chefs de demandes présentés par M. [W] [C],

– juger valable le contrat de travail de M. [W] [C] ;

– fixer la rémunération brute moyenne mensuelle de M. [W] [C] à la somme de 17 014,79 euros ;

En conséquence,

– fixer au passif de la société [H] Groupe les sommes suivantes :

* 50 001 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (subsidiairement : 34 944 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis) ;

* 32 955,21 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

* 210 416,24 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement (subsidiairement :

85 031 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement) ;

* 22 118 euros au titre du salaire de juillet et octobre 2020 prorata temporis ;

* 50 000 euros à titre de rappel de primes pour l’exercice 2019 ;

* 5 000 euros à titre de congés payés afférents ;

* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

* 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– ordonner que ces sommes produisent intérêt au taux légal à compter de la réception des défenderesses de la convocation devant le conseil de prud’hommes, avec capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil ;

– déclarer l’arrêt opposable à l’Association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS).

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 23 août 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société BTSG, en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société [H] Groupe, intimée, demande à la cour de :

A titre principal :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Argenteuil du 29 mars 2022, section encadrement (RG F21/00140), en toutes ses dispositions ;

– débouter M. [W] [C] de l’ensemble de ses demandes ;

– le condamner en tous les dépens.

A titre subsidiaire :

Si par impossible, la cour d’appel de céans retenait l’existence d’un lien de subordination auquel serait resté soumis M. [W] [C], en dépit de ses multiples mandats sociaux et l’impossibilité de faire la distinction entre ses fonctions au titre de son contrat de travail et ses fonctions au titre de ses mandats sociaux :

– dire et juger que M. [W] [C], du fait de la suspension de son contrat de travail, ne peut prétendre qu’à la fixation au passif de la liquidation judiciaire de ses indemnités de rupture, calculées correctement, en tenant compte de son ancienneté réelle en tant que salarié au titre de son contrat de travail d’origine, soit du 1er septembre 1999 au 1er janvier 2010 (10 ans et 4 mois), sur la base de son salaire mensuel brut de 6 000 euros, tel que celui-ci apparaît sur ses bulletins de salaire de l’année 2010 ;

– débouter M. [W] [C] de l’ensemble de ses autres demandes ;

– débouter M. [W] [C] de sa demande de prime de 50 000 euros pour l’exercice 2019 qui ne repose sur aucun fondement contractuel ;

– le condamner en tous les dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 30 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Délégation Île-de-France Ouest de l’Association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS), représentée par le Centre de gestion et d’études agréé (CGEA) de [Localité 8], intimée, demande à la cour de :

A titre principal :

– juger que M. [W] [C] n’a pas la qualité de salarié de la société [H] Groupe ;

En conséquence,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Argenteuil en date du 29 mars 2022 en ce qu’il a débouté M. [W] [C] de l’ensemble de ses demandes et dire n’y avoir lieu à garantir ;

– mettre hors de cause l’association de gestion du régime de garantie des salaires au titre de la demande d’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

– juger que la garantie de l’association de gestion du régime de garantie des salaires est plafonnée, toutes créances avancées à un des trois plafonds définis à l’article D. 3253-5 du code du travail ;

– fixer l’éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société [H] Groupe ;

– juger que l’obligation du centre de gestion et d’études agréé de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire ;

– mettre hors de cause l’association de gestion du régime de garantie des salaires au titre de la demande d’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’Argenteuil du 29 mars 2022 sauf en ce qu’il a condamné M. [C] à une amende civile de 3 000 euros ;

Y ajoutant ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE M. [C] aux dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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