Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Prescription et responsabilité de l’État : enjeux de la temporalité dans les recours en indemnisation.
→ RésuméDÉBATSA l’audience du 25 Novembre 2024, les avocats ont été informés que l’ordonnance serait rendue le 06 Janvier 2025. ORDONNANCEL’ordonnance a été prononcée par mise à disposition, de manière contradictoire et en premier ressort. Rejet de la demande de pension d’invaliditéLe 28 février 2008, la caisse régionale d’assurance maladie de l’Ile de France (CRAMIF) a rejeté la demande de Monsieur [Y] [Z] pour une pension d’invalidité de 2ème catégorie. Monsieur [Z] a contesté ce refus, mais la CRAMIF a opposé la forclusion de son action. Recours devant le tribunal des affaires de sécurité socialeLe 26 mai 2010, Monsieur [Y] [Z] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val de Marne pour contester la décision de forclusion. Par jugement du 1er juin 2011, le tribunal a jugé que la demande n’était pas frappée de forclusion, mais a débouté Monsieur [Z] sur le fond. Appel et assignation de l’agent judiciaire de l’EtatMonsieur [Z] a interjeté appel de ce jugement, et la cour d’appel de Paris a rendu son arrêt le 30 mars 2017. Le 22 décembre 2023, Monsieur [Y] [Z] a assigné l’agent judiciaire de l’Etat devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir une indemnisation pour le préjudice lié au délai déraisonnable de la procédure. Demandes de l’agent judiciaire de l’EtatDans ses conclusions d’incident notifiées le 22 novembre 2024, l’agent judiciaire de l’Etat a demandé au juge de déclarer l’action de Monsieur [Z] irrecevable pour cause de prescription et de le débouter de toutes ses demandes. Arguments de Monsieur [Z]Monsieur [Y] [Z] a également notifié des conclusions d’incident, demandant que son action soit déclarée recevable et que l’agent judiciaire de l’Etat soit condamné à lui verser 3.000,00€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Motivation de la décisionLa motivation de la décision repose sur l’article 1er de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968, qui stipule que les créances non payées dans un délai de quatre ans sont prescrites. La jurisprudence indique que la prescription commence à courir à partir du premier jour de l’année suivant le fait générateur du dommage. Conclusion sur la prescriptionIl a été conclu que l’arrêt de la cour d’appel de Paris, rendu le 30 mars 2017, constitue le fait générateur du dommage, et que la prescription quadriennale a commencé à courir le 1er janvier 2018, étant acquise le 31 décembre 2021. Par conséquent, l’action de Monsieur [Y] [Z] a été déclarée irrecevable comme prescrite. Dépens et article 700Monsieur [Y] [Z], en tant que partie perdante, a été condamné aux dépens, et sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile a été déboutée. Décision finaleLe juge de la mise en état a déclaré l’action de Monsieur [Y] [Z] irrecevable pour cause de prescription, a condamné Monsieur [Y] [Z] aux dépens, et a débouté les parties de leurs autres demandes. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le :
■
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/16566 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3QRG
N° MINUTE :
Assignation du :
22 Décembre 2023
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 06 Janvier 2025
DEMANDEUR AU FOND, DÉFENDEUR À L’INCIDENT
Monsieur [Y] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-philippe CARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0233
DÉFENDEUR AU FOND, DEMANDEUR À L’INCIDENT
AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Renaud LE GUNEHEC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0141
MINISTÈRE PUBLIC
Monsieur Etienne LAGUARIGUE de SURVILLIERS,
Premier Vice-Procureur
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint
assisté de Madame Marion CHARRIER, Greffier
DÉBATS
A l’audience du 25 Novembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 06 Janvier 2025.
ORDONNANCE
Prononcée par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort
Le 28 février 2008, la caisse régionale d’assurance maladie de l’Ile de France (CRAMIF) a rejeté la demande de Monsieur [Y] [Z] visant à se voir attribuer une pension d’invalidité de 2ème catégorie.
Monsieur [Z] a contesté ce refus devant la commission de recours amiable de la CRAMIF, laquelle lui a opposé la forclusion de son action.
Le 26 mai 2010, Monsieur [Y] [Z] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val de Marne, à l’encontre de la CRAMIF aux fins de contester la décision de forclusion précitée.
Par jugement du 1er juin 2011, le tribunal des affaires sociales du Val de Marne a jugé que la demande de Monsieur [Z] n’était pas frappée de forclusion, mais l’a débouté de son recours sur le fond.
Monsieur [Z] a interjeté appel de ce jugement par devant la cour d’appel de Paris, laquelle a rendu son arrêt le 30 mars 2017.
C’est dans ce contexte que, par acte du 22 décembre 2023, Monsieur [Y] [Z] a fait assigner l’agent judiciaire de l’Etat devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’obtenir l’indemnisation du préjudice résultant du délai déraisonnable de la procédure à laquelle il a été partie, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val de Marne, puis la cour d’appel de Paris.
Par conclusions d’incident notifiées le 22 novembre 2024, l’agent judiciaire de l’Etat demande au juge de la mise en état de :
– juger que l’action de Monsieur [Z] est irrecevable car prescrite ;
– débouter Monsieur [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Il soutient que conformément à l’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 et la jurisprudence de la Cour de cassation, l’action de Monsieur [Z] en responsabilité contre l’Etat était soumise à une prescription quadriennale, commençant à courir à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision finale, fait générateur du dommage, est passée en force de chose jugée ; qu’en l’espèce l’arrêt de la cour d’appel de Paris, n’était susceptible de recours que par la voie du pourvoi en cassation, lequel n’est pas suspensif ; qu’ainsi cette décision est passée en force de chose jugée le jour de son prononcé, soit le 30 mars 2017, et le délai de prescription a commencé à courir le 1er janvier 2018 pour être acquis le 31 décembre 2021. En réponse aux conclusions adverses, l’agent judiciaire de l’Etat explique qu’aucune disposition du code de procédure civile n’indique qu’un arrêt d’appel est non avenu en cas de défaut de signification ; qu’il convient de ne pas opérer de confusion entre les principes de force de chose jugée et d’autorité de la chose jugée ; et que le défaut de la signification de l’arrêt d’appel par la CRAMIF ne constitue pas un dysfonctionnement du service public de la justice susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire.
Par conclusions d’incident notifiées le 22 novembre 2024, Monsieur [Y] [Z] demande au juge de la mise en état de :
– débouter l’agent judiciaire de ses demandes, fins et conclusions ;
– dire que son action est recevable ;
– condamner l’agent judiciaire de l’Etat à lui verser 3.000,00€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens;
Il soutient dans un premier temps que la prescription quadriennale prévue à l’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 n’a pas commencé à courir dès lors qu’il ne bénéficie pour le moment d’aucune créance contre l’Etat, laquelle ne naîtra qu’à l’issue de la présente procédure si le tribunal vient à faire droit à sa demande en responsabilité contre l’Etat. Il explique dans un second temps, si le tribunal considère qu’un délai de prescription a commencé à courir, que l’arrêt de la cour d’appel de Paris n’ayant pas été notifié par la CRAMIF, il n’a pu former un pourvoi en cassation, et qu’en application des dispositions combinées des articles 500 et 520 8-1 du code de procédure civile cet arrêt n’est passé en force de chose jugée qu’à compter de l’expiration d’un délai de 2 ans, soit au mois de mars 2019, de sorte que la prescription quadriennale n’était pas acquise au jour de son assignation en date du 22 décembre 2023. Enfin, il estime que l’agent judiciaire de l’Etat ne peut invoquer la » force de chose jugée » de l’arrêt de la cour d’appel dès lors que, à la différence de la CRAMIF, il n’était pas partie à la procédure.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme le permet l’article 455 du code de procédure civile.
A l’audience d’incident du 25 novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 6 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS,
Nous, juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire susceptible de recours selon les dispositions de l’article 795 du code de procédure civile, par mise à disposition au greffe,
DÉCLARONS l’action de Monsieur [Y] [Z] irrecevable comme prescrite ;
CONDAMNONS Monsieur [Y] [Z] aux dépens ;
DÉBOUTONS les parties de leurs autres ou plus amples demandes.
Faite et rendue à Paris le 06 Janvier 2025
Le Greffier Le Juge de la mise en état
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD
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