Tribunal judiciaire de Nanterre, 7 janvier 2025, RG n° 21/00906
Tribunal judiciaire de Nanterre, 7 janvier 2025, RG n° 21/00906

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nanterre

Thématique : Imputabilité des arrêts de travail : entre présomption et antécédents médicaux.

Résumé

Exposé du litige

M. [S] [Y], salarié de la société [10], a déclaré avoir subi un accident du travail le 24 février 2016, se tordant le genou droit en se déplaçant dans l’atelier. Un certificat médical initial a été émis, indiquant une entorse du ligament latéral interne et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 9 mars 2016. La caisse primaire d’assurance maladie a reconnu l’accident comme un accident du travail et a fixé la date de consolidation au 30 août 2016, avec un taux d’incapacité permanente partielle de 4%.

Contestation de l’imputabilité

La société a contesté l’imputabilité des arrêts de travail à cet accident, saisissant la commission médicale de recours amiable, qui a rejeté le recours. Par la suite, la société a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre, demandant une expertise médicale pour distinguer les arrêts de travail liés à l’accident de ceux liés à un état antérieur. La caisse primaire a demandé le rejet de cette demande et a sollicité le paiement de 1500€.

Motifs de la décision

Le tribunal a rappelé que la présomption d’imputabilité couvre toute la durée d’incapacité de travail, sauf preuve du contraire par l’employeur. La société a soutenu que M. [Y] avait un état pathologique antérieur complexe, avec plusieurs interventions chirurgicales. Le médecin conseil de la société a affirmé que l’accident avait activé cet état antérieur, tandis que la caisse a maintenu que la prise en charge était justifiée. Le tribunal a noté que les antécédents médicaux de M. [Y] étaient avérés et a décidé d’ordonner une expertise médicale pour clarifier l’imputabilité des soins et arrêts de travail.

Ordonnance d’expertise

Le tribunal a ordonné une consultation médicale, désignant le Dr [L] [N] pour examiner le dossier et déterminer les liens entre les lésions et l’accident. Il a précisé les missions de l’expert, notamment l’évaluation des lésions, la durée des arrêts de travail, et la distinction entre l’accident et l’état pathologique antérieur. Le tribunal a également ordonné l’envoi de documents médicaux nécessaires à l’expert et a fixé un délai pour le rapport d’expertise. Un sursis à statuer a été prononcé en attendant les conclusions de l’expert.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
07 Janvier 2025

N° RG 21/00906 – N° Portalis DB3R-W-B7F-WVZL

N° Minute : 24/01780

AFFAIRE

Société [10]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’YONNE

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

Société [10]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Représentée par Maître Morgane COURTOIS D’ARCOLLIERES de la SELARL Ledoux & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0503

Substituée par Me Amélie FROGET, avocat au barreau de PARIS,

DEFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’YONNE
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Mme [Z] [E], muni d’un pouvoir régulier,

***

L’affaire a été débattue le 18 Novembre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Jean-Marie JOYEUX, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Hanene ARBAOUI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Gaëlle PUTHIER, Greffière.

JUGEMENT

Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

Selon la déclaration du 26 février 2016, M. [S] [Y], salarié de la société [10], a indiqué à son employeur avoir été victime d’un accident du travail le 24 février 2016 dans les circonstances suivantes : « Déplacement dans l’atelier – Selon les informations de l’entreprise utilisatrice, la victime se serait tordue le genou droit en marchant aux alentours de son poste de travail où il y a un léger dénivelé ».

Il a joint un certificat médical initial du 24 février 2016 mentionnant « Genou droit : entorse du ligament latéral interne » et prescrivant un premier arrêt de travail jusqu’au 9 mars 2016.

Le 29 février 2016, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Yonne a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle puis a fixé la date de consolidation au 30 août 2016 et le taux d’incapacité permanente partielle à 4%, en raison d’un « Traumatisme du genou droit survenu sur un état antérieur, consolidation avec limitation de la flexion du genou droit, amyotrophie de la cuisse. Le taux d’IPP tient compte de l’état antérieur ».

Contestant l’imputabilité des arrêts de travail délivrés à son salarié à cet accident, la société a saisi la commission médicale de recours amiable de la caisse le 27 novembre 2020, laquelle a rejeté implicitement le recours.

Par requête envoyée le 21 mai 2021, la société a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre.

L’affaire a été appelée à l’audience du 18 novembre 2024 à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.

La société [10] demande au tribunal d’ordonner avant dire droit une expertise médicale judiciaire afin de distinguer les arrêts de travail en lien avec l’accident de ceux exclusivement imputables à l’état antérieur présenté par le salarié. Elle verse aux débats un avis médical sur pièces rédigé par son médecin conseil le Dr [F].

En réplique, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Yonne conclut au rejet de la demande d’expertise et sollicite le paiement de la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 7 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant par jugement contradictoire, et mis à disposition au greffe,

AVANT DIRE DROIT, ordonne une consultation et commet pour y procéder :

le Dr [L] [N]
domicilié [Adresse 4]
Tél. [XXXXXXXX01]
Mail : [Courriel 8]

qui pourra se faire assister de tout spécialiste de son choix, avec pour mission de :

– consulter les pièces du dossier qui lui sont destinées et qui lui seront transmises par les parties et leur médecin conseil par l’intermédiaire du tribunal ;
– procéder à l’examen sur pièces du dossier de M. [S] [Y],
– lire les dires et observations des parties
– déterminer les lésions en lien avec l’accident déclaré le 26 février 2016 ;
– fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec ces lésions ;
– dire si l’accident a seulement révélé ou s’il a temporairement aggravé un état pathologique antérieur ou survenu postérieurement et totalement étranger aux lésions initiales et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte ;
– dire, en tout état de cause, à partir de quelle date la prise en charge des lésions, prestations soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n’est plus médicalement justifiée au regard de l’évolution du seul état consécutif à l’accident déclaré ;
– préciser à partir de quelle date cet état pathologique évoluant pour son propre compte est devenu la cause exclusive des arrêts et soins.

ORDONNE au service médical de la caisse d’adresser exclusivement par courriel dans un délai maximum de 15 jours à compter de la notification de la présente, au tribunal ([Courriel 11] en précisant le n° de RG et avec la mention « Dossier pour expert ») et au médecin conseil de la société, le Dr [F] ([Courriel 9]) l’ensemble des éléments médicaux concernant M. [S] [Y] (certificat médical initial, certificats de prolongation, certificat de nouvelle lésion éventuelle, décision de consolidation et de séquelles, rapport d’évaluation, avis rendus…) ;

ORDONNE également au médecin conseil de la société d’adresser au tribunal ([Courriel 11] en précisant « Dossier pour expert ») et au service médical de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Yonne ([Courriel 7]) et dans les mêmes délais toute pièce ou avis qui lui semblerait utile ;

DIT que le consultant devra adresser un rapport écrit au greffe du présent tribunal dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé de sa mission ;

DIT qu’il en adressera directement copie aux parties et au médecin conseil de la société ;

RAPPELLE que la rémunération du médecin consultant est réglementée par l’arrêté du 29 décembre 2020 et prise en charge par la CNAM à hauteur de 80,50 € ;

ORDONNE un sursis à statuer ;

DIT que le dossier sera rappelé à l’audience dès le dépôt des conclusions d’une des parties après rapport de l’expert désigné, sauf aux parties à accepter une procédure sans audience ou à la société requérante à se désister de son action.

RÉSERVE les dépens.

Et le présent jugement est signé par Matthieu DANGLA, Vice-Président et par Gaëlle PUTHIER, Greffière, présents lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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