Tribunal judiciaire de Lyon, 7 janvier 2025, RG n° 23/09957
Tribunal judiciaire de Lyon, 7 janvier 2025, RG n° 23/09957

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon

Thématique : Conflit de compétence et d’application des lois dans un contexte familial international

Résumé

Contexte du mariage

Madame [Y] [P], de nationalité algérienne, et Monsieur [S] [V], de nationalité française, se sont mariés le [Date mariage 11] 2001 en Algérie. Leur union a donné naissance à six enfants, nés entre 2002 et 2021.

Demande de divorce

Le 15 novembre 2023, Madame [Y] [P] a assigné Monsieur [S] [V] en divorce devant le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Lyon, sans préciser le fondement de sa demande. L’audience d’orientation et de mesures provisoires a eu lieu le 4 mars 2024.

Ordonnance sur mesures provisoires

Le 29 avril 2024, le juge a déclaré la compétence du juge français et la loi française applicable. Il a fixé la résidence des enfants au domicile de Madame [Y] [P] et a établi un droit de visite pour Monsieur [S] [V] les samedis des semaines paires. Les demandes de contribution à l’entretien des enfants et d’interdiction de sortie sans autorisation des deux parents ont été rejetées.

Conclusions de Madame [Y] [P]

Le 27 mai 2024, Madame [Y] [P] a demandé le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal, la fixation de la résidence des enfants, et une contribution de 600 euros par mois de la part de Monsieur [S] [V] pour l’entretien des enfants. Elle a également demandé que chaque partie conserve la charge de ses frais.

Conclusions de Monsieur [S] [V]

Le 22 juillet 2024, Monsieur [S] [V] a également demandé le prononcé du divorce sur le même fondement et a contesté la nécessité d’une contribution à l’entretien des enfants, se déclarant dans l’incapacité de verser une telle somme.

Clôture de la procédure

La clôture de la procédure a été prononcée le 8 octobre 2024, et l’affaire a été fixée pour délibéré au 7 janvier 2025.

Jugement final

Le jugement a été rendu, prononçant le divorce pour altération définitive du lien conjugal, avec effet rétroactif à la date de la demande. La résidence des enfants a été fixée au domicile de Madame [Y] [P], et les modalités de visite pour Monsieur [S] [V] ont été confirmées. Monsieur [S] [V] a été déchargé de sa contribution alimentaire en raison de son impécuniosité. Les parties conservent la charge de leurs dépens respectifs.

DATE DU JUGEMENT:
7 Janvier 2025

RG N° RG 23/09957 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YO7U / 2ème Ch. Cabinet 1

MINUTE N°

AFFAIRE
[Y] [P] épouse [V]
C / [S] [V]
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Catherine MICHALLET, Juge aux Affaires Familiales au TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON, assistée de Marie-Anne BONGARD, Greffière,

statuant publiquement et en premier ressort, a rendu en son audience de la CHAMBRE DE LA FAMILLE du 7 janvier 2025, le jugement contradictoire dont la teneur suit, après que la cause eut été débattue en chambre du conseil le 12 novembre 2024 dans l’affaire opposant :

DEMANDEUR :

Madame [Y] [P] épouse [V]
née en 1982 à [Localité 14], [Localité 20] (ALGERIE)
[Adresse 10]
[15] – structure hôtelière d’ urgence
[Localité 9]

représentée par Me Nathalie LOUVIER, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1010
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/6452 du 08/08/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

DEFENDEUR :

Monsieur [S] [V]
né le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 17]
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 8]

représenté par Maître Marie DEI CAS-JACQUIN de l’AARPI A3 AVOCATS, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 324
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-002080 du 12/02/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

Copie exécutoire et expédition le :
à :
– Me Marie DEI CAS-JACQUIN de l’AARPI A3 AVOCATS, vestiaire : 324
– Me Nathalie LOUVIER, vestiaire : 1010

EXPOSE DU LITIGE

Madame [Y] [P], de nationalité algérienne, et Monsieur [S] [V], de nationalité française, se sont mariés le [Date mariage 11] 2001 devant l’officier de l’état civil de la commune de [Localité 13] (ALGERIE).

De cette union sont issus six enfants :
– [L] [W] [V], né le [Date naissance 7] 2002 à [Localité 19],
– [R] [V], née le [Date naissance 3] 2005 à [Localité 19],
– [U] [V], né le [Date naissance 6] 2006 à [Localité 19],
– [A] [V], née le [Date naissance 2] 2009 à [Localité 19],
– [L] [I] [V], né le [Date naissance 4] 2014 à [Localité 18] (ALGERIE),
– [C] [F] [V], né le [Date naissance 1] 2021 à [Localité 12].

Par acte de commissaire de justice du 15 novembre 2023, Madame [Y] [P] a fait assigner Monsieur [S] [V] en divorce, sans préciser le fondement de sa demande, devant le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de LYON à l’audience d’orientation et de mesures provisoires du 4 mars 2024.

Par ordonnance sur mesures provisoires contradictoire du 29 avril 2024 le juge de la mise en état a :
– déclaré le juge français compétent et la loi française applicable aux mesures provisoires,
– constaté que Madame [Y] [P] et Monsieur [S] [V] exercent en commun l’autorité parentale sur les enfants mineurs,
– fixé la résidence des enfants au domicile de Madame [Y] [P],
– dit que les parents déterminent ensemble la fréquence et la durée des périodes au cours desquelles Monsieur [S] [V] accueille les enfants et qu’à défaut d’un tel accord, fixe les modalités suivantes : un droit de visite les samedis des semaines paires de 10 heures à 17 heures, à charge pour le père d’aller chercher ou faire chercher les enfants au domicile de l’autre parent et de les y ramener ou faire ramener par une personne de confiance,
– débouté Madame [Y] [P] de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [S] [V] au paiement d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants,
– débouté Madame [Y] [P] de sa demande tendant à voir ordonner l’interdiction de sortie des enfants sans l’autorisation des deux parents,
– dit que les mesures provisoires prennent effet à la date de l’ordonnance,
– réservé les dépens.

Par conclusions notifiées le 27 mai 2024, Madame [Y] [P] a demandé de :
– recevoir Madame [Y] [P] en toutes ses fins et conclusions,
– se déclarer compétent pour statuer sur la demande en divorce, avec application de la loi française,
– prononcer le divorce de Madame [Y] [P] et de Monsieur [S] [V] sur le constat de l’altération définitive du lien conjugal, conformément aux articles 237 et 238 du Code civil,
– ordonner la publicité de cette décision en marge des actes de l’état civil, conformément aux dispositions de l’article 1082 du Code de procédure civile,
– juger, en application de l’article 262-1 du Code civil, que le jugement de divorce prend effet, dans les rapports entre les époux, s’agissant de leurs biens, à la date de la demande en divorce,
– constater la révocation des donations et avantages matrimoniaux que les époux ont pu, le cas échéant, se consentir,
– juger n’y avoir lieu d’ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,
– juger que chacun des époux perd l’usage du nom de l’autre, postérieurement au prononcé du divorce,
– juger n’y avoir lieu à prestation compensatoire au profit de l’un ou l’autre époux,
– rejeter toute autre demande formée par Monsieur [S] [V],
– constater que les parents exercent en commun l’autorité parentale sur les enfants mineurs,
– fixer leur résidence au domicile de la mère,
– juger que les parents déterminent ensemble la fréquence et la durée des périodes au cours desquelles le père, Monsieur [S] [V], visite les enfants et, à défaut d’accord : fixer le droit de visite du père selon les modalités suivantes :
– les samedis des semaines paires de 10 heures à 17 heures,
– à charge pour le père d’aller chercher ou faire chercher les enfants au domicile de l’autre parent et de les y ramener ou faire ramener par une personne de confiance,
– juger que faute pour le parent d’être venu chercher les enfants dans la première heure pour les fins de semaine, il est réputé avoir renoncé à son droit d’accueil,
– fixer à 600 euros par mois (soit 150 euros par enfant) la contribution que doit verser Monsieur [S] [V] au domicile de la mère, toute l’année, d’avance et avant le 5 de chaque mois, au titre de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de ses quatre enfants à charge, indexée selon l’usage,
– condamner Monsieur [S] [V] au paiement de ladite pension,
– indexer ladite pension sur l’indice des prix à la consommation de ménages, l’indice de base étant celui en vigueur au premier jour du mois où sera rendu le jugement de divorce et la variation s’effectuant le premier janvier de chaque année, compte tenu de la position à cette date du dernier indice paru,
– juger que cette pension est due même au-delà de la majorité des enfants tant que des études sont en cours et que la prise en charge incombe encore à l’autre parent,
– rejeter toute autre demande formée par Monsieur [S] [V],
– juger que chaque partie conservera la charge des frais exposés pour son compte dans le cadre de la présente procédure, Madame [Y] [P] bénéficiant d’une aide juridictionnelle totale.

Par conclusions notifiées le 22 juillet 2024, Monsieur [S] [V] a demandé de :
– dire et juger que le juge français est compétent et que la loi française est applicable,
– prononcer le divorce de Monsieur [S] [V] et de Madame [Y] [P] sur le fondement des articles 237 et 238 du Code civil, pour altération définitive du lien conjugal,
– ordonner la mention du jugement à intervenir en marge de l’acte de mariage des époux et en marge de leurs actes de naissance, ainsi que tout acte prévu par la loi,
– fixer la date des effets du divorce dans les rapports entre les époux à la date de la demande en divorce, le 15 novembre 2023,
– juger qu’il n’y a pas lieu à liquidation du régime matrimonial,
– juger que les parents exercent en commun l’autorité parentale sur leurs enfants mineurs,
– fixer la résidence habituelle des enfants mineurs au domicile de Madame [Y] [P],
– juger que Monsieur [S] [V] pourra exercer son droit de visite et d’hébergement selon les modalités amiablement déterminées entre les parties et, à défaut d’accord, les samedis des semaines paires, de 10 heures à 17 heures, à charge pour lui d’aller chercher ou faire chercher les enfants au domicile de la mère et de les y ramener ou faire ramener par une personne de confiance,
– juger que Monsieur [S] [V] est hors d’état de verser une contribution à l’entretien et l’éducation des enfants,
– débouter Madame [Y] [P] de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [S] [V] au paiement d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants,
– statuer ce que de droit sur les dépens étant rappelé que Monsieur [S] [V] bénéficie de l’aide juridictionnelle totale.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l’exposé de leurs moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Les parents ont été avisés du droit des enfants mineurs à être entendus conformément aux dispositions de l’article 388-1 du code civil, sans qu’aucune demande d’audition ne soit parvenue au tribunal à ce jour.

La clôture de la procédure a été prononcée le 8 octobre 2024, l’affaire a été fixée le 12 novembre 2024 et mise en délibéré, par mise à disposition du jugement au greffe, au 7 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et susceptible d’appel, après débats non publics,

Vu l’assignation en divorce délivrée le 15 novembre 2023 par Monsieur [S] [V],

SE DÉCLARE compétent pour statuer sur la demande en divorce, sur l’exercice de la responsabilité parentale et sur la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants avec application de la loi française ;

PRONONCE pour altération définitive du lien conjugal le divorce de :

Madame [Y] [P], née en 1982 à [Localité 14], [Localité 20] (ALGERIE)

et de

Monsieur [S] [V], né le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 17]

Lesquels se sont mariés le [Date mariage 11] 2001, devant l’officier de l’état civil de la mairie de [Localité 13] (ALGERIE) ;

ORDONNE la publicité de cette décision en marge des actes de l’état civil des époux détenus par un officier de l’état civil français, conformément aux dispositions de l’article 1082 du code de procédure civile ;

DIT que l’extrait de cette décision doit être conservé au répertoire civil en annexe du service central d’état civil du ministère des affaires étrangères conformément aux dispositions de l’article 1082 du code de procédure civile ;

ORDONNE la fixation des effets du divorce à la date de la demande en divorce, soit au 15 novembre 2023;

RAPPELLE que chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint dès le prononcé du divorce ;

RAPPELLE que le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordées par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union ;

RENVOIE les parties à procéder à la liquidation et au partage de leurs intérêts patrimoniaux ;

CONSTATE que Madame [Y] [P] et Monsieur [S] [V] exercent en commun l’autorité parentale sur les enfants mineurs ;

RAPPELLE que l’exercice en commun de l’autorité parentale implique que les parents ont les mêmes droits et devoirs à l’égard des enfants et doivent notamment :
prendre ensemble les décisions importantes concernant la santé, l’orientation scolaire, l’éducation religieuse et le changement de résidence des enfants ,
s’informer réciproquement, dans le souci d’une indispensable communication entre les parents, sur l’organisation de la vie des enfants (vie scolaire, sportive, culturelle, traitements médicaux, loisirs, vacances…),
permettre les échanges entre les enfants et l’autre parent dans le respect de vie de chacun ;

RAPPELLE que tout changement de résidence de l’un des parents dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent ; qu’en cas de désaccord le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt des enfants ;

FIXE la résidence des enfants au domicile de Madame [Y] [P] ;

DIT que les parents déterminent ensemble la fréquence et la durée des périodes au cours desquelles Monsieur [S] [V] accueille les enfants et qu’à défaut d’un tel accord, fixe les modalités suivantes : les samedis des semaines paires de 10 heures à 17 heures,

à charge pour le père d’aller chercher ou faire chercher les enfants à l’école ou au domicile de l’autre parent et de les y ramener ou faire ramener par une personne de confiance ;

DIT que faute pour le parent d’être venu chercher les enfants dans la première heure pour les fins de semaine, dans la première demi-journée pour les vacances, il est réputé avoir renoncé à son droit d’accueil ;

DIT que les dates de vacances scolaires à prendre en considération sont celles de l’académie où demeurent les enfants ;

DIT que si la fin de semaine est précédée ou suivie d’un jour férié, celui-ci s’ajoute au droit d’hébergement ;

CONSTATE l’impécuniosité de Monsieur [S] [V] et le décharge de son obligation alimentaire, à charge pour la partie la plus diligente de saisir le juge à nouveau en cas de retour à meilleure fortune ;

DEBOUTE les autres demandes des parties ;

DIT que chaque partie conserve la charge de ses dépens ;

RAPPELLE que les mesures portant sur l’autorité parentale et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants sont exécutoires de droit à titre provisoire.

DIT que le présent jugement sera signifié par acte de commissaire de justice à l’initiative de la partie la plus diligente à son adversaire ;

En foi de quoi le présent jugement a été signé par la juge aux affaires familiales et la greffière présente lors du prononcé par mise à disposition au greffe.

LA GREFFIERE LA JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES

 


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