Tribunal judiciaire de Paris, 6 janvier 2025, RG n° 24/51911
Tribunal judiciaire de Paris, 6 janvier 2025, RG n° 24/51911

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Validité des clauses résolutoires et obligations locatives en matière commerciale

Résumé

Contexte du litige

Par acte du 18 juin 2007, Madame [B] [S] a conclu un bail commercial avec la société Rostang Organisation pour des locaux situés à [Localité 7], avec un loyer annuel de 14 887 €. Ce bail a été renouvelé le 1er juillet 2012, augmentant le loyer à 19 960 €. En juillet 2020, Rostang Organisation a cédé partiellement son fonds de commerce à la société Groupe Eclore, qui a ensuite accumulé des arriérés de loyers.

Commandements de payer et actions judiciaires

Le bailleur a délivré un premier commandement de payer le 4 mars 2021, suivi d’une assignation en référé le 31 mai 2021 pour obtenir l’expulsion de Groupe Eclore et le paiement des loyers dus. Le juge des référés a débouté Madame [B] [S] de ses demandes en janvier 2022, tout en ordonnant des travaux de confortation du plancher. En juin 2021, Groupe Eclore a contesté le commandement de payer et a demandé des dommages-intérêts.

Développements récents

Un second commandement de payer a été délivré le 30 janvier 2024, pour un arriéré de 9 103,09 €. Madame [B] [S] a de nouveau assigné Groupe Eclore en référé le 8 mars 2024, demandant l’expulsion et le paiement des loyers. Les audiences ont été renvoyées à plusieurs reprises, et des conclusions ont été déposées en décembre 2024.

Arguments des parties

Madame [B] [S] a demandé la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, l’expulsion de Groupe Eclore, et le paiement d’une somme provisionnelle de 36 895,35 € pour l’arriéré locatif. En réponse, Groupe Eclore a contesté la validité de l’assignation et a demandé l’annulation du commandement de payer, tout en sollicitant des délais de paiement.

Décisions du juge

Le juge a rejeté la demande de nullité de l’assignation et a déclaré recevables les demandes de Madame [B] [S]. Il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 29 février 2024 et a condamné Groupe Eclore à payer une provision de 30 746,13 € pour les loyers dus. Les poursuites et les effets de la clause résolutoire ont été suspendus sous condition de paiement échelonné.

Conséquences de la décision

En cas de non-respect des modalités de paiement, la clause résolutoire reprendra effet, permettant l’expulsion de Groupe Eclore. Le sort des meubles dans les locaux sera régi par les dispositions du code des procédures civiles d’exécution. La société Groupe Eclore a également été condamnée à payer 1 000 € à titre de frais de justice.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/51911 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4JC6

N° : 18

Assignation du :
08 Mars 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 06 janvier 2025

par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE

Madame [B] [S]
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Me Bruno BARRILLON, avocat au barreau de PARIS – #R0054

DEFENDERESSE

La société GROUPE ECLORE S.N.C.
dont le siège est [Adresse 4]
[Localité 7]
locataire de locaux commerciaux
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Me Olivier JESSEL, avocat au barreau de PARIS – #B0811

DÉBATS

A l’audience du 02 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 18 juin 2007, Madame [B] [S] a donné à bail commercial à la société Rostang Organisation des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 7], pour une durée de neuf ans à compter, de manière rétroactive, du 1er août 2002, moyennant un loyer en principal de 14 887 € par an.

Le bail a été renouvelé par avenant à effet du 1er juillet 2012 pour la même durée, moyennant un loyer en principal de 19 960 € payable trimestriellement d’avance le premier jour de chaque trimestre civil.

Par acte du 24 juillet 2020, la société Rostang Organisation a cédé partiellement son fonds de commerce à la société Groupe Eclore.

Des loyers sont demeurés impayés.

Le bailleur a fait délivrer un premier commandement de payer visant la clause résolutoire, par acte du 4 mars 2021, à la société Groupe Eclore.

Par acte délivré le 31 mai 2021, Madame [B] [S] a fait assigner la société Groupe Eclore devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référés aux fins de voir prononcer son expulsion et la condamner au paiement des loyers, charges, indemnités d’occupation, et clause pénales contractuelles afférentes.

Par ordonnance du 3 janvier 2022, le juge des référés a débouté Madame [B] [S] de ses demandes et l’a enjoint sous astreinte de faire procéder aux travaux de confortation du plancher du local commercial.

Par acte du 10 juin 2021, la société Groupe Eclore a fait assigner Madame [B] [S] devant la 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir prononcer l’annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 4 mars 2021, et a formé des demandes en paiement de remboursement ou d’annulation des loyers appelés depuis le 4 mars 2021, et de dommages-intérêts à l’encontre de Madame [B] [S].

Dans le cadre de cette instance, Madame [B] [S] a fait assigner en garantie le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] à [Localité 6].

L’affaire est pendante devant la 18ème chambre.

Le bailleur a fait délivrer un second commandement de payer visant la clause résolutoire, par acte du 30 janvier 2024, à la société Groupe Eclore, pour une somme de 9 103,09 € en principal, au titre de l’arriéré locatif au 1er janvier 2024.

Par acte délivré le 8 mars 2024, Madame [B] [S] a fait assigner la société Groupe Eclore devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référés aux fins de voir prononcer son expulsion et la condamner au paiement des loyers, charges, indemnités d’occupation, et clause pénales contractuelles afférentes.

L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises à la demande des parties.

Par conclusions déposées à l’audience du 2 décembre 2024 et soutenu oralement, Madame [B] [S] demande au juge des référés :
A titre principal,
– constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail au 29 février 2024,
– ordonner l’expulsion de la société Groupe Eclore et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique et d’un serrurier si besoin est,
– ordonner la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu’il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée, en conformité avec les dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
– condamner la société Groupe Eclore à lui payer la somme provisionnelle de 36 895,35 € au titre de l’arriéré locatif, correspondant aux loyers et charges dues sur la période du 17 octobre 2023 au 30 septembre 2024, en ce compris la clause pénale de 6 149 €,
– condamner la société Groupe Eclore au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle mensuelle d’un montant de 3 381 €, à compter de la date de résiliation du bail et jusqu’à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés,
– dire qu’elle pourra conserver le dépôt de garantie,
A titre subsidiaire,
– condamner la société Groupe Eclore à lui payer la somme provisionnelle de 30 746,13 € au titre de l’arriéré locatif, correspondant au loyer et les charges dues sur la période du 17 octobre 2023 au 30 septembre 2024,
En tout état de cause,
– condamner la société Groupe Eclore au paiement d’une somme de 3 000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la société Groupe Eclore demande au juge des référés de :
A titre principal,
– juger que l’assignation délivrée le 8 mars 2024 est nulle,
– juger irrecevables les demandes de Madame [B] [S],
– juger la juridiction des référés incompétente au profit du tribunal judiciaire de Paris au fond pour la procédure enregistrée sous le numéro de RG 24/02550,
– renvoyer Madame [B] [S] à mieux se pourvoir,
Subsidiairement,
– juger que des contestations sérieuses font obstacle au bien-fondé des demandes présentées par Madame [B] [S],
– débouter Madame [B] [S] de l’ensemble de ses demandes,
Encore plus subsidiairement,
– suspendre les effets de la clause résolutoire,
– l’autoriser à s’acquitter de la dette en 24 mensualités consécutives d’un montant égal,
En tout état de cause,
– annuler le commandement de payer du 30 janvier 2024,
– juger que la clause résolutoire n’est pas acquise,
– juger qu’elle n’est tenue d’aucune dette locative pour la période du 17 octobre 2023 au 30 janvier 2024,
– condamner Madame [B] [S] à lui payer la somme de 4 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– condamner Madame [B] [S] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui seront recouvrés selon les modalités prévues à l’article 699 du même code.

L’état des privilèges et publications ne mentionne aucun créancier inscrit sur le fonds de commerce.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation, aux écritures déposées et développées oralement à l’audience, et à la note d’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 6 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Déboutons la société Groupe Eclore de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l’assignation délivrée le 8 mars 2024 ;

Rejetons l’exception d’incompétence soulevée par la société Groupe Eclore ;

Déclarons recevables les demandes de Madame [B] [S] ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de nullité du commandement de payer du 30 janvier 2024 ;

Constatons l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 29 février 2024 à minuit ;

Condamnons la société Groupe Eclore à payer à Madame [B] [S] la somme par provision de 30 746,13 € à valoir sur les loyers, charges, accessoires, pour la période du 17 octobre 2023 au 30 septembre 2024 (3ème trimestre 2024 inclus) ;

Suspendons rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire contractuelle, à condition que la société Groupe Eclore se libère des sommes ci-dessus allouées par 10 versements mensuels de 3000 €, le 10 de chaque mois, et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision, le dernier versement soldant la dette en principal, intérêts et frais ;

Disons que ces règlements seront à verser en plus des loyers, charges et accessoires courants, payés aux termes prévus par le contrat de bail ;

Disons qu’en cas de paiement de la dette selon les termes de l’échéancier susvisé, la clause résolutoire sera réputée ne jamais avoir joué ;

Disons qu’à défaut d’un seul versement à son terme et dans son entier montant en sus d’un seul des loyers, charges, taxes et accessoires courants à leurs échéances contractuelles, et à défaut de régularisation dans le délai de huit jours après l’envoi d’un courrier de mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception :
– l’intégralité de la dette sera immédiatement exigible,
– les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt,
– la clause résolutoire produira son plein et entier effet,
– il pourra être procédé, si besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier, à l’expulsion de la société Groupe Eclore et de tous occupants de son chef hors des lieux loués situés [Adresse 1] à [Localité 7],
– le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles R.433-1 du code des procédures civiles d’exécution,
– la société Groupe Eclore devra payer mensuellement à Madame [B] [S], à titre de provision à valoir sur l’indemnité d’occupation trimestrielle, une somme égale au montant du loyer trimestriel tel que résultant du bail outre les charges et taxes, à compter de la date de prise d’effet de la clause résolutoire, ladite indemnité étant révisable annuellement à la date anniversaire de la présente ordonnance ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de conservation par le bailleur du dépôt de garantie, de majoration de l’indemnité d’occupation, et d’indemnité forfaitaire de 20% ;

Déboutons la société Groupe Eclore de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamnons la société Groupe Eclore à payer à Madame [B] [S] la somme de 1 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société Groupe Eclore aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement et d’assignation ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 06 janvier 2025

Le Greffier, Le Président,

Pascale GARAVEL Lucie LETOMBE

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon