Tribunal judiciaire de Paris, 6 janvier 2025, RG n° 24/52507
Tribunal judiciaire de Paris, 6 janvier 2025, RG n° 24/52507

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Responsabilité des acteurs en cas de non-immatriculation d’une société en formation et effets d’une clause résolutoire dans un contrat de bail commercial.

Résumé

Exposé du litige

Par acte du 25 janvier 2020, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont conclu un bail commercial avec la société HCMPP pour des locaux situés à [Adresse 4] à [Localité 6], pour une durée de neuf ans et un loyer initial de 70 000 € par an. Le 8 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a placé la société HCMPP en redressement judiciaire, suivi d’une liquidation judiciaire le 9 août 2022, avec désignation d’un mandataire judiciaire. Le 20 décembre 2022, le juge commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce à la société Willpon, en cours de formation, représentée par Monsieur [O] [F].

Immatriculation et impayés

L’acte de cession du 24 août 2023 stipule que la société Willpon devait fournir une garantie de 50 000 € au bailleur. Cependant, la société Willpon n’a pas été immatriculée et des loyers sont restés impayés. Le bailleur a alors délivré un commandement de payer le 30 janvier 2024, visant la clause résolutoire pour un montant de 58 062,54 € d’arriéré locatif. En mars 2024, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont assigné la société Willpon, Monsieur [O] [F], et la société CEHTRA devant le tribunal judiciaire de Paris pour expulsion et paiement de provision.

Demandes des parties

Lors de l’audience du 2 décembre 2024, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont demandé au juge des référés de constater l’acquisition de la clause résolutoire, d’ordonner l’expulsion de la société Willpon et de Monsieur [O] [F], de séquestrer le mobilier, et de condamner les défendeurs à payer une somme provisionnelle de 137 356,04 € pour l’arriéré locatif. La société CEHTRA a contesté la validité du commandement de payer, arguant qu’il avait été délivré à une société non immatriculée.

Irrecevabilité des demandes

Le tribunal a déclaré irrecevables les demandes de Madame [J] [S] et Madame [G] [S] à l’encontre de la société CEHTRA, en raison d’un défaut de qualité à agir. Le juge a rappelé que les sociétés commerciales acquièrent la personnalité morale uniquement après leur immatriculation. Ainsi, les engagements pris par Monsieur [O] [F] au nom de la société Willpon, non immatriculée, le rendent personnellement responsable.

Acquisition de la clause résolutoire

Le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 29 février 2024, en raison du non-paiement des loyers. Le bail a été résilié de plein droit, permettant au bailleur d’ordonner l’expulsion de la société Willpon et de Monsieur [O] [F] en cas de non-restitution des lieux. Le juge a également noté que le maintien dans les lieux après résiliation constitue un trouble manifestement illicite.

Demande de provision

Concernant la demande de provision, le tribunal a jugé que la société Willpon, n’étant pas immatriculée, rendait la demande de provision à son encontre sérieusement contestable. En revanche, Monsieur [O] [F] a été condamné à payer une somme provisionnelle de 137 356,04 € pour l’arriéré locatif, étant personnellement responsable des engagements pris avant l’immatriculation de la société.

Décision finale

Le tribunal a ordonné l’expulsion de la société Willpon et de Monsieur [O] [F], a condamné ce dernier à payer une indemnité d’occupation et a statué sur les dépens. La demande de CEHTRA au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée, et le tribunal a précisé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/52507 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4FBF

N° : 3

Assignation du :
06 et 12 Mars 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 06 janvier 2025

par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSES

Madame [S] [J]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Madame [S] [G] épouse [B]
[Adresse 9]
[Localité 7]

représentées par Maître Richard ARBIB de la SELARL A.K.A, avocats au barreau du VAL-DE-MARNE – #PC320

DEFENDEURS

La société WILLPON S.A.S. en cours d’immatriculation, prise en la personne de M. [O] [F]
[Adresse 10]
[Localité 8]
et pour signification au
[Adresse 4]
[Localité 6]

non constituée

Monsieur [O] [F]
[Adresse 10]
[Localité 8]
et pour tentative de signification au
[Adresse 4]
[Localité 6]

non constitué

La Société CEHTRA – CONSULTANCY FOR ENVIRONMENTAL AND HUMAN TOXICOLOGY AND RISK ASSESSMENT S.A.
société de droit luxembourgeois
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Guillaume DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS – #W0009, SELARL SEVELLEC-DAUCHEL, avocat postulant et par Me Clément RAIMBAULT, avocat au barreau de BORDEAUX, SCP DELAVALLADE RAIMBAULT, [Adresse 5], avocat plaidant

DÉBATS

A l’audience du 02 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 25 janvier 2020, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont donné à bail commercial à la société HCMPP des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 6], pour une durée de neuf ans à compter du 1er février 2020, moyennant un loyer initial en principal de 70 000 € par an.

Par jugement du 8 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a placé la société HCMPP en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 9 août 2022, et a désigné la DELARL Fides en qualité de mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 20 décembre 2022, le juge commissaire, désigné dans le cadre de la liquidation judiciaire, a autorisé le liquidateur judiciaire à céder le fonds de commerce à la société Willpon, société en cours de formation et en cours d’immatriculation auprès du RSC de Paris, représentée par son président Monsieur [O] [F].

Par acte du 24 août 2023, l’acte de cession du fonds de commerce a été régularisé, prévoyant notamment que la société Willpon devait fournir au bailleur une garantie à première demande de 50 000 €.

La société Willpon n’a pas été immatriculée.

Des loyers sont demeurés impayés.

Le bailleur a fait délivrer un commandement de payer et de justifier de la garantie à première demande visant la clause résolutoire, par acte du 30 janvier 2024, à la société Willpon prise en la personne de Monsieur [O] [F], pour une somme de 58 062,54 € en principal, au titre de l’arriéré locatif.

Par actes délivrés les 6 et 12 mars 2024, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont fait assigner la société Willpon, Monsieur [O] [F], et la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référés aux fins d’expulsion et de paiement de provision.

L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises à la demande des parties.

Par conclusions déposées et soutenues à l’audience du 2 décembre 2024, Madame [J] [S] et Madame [G] [S] demandent au juge des référés de :

– constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail,
– ordonner l’expulsion de la société Willpon et de Monsieur [O] [F] et celle de tous occupants de leur chef des lieux loués avec le concours de la force publique et d’un serrurier si besoin est, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance de référé,
– ordonner la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu’il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée, en conformité avec les dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
– condamner solidairement la société Willpon, Monsieur [O] [F], et la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) à leur payer la somme provisionnelle de 137 356,04 € au titre de l’arriéré locatif,
– condamner solidairement la société Willpon, Monsieur [O] [F], et la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale au double du montant des loyers, charges et taxes, à compter de la date de résiliation du bail et jusqu’à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés,
– dire qu’elles pourront conserver le dépôt de garantie,
– débouter les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles,
– à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire à une audience au fond en application de l’article 837 du code de procédure civile,
– condamner solidairement la société Willpon, Monsieur [O] [F], et la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) au paiement d’une somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) demande au juge des référés de :
– constater la nullité du commandement de payer du 30 janvier 2024 sur la base duquel Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ont fondé leurs demandes, pour avoir été délivré à une société non immatriculée et donc dépourvue de la personnalité morale,

– constater que le commandement de payer du 20 septembre 2024 et signifié le 1er octobre 2024 soulève des contestations sérieuses,
– constater l’irrecevabilité des demandes de Madame [J] [S] et de Madame [G] [S] dirigées à son encontre pour défaut de qualité à agir les concernant et corrélativement défaut de qualité à défendre,
– constater en tout état de cause que les demandes de Madame [J] [S] et de Madame [G] [S] dirigées à son encontre se heurtent à des contestations sérieuses excédant la compétence du juge des référés,
– constater que Madame [J] [S] et Madame [G] [S] ne justifient pas d’une créance certaine, liquide et exigible à son égard,
– rejeter l’intégralité des demandes de Madame [J] [S] et de Madame [G] [S] dirigées à son encontre,
– rejeter la demande Madame [J] [S] et de Madame [G] [S] de faire usage de l’article 837 du code de procédure civile,
– condamner Madame [J] [S] et Madame [G] [S] au paiement d’une somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Assignés respectivement à étude et selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, la société Willpon et Monsieur [O] [F] n’ont pas constitué avocat, de sorte qu’il doit être statué par décision réputée contradictoire.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 6 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Statuant par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Déclarons irrecevables les demandes formées par Madame [J] [S] et Madame [G] [S] à l’encontre de la société CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) ;

Constatons l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 29 février 2024 à minuit ;

Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de Monsieur [O] [F] et de la société Willpon et de tout occupant de leur chef des lieux situés au [Adresse 4] à [Localité 6], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;

Disons n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Rappelons que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

Condamnons, à titre provisionnel, Monsieur [O] [F] à payer à Madame [J] [S] et Madame [G] [S] une indemnité d’occupation, à compter de la résiliation du bail du 29 février 2024 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, fixée à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

Condamnons par provision Monsieur [O] [F] à payer à Madame [J] [S] et Madame [G] [S] la somme de 137 356,04 € à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation arriérés arrêtés au 8 octobre 2024 (4ème trimestre inclus), ainsi que les indemnités d’occupation postérieures ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de conservation par le bailleur du dépôt de garantie, et de majoration de l’indemnité d’occupation ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision à l’encontre de la société Willpon ;

Condamnons Monsieur [O] [F] aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement, de l’assignation et de signification de la présente ordonnance ;

Condamnons Monsieur [O] [F] à payer à Madame [J] [S] et Madame [G] [S] la somme de 1 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons la demande de CEHTRA (Consultancy For Environnemental and Human Toxicology and Risk Assessment) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 06 janvier 2025

Le Greffier, Le Président,

Pascale GARAVEL Lucie LETOMBE

 


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