Conflit sur la légitimité d’une rupture contractuelle en raison d’allégations de harcèlement et de violation de la confidentialité.

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Conflit sur la légitimité d’une rupture contractuelle en raison d’allégations de harcèlement et de violation de la confidentialité.

L’Essentiel : La société Vulco Truck Services a engagé M. [C] en tant que technicien monteur pneumatique poids lourds en novembre 2019. En septembre 2020, une modification de son affectation a été notifiée, à laquelle M. [C] s’est opposé. Suite à des courriels dénonçant ses conditions de travail, il a été mis à pied et licencié pour faute grave en novembre 2020. M. [C] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, mais la cour a confirmé la légitimité de la décision, rejetant ses demandes et soulignant la violation de son obligation de confidentialité.

Contexte de l’affaire

La société Vulco Truck Services, immatriculée au RCS de Nanterre, est spécialisée dans les prestations de services pour le transport par véhicules terrestres à moteur. M. [W] [C] a été engagé en tant que technicien monteur pneumatique poids lourds par contrat à durée indéterminée à partir du 18 novembre 2019, avec un salaire brut mensuel de 1 923,21 euros. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile.

Modification d’affectation et opposition

Le 28 septembre 2020, la société a notifié à M. [C] son affectation à un autre établissement à partir du 5 octobre 2020. M. [C] a exprimé son opposition à ce changement par courriel le 29 septembre 2020 et a dénoncé ses conditions de travail dans un autre courriel le 6 octobre 2020. Il a ensuite été placé en arrêt de travail pour maladie à partir du 8 octobre 2020.

Mise à pied et licenciement

Le 13 octobre 2020, la société a notifié à M. [C] une mise à pied conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable au licenciement. Le 9 novembre 2020, il a été licencié pour faute grave, en raison de la violation de son obligation de confidentialité et de la diffusion d’informations jugées calomnieuses sur l’organisation de l’entreprise.

Procédure judiciaire

M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise le 8 février 2021, demandant la nullité de son licenciement. Le jugement du 16 mars 2022 a confirmé la justification du licenciement pour faute grave et a débouté M. [C] de ses demandes. M. [C] a interjeté appel de cette décision le 8 avril 2022.

Arguments de M. [C] et de la société

M. [C] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de condamner la société à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse. La société Vulco Truck Services a demandé la confirmation du jugement initial, soutenant que le licenciement était fondé sur des faits objectifs et vérifiables.

Analyse du harcèlement moral

M. [C] a invoqué un harcèlement moral, affirmant que son licenciement était lié à ses dénonciations concernant ses conditions de travail. La cour a constaté que M. [C] n’avait pas prouvé l’existence d’un harcèlement moral ni établi un lien de causalité entre ses dénonciations et son licenciement.

Justification du licenciement pour faute grave

La cour a confirmé que le licenciement pour faute grave était justifié, en raison de la violation de l’obligation de confidentialité par M. [C] et de ses propos injurieux et diffamatoires dans le courriel adressé à une tierce personne. Les éléments fournis par la société ont démontré un manquement aux obligations contractuelles de M. [C].

Conclusion de la cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant les demandes de M. [C] et le condamnant à verser des frais à la société Vulco Truck Services. Les demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ont également été rejetées, la cour n’ayant pas trouvé de preuve de préjudice.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour faute grave selon le Code du travail ?

Le licenciement pour faute grave doit respecter certaines conditions prévues par le Code du travail. Selon l’article L.1232-1, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Cela signifie que le motif doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et imputables au salarié.

L’article L.1235-1 précise que, en cas de litige, le juge doit apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave, quant à elle, est définie comme celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, justifiant ainsi la rupture immédiate du contrat de travail sans préavis. La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.

Dans le cas de M. [C], la société Vulco Truck Services a invoqué la violation de l’engagement de confidentialité, ce qui a été jugé comme une faute grave justifiant le licenciement.

Comment le harcèlement moral est-il défini et quelles sont les obligations de l’employeur en la matière ?

Le harcèlement moral est défini par l’article L.1152-1 du Code du travail, qui stipule qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 précise que, lorsqu’un litige survient, il incombe au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Si ces éléments sont établis, il revient à l’employeur de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dans le cas de M. [C], il a allégué avoir subi du harcèlement moral, mais la cour a constaté qu’il n’avait pas établi la matérialité des faits ni le lien de causalité entre ses allégations et son licenciement.

Quelles sont les conséquences d’une violation de l’obligation de confidentialité dans le cadre d’un contrat de travail ?

L’article 10 du contrat de travail de M. [C] stipule que le salarié s’engage à observer la plus stricte confidentialité sur les informations concernant l’entreprise. La violation de cette obligation peut entraîner des conséquences graves, y compris un licenciement pour faute grave.

La cour a constaté que M. [C] avait violé cette obligation en communiquant des informations jugées calomnieuses et mensongères à une tierce personne, ce qui a été considéré comme un manquement aux obligations contractuelles.

Ainsi, la société Vulco Truck Services a pu justifier le licenciement de M. [C] sur cette base, en démontrant que ses propos nuisaient à l’image de l’entreprise et constituaient un abus de la liberté d’expression.

Quels sont les droits du salarié en matière de liberté d’expression dans le cadre de son contrat de travail ?

L’article L.1121-1 du Code du travail stipule que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Cependant, cette liberté d’expression doit s’exercer dans le respect des obligations contractuelles, notamment l’obligation de confidentialité. Dans le cas de M. [C], la cour a jugé que ses propos dépassaient les limites de son droit d’expression, car ils étaient injurieux et diffamatoires.

Ainsi, bien que le salarié ait le droit de s’exprimer, ce droit n’est pas absolu et doit être exercé dans le cadre des obligations qui lui incombent en vertu de son contrat de travail.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JANVIER 2025

N° RG 22/01146 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VD5S

AFFAIRE :

[W] [C]

C/

S.A.S. VULCO TRUCK SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 16 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : C

N° RG : 21/00080

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Célia DIEDISHEIM

Me Samia MSADAK

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [W] [C]

né le 14 Août 1991 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Célia DIEDISHEIM, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 15

APPELANT

****************

S.A.S. VULCO TRUCK SERVICES

N° SIRET : 535 287 270

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentant : Me Samia MSADAK, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Vulco Truck Services est une société par actions simplifiée (SAS) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Nanterre sous le n° 535 287 270. Elle a pour activité la réalisation de prestations de services, de dépannage et de maintenance pour tous systèmes de transport par véhicules terrestres à moteur et emploie plus de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée en date du 14 novembre 2019, M. [W] [C] a été engagé par la société Vulco Truck Services en qualité de technicien monteur pneumatique poids lourds, statut ouvrier, à compter du 18 novembre 2019.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [C] exerçait ses fonctions au sein de l’établissement de [Localité 5], en Seine-et-Marne et percevait un salaire moyen mensuel brut de 1 923,21 euros.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes.

Par lettre remise en main propre contre émargement en date du 28 septembre 2020, la société Vulco Truck Services a notifié à M. [C] son affectation au sein de l’établissement de [Localité 6] à compter du 5 octobre 2020.

Par courriels daté du 29 septembre 2020, M. [C] a informé la société Vulco Truck Services de son opposition à ce changement d’affectation.

Par courriel daté du 6 octobre 2020 et adressé à une salariée de la société Vulco Développement,

M. [C] a dénoncé ses conditions de travail.

A compter du 8 octobre 2020, M. [C] a été placé en arrêt de travail pour cause de maladie.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 octobre 2020, la société Vulco Truck Services a notifié à M. [C] sa mise à pied à titre conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, initialement prévu le 27 octobre et repoussé au 4 novembre 2020.

M. [C] a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire qui lui a été notifiée le 16 octobre 2020.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 novembre 2020, la société Vulco Truck Services a notifié à M. [C] son licenciement pour faute grave, en ces termes :

« Nous vous avons convoqué à en entretien préalable en date du mercredi 4 novembre 2020 auquel vous ne vous êtes pas présenté.

En préambule, nous vous rappelons que vous occupez depuis votre embauche le 18 novembre 2019 le poste de Technicien monteur pneumatiques poids lourds pour le secteur de [Localité 5].

Vous êtes ainsi recruté pour gérer l’un des plus gros secteurs de Vulco Truck Services et êtes à ce titre chargé de :

Veiller à sa sécurité ainsi qu’à celle de ses collègues de travail ou de toute personne présente sur le lieu de travail en utilisant les dispositifs de sécurité aussi bien individuels que collectifs mis à sa disposition mais également de respecter les règles de sécurité lors des interventions professionnelles hors atelier et notamment chez le client,

Assurer le dépannage et l’entretien de pneumatiques PL,

Contribuer au développement du CA auprès des clients par le conseil,

Effectuer son travail dans les règles de l’art en veillant à ce que toutes interventions sur les véhicules soient réalisées suivant les normes du constructeur,

Veiller au bon usage du matériel et outillage qu’il utilise,

Assurer la propreté de l’agence, des véhicules et de l’outillage, utiliser le matériel de protection des véhicules des clients (housses, volant, siège’).

Assurer le rangement du stock,

Assurer les livraisons,

Se conformer aux procédures verbales ou écrites,

Signaler à son responsable d’agence tous les dysfonctionnements de l’agence,

D’une façon générale, prendre toutes les dispositions nécessaires dans le cadre des relations de travail pour mener à bien les missions qui lui sont confiées et participer au bon fonctionnement de l’agence.

Nous souhaitons également vous rappeler que, en application de l’article 2 de votre contrat de travail signé en date du 19 novembre 2019, et également afin de répondre aux sollicitations et aux contraintes de l’agence de [Localité 6], vous avez été transféré provisoirement sur cette agence entre le 5 octobre 2020 et le 6 novembre 2020 ;

Nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour comportement créant un trouble caractérisé au sein de l’entreprise pour les raisons suivantes :

Nous souhaitons tout d’abord vous rappeler par la présente lettre l’article 10 -confidentialité secret professionnel- de votre contrat de travail qui indique ‘Monsieur [W] [C] s’engage, tant pendant la durée du présent contrat, qu’après sa cessation, à observer la discrétion la plus absolue sur les informations de toute nature concernant le fonctionnement de la Société, son activité et ses clients. Il s’engage à ne communiquer à des tiers aucune indication sur les travaux, procédés, méthodes qui seront portés à sa connaissance et à ne divulguer, en aucune façon, les indications qu’il pourrait recueillir du fait de ses fonctions sur tout ce qui touche à l’organisation de l’entreprise et à ses relations commerciales. Toute infraction aux présentes dispositions pourra non seulement engager la responsabilité contractuelle de Monsieur [W] [C] et justifier son licenciement pour faute grave, mais également donner lieu, le cas échéant, à des poursuites judiciaires’.

Le mercredi 7 octobre 2020, il nous a en effet été communiqué par la société tierce Vulco Développement le fait que vous leur aviez communiqué dans un mail à leur destination en date du mardi 6 octobre 2020 à 17h50 des informations calomnieuses et mensongères concernant l’organisation de notre Société.

Cette conduite était inacceptable, et considérant les éléments indiqués dans les précédents paragraphes de la présente lettre, il apparaît donc clairement que vous n’avez pas respecté les obligations découlant de votre contrat de travail rendant l’exécution de dernier défectueuse.

Cette conduite de votre part met également en cause la bonne marche de l’entreprise et nous amène à prendre la présente décision de licenciement pour faute grave, votre maintien dans l’entreprise est impossible.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement. 

Vous avez fait par ailleurs l’objet d’une mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée dans un courrier recommandé du 16 octobre 2020. Dès lors, la période non travaillée du 16 octobre au 9 novembre 2020 ne sera pas rémunérée.».

Par requête introductive reçue au greffe le 8 février 2021, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute grave soit jugé comme étant nul, ou à défaut, sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 16 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise a :

– dit que la moyenne de salaire de M. [W] [C] est de 1 923,21 euros ;

– dit que le licenciement pour faute grave de M. [W] [C] est justifié ;

En conséquence,

– débouté M. [W] [C] de sa demande au titre de la nullité du licenciement et de toutes ses autres demandes ;

– débouté la société Vulco Truck Services de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;

– mis les dépens éventuels de la présente instance à la charge de M. [W] [C] en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 8 avril 2022, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 6 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [C], appelant, demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 16 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [C] reposait sur une faute grave et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes ;

Et statuant à nouveau,

– condamner la société Vulco Truck Services à verser à M. [C] les sommes suivantes :

A titre principal,

* 12 965,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire,

* 2 160,85 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 2 160,85 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

En tout état de cause,

* 495,19 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

* 2 160,85 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

* 216,08 euros au titre des congés payés afférents ;

* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner la société Vulco Truck Services aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 3 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Vulco Truck Services, intimée, demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 16 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise en ce qu’il a jugé le licenciement de M. [C] fondé sur une faute grave ;

– confirmer le jugement rendu le 16 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande au titre de la nullité du licenciement et de toutes ses autres demandes ;

En conséquence,

– condamner M. [C] à verser à la société Vulco Truck Services la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de première instance et d’appel ;

– condamner M. [C] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

M. [C] sollicite, sur le fondement de l’article L. 1121-1 du code du travail, la somme de 12.965,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul. Il considère qu’il a été licencié en raison uniquement de l’envoi par sa part d’un mail dénonçant le contexte dans lequel il a subi une modification de son lieu de travail, dénoncé ses conditions de travail et notamment une situation de harcèlement moral qu’il impute à l’attitude de son supérieur hiérarchique.

La société Vulco Truck Services, sollicite quant à elle la confirmation du jugement et conclut au débouté au motif que le salarié ne rapporte pas la preuve de la matérialité des faits de harcèlement moral allégués.

L’article L1121-1 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2008 prévoit que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

L’article L.1152-1 du code du travail dispose « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».

L’article L. 1154-1, en sa version applicable au litige ajoute que « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. ».

Il revient donc au salarié d’établir la matérialité des faits, à charge pour le juge d’apprécier si ces faits, pris en leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Dans la négative, le harcèlement moral ne peut être reconnu. Dans l’affirmative, il revient à l’employeur de prouver que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, à l’appui du harcèlement moral invoqué au soutien de la nullité du licenciement, le salarié dénonce dans ses écritures un climat délétère depuis son embauche.

Il affirme avoir tenté avec ses collègues, et pendant de nombreux mois, d’évoquer les difficultés rencontrées avec la direction (pressions sur les salariés, heures complémentaires, non-respect des normes de sécurité, non port du masque en temps de pandémie’).

Il considère avoir pris acte le 28 septembre 2020 du refus de son directeur d’agence de régler ses difficultés, notamment à cette époque en lien avec un accident de travail, et a alors souhaité poursuivre seul ses démarches.

Il estime que c’est dans ce contexte qu’il a été affecté à titre de sanction à l’agence de [Localité 6] et que son employeur a refusé de prendre en charge ses frais de déplacement.

Or, la cour observe que sont versées aux débats diverses pièces qui viennent contredire les affirmations du salarié.

Ainsi, il est versé aux débats un échange de sms duquel il est permis de constater que le responsable d’agence saisi à 10h18 sur le décompte des jours d’absence de M. [C], avait répondu à ce dernier le même jour à 10h24 « je fais le point avec nos services rh et reviens vers toi au plus tard lundi ».

De la même manière, il ne peut être déduit des sms envoyés par le salarié à son supérieur hiérarchique ni le climat délétère, ni le manque de matériel lorsque M. [C] écrit par exemple à 16h10 « il faudrait que quelqu’un commande des gants s’il vous plait ça devient urgent » et que son supérieur lui répond le jour même à 16h11 « ok demain ».

Ou encore lorsque le salarié écrit par sms à son responsable d’agence à 9h44 « j’ai la machine qui fume quand je l’allume et ça sent pas bon. Le bidon d’essence est plein et j’ai vérifié y’a rien qui touche la machine ou quoi qu’ce soit » et que son supérieur lui répond) et que son supérieur lui répond le jour même à 9h45 « ok ne fais plus rien, je t’appelle dans 10 minutes ».

Ou bien lors d’un échange de sms au sujet d’un retard du salarié envoyé à 8h17 à son supérieur hiérarchique « salut [L], j’ai du retard je serais là vers 45 » et auquel son supérieur lui répond « Salut [W] ok ç marche ».

C’est cependant dans ce contexte que le salarié, sur les recommandations d’un collègue, a ainsi adressé le mardi 7 octobre 2020 à 17h50 un mail à Mme [B] [E].

Ce mail mentionne en début de texte « à lire attentivement s’il vous plait de la part de tous les techniciens de [Localité 5] », puis qui fait référence à des « tensions avec quelques clients et quelques techniciens », citant le départ d’un certain [K] après 5 ans d’ancienneté, de « [I] » au bout de 3 mois, d’« [V] » en accident de travail depuis plusieurs mois et « [N] » en abandon de poste. 

Il ajoute « moi en tant que nouveau tout cela me met déjà la pression. Je me donne à fond quand même ».

Il évoque ensuite le fait qu’il se soit vu « passer un savon » pour un ressort cassé sous un camion lors de l’une de ses interventions.

Il indique surtout « Le directeur perd de plus en plus de contrat, harcèlement moral sur les techniciens, nous fait dépasser nos temps de travail sans les payer, n’est jamais content et a retiré les semaines d’astreintes en les transférant à d’autres agences », « le directeur me convoque et me dit que je serai son esclave ».

Puis « à force de ne pas se laisser marcher dessus, le directeur a décidé de nous transférer dans d’autres agence. [G] a été transféré à [Localité 9] pour 2 semaines renouvelables et qui vient d’être renouvelé, puis j’ai été transféré à [Localité 6] pour une durée minimale d’un mois à compter du 5 octobre renouvelable. C’est une situation urgente. (‘). Le directeur fait tout pour nous pousser à démissionner ».

La cour constate en premier lieu M. [C] n’établit pas, au travers de ses pièces, l’existence d’un lien de causalité entre l’envoi de ce mail et son licenciement, ni la situation de harcèlement moral qu’il impute à son directeur d’agence, ni davantage que son changement d’affectation ne serait que la mise en ‘uvre de la clause de mobilité prévue à l’article 2 de son contrat de travail.

En second lieu, la cour relève que le salarié n’établit pas avoir subi une restriction ou une atteinte à son droit fondamental de liberté d’expression et considère que les propos tenus par M. [C] dépassent les limites de son droit d’expression.

Au surplus, la cour observe que le salarié ne produit aux débats aucun élément médical ou qui justifierait la dégradation de ses conditions de travail.

La cour en déduit que les faits invoqués par M. [C] ne sont ni matériellement établis, ni confortés par des éléments médicaux et qu’ils ne laissent donc pas supposer l’existence d’un harcèlement moral susceptible d’avoir eu pour effet une dégradation de son état de santé.

En conséquence, ni le harcèlement moral invoqué par le salarié, ni l’atteinte à un droit fondamental, en l’espèce la liberté d’expression, ne sont établis, de sorte qu’il convient, par voie de confirmation, de rejeter la demande de nullité du licenciement prononcé le 9 novembre 2020 et des dommages-intérêts subséquemment demandés.

Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis. La charge de la preuve pèse sur l’employeur.

En l’espèce, à l’appui de la faute grave, la société Vulco Truck Services allègue dans la lettre de licenciement la violation de l’engagement contractuel de confidentialité, prévue à l’article 10 du contrat de travail de M. [C], à travers les propos tenus par ce dernier dans le mail du 6 octobre 2020 relaté ci-dessus.

La cour rappelle que la liberté d’expression du salarié s’exerce selon les limites de l’article L.1121-1 du code du travail précité et qu’elle a retenu, tout comme les premiers juges, que les propos de M. [C] dépassaient les limites du droit d’expression.

En l’espèce, la société Vulco Truck Services démontre au travers de l’ensemble des pièces produites aux débats le manque de respect du salarié à l’égard de sa hiérarchie et la contestation de l’autorité de son supérieur hiérarchique. Il s’en déduit l’existence d’une faute grave justifiant le licenciement notifié le 9 novembre 2020.

Il ressort en effet de la lecture du mail précité du 6 octobre 2020, qui a été adressé par M. [C] à [Courriel 8], et alors que M. [C] s’exprime supposément au nom de « tous les techniciens de [Localité 5] » qu’aucun technicien n’est signataire, ni même en copie de ce mail.

Au surplus aucun des techniciens du site de [Localité 5] n’a davantage apporté dans le cadre des pièces produites aux débats un quelconque témoignage permettant de corroborer les propos rapportés en leur nom par M. [C]. Les accusations ainsi portées sur la hiérarchie de M. [C] nuisent à l’image de la société.

La critique exprimée par le salarié est constitutive d’un abus dès lors que, comme en l’espèce, les propos tenus sont injurieux (« Le directeur fait tout pour nous pousser à démissionner », « le directeur me convoque et me dit que je serai son esclave »), diffamatoires (« harcèlement moral sur les techniciens, nous fait dépasser nos temps de travail sans les payer, n’est jamais content ») et excessifs (« Le directeur perd de plus en plus de contrat » ou « à force de ne pas se laisser marcher dessus, le directeur a décidé de nous transférer dans d’autres agence »).

En outre, il ressort des pièces versées aux débats que la personne destinataire du mail, Mme [B] [E], n’est pas salariée de la société Vulco Truck Services, mais de la société Vulco développement. La société intimée produit en ce sens le contrat de travail de cette personne, engagée le 30 août 2019 en qualité de gestionnaire administratif des ventes.

Il y a donc lieu d’en déduire que Mme [B] [E] a donc qualité de tierce personne, même si elle travaille pour la société mère de la société intimée, et qu’en adressant ce mail en ces termes à cette personne, M. [C] a violé son obligation contractuelle de confidentialité.

La cour retient que l’ensemble de ces faits objectifs, matériellement vérifiables et imputables à M. [C], démontré par la société Vulco Truck Services, caractérise un manquement aux obligations contractuelles constitutif d’une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat sans exécution du préavis et ce, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de répondre à des conclusions que les constatations précédentes rendent inopérantes.

En conséquence, le licenciement pour faute grave de M. [C] est justifié.

Il y a lieu, par voie de confirmation du jugement entrepris, de débouter M. [C] de ses demandes tendant à dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et à lui allouer des sommes au titre des dommages et intérêts, de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de l’indemnité légale de licenciement.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

L’article L.1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

M. [C] formule une demande subsidiaire et estime qu’aucune enquête n’a été diligentée en interne relativement aux faits qu’il a dénoncés. Il considère que son supérieur hiérarchique ne lui a pas fourni les explications utiles pour lui permettre de dénoncer ses conditions de travail et que c’est dans ce contexte qu’l a adressé le mail litigieux qui a donc conduit à son licenciement. Ce que la société intimée conteste.

Il incombe au salarié d’apporter des éléments de preuve pour justifier le préjudice qu’il invoque, et dont l’existence et l’évaluation relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond (Soc., 13 avril 2016, pourvoi n° 14-28.293, Bull. 2016, V, n° 72 ; Soc., 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-13.578, Bull. 2017, V, n° 136 ; Soc., 9 décembre 2020, n° 19-13.470).

La cour constate que l’appelant n’établit pas le préjudice qu’il invoque et ne verse aucune pièce à ce sujet. De plus et contrairement aux affirmations de M. [C] la société intimée produit aux débats des attestations des collègues de celui-ci qui établissent avoir été reçues par le directeur de l’agence pour échanger sur les propos tenus par M. [C] dans le mail querellé.

Par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont donc rejeté cette demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance. Il convient de condamner en outre M. [C] aux dépens en cause d’appel.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [C] à verser à la société Vulco Truck Services la somme de 2 500 euros en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy Pontoise du 16 mars 2022 en la totalité de ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [C] à verser à la société Vulco Truck Services la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE M. [C] aux dépens en cause d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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