L’Essentiel : Le 25 novembre 2024, les sociétés du groupe Sodexo ont saisi le tribunal judiciaire de Versailles pour annuler un vote effectué par un suppléant d’un autre CSE lors de la désignation des membres du CSEC. Lors de l’audience du 10 décembre, elles ont argué que chaque établissement devait avoir des représentants de son propre CSE, conformément au code du travail. Le tribunal a reconnu l’irrégularité du remplacement d’un membre, mais a noté que cela n’avait pas influencé les résultats des votes, qui étaient unanimes. En conséquence, il a rejeté les demandes d’annulation.
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Contexte de l’affaireLes sociétés du groupe Sodexo, regroupées au sein d’une Unité Économique et Sociale (UES), ont signé un accord le 11 février 2019, établissant la représentation du personnel. Cet accord divise l’UES en sept établissements distincts, chacun ayant son propre comité social et économique (CSE), ainsi qu’un comité social et économique central (CSEC). Demande des sociétés SodexoLe 25 novembre 2024, les sociétés de l’UES Sodexo France ont déposé une requête au tribunal judiciaire de Versailles. Elles ont demandé, en premier lieu, l’annulation d’un vote effectué par un suppléant d’un autre CSE lors de la désignation des membres du bureau et des commissions du CSEC le 7 novembre 2024. En second lieu, elles ont demandé l’annulation des désignations elles-mêmes. Arguments présentés lors de l’audienceLors de l’audience du 10 décembre 2024, les sociétés ont soutenu que chaque établissement devait avoir des représentants titulaires et suppléants au CSEC, conformément aux articles du code du travail. Elles ont précisé que le remplacement d’un membre titulaire devait être effectué par un suppléant du même établissement, citant des décisions de la Cour de cassation pour appuyer leur position. Règles de remplacement des membresLes règles de remplacement stipulent qu’un membre titulaire doit être remplacé par un suppléant de la même catégorie et, si aucun suppléant n’est disponible, par un candidat non élu de la même organisation syndicale. En l’absence de suppléant du même établissement, d’autres dispositions s’appliquent. Décision du tribunalLe tribunal a constaté que le remplacement de Mme [P] par M. [H] était irrégulier, car M. [H] appartenait à un autre établissement. Cependant, il a noté que la présence de M. [H] n’avait pas affecté les résultats des votes, qui avaient été unanimes. Par conséquent, le tribunal a rejeté les demandes d’annulation des votes et des désignations des membres du CSEC. ConclusionLe tribunal a statué que les sociétés Sodexo ne pouvaient pas annuler le vote de M. [H] ni les désignations des membres du CSEC, rappelant que les décisions en matière de contestation des élections professionnelles se prennent sans frais. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les règles de désignation des membres du CSEC selon le Code du travail ?Les règles de désignation des membres du Comité Social et Économique Central (CSEC) sont régies par l’article L2316-4 du Code du travail. Cet article stipule que : « Les membres titulaires et suppléants au CSEC sont élus par les membres titulaires des CSE d’établissement, parmi leurs membres. » Cela signifie que chaque CSE d’établissement a la responsabilité d’élire ses représentants au CSEC, en respectant les règles de représentation établies. En outre, l’article L2314-37 du même code précise les modalités de remplacement des membres titulaires au CSE. Il est indiqué que : « Lorsqu’un délégué titulaire cesse ses fonctions pour l’une des causes indiquées à la présente section ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire. » Cette disposition souligne l’importance de la continuité de la représentation et la priorité donnée aux suppléants issus de la même organisation syndicale. Quelles sont les conséquences d’un remplacement irrégulier d’un membre du CSEC ?Dans le cas d’un remplacement irrégulier d’un membre du CSEC, la jurisprudence a établi que cela peut entraîner l’annulation des votes ou des décisions prises lors de la réunion où le remplacement a eu lieu. La Cour de cassation a précisé que, en l’absence de membre suppléant appartenant au même établissement, les dispositions de l’article L2314-37 s’appliquent. Cela a été confirmé dans plusieurs arrêts, notamment : – Cass. Soc., 26 octobre 2011, n°10-20.918 Dans l’affaire en question, le remplacement de Mme [P] par M. [H] a été jugé irrégulier, car M. [H] appartenait à un autre établissement. Cependant, le tribunal a noté que cette irrégularité n’a pas eu d’incidence sur les résultats des votes, qui ont été unanimes. Ainsi, même si le remplacement était irrégulier, cela n’a pas entraîné l’annulation des désignations, car les décisions prises étaient conformes à la volonté unanime des membres présents. Comment le tribunal a-t-il statué sur la demande d’annulation des votes ?Le tribunal a statué en déboutant les sociétés du groupe Sodexo de leur demande d’annulation du « 14e vote » de M. [H] pour la désignation des membres du bureau et des commissions du CSEC. Il a fondé sa décision sur plusieurs éléments : 1. **Irrégularité du remplacement** : Bien que le remplacement de Mme [P] par M. [H] ait été jugé irrégulier, le tribunal a constaté que cela n’avait pas affecté le résultat des votes. 2. **Unanimité des votes** : Toutes les désignations avaient été effectuées à l’unanimité, ce qui signifie que même en l’absence d’un membre suppléant approprié, la volonté collective des membres a été respectée. 3. **Absence de frais** : Le tribunal a rappelé que, dans les contestations des élections professionnelles, il statue sans frais, ce qui souligne l’importance de la procédure et de l’équité dans le traitement des litiges. En conséquence, le tribunal a confirmé la validité des désignations effectuées lors de la réunion du CSEC, malgré l’irrégularité du vote contesté. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE de VERSAILLES
– Pôle social –
Contentieux des Elections Professionnelles
[Adresse 6]
[Localité 8]
01.39.07.39.07
[Courriel 9]
N° RG 24/01827 –
N° Portalis DB22-W-B7I-SR36
JUGEMENT
Du : LUNDI 06 JANVIER 2025
S.A.S. SODEXO SANTE MEDICO SOCIAL
S.A.S. DE RESTAURATION AUBERGE A LIENS
S.A.S. SODEXO EN FRANCE
S.A.S. SOGERES
S.A.S. LA NORMANDE
S.A.S. SAGERE
S.A.S. C’MIDY
S.A.S. FRANCAISE DE RESTAURATION ET SERVICES
S.A.S. BRETONNE DE RESTAURATION ET SERVICES
S.A.S. MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES
Société SODEXO ENTREPRISES SAS
C/
COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE CENTRAL DE L’UES SODEXO FRANCE
Expédition exécutoire
délivrée le
Expéditions certifiées conformes
délivrées le
Minute : CP 1/2025
JUGEMENT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A l’audience publique de délibéré du Tribunal Judiciaire tenue le 06 janvier 2025 ;
Sous la Présidence de Mme Béatrice THELLIER, Juge,
assistée de Mme SCHWEITZER Nicole , Greffier;
le jugement suivant a été rendu par mise à disposition ;
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
S.A.S. SODEXO SANTE MEDICO SOCIAL
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
S.A.S. DE RESTAURATION AUBERGE A LIENS
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
S.A.S. SODEXO EN FRANCE
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
S.A.S. SOGERES
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
S.A.S. LA NORMANDE
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
S.A.S. SAGERE
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 10]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
S.A.S. C’MIDY
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
S.A.S. FRANCAISE DE RESTAURATION ET SERVICES
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
S.A.S. BRETONNE DE RESTAURATION ET SERVICES
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
S.A.S. MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES
Pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
Société SODEXO ENTREPRISES SAS
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS,
ET :
DEFENDEUR(S) :
COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE CENTRAL DE L’UES SODEXO FRANCE
Pris en la personne de son secrétaire
[Adresse 7]
non comparante, ni représentée
Après débats à l’audience publique de plaidoiries du 10 Décembre 2024, le Tribunal a mis l’affaire en délibéré au 06 Janvier 2025.
Les sociétés du groupe Sodexo (à savoir les sociétés Sodexo santé médico-social, de Restauration Auberge à Liens, Sodexo entreprises, Sodexo en France, Sogeres, La Normande, Sagere, C’midy, Française de restauration et services et Marseillaise de restauration et service) sont réunies au sein d’une Unité Economique et Sociale (UES) résultant de l’accord relatif à la représentation du personnel, à l’exercice du droit syndical et au dialogue social signé le 11 février 2019.
Aux termes de ce même accord, l’UES Sodexo France est divisée en sept établissements distincts dont notamment l’établissement Normandie Nord Est et l’établissement Paris Ile-de-France. La représentation du personnel de l’UES est ainsi assurée par un comité social et économique central (CSEC) et sept comité social et économique (CSE) d’établissement
Par requête reçue au greffe du tribunal judiciaire de Versailles le 25 novembre 2024, les sociétés de l’UES Sodexo France ont sollicité :
– à titre principal, l’annulation du « 14e vote, opéré par un suppléant issu d’une autre comité social et économique (CSE) que le CSE de l’établissement Normandie Nord Est pour chacune des désignations » des membres du bureau et des commissions du CSEC opérées le 7 novembre 2024,
– à titre subsidiaire, l’annulation des désignations des membres du bureau et des commissions du CSEC opérées le 7 novembre 2024.
Le greffe a convoqué l’ensemble des parties intéressées à une audience fixée au 10 décembre 2024.
A cette audience, les sociétés de l’UES Sodexo France, maintenant les prétentions contenues dans leur requête, ont fait valoir au visa des articles L2316-4 er R2316-1 du code du travail ainsi que d’une décision de la DREETS en date du 5 juillet 2024, que chaque établissement dispose, en fonction de leur effectif, de 1 à 3 sièges de représentants titulaires et de 1 à 3 sièges de représentants suppléants au sein du CSEC. Elles précisent que :
– lors de la réunion du CSE de l’établissement Normandie Nord Est qui s’est tenue le 24 octobre 2024 ont été désignés deux membres titulaires (Mme [E] et M. [P]) et deux membres suppléants (Mme [C] et M. [I]) pour siéger au CSEC,
– lors de la réunion du CSE de l’établissement Paris Ile de France qui s’est tenue le 29 août 2024 ont été désignés trois membres titulaires (Mme [A], M. [D] et Mme [K] [B]) et trois membres suppléants (M. [H], M. [M] et M. [G]) pour siéger au CSEC.
S’agissant des règles de remplacement des représentants des CSE d’établissement au CSEC, elles soutiennent, au visa de deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. Soc., 26 octobre 2011, n°10-20.918 et Cass. Soc., 6 décembre 2023, n°22-21.239), que le remplacement d’un membre titulaire au CSEC doit être prioritairement assuré par un membre du CSEC suppléant appartenant au même établissement et, qu’à défaut, les règles de l’article L2314-37 du code du travail doivent s’appliquer. Elles estiment ainsi que le remplacement de Mme [P], membres titulaires du CSEC et membre titulaire du CSE de l’établissement Normandie Nord Est aurait dû être assuré par Mme [C], membre suppléante du CSEC issue du même établissement. Elles en concluent que la présence de M. [H] (en remplacement de Mme [P]) à la réunion du CSEC du 7 novembre 2024 et sa participation aux désignations des membres du bureau et des commissions du CSEC ne sont pas justifiées, précisant que Mme [C] était également présente (en remplacement de Mme [P]). Elles estiment ainsi que le 14e vote de M. [H] doit être annulé « tout en maintenant les désignations unanimes ».
Mme [F], secrétaire du CSEC, a informé le tribunal par courriel en date du 6 décembre 2024 qu’elle ne serait pas présente à l’audience et qu’elle s’en remettait à l’appréciation du tribunal. Aucun autre membre titulaire du CSEC n’a comparu à l’audience bien que régulièrement informé de la présente audience.
Aux termes de l’article L2316-4 du code du travail, les membres titulaires et suppléants au CSEC sont élus par les membres titulaires des CSE d’établissement, parmi leurs membres.
L’article L2314-37 du même code précise, s’agissant des règles de remplacement des membres titulaires au CSE, que « lorsqu’un délégué titulaire cesse ses fonctions pour l’une des causes indiquées à la présente section ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire. La priorité est donnée au suppléant élu de la même catégorie.
S’il n’existe pas de suppléant élu sur une liste présentée par l’organisation syndicale qui a présenté le titulaire, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par la même organisation.
Dans ce cas, le candidat retenu est celui qui vient sur la liste immédiatement après le dernier élu titulaire ou, à défaut, le dernier élu suppléant.
A défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n’appartenant pas à l’organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix.
Le suppléant devient titulaire jusqu’au retour de celui qu’il remplace ou jusqu’au renouvellement de l’institution ».
S’agissant des règles de remplacement des membres titulaire au CSEC, la Cour de cassation a estimé qu’en l’absence de membre suppléant appartenant au même établissement et en l’absence de disposition contraire, les dispositions de l’article L2314-37 précitées sont applicables. Ainsi, elle a notamment considéré :
– qu’en l’absence de membre suppléant appartenant au même établissement que le titulaire dont il s’est agi d’assurer le remplacement les dispositions de l’article L2324-28 (devenu l’article L2314-37) du code du travail sont applicables (Cass. Soc., 26 octobre 2011, n°10-20.918),
– qu’il résulte de l’article L2314-37 du code du travail, applicable, en l’absence de disposition contraire, au CSEC, que, lorsqu’un membre titulaire du comité cesse ses fonctions par suite de son décès, d’une démission, de la rupture du contrat de travail ou de la perte des conditions requises pour être éligible, il est remplacé dans les conditions prévues par ledit article (Cass. Soc., 26 octobre 2023, n°22-21.239).
Il en résulte qu’un membre titulaire du CSEC doit en principe être remplacé par un suppléant au CSEC appartenant au même établissement, disposant d’un mandat de titulaire au sein du CSE de l’établissement concerné et qu’à défaut de suppléant du même établissement le remplacement est alors assuré dans les conditions prévues à l’article L2314-37 du code du travail.
En l’espèce, il convient de relever que Mme [P] est membre titulaire du CSEC et membre titulaire du CSE de l’établissement Normandie Nord Est.
Il convient également de relever que lors de sa réunion qui s’est tenue le 24 octobre 2024 le CSE de l’établissement Normandie Nord Est a désigné deux membres suppléants, Mme [C] et M. [I], pour siéger au CSEC.
Ainsi, le remplacement de Mme [P] étant possible par un suppléant au CSEC appartenant au même établissement qu’elle, son remplacement par M. [H] (appartenant à un autre établissement de la même liste syndicale) à la réunion du CSEC du 7 novembre 2024 est irrégulier.
Il convient toutefois de relever que sa présence lors de cette réunion et sa participation aux votes des désignations des membres du bureau et des commissions du CSEC n’a eu aucune incidence sur les résultats de celles-ci, toutes les désignations ayant été effectuées à l’unanimité des votes.
Dès lors, il y a lieu de débouter les sociétés du groupe Sodexo de leur demande principale d’annulation du « 14e vote » de M. [H] pour la désignation des membres du bureau et des commissions du CSEC opérées le 7 novembre 2024, ainsi que de leur demande subsidiaire d’annulation des désignations des membres du bureau et des commissions du CSEC opérées le 7 novembre 2024.
Il convient, enfin, de rappeler qu’en matière de contestation des élections professionnelles, le tribunal statue sans frais.
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au Greffe, par jugement réputé contradictoire et en dernier ressort,
DEBOUTE les sociétés Sodexo santé médico-social, de Restauration Auberge à Liens, Sodexo entreprises, Sodexo en France, Sogeres, La Normande, Sagere, C’midy, Française de restauration et services et Marseillaise de restauration et service de leur demande principale d’annulation du « 14e vote » de M. [H] pour la désignation des membres du bureau et des commissions du CSEC opérées le 7 novembre 2024,
DEBOUTE les sociétés Sodexo santé médico-social, de Restauration Auberge à Liens, Sodexo entreprises, Sodexo en France, Sogeres, La Normande, Sagere, C’midy, Française de restauration et services et Marseillaise de restauration et service de leur demande subsidiaire d’annulation des désignations des membres du bureau et des commissions du CSEC opérées le 7 novembre 2024,
RAPPELLE que le tribunal statue sans frais en la matière.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
N.SCHWEITZER B THELLIER
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