Évaluation de la bonne foi dans le cadre du rétablissement personnel en situation de surendettement

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Évaluation de la bonne foi dans le cadre du rétablissement personnel en situation de surendettement

L’Essentiel : Madame [G] [V] a demandé l’ouverture d’une procédure de surendettement, jugée recevable par la commission des Yvelines le 19 janvier 2024. Cependant, le 18 mars 2024, un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été prononcé. La SCI [17], contestant cette décision, a saisi le juge des contentieux de la protection. Lors de l’audience du 5 novembre 2024, la SCI a démontré que Madame [V] ne payait pas ses loyers et avait omis de déclarer sa cohabitation. Le juge a conclu à l’irrecevabilité de la demande de surendettement, soulignant l’absence de bonne foi de la débiteur.

Exposé du litige

Madame [G] [V] a sollicité l’ouverture d’une procédure de traitement de sa situation de surendettement auprès de la commission des Yvelines. Le 19 janvier 2024, la commission a jugé sa demande recevable. Le 18 mars 2024, estimant que sa situation était irrémédiablement compromise, elle a prononcé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. La SCI [17], notifiée de cette décision, a contesté celle-ci devant le juge des contentieux de la protection le 5 février 2024. Une audience a été convoquée pour le 5 novembre 2024, où la SCI a fait valoir que Madame [V] ne payait pas ses loyers et avait omis de déclarer la cohabitation avec son compagnon.

Motifs de la décision

La contestation de la SCI [17] a été jugée recevable, conformément aux dispositions du code de la consommation. Le juge a examiné la situation de surendettement de Madame [V], qui doit être caractérisée par une impossibilité manifeste de faire face à ses dettes. La procédure de rétablissement personnel nécessite une participation active du débiteur, notamment en fournissant des informations financières à jour. En l’absence de contestation sur les créances, le montant du passif est fixé selon les données de la commission.

Analyse de la bonne foi

La bonne foi du débiteur est présumée, mais peut être contestée par le créancier. La SCI [17] a présenté des éléments prouvant que Madame [V] ne payait pas ses loyers et avait dissimulé sa cohabitation avec Monsieur [D]. Ces faits ont été interprétés comme une indication de mauvaise foi, rendant la demande de Madame [V] irrecevable. Le juge a souligné que la bonne foi doit être évaluée à la fois au moment de la demande de surendettement et lors de l’octroi des crédits.

Conclusion de la décision

Le juge a déclaré le recours de la SCI [17] recevable et a rejeté la demande de surendettement de Madame [G] [V] pour absence de bonne foi. Les dépens ont été laissés à la charge de chaque partie. La décision a été notifiée aux parties concernées, et le jugement a été prononcé à Versailles le 6 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de la contestation

La contestation formée par la SCI [17] est déclarée recevable en vertu de l’article R. 741-1 du code de la consommation. Cet article stipule que lorsque la commission impose un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire,

la décision doit être notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cette notification doit également indiquer que la décision peut être contestée par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au secrétariat de la commission dans un délai de trente jours à compter de sa notification.

En l’espèce, la SCI [17] a saisi le juge dans le délai imparti, ce qui rend sa contestation recevable.

Sur le traitement de la situation de surendettement de Madame [V]

Selon l’article L. 711-1 du code de la consommation, le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi. La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.

Les articles L. 724-1 et L. 741-6 précisent que si l’examen de la demande révèle que le débiteur est dans une situation irrémédiablement compromise, le juge prononce un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Il est également stipulé que la bonne foi se présume, mais le juge peut apprécier l’absence de bonne foi au vu des éléments fournis.

Dans le cas présent, la SCI [17] a soulevé des éléments indiquant que Madame [V] ne vit pas seule et ne paie pas ses loyers, ce qui pourrait caractériser une absence de bonne foi.

Sur la présomption de bonne foi et la charge de la preuve

La bonne foi du débiteur se présume, et il appartient au créancier de renverser cette présomption. En vertu des articles L. 711-1 et L. 724-1, le juge doit examiner les déclarations de l’emprunteur sur sa situation financière et ses ressources.

La SCI [17] a produit des éléments, tels que des photographies de la boîte aux lettres, pour prouver que Madame [V] vit avec Monsieur [D]. Ces éléments, combinés à l’absence de paiement des loyers,

soulèvent des doutes sur la bonne foi de Madame [V]. Si le juge conclut à une absence de bonne foi, il peut déclarer la demande de surendettement irrecevable.

Sur les conséquences de l’irrecevabilité de la demande de surendettement

La décision de déclarer la demande de Madame [G] [V] irrecevable pour absence de bonne foi a des conséquences importantes. En effet, selon l’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens,

sauf décision motivée du juge. Dans ce cas, le juge a décidé que chaque partie supporterait ses propres dépens, ce qui est conforme à la situation où aucune partie n’est clairement perdante.

Ainsi, Madame [V] a la possibilité de déposer un nouveau dossier devant la commission, en fournissant des informations complètes et transparentes sur sa situation financière et familiale.

TRIBUNAL
de VERSAILLES
[Adresse 7]
[Localité 9]

Tél : [XXXXXXXX01]
[Courriel 19]

SURENDETTEMENT

N° RG 24/00070 – N° Portalis DB22-W-B7I-SBPB

BDF N° : 000324001067
Nac : 48J

JUGEMENT

Du : 06 Janvier 2025

S.C.I. [17]

C/

[G] [V],
[14],
[13],
[11],
[12]

expédition exécutoire
délivrée le
à

expédition certifiée conforme
délivrée par LRAR aux parties et par LS à la commission de surendettement des particuliers
le :

Minute : 16/2025

JUGEMENT

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le 06 Janvier 2025 ;

Sous la Présidence de Yohan DESQUAIRES,Vice-Président au Tribunal judiciaire de Versailles, chargé des fonctions de juge des contentieux de la protection statuant en matière de surendettement, assisté de Julie MORVAN, Greffière placée, lors des débats et de Nicole SCHWEITZER Greffière, lors du prononcé;

Après débats à l’audience du 05 Novembre 2024, le jugement suivant a été rendu ;

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

S.C.I. [17]
[U] [M] et [N] [M]
[Adresse 2]
représentée par M. [U] [M] muni d’un pouvoir spécial, M. [N] [M] muni d’un pouvoir spécial

ET :

DEFENDEUR(S) :

Mme [G] [V]
[Adresse 6]
[Localité 10]
non comparante, ni représentée

[14]
[Localité 8]
non comparante, ni représentée

[13]
Chez [16]
[Adresse 4]
non comparante, ni représentée

[11]
Chez [18]
[Adresse 3]
non comparante, ni représentée

[12]
[Adresse 15]
[Adresse 5]
non comparante, ni représentée

A l’audience du 05 Novembre 2024, le Tribunal a entendu les parties et mis l’affaire en délibéré au 06 Janvier 2025.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant déclaration enregistrée au secrétariat, Madame [G] [V] a saisi la commission de surendettement des particuliers des Yvelines aux fins d’ouverture d’une procédure de traitement de sa situation de surendettement.

Le 19 janvier 2024, la commission a déclaré la demande recevable.

Estimant la situation de Madame [G] [V] irrémédiablement compromise, la commission a imposé le 18 mars 2024 un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

La SCI [17], à qui cette décision a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 19 janvier 2024, a saisi le juge des contentieux de la protection de la chambre de proximité de Versailles, d’une contestation par courrier reçu le 5 février 2024.

Conformément aux dispositions de l’article R. 741-11 du code de la consommation, Madame [G] [V] et ses créanciers ont été convoqués à l’audience du 5 novembre 2024, par lettre recommandée avec avis de réception.

A l’audience, la SCI [17] expose que Madame [V] ne paie toujours pas les loyers, qu’elle a déclaré vivre seule dans le cadre de la procédure de surendettement, alors qu’elle vit avec son compagnon depuis plusieurs années, Monsieur [D] [W], dont le nom serait présent sur la boite aux lettres.

A l’audience, Madame [G] [V] ne comparait pas.

A l’issue des débats, la décision est mise en délibéré au 6 janvier 2025.

Une note en délibéré sous 8 jours a été autorisée, afin de permettre à la SCI [17] de communiquer les pièces de nature à démontrer que Madame [V] ne vit pas seule dans son logement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la contestation

Selon l’article R. 741-1 du code de la consommation, lorsque la commission impose un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, cette décision est notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Cette lettre indique que la décision peut être contestée par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au secrétariat de la commission dans un délai de trente jours à compter de sa notification.

La contestation formée par la société SCI [17], exercée dans le délai précité, sera déclarée recevable.

Sur le traitement de la situation de surendettement de Madame [V]

Aux termes de l’article L. 711-1 du code de la consommation, le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi. La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ou à l’engagement donné de cautionner ou acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société.

Il résulte des dispositions des articles L. 724-1 et L. 741-6 du code de la consommation que si l’examen de la demande de traitement de la situation de surendettement fait apparaître que le débiteur se trouve dans la situation irrémédiablement compromise caractérisée par l’impossibilité manifeste de mettre en œuvre les mesures de traitement prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 du code de la consommation et ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle, ou que l’actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale, le juge prononce un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. S’il constate que la situation du débiteur n’est pas irrémédiablement compromise, il renvoie le dossier à la commission.

La procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, procédure exceptionnelle et subsidiaire susceptible de donner lieu à un effacement des dettes du débiteur, implique de la part de ce dernier un minimum de participation et notamment la communication des éléments actualisés relatifs à sa situation financière et patrimoniale.

En l’absence de contestation sur la validité et le montant des créances, le montant du passif est fixé par référence à celui retenu par la commission, sous réserve des paiements éventuellement intervenus en cours de procédure.
Il résulte des articles L. 711-1 et L. 724-1 du code de la consommation, que la procédure de rétablissement personnel peut être ouverte à l’égard d’une personne de bonne foi se trouvant dans une situation irrémédiablement compromise, laquelle est caractérisée par l’impossibilité manifeste de mettre en œuvre les mesures de traitement prévues pour le surendettement.

Selon l’article L. 741-6, dernier alinéa du même code, si le juge, saisi d’une contestation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, constate que le requérant ne se trouve pas dans une situation irrémédiablement compromise au sens des dispositions susvisées, il renvoie le dossier à la commission.

La bonne foi se présume ; le juge apprécie souverainement l’absence de bonne foi du débiteur au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis au jour où il statue.

Pour apprécier la bonne foi, doivent être prises en compte les déclarations effectuées par l’emprunteur sur sa situation professionnelle, ses ressources, ses actifs, les emprunts déjà souscrits et l’état des règlements effectués ainsi que les autres crédits sollicités. Il y a également lieu de rechercher chez le débiteur, au travers des données de la cause et pendant le processus de formation de la situation de surendettement, l’élément intentionnel ressortissant à la connaissance qu’il ne pouvait manquer d’avoir de ce processus et à la volonté manifestée par lui non de l’arrêter mais au contraire de l’aggraver, en sachant pertinemment qu’à l’évidence il ne pourrait faire face à ses engagements.

Par ailleurs, les faits constitutifs de la mauvaise foi doivent être en rapport direct avec la situation de surendettement du débiteur. Le bénéfice des mesures de redressement peut être refusé au débiteur qui, en fraude des droits de ses créanciers, a organisé ou aggravé son insolvabilité, notamment en augmentant son endettement par ses dépenses ou un appel répété aux moyens de crédit dans une proportion telle au regard de ses ressources disponibles que ce comportement caractérise le risque consciemment pris de ne pas pouvoir exécuter ses engagements ou la volonté de ne pas les exécuter.

En outre, le juge peut vérifier la bonne foi et le comportement du débiteur, tant sur une analyse de la bonne foi procédurale, au jour du dépôt du dossier de surendettement, que sur une analyse de bonne foi contractuelle au jour où les engagements financiers litigieux sont octroyés.

En cours de procédure, l’absence de bonne foi peut se déduire du comportement du débiteur, à l’instar de la mauvaise volonté manifestée par lui pour restreindre ses dépenses.

En l’espèce, la SCI [17] invoque la mauvaise foi du débiteur.

La bonne foi du débiteur se présumant, il appartient au créancier de renverser cette présomption.

A cette fin, la société SCI [17] indique que Madame [V] ne verse plus les loyers depuis mars, et produit aux débats :
-deux photographies de la boite aux lettres de Madame [V] datées du 19 mars 2024 et du 6 novembre 2024 portant, adossé à son nom, le nom de Monsieur [W] [D].

En l’espèce, il résulte des éléments qui précèdent et de la déclaration de Madame [V] dans son dossier déposé qu’elle n’a pas déclaré vivre avec Monsieur [D], alors que ce dernier dispose éventuellement de ressources, dissimulant ainsi sa situation financière dans son entièreté. Par ailleurs, il résulte des éléments produits que Madame [V] ne paie toujours pas les charges courantes et son loyer, sa dette locative ayant augmentée, alors que ses autres créances sont suspendus.

Ces éléments caractérisent sa mauvaise foi dans le cadre de la présente procédure, la rendant irrecevable au traitement de la présente procédure de surendettement.

Madame [V] pourra si elle le souhaite déposer un nouveau dossier, devant la commission, en communiquant clairement et entièrement sur sa situation familiale et financière, et en respectant les termes de la procédure (paiement des charges courantes et du loyer).

L’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, à défaut de partie perdante au sens des dispositions susvisées, il convient de prévoir que chacune des parties doit supporter les dépens qu’elle aura engagés dans le cadre de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

Le juge, statuant publiquement, par mise à disposition du jugement au greffe à la date indiquée à l’issue des débats en audience publique en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, par jugement réputé contradictoire et rendu en premier ressort,

DIT recevable en la forme le recours formé par la SCI [17] à l’encontre de la décision de la commission de surendettement des particuliers des Yvelines en date du 18 mars 2024 ;

DECLARE la demande de Madame [G] [V] en surendettement déposée le irrecevable pour absence de bonne foi;

LAISSE à la charge de chacune des parties les dépens qu’elle aura engagés dans le cadre de la présente instance ;

DIT que la décision sera notifiée par lettre recommandée avec avis de réception à Madame [G] [V] et ses créanciers, et par lettre simple à la commission de surendettement des particuliers des Yvelines ;

Ainsi jugé et prononcé à Versailles, le 6 janvier 2025,

LE GREFFIER LE JUGE


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