Contrainte et contestation : enjeux de la preuve et des obligations fiscales.

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Contrainte et contestation : enjeux de la preuve et des obligations fiscales.

L’Essentiel : Madame [F] [C] a contesté une contrainte de 505,85 € établie par la CIPAV, signifiée par l’URSSAF, en raison de cotisations impayées pour 2021. Elle a soutenu sa situation financière précaire, étant radiée de son activité de travailleur indépendant. Cependant, le tribunal a validé la contrainte, estimant que Madame [C] n’avait pas prouvé que les sommes étaient indûment réclamées. En conséquence, elle a été condamnée à payer les frais de signification et les dépens, tout en étant encouragée à négocier des délais de paiement avec l’URSSAF. La décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Contexte de l’affaire

Madame [F] [C] a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre par courrier recommandé le 8 août 2022 pour former opposition à une contrainte établie le 9 juin 2022 par le directeur de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV). Cette contrainte, signifiée le 25 juillet 2022, s’élevait à 505,85 € pour des cotisations et des majorations de retard concernant l’année 2021.

Demande de l’URSSAF

L’Union de Recouvrement de Cotisations de Sécurité Sociale et Allocations Familiales d’Île-de-France (URSSAF), successeur de la CIPAV, a demandé au tribunal de débouter Madame [C] de son opposition, de valider la contrainte pour le montant total de 505,85 €, et de la condamner à verser une indemnité de 500 € ainsi qu’à payer les frais engagés pour le recouvrement de la créance.

Arguments de la défenderesse

En défense, Madame [F] [C] a fait valoir qu’elle avait été radiée de son activité de travailleur indépendant le 29 octobre 2021 et qu’elle ne pouvait pas régler les sommes demandées en raison de ses faibles revenus.

Délibération et décision du tribunal

Après les débats, l’affaire a été mise en délibéré pour une décision prévue le 7 janvier 2025. Le tribunal a examiné le bien-fondé de la contrainte et a noté que Madame [C] n’avait pas prouvé que les sommes réclamées n’étaient pas dues, validant ainsi la contrainte pour le montant de 505,85 €.

Frais d’exécution et dépens

Le tribunal a statué que les frais de signification de la contrainte, d’un montant de 42,40 €, seraient à la charge de Madame [C], puisque son opposition n’était pas fondée. Les dépens ont également été mis à sa charge, conformément aux dispositions légales.

Conclusion de la décision

Le tribunal a validé la contrainte établie par l’URSSAF, a condamné Madame [C] à payer les frais de signification et les dépens, tout en lui rappelant qu’elle devait négocier directement avec l’URSSAF pour d’éventuels délais de paiement. La décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la contrainte établie par l’URSSAF ?

La contrainte établie par l’URSSAF repose sur l’article R133-3 du code de la sécurité sociale, qui précise les conditions de mise en œuvre de cette procédure.

Cet article stipule que :

« Si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L161-1-5 ou L244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. »

La contrainte doit être notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice.

Il est également précisé que :

« La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. »

Cette procédure vise à garantir le recouvrement des créances dues, notamment en matière de cotisations sociales.

Quelles sont les conséquences de la radiation de l’activité de Madame [C] sur la contrainte ?

La radiation de l’activité de Madame [C] a des implications sur la validité de la contrainte, mais ne l’annule pas nécessairement.

En effet, l’URSSAF a reconnu que Madame [C] avait été radiée le 29 octobre 2021, mais cette radiation n’a d’effet qu’à partir du premier jour du trimestre civil suivant la date de fin de l’activité libérale.

Cela signifie que les cotisations dues pour l’année 2021 restent exigibles, même après la radiation.

L’article R133-3 précise que :

« Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié. »

Madame [C] doit donc prouver que les sommes réclamées ne sont pas dues, ce qu’elle n’a pas réussi à démontrer dans cette affaire.

Quels sont les frais à la charge de Madame [C] en cas d’opposition non fondée ?

Les frais de signification de la contrainte sont à la charge du débiteur lorsque l’opposition est jugée non fondée, conformément à l’article R133-6 du code de la sécurité sociale.

Cet article stipule que :

« Les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions de l’article R133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur, sauf lorsque l’opposition a été jugée fondée. »

Dans le cas présent, l’opposition de Madame [C] a été jugée non fondée, ce qui entraîne sa condamnation au paiement des frais de signification de la contrainte, s’élevant à 42,40 €.

Quelles sont les implications des frais irrépétibles dans cette affaire ?

Les frais irrépétibles, régis par l’article 700 du code de procédure civile, permettent à une partie de demander le remboursement des frais engagés pour la procédure.

Cependant, le tribunal a décidé de ne pas condamner Madame [C] sur ce fondement, en raison des circonstances de l’affaire.

L’article 700 précise que :

« Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans ce cas, le tribunal a estimé que l’équité commandait de ne pas imposer cette charge à Madame [C], malgré la décision de valider la contrainte.

Cela montre que le tribunal prend en compte la situation financière de la partie défenderesse avant de statuer sur les frais irrépétibles.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
07 Janvier 2025

N° RG 22/01413 – N° Portalis DB3R-W-B7G-XZKM

N° Minute : 24/01788

AFFAIRE

URSSAF ILE-DE-FRANCE (CIPAV)

C/

[F] [C]

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

URSSAF ILE-DE-FRANCE (CIPAV)
Venant aux droits de la CIPAV
Département Recouvrement Antériorité – [Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Me Stéphanie PAILLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0536

DEFENDERESSE

Madame [F] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Comparante

***

L’affaire a été débattue le 18 Novembre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Jean-Marie JOYEUX, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Hanene ARBAOUI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Gaëlle PUTHIER, Greffière.

JUGEMENT

Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par courrier recommandé du 8 août 2022, Madame [F] [C] a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre, spécialement désigné en application de l’article L211 16 du code de l’organisation judiciaire, aux fins de former opposition à la contrainte établie le 9 juin 2022 par le directeur de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse, et signifiée le 25 juillet 2022 pour un montant de 505,85 € au titre de cotisations et majorations de retard sur la période de l’année 2021.

Les parties ayant été régulièrement convoquées, l’affaire a été retenue à l’audience du 18 novembre 2024.

L’Union de Recouvrement de Cotisations de Sécurité Sociale et Allocations Familiales d’Île-de-France (URSSAF), venant aux droits de la CIPAV, demande au tribunal de :
– débouter Madame [C] de son opposition à contrainte ;
– valider la contrainte pour son montant total de 500,85 €, dont 477 € de cotisations et 23,85€ de majorations de retard ;
– condamner Madame [C] à lui verser une indemnité de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Madame [C] au paiement des frais engagés pour le recouvrement de la créance conformément aux articles R133-6 codes de la sécurité sociale et 8 du décret du 12 décembre 1996.

En défense, Madame [F] [C] se prévaut d’une radiation de son activité en tant que travailleur indépendant intervenue le 29 octobre 2021 et ajoute qu’elle n’est pas en mesure de régler les sommes demandées du fait de ses faibles revenus.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 7 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien-fondé de la contrainte

Aux termes de l’article R133-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2017-864 du 9 mai 2017 (dont les dispositions sont entrées en vigueur à compter du 11 mai 2017),  » si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L161-1-5 ou L244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

L’huissier de justice avise dans les huit jours l’organisme créancier de la date de signification.
Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l’étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l’organisme créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L’opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l’organisme créancier dans les huit jours de la réception de l’opposition.

La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire « .

Il appartient à l’opposant à la contrainte de démontrer le bien-fondé de son opposition.

En l’espèce, Madame [C] indique dans ses écritures que son activité de profession libérale a été officiellement radiée le 29 octobre 2021 alors que l’URSSAF ne lui a adressé une attestation de radiation que le 8 avril 2022.

L’URSSAF observe que Madame [C] a effectivement été radiée le 29 octobre 2021 et que cette radiation produit des effets à la fin de l’année 2021 (soit à partir du premier jour du trimestre civil suivant la date de fin de l’activité libérale).

En l’état de ces éléments, Madame [C] ne démontre pas que les sommes réclamées ne sont pas dues et il conviendra par suite de valider la contrainte établie le 9 juin 2022 pour le montant de 505,85 € au titre de cotisations et majorations de retard sur la période de l’année 2021, comme sollicité par la demanderesse.

Il convient de rappeler que la juridiction de céans n’est pas compétente pour accorder des délais de paiement et que cette compétence est dévolue au directeur de l’organisme en charge du recouvrement des cotisations. Il convient dès lors d’encourager Madame [C] à formaliser une demande en ce sens.

Sur les frais d’exécution

Aux termes de l’article R133-6 du code de la sécurité sociale, les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions de l’article R133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur, sauf lorsque l’opposition a été jugée fondée.

L’opposition n’étant pas fondée, les frais de signification de la contrainte du 9 juin 2022, dont il est justifié pour un montant de 42,40 €, seront donc mis à la charge de Madame [C].

Sur les dépens

Les dépens seront supportés par Madame [C], sur le fondement des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile applicable en vertu du paragraphe II de l’article R142-1-A du code de la sécurité sociale.

Sur les frais irrépétibles

En revanche, l’équité commande de ne pas condamner Madame [C] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE, statuant par décision contradictoire, rendue en dernier ressort,

VALIDE la contrainte établie le 9 juin 2022 par le directeur de la CIPAV, aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Île-de-France, à l’encontre de Madame [F] [C], pour un montant de 505,85 € au titre de cotisations et majorations de retard dues entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021 ;

CONDAMNE Madame [F] [C] au paiement des frais de signification de la contrainte du 9 juin 2022, d’un montant de 42,40 € ;

DIT qu’il appartiendra à Madame [F] [C] de négocier directement avec l’URSSAF d’Île-de-France d’éventuels délais de paiement ou remise de dette ;

RAPPELLE que la décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire et que tous les actes de procédure nécessaires à l’exécution de la contrainte, sont à la charge du débiteur;

CONDAMNE Madame [F] [C] au paiement des dépens ;

DÉBOUTE l’URSSAF de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Et le présent jugement est signé par Matthieu DANGLA, Vice-Président et par Gaëlle PUTHIER, Greffière, présents lors du prononcé.

LA GREFFIERE, LE PRÉSIDENT,


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